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06/05/2015 | FRANCE | N°13/03919

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, CinquiÈme chambre civile, 06 mai 2015, 13/03919


COUR D'APPEL DE BORDEAUX
CINQUIÈME CHAMBRE CIVILE
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ARRÊT DU : 06 mai 2015

(Rédacteur : Madame Henriette FILHOUSE, Président,)
No de rôle : 13/ 3919
Monsieur Florian X...Mutuelle AREAS DOMMAGES

c/
Mademoiselle Amandine Y...Madame Catherine Z...épouse Y...Monsieur Bruno Y...

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :
aux avocatsDécision déférée à la Cour : jugement rendu le 24 avril 2013 par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX (Chambre 6, RG 12/ 02206) suivant déclaration d'app

el du 26 juin 2013,
APPELANTS :
Monsieur Florian X..., de nationalité Française, demeurant ...,
Mutuelle AR...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX
CINQUIÈME CHAMBRE CIVILE
--------------------------

ARRÊT DU : 06 mai 2015

(Rédacteur : Madame Henriette FILHOUSE, Président,)
No de rôle : 13/ 3919
Monsieur Florian X...Mutuelle AREAS DOMMAGES

c/
Mademoiselle Amandine Y...Madame Catherine Z...épouse Y...Monsieur Bruno Y...

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :
aux avocatsDécision déférée à la Cour : jugement rendu le 24 avril 2013 par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX (Chambre 6, RG 12/ 02206) suivant déclaration d'appel du 26 juin 2013,
APPELANTS :
Monsieur Florian X..., de nationalité Française, demeurant ...,
Mutuelle AREAS DOMMAGES, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social 49 rue de Miromesnil-75380 PARIS CEDEX 08,
représentés par Maître Bénédicte DE BOUSSAC DI PACE, avocat au barreau de BORDEAUX,
INTIMÉS :
Mademoiselle Amandine Y..., née le 21 Juillet 1992 à BEGLES (GIRONDE), de nationalité Française, demeurant ...,
Madame Catherine Z...épouse Y..., née le 05 Mai 1969 à TOULON (VAR), de nationalité Française, demeurant ...,
Monsieur Bruno Y..., né le 01 Septembre 1967 à BORDEAUX (GIRONDE), de nationalité Française, demeurant ...
représentés par Maître Michel PUYBARAUD de la SCP MICHEL PUYBARAUD, avocat postulant, et assisté de Maître Marie-hélène LAPALUS-DIGNAC de la SELARL MARIE-HÉLÈNE LAPALUS-DIGNAC, avocat plaidant, au barreau de BORDEAUX,
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 11 mars 2015 en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Henriette FILHOUSE, Président, Monsieur Bernard ORS, Conseiller, Madame Béatrice SALLABERRY, Conseiller, qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Sylvie HAYET
ARRÊT :
- contradictoire-prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

***

Le 25 février 2009, Amandine Y...et Florian X...étaient engagés dans un match de football amical hors la présence de tout arbitre. Madame Y...occupait le poste de gardien. Madame Y...sortait de sa cage de buts pour dégager le ballon envoyé par monsieur X...et les deux joueurs se sont percutés. Madame Y...a été blessée.

Le Juge des Référés, par ordonnance du 7 mars 2011, après avoir estimé que la faute de monsieur X...n'était pas sérieusement contestable a accordé une provision de 3. 000 ¿ et désigné le docteur A...afin de procéder à une expertise médicale de madame Y....
Le rapport a été déposé le 28 septembre 2011.
Sur assignation de madame Y...et de ses parents à monsieur X...et son assureur, la société AREAS DOMMAGES, le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX, par jugement du 24 avril 2013 a-déclaré monsieur X...entièrement responsable du préjudice subi par Amandine Y...,- fixé le préjudice à la somme totale de 160. 664, 16 ¿ comme suit * Dépenses de Santé Actuelles : 73. 015, 20 ¿ * préjudice scolaire : 9. 000, 00 ¿ * frais divers : 3. 467, 20 ¿ * incidence professionnelle : 20. 000, 00 ¿ * déficit fonctionnel temporaire : 6. 281, 76 ¿ * déficit fonctionnel permanent : 15. 900, 00 ¿ * souffrances endurées : 10. 000, 00 ¿ * préjudice esthétique : 3. 000, 00 ¿ * préjudice d'agrément : 20. 000, 00 ¿- fixé la créance de la CAISSE PRIMAIRE D ASSURANCE MALADIE à 72. 685, 20 ¿- condamné in solidum monsieur X...et la société AREAS DOMMAGES à payer la somme de 84. 978, 96 ¿ déduction faite de la créance de la CPAM et de la provision,- condamné in solidum monsieur X...et la société AREAS DOMMAGES à payer à la CPAM de la Gironde la somme de 72. 685, 20 ¿- condamné in solidum monsieur X...et la société AREAS DOMMAGES à payer à Catherine Y..., la mère, la somme de 138, 80 ¿ au titre de sa perte de revenus et aux époux Y...la somme de 500 ¿ au titre de frais divers-condamné in solidum monsieur X...et la société AREAS DOMMAGES à payer aux consorts Y...la somme de 1. 800 ¿ sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile, la somme de 997 ¿ au titre de l'indemnité de gestion et 300 ¿ sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile à la CPAM, outre les entiers dépens.

Le tribunal se référant aux " lois du football " a estimé que monsieur X..." devait " courir à pleine vitesse, qu'il a envoyé le ballon un peu trop loin, en a perdu la maîtrise et que sa charge a été fautive par excès d'engagement dès lors qu'il n'avait pas pris en compte l'action défensive engagée par madame Y.... Il a écarté toute faute de la victime estimant d'une part que le fait d'avoir été dispensée jusqu'au jour du match de sport ne pouvait à lui seul établir un lien de causalité avec ce fait et le dommage, d'autre part, que les lois du football n'interdisaient pas à un gardien de sortir de sa cage pour la défendre.

Le 26 juin 2013, la société AREAS DOMMAGES et monsieur X...ont relevé appel de cette décision à l'encontre des consorts Y...
L'instruction de l'affaire a été clôturée le 25 février 2012.
En ses dernières écritures du 15 janvier 2014, auxquelles il sera référé pour complet exposé, les appelants ont conclu à l'infirmation de la décision,- au dire qu'il n'est rapporté aucune preuve d'une faute, et au rejet de l'ensemble des demandes,- subsidiairement, au dire que madame Y...a commis une faute et au partage de responsabilité à hauteur de 50 % chacun, à la réduction des sommes allouées, à la condamnation des intimés à leur verser la somme de 3. 000 ¿ sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'aux dépens.

Ils estiment que c'est à tort que le Tribunal a déclaré Florian X...entièrement responsable du préjudice subi par Amandine Y...au motif qu'il aurait « chargé » cette dernière de manière fautive « par excès d'engagement », ayant fait une lecture parcellaire des témoignages produits aux débats qui démontrent pourtant que la demoiselle Amandine Y...est sortie de ses buts pour s'élancer vers Florian X...qui arrivait, balle au pied, pour marquer un but et que c'est dans le feu de l'action qu'ils se sont télescopés, ce dernier n'ayant en aucune façon fait preuve d'agressivité ou de déloyauté. Il conteste avoir enfreint une règle de jeu et avoir dépassé le cadre normal d'une action de jeu et de l'engagement physique inhérents à un sport collectif tel que le football et donc avoir commis une faute sportive. Il fait valoir que la définition de l'expression « charger l'adversaire » donnée par les lois du football et reprise par le Tribunal suppose de conquérir de l'espace par un contact physique « à distance de jeu du ballon » et qu'en l'espèce, il ne se trouvait pas à distance de jeu du ballon puisqu'il est établi qu'il avait le ballon au pied et s'avançait pour marquer le but, qu'aucun témoin n'indique qu'il aurait fait usage de la force, a fortiori, de manière excessive. Subsidiairement, ils opposent la faute d'imprudence de la victime-qui a agi « sans précaution » en sortant des cages qu'elle défendait pour s'élancer vers Florian X...qui courait déjà vers elle alors qu'il était en possession du ballon pour marquer un but et qu'au moment où elle est entrée en collision avec elle, elle n'avait pas encore récupéré le ballon.- qui a joué ce match alors qu'elle était interdite de compétition, pour avoir déjà été victime d'un traumatisme du genou droit début 2009 ayant nécessité 10 séances de kinésithérapie, la dernière séance ayant eu lieu la veille de l'accident. Enfin, ils contestent l'évaluation faite par le tribunal des préjudices.

Les consorts Y..., en leurs dernières écritures du 20. 11. 2013 auxquelles il sera référé pour plus ample développement ont conclu à la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a déclaré monsieur X...seul responsable des dommages subis, et forment appel incident sur certains postes de préjudices (frais divers, aide à tiers personne, préjudice scolaire, incidence professionnelle, déficit fonctionnel temporaire, souffrances endurées, déficit fonctionnel permanent, préjudice esthétique préjudice d'agrément).
Pour caractériser la faute de monsieur X...comme un geste brutal et imprudent par excès d'engagement, contraire à la règle no12 des lois du football, madame Y...invoque les témoignages de monsieur B...et C.... Elle fait valoir qu'il a commis une faute en voulant marquer à tout prix au risque de la mettre en danger alors qu'il s'agissait d'une rencontre amicale. Elle soutient n'avoir commis aucune faute de jeu et qu'au jour du match son état en lien avec un précédent traumatisme était consolidé.

SUR QUOI

Sur la responsabilité des dommages subis
Les intimés ont fondé leur action sur les articles 1382 et 1383 du Code Civil. Ils doivent dès lors faire la preuve d'une faute, d'un préjudice et du lien de causalité entre cette faute et le dommage.

Nul ne conteste l'existence d'un dommage et de son lien de causalité avec le fait que les deux joueurs se sont percutés en pleine phase de jeu.
Nul ne conteste non plus que la faute sportive s'analyse comme une faute caractérisée par une violation d'une règle de jeu
Madame Y...considère que monsieur X...a violé la règle de jeu no 12 par excès d'engagement
En l'absence d'arbitre, s'agissant d'un match amical organisé spontanément entre plusieurs jeunes, la Cour à l'instar du tribunal ne peut se référer qu'aux témoignages produits.
Selon Monsieur B...Simon, Monsieur X...et madame Y..." se sont percutés violemment ". Il poursuit : " Florian en poussant son ballon trop vers l'avant n'a pas su maîtriser sa vitesse. De ce fait Amandine en voulant protéger ses cages s'est élancée pour récupérer le ballon. La rencontre a été violente dû au choc ainsi que Florian ont été éjecté. Leur réception leur ont fait perdre connaissance. Nous avons accouru vers Amandine qui hurlait de douleur... "
Mathieu C...décrit la scène comme suit : " Florian a eu le ballon et s'est élancé du milieu du terrain en courant pour aller marquer. J'étais situé à 3 mètres à peine d'Amandine quand je l'ai vus s'avancer pour protéger ses cages. C'est à ce moment là que X...Florian lui est rentré dedans, a voler dans les airs du à l'impact et a perdu connaissance durant 5 mn. Amandine est également partit de son côté violemment et c'est en retombant que sa jambe s'est retrouvée à 90o "

Monsieur et madame D...expliquent : " Au cour du match, monsieur X...Florian a envoyer le ballon trop près de mademoiselle Y...Amandine. Elle ses précipité à vouloir récupéré ce ballon et dans leurs élan se sont percuté avec violence "

E...(mineur sous couvert de ses parents) dit : " monsieur X...qui courrait pour marquer un but c'est avancé devant Amandine. Elle tenant le poste de gardien, c'est avancée aussi pour défendre ces caisses. Quand tous les deux se sont télescopés accidentellement, mais violemment "

Adrien F...(mineur sous couvert de ses parents) précise "... quand tout à coup Amandine et un garçon se sont télescopés pour attraper le ballon au pied... "

Madame Y...reproche à Monsieur X...de l'avoir chargée par excès d'engagement et se réfère aux définitions du règlement FIFA suivantes : Charger l'adversaire consiste à essayer de conquérir de l'espace par contact physique à distance de jeu du ballon, sans faire usage de ses bras ni de ses coudes. Charger l'adversaire est une faute si l'action s'accompagne d'imprudence, de témérité, d'excès d'engagement. Par « imprudence » on entend l'attitude d'un joueur qui charge un adversaire sans attention ni égard, ou qui agit sans précaution. Par « témérité » on entend l'attitude d'un joueur qui agit en ne tenant aucunement compte du caractère dangereux ou des conséquences de son acte pour son adversaire. Par « excès d'engagement » on entend l'attitude d'un joueur qui fait un usage excessif de la force au risque de blesser son adversaire.

En l'espèce, les témoins, décrivent avec leurs mots une action de jeu au cours de laquelle-Monsieur X..., le ballon au pied, même si celui ci était lancé un peu trop loin l'obligeant à assurer une grande vitesse de jeu pour en garder la maîtrise, en direction de la cage de but adverse, non caractéristique d'un excès d'engagement, ni même en elle-même porteuse de danger dans un contexte de jeu-la sortie de Madame Y...de sa cage de but pour tenter de ravir le ballon au pied, non contraire aux règles du football mais subite-une collision violente entre ces deux joueurs

Il ne résulte pas de cette scène que Monsieur X...ait perdu le contrôle du ballon et ait chargé Madame Y...dans cette hypothèse pour l'empêcher de récupérer le ballon
Il n'est pas démontré que Monsieur X...aurait violé une règle dans son approche des buts et en cela aurait commis une faute autre pouvant expliquer la collision violente des deux joueurs
Il ressort des témoignages que le dommage trouve son origine dans l'intempestivité, certes autorisée, de la sortie de Madame Y...de sa cage de but pour contrer une attaque certes fougueuse mais tout aussi régulière de Monsieur X....
En conséquence, le tribunal sera infirmé, les consorts Y...seront déboutés de leurs demandes
Sur les demandes annexes :
L'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile à hauteur de 3. 000 ¿
Les dépens de première instance et en cause d'appel doivent être mis à la charge des consorts Y...

PAR CES MOTIFS la cour

Déclare l'appel recevable,
Constate que l'appel n'est dirigé qu'à l'encontre des consorts Y...à l'exclusion de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie,
Statuant dans les limites de l'appel,
Infirme la décision déférée,
Dit qu'il n'est pas rapporté la preuve d'une faute à l'encontre de Monsieur X...à l'origine du dommage subi par Amandine Y...,
Déboute les consorts Y...de leurs demandes,
Condamne les consorts Y...à verser aux appelants la somme de 3. 000 ¿ sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
Condamne les consorts Y...aux entiers dépens de première instance et en cause d'appel.

Le présent arrêt a été signé par Henriette Filhouse, Présidente, et par Sylvie Hayet, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier Le Président

S. Hayet H. Filhouse


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : CinquiÈme chambre civile
Numéro d'arrêt : 13/03919
Date de la décision : 06/05/2015
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.bordeaux;arret;2015-05-06;13.03919 ?
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