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16/04/2015 | FRANCE | N°14/00293

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section b, 16 avril 2015, 14/00293


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION B



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ARRÊT DU : 16 AVRIL 2015

gtr

(Rédacteur : Madame Elisabeth LARSABAL, Présidente)



PRUD'HOMMES



N° de rôle : 14/00293

















SAS SAUR



c/



Monsieur [S] [U]





















Nature de la décision : AU FOND







Notifi

é par LRAR le :



LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :



La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d'huissier).



Certifié par le Greffier en Chef,



Grosse délivrée le :



à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 20 décembre...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION B

--------------------------

ARRÊT DU : 16 AVRIL 2015

gtr

(Rédacteur : Madame Elisabeth LARSABAL, Présidente)

PRUD'HOMMES

N° de rôle : 14/00293

SAS SAUR

c/

Monsieur [S] [U]

Nature de la décision : AU FOND

Notifié par LRAR le :

LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :

La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d'huissier).

Certifié par le Greffier en Chef,

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 20 décembre 2013 (R.G. n° F13/68) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ANGOULEME, Section Commerce, suivant déclaration d'appel du 14 janvier 2014,

APPELANTE :

SAS SAUR, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social

[Adresse 2]

représentée par Me Gérard CESBRON DE LISLE, avocat au barreau de TOURS

INTIMÉ :

Monsieur [S] [U]

né le [Date naissance 1] 1959 à ([Localité 1])

de nationalité Française, demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Maïa MEUNIER, avocat au barreau de LA ROCHELLE

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 04 mars 2015 en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Elisabeth LARSABAL, Présidente

Madame Catherine MAILHES, Conseillère

Madame Véronique LEBRETON, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Gwenaël TRIDON DE REY,

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

EXPOSE DU LITIGE

M. [S] [U] est entré au service de la société Saur le 5 janvier 1982 en qualité d'agent de secteur avec la classification 'ouvrier qualifié, échelon 3 - coefficient 185".

Après avoir occupé un emploi au sein de l'eau et de l'assainissement pendant 29 ans, M. [S] [U] a été engagé par la SAS SAUR le 1er avril 2011 en qualité de chargé d'études boues à [Localité 2] et a été placé sous la responsabilité hiérarchique de Mme [R]. Il était convenu entre les parties une période probatoire de 3 mois dans ses nouvelles fonctions.

Il percevait une rémunération mensuelle brute de 3.280,11 €.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 17 janvier 2012, M. [U] a été convoqué à un entretien préalable au licenciement fixé au 24 janvier 2012.

Le 19 janvier 2012, le médecin de M. [U] lui a établi un certificat d'arrêt de travail, prolongé par la suite jusqu'en novembre 2012.

Le 21 novembre 2012, le médecin du travail a établi un certificat d'inaptitude totale et définitive à tout poste en une seule visite pour danger immédiat.

Le 12 décembre 2012, la SAS Saur a convoqué M. [U] à un entretien préalable au licenciement fixé au 8 janvier 2013.

Le 11 janvier 2013, la SAS SAUR a notifié à M. [U] son licenciement pour inaptitude.

Contestant cette décision, M. [U] a saisi le conseil de Prud'hommes d'Angoulême (section industrie) le 11 mars 2013 aux fins de juger que la SAS Saur a violé son obligation de reclassement et obtenir une indemnité compensatrice de préavis (ainsi que les congés payés afférents), une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et des dommages et intérêts en réparation du préjudice moral causé par la société.

Par jugement du 20 décembre 2013, le conseil de Prud'hommes d'Angoulême a:

jugé que la SAS Saur, prise en la personne de son représentant légal, a eu un comportement fautif dans l'exécution du contrat de travail à compter du 1er avril 2011 pour - et uniquement pour - avoir manqué à son obligation d'adaptation de M. [U] à son poste de travail, telle qu'elle résulte de l'article L.6321-1 du code du travail,

condamné en conséquence la SAS Saur, prise en la personne de son représentant légal, à verser à M. [U] la somme de 20.000 € nets à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral.

Pour le surplus des demandes, le conseil de Prud'hommes a renvoyé les parties à l'audience de départage du 31 janvier 2014.

Par jugement de départage en date du 28 février 2014, le conseil de Prud'hommes d'Angoulême a :

constaté le dessaisissement du

conseil de Prud'hommes d'Angoulême au profit de la cour d'appel de Bordeaux,

ordonné la transmission du dossier au greffe de la cour d'appel de Bordeaux,

réservé les dépens.

La SAS Saur a régulièrement interjeté appel de la décision le 15 janvier 2014. M. [U] forme un appel incident et demande l'évocation de l'entier litige.

L'audience avait été fixée au 18 juin 2014 et a été renvoyée au 4 mars 2015 à la demande des parties.

Par conclusions responsives déposées au greffe le 26 février 2015 et développées oralement à l'audience, la SAS Saur sollicite de la Cour qu'elle :

infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

déboute M. [U] de ses demandes,

condamne M. [U] à verser à la société Saur la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

La SAS Saur fait valoir les moyens suivants :

* La société Saur lui a proposé un reclassement dans la zone géographique dans laquelle se situe son domicile et à un poste identique mais avec un autre supérieur hiérarchique, poste qu'il a refusé. Dès lors, la société Saur a rempli son obligation de reclassement à l'égard du salarié qui a refusé le poste qui lui était proposé. De plus, ses demandes à ce titre ne sont pas raisonnables car elles correspondent à plus de 5 ans de salaire alors que la loi prévoit un plafond de 6 mois.

* M. [U] a bénéficié de la même formation que tous les salariés intégrant le service boues et il a essentiellement fait preuve d'un manque de rigueur général, ayant conduit à son entretien préalable qui n'aurait pas débouché sur un licenciement mais sur un avertissement. Ainsi, son manque de volonté quant à une meilleure adaptation au poste justifie qu'il ne puisse être fait droit à ses demandes pour exécution déloyale du contrat de travail.

Par conclusions récapitulatives déposées au greffe le 13 février 2015 et développées oralement à l'audience, M. [U] sollicite de la Cour qu'elle :

infirme partiellement le jugement entrepris,

juge que la SAS Saur a eu un comportement fautif et déloyal à son égard dans l'exécution du contrat de travail à compter du 1er avril 2011, non seulement pour avoir manqué à son obligation d'adaptation à l'égard du salarié mais également pour avoir exercé sur lui une pression excessive dès sa prise de nouvelles fonctions et n'avoir jamais cherché de réelles solutions aux difficultés dénoncées le 13 avril 2012,

condamne la SAS Saur à lui verser une somme de 80.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral qu'elle lui a causé,

juge que la SAS Saur a violé son obligation de reclassement telle que prévue par l'article L.1226-2 du code du travail,

juge sans cause réelle et sérieuse le licenciement que la SAS Saur lui a notifié le 11 janvier 2013 pour inaptitude physique,

condamne la SAS Saur à lui verser une indemnité compensatrice de préavis d'un montant de 6.126 € bruts, outre 612,60 € au titre des congés payés afférents,

condamne la SAS Saur à lui verser une indemnité de 220.000 € pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

déboute la SAS Saur de toutes ses demandes, fins et conclusions,

condamne la SAS Saur à lui verser une indemnité de 8.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

M. [U] fait valoir les moyens suivants :

* Dès réception de l'avis d'inaptitude le 21 novembre 2012, la SAS Saur était tenue de rechercher un reclassement ; or, elle n'a proposé un nouveau poste que le jour de l'entretien préalable le 8 janvier 2013, sans lui octroyer un délai de réflexion raisonnable car la société lui a notifié son licenciement 3 jours après cette proposition. De plus, elle n'a pas consulté le médecin du travail pour obtenir des propositions de reclassement et lui a proposé exactement le même poste ; ce manquement prive le licenciement de toute cause réelle et sérieuse et rend la rupture imputable à l'employeur, obligeant ce dernier à payer une indemnité compensatrice de préavis et des dommages et intérêts pour licenciement abusif.

* L'employeur ne l'a pas formé à l'exécution de son nouveau poste de travail en avril 2011 et il a exercé des pressions sur lui, malgré 31 années de travail au sein de la même entreprise, ce qui démontre une exécution fautive du contrat de travail de nature à justifier l'octroi de dommages et intérêts à ce titre.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens, et des prétentions et de l'argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures déposées, oralement reprises.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur le licenciement

Il convient de statuer sur ce chef de litige qui a fait l'objet d'une départition , le juge départiteur s'étant dessaisi au profit de la cour par le jugement du 28 février 2014 , les parties acceptant d'être privées du double degré de juridiction.

L'article L1226-2 du code du travail dispose que lorsqu'à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à un accident ou une maladie non professionnelle, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités. Cette proposition prend en compte les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise, et l'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail.

En l'espèce, il apparaît que la société SAUR a satisfait à l'obligation de moyens qui lui incombe en cette matière, dès lors que :

- elle a saisi le 12 décembre 2012 toutes ses directions, agences et filiales d'une recherche de reclassement personnalisée de M. [U] et qu'il a été répondu négativement à cette demande

- qu'elle a proposé à M. [U] un poste de chargé boues pour lequel il n'aurait plus été sous la responsabilité hiérarchique de Mme [R] à l'égard de laquelle il avait tardivement formulé des griefs, et avec un nouveau logiciel pour lequel il aurait eu une formation, et ce sur la même zone qu'antérieurement, ce qui répondait aux critiques de M. [U] ; M. [U] avait été informé dès la lettre du 7 juin 2012 de la directrice des ressources humaines du départ de Mme [R] et du nouveau logiciel, en réponse à sa lettre du 13 avril 2012 et l'employeur faisait part de son souhait de le voir revenir sur ces bases

- que M. [U] a expressément refusé ce poste lors de l'entretien préalable au licenciement du 8 janvier 2013 dont il a signé le compte rendu, étant précisé qu'il était assisté lors de cet entretien, de même que tout poste de reclassement au sein de la société SAUR et de ses filiales et de toute mobilité.

M. [U] sera débouté de sa demande à ce titre et de sa demande de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'indemnité de préavis.

Il sera ajouté de ce chef au jugement déféré.

Sur la demande de dommages intérêts pour l'exécution de mauvaise foi du contrat de travail

C'est par des motifs complets et pertinents qui ne sont pas remis en cause par les débats en appel et que la cour adopte que le premier juge, tout en écartant d'autres manquements, a caractérisé les manquements de l'employeur dans l'obligation d'adaptation de M. [U] à son poste qui était, nonobstant sa connaissance de l'entreprise du fait de son ancienneté, radicalement différent de celui-ci qu'il exerçait auparavant.

La société SAUR se devait d'autant plus d'être vigilante à cet égard que la dernière évaluation de M. [U] mentionnait des difficultés et un déficit d'implication qui sont pour partie à l'origine de son changement de poste, qu'il souhaitait aussi pour des raisons géographiques, et alors que par sa progression de carrière depuis 1982, date de son entrée à la société à l'âge de 22 ans, M. [U] avait manifesté ses capacités d'adaptation et de progression ; de plus il se trouvait isolé en Charente sur un site nouveau pour lui, alors qu'il était avant dans les Deux-sèvres, et loin du siège situé à [Localité 3].

Il était certes prévu une phase d'adaptation de trois mois, à l'issue de laquelle il n'a d'ailleurs pas été fait de bilan, et une formation sur plusieurs jours ; cependant celle-ci n'était pas globale et complète avant la prise de fonctions, mais en plusieurs fois sur de courts modules, sans appréhension globale préalable du métier, la présence pendant une semaine dans le même bureau de sa prédecesseure ne pouvant y suffire, pas davantage qu'une 'hot line' destinée à aider à distance à résoudre les problèmes rencontrés, ce qui ne compense pas une insuffisance de formation initiale.

La comparaison avec les autres salariés du service boue n'est pas probante notamment dans la mesure où l'un d'eux avait une maîtrise de géologie, soit un niveau études supérieures et un diplôme dans une matière scientifique.

Pour le surplus le ton des mails adressés par Mme [R] à M. [U] n'excède pas ce qu'un supérieur hiérarchique est en droit d'adresser à un subordonné sur des matières très techniques, s'agissant de rappels, de demandes de rapport ou de suivi, de difficultés de rédaction récurrentes, mais sur un ton courtois quoique bref et terminés par une formule de politesse («cordialement »), et de rappels de remarques insuffisamment prises en considération, notamment au niveau rédactionnel, avec la proposition de l'appeler s'il avait besoin d'explications sur ses remarques, et ce d'octobre 2011 à janvier 2012 sans que M. [U] semble progresser de façon significative.

Il est notable que M. [U] n'a fait part de ses difficultés que par lettre du 13 avril 2012, alors qu'il était en arrêt de travail depuis le19 janvier 2012 après sa convocation à un entretien préalable par lettre du 16 janvier 2012 et non antérieurement ou concomitamment à cet arrêt de travail.

Cette convocation peut en elle -même être analysée par sa soudaineté en l'absence de tout entretien de recadrage préalable comme de nature à déstabiliser le salarié quand bien même l'entretien préalable n'aurait pas nécessairement débouché sur un licenciement si M. [U] avait exposé ses difficultés, alors en outre qu'il semble que cet entretien ne résultait pas d'une initiative de Mme [R], qui se trouvait avec lui le 16 janvier 2012, jour d'envoi de la convocation et qui lui a dit ne pas en être informée, souhaitant seulement une réunion avec la direction des ressources humaines.

Le jugement sera confirmé de ce chef, en ce compris le montant des dommages intérêts dont le conseil de prud'hommes a fait une appréciation pertinente, au regard des manquements retenus et de leur lien avec l'état dépressif à l'origine du licenciement pour inaptitude.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

La société SAUR dont les prétentions sont pour partie rejetées, supportera la charge des dépens, sera déboutée de sa demande en application de l'article 700 du code de procédure civile et sera condamnée à payer à M. [U], également partiellement débouté, à qui il serait inéquitable de laisser la charge de la totalité de ses frais irrépétibles, une somme de 1300€ en application de même article.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré ;

Evoquant et y ajoutant, déboute M. [U] de ses demandes relatives au licenciement ;

Condamne la société SAUR à payer à M. [U] une somme de 1300 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société SAUR aux dépens.

Signé par Madame Elisabeth LARSABAL, Présidente, et par Gwenaël TRIDON DE REY, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

G. TRIDON DE REY Elisabeth LARSABAL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section b
Numéro d'arrêt : 14/00293
Date de la décision : 16/04/2015

Références :

Cour d'appel de Bordeaux 4B, arrêt n°14/00293 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-04-16;14.00293 ?
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