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16/04/2015 | FRANCE | N°13/00172

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section b, 16 avril 2015, 13/00172


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION B



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ARRÊT DU : 16 AVRIL 2015

gtr

(Rédacteur : Madame Véronique LEBRETON, Conseillère)



PRUD'HOMMES



N° de rôle : 13/00172

















SNC LIDL



c/



Mademoiselle [X] [M]





















Nature de la décision : AU FOND







Notifié par LRAR le :



LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :



La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d'huissier).



Certifié par le Greffier en Chef,



Grosse délivrée le :



à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 04 déc...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION B

--------------------------

ARRÊT DU : 16 AVRIL 2015

gtr

(Rédacteur : Madame Véronique LEBRETON, Conseillère)

PRUD'HOMMES

N° de rôle : 13/00172

SNC LIDL

c/

Mademoiselle [X] [M]

Nature de la décision : AU FOND

Notifié par LRAR le :

LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :

La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d'huissier).

Certifié par le Greffier en Chef,

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 04 décembre 2012 (R.G. n° F11/01552) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BORDEAUX, Section Commerce, suivant déclaration d'appel du 10 janvier 2013,

APPELANTE :

SNC LIDL, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social

[Adresse 2]

N° SIRET : 343 262 622

représentée par Me Jean-Baptiste ROBERT-DESPOUY, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉE :

Mademoiselle [X] [M]

née le [Date naissance 1] 1986 à [Localité 4]

de nationalité Française

demeurant [Adresse 1]

représentée par Monsieur [U] [P], défenseur syndical du syndicat UNSA LIDL, muni d'un pouvoir régulier

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 04 mars 2015 en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Elisabeth LARSABAL, Présidente

Madame Catherine MAILHES, Conseillère

Madame Véronique LEBRETON, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Gwenaël TRIDON DE REY,

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

EXPOSE DU LITIGE

Mme [X] [M] a été engagée par la société SNC Lidl au poste de caissière employée libre service ELS, niveau 2 au magasin de [Localité 1] [Établissement 1] suivant contrat à durée déterminée à temps partiel de 28 heures par semaine en date du 23 novembre 2009, la convention collective applicable étant la convention collective nationale decommerce de détail et de gros à prédominance alimentaire.

Le 1er mars 2010, Mme [M] a vu son contrat modifié en contrat à durée indéterminée au poste de caissière niveau 2, toujours en temps partiel de 28 heures par semaine pour un salaire moyen de 1.196 €.

Le 19 mai 2011, Mme [M] a saisi le conseil des prud'hommes de Bordeaux d'une demande de rappel de salaires pour temps complet et de paiement des temps de pause. Elle s'est trouvée concomitament en arrêt de travail.

Mme [M] a été déclarée inapte par un premier certificat médical le 3 octobre 2011, puis inapte définitivement à son poste le 21 octobre 2011 mais apte à un poste similaire dans un environnement différent.

Elle a reçu des propositions de reclassement par courrier en date du 5 janvier 2012, qu'elle a déclinées par courrier daté du 13 janvier 2012 posté le 17 février 2012.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 27 janvier 2012, elle a été convoquée à un entretien préalable au licenciement.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 16 février 2012, elle a été licenciée pour inaptitude.

Considérant que son employeur n'avait pas satisfait à son obligation de reclassement, Mme [M] a élargi la saisine du conseil de Prud'hommes de Bordeaux (section commerce) au licenciement et au manquement au DIF, le 19 mai 2011 aux fins d'obtenir un rappel de salaires pour temps complet (ainsi que les congés payés afférents), une indemnité pour non-respect du temps de pause, des dommages et intérêts sur le fondement de l'article L.1221-1 du code du travail, des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, des dommages et intérêts pour exécution de mauvaise foi du contrat de travail, des dommages et intérêts pour discrimination, et le paiement du droit acquis DIF.

Par jugement du 4 décembre 2012, le conseil de Prud'hommes de Bordeaux a jugé le licenciement pour inaptitude fondé et jugé que la SNC Lidl a régulièrement effectué des recherches de reclassement pour Mme [M], a requalifié le contrat de travail à temps partiel en contrat à temps complet et jugé que les temps de pause n'ont pas été respectés.

En conséquence, le conseil de Prud'hommes a condamné la SNC Lidl à payer à Mme [M] 6.487,98 € à titre de rappel de salaires entre temps partiel et temps complet, 648,79 € à titre d'indemnité de congés payés sur rappel de salaire, 1.735 € à titre de dommages et intérêts pour non-respect des temps de pause, 535 € au titre de l'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, déboutant Mme [M] de ses autres demandes, déboutant la SNC Lidl de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile et la condamnant aux entiers dépens.

La SNC Lidl a régulièrement interjeté appel limité de cette décision le 10 janvier 2013. Mme [M] forme un appel incident de ce jugement sur le licenciement.

L'audience avait été fixée au 18 décembre 2013 et a été renvoyée au 18 juin 2014 à la demande des parties puis eu 4 mars 2015.

Par conclusions récapitulatives et responsives du 17 février et du 3 mars 2015 développées oralement à l'audience, la SNC Lidl sollicite de la Cour qu'elle :

- réforme le jugement entrepris en ce qu'il a requalifié le contrat de travail à temps partiel de Mme [M] en un contrat de travail à temps plein et déboute Mme [M] de ses demandes afférentes,

- constate que la demande de rappel de salaires pour la période du 19 mai 2011 au 16 février 2012 est prescrite,

- réforme le jugement entrepris en ce qu'il a fait droit à la demande d'indemnité formulée par Mme [M] au titre du non-respect de la législation relative aux temps de pause,

- confirme le jugement entrepris en ce qu'il a jugé que le licenciement pour inaptitude de Mme [M] reposait sur une cause réelle et sérieuse et que la SNC Lidl avait pleinement rempli son obligation de recherche de reclassement,

- confirme le jugement entrepris en ce qu'il a jugé que la SNC Lidl n'a pas exécuté de mauvaise foi le contrat de travail de Mme [M],

- confirme le jugement entrepris en ce qu'il a jugé que Mme [M] n'a subi aucune discrimination du fait de l'application des accords collectifs relatifs aux temps de pause,

- confirme le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Mme [M] de sa demande au titre du DIF,

- déboute Mme [M] de l'intégralité de ses demandes,

- fasse droit en conséquence à la demande formulée par la SNC Lidl et condamne Mme [M] au paiement de la somme de 2.000 € à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

La SNC Lidl fait valoir les moyens suivants :

* Mme [M], dont le contrat de travail est régulier, n'a jamais sollicité un aménagement d'horaires auprès de son employeur pour pouvoir effectuer des recherches d'emploi complémentaire, de plus, les horaires de travail de Mme [M] étaient diffusés deux semaines avant leur réalisation et elle pouvait en solliciter la modification durant cette période, sachant que leur affichage n'est soumis à aucun délai légal; enfin, elle n'a jamais refusé d'effectuer des heures complémentaires qui lui offraient un complément de revenu et n'ont pas généré de dépassement du temps de travail légal et ne peut, dès lors, solliciter la requalification de son contrat à temps partiel en contrat à temps complet,

* L'accord d'entreprise relatif aux temps de pause est plus favorable que les dispositions du code du travail, Mme [M], qui a bénéficié de la pause conventionnelle de 7 minutes par demi journée et du paiement de 30 minutes de pause par semaine et n'a donc jamais effectué 6 heures de travail effectif sans pause, ne peut donc solliciter une indemnité pour non-respect des temps de pause par la société Lidl, de plus, son calcul relatif aux temps de pause en application des dispositions de l'article L3121-33 du code du travail est erroné car il ne tient pas compte des temps de pause déjà rémunérés, de ses arrêts maladie et de ses congés payés,

* il n'existe aucun poste en magasin exclusivement assis, les employés de la société devant être polyvalents et suite à la recherche de reclassement, dont le périmètre a été limité à la France mais dans tous les sites à enseigne Lidl compte tenu du défaut de maîtrise d'une langue étrangère, 19 types de postes ont été proposés à Mme [M] dont un à [Localité 3] à proximité de [Localité 2], qui était identique à celui qu'elle exerçait dans un autre environnement, or, après avoir été absente à l'entretien de reclassement préalable au licenciement afin de discuter des éventuels postes susceptibles de l'intéresser et après s'être abstenue de répondre aux propositions faites, Mme [M] ne peut à présent se prévaloir du manque de sérieux dans la recherche de reclassement de la société Lidl qui ne fait pas partie d'un groupe au sein duquel existe une permutabilité du personnel,

* Mme [M] ne démontre pas les préjudices qu'elle aurait subis du fait de la prétendue violation de la législation relative aux temps de pause et ne peut solliciter une indemnité pour exécution de mauvaise foi du contrat de travail ni pour une discrimination qu'elle ne prouve pas, ni pour le DIF qu'elle n'a pas perdu.

Par conclusions déposées au greffe le 27 février 2015 et développées oralement à l'audience, Mme [M] sollicite de la Cour qu'elle :

- confirme partiellement le jugement du conseil de Prud'hommes de Bordeaux,

- condamne la SNC Lidl à lui payer la somme de 6.487,98 € à titre de rappel entre temps partiel et temps complet, ainsi que 648,79 € de congés payés afférents,

- condamne la SNC Lidl à lui verser la somme de 1.735 € à titre d'indemnité compensatrice pour non-respect par l'employeur de la législation sur les temps de pause sur la base de l'article L.3121-33 du code du travail,

- condamne la SNC Lidl à lui verser la somme de 535 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamne la SNC Lidl à lui verser la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

- réforme le jugement pour le surplus,

- juge que la SNC Lidl n'a pas satisfait aux obligations de reclassement de l'article L.1226-10 du code du travail et que le licenciement ne repose sur aucun caractère réel et sérieux,

- condamne la SNC Lidl à lui verser la somme de 14.500 € d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sur le fondement de l'article L.1226-10 du code du travail,

- condamne la SNC Lidl à lui verser la somme de 1.500 € à titre de dommages et intérêts pour exécution de mauvaise foi du contrat de travail (temps complet)

- condamne la SNC Lidl à lui verser la somme de 3.000 € à titre de dommages et intérêts pour exécution de mauvaise foi du contrat de travail (temps de pauses),

- condamne la SNC Lidl concernant les dommages et intérêts pour discrimination du temps partiel par rapport au temps complet à hauteur de 3.000 €,

- y ajoutant condamne la société SNC Lidl à lui payer la somme de 3312,96 euros au titre du rappel de salaire sur la période du 19 mai 2011 au 16 février 2012 ainsi que 331, 29 euros au titre des congés payés afférents,

- condamne la SNC Lidl aux entiers dépens,

- déboute la SNC Lidl de ses demandes.

Mme [M] fait valoir les moyens suivants :

* elle effectuait régulièrement plus de 35 heures de travail par semaine et était présente au moins 5 jours par semaine au sein de l'entreprise, ce qui réduisait considérablement ses chances de trouver un travail supplémentaire pour compléter ses revenus et sollicite donc la requalification de son contrat en contrat à temps complet à 35 heures, de plus, la société Lidl, ne respectant pas les 10% d'heures complémentaires maximum autorisées et en ne la prévenant pas des horaires journaliers, a exécuté le contrat de travail de mauvaise foi, et ce depuis le mois de janvier 2010,

* la convention collective nationale prévoit que le temps de pause doit être pris à hauteur de 5% du temps de travail, ce qui représente 3 minutes par heure travaillée et que les salariés à temps partiel bénéficient des mêmes droits que les salariés à temps complet, or l'accord d'entreprise de 1999 prévoit pour les salariés à temps partiel une pause prise et payée de 7 minutes par demi journée de travail, ceci étant discriminatoire; elle n'a pu disposer des temps de pause dont elle aurait dû bénéficier à savoir celui prévu par la convention collective, lequel se cumule avec le temps de pause légal de 20 minutes pour 6 heures de travail consécutif, puisque une interruption de 7 minutes au cours d'une période de 6 heures ne dispense pas l'employeur d'accorder la pause légale, sachant qu'il appartient à l'employeur de prouver la réalité du respect des seuils et plafonds du temps de travail et donc des pauses lors de l'exécution de son contrat de travail qui n'a donc pas été exécuté de bonne foi par l'employeur,

* le médecin du travail l'a déclarée apte à un poste similaire dans un environnement différent et la société Lidl aurait dû tout mettre en 'uvre pour lui trouver un emploi adéquat, or, les propositions effectuées ne correspondaient pas à ses compétences et n'ont pas été effectuées au sein des 13 filiales du groupe, ce qui démontre que la recherche de reclassement n'a pas été sérieuse et loyale, les recherches n'ayant pas été effectué au sein du groupe auquel appartient l'employeur.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens, et des prétentions et de l'argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures déposées, oralement reprises.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la requalification du contrat de travail

En application de l'article L3123-14 du code du travail le contrat de travail du salarié à temps partiel doit être écrit et comporter des mentions relatives à la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue, la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois, les cas dans lesquels une modification éventuelle de cette répartition peut intervenir ainsi que la nature de cette modification, les modalités selon lesquelles les horaires de travail pour chaque journée travaillée sont communiqués par écrit au salarié et les limites dans lesquelles peuvent être accomplies des heures complémentaire. Par ailleurs l'article L3123-17 du même code prévoit que le nombre d'heures complémentaires accomplies par un salarié à temps partiel au cours d'une même semaine ou d'un même mois ne peut être supérieur au dixième de la durée hebdomadaire ou mensuelle de travail prévue dans son contrat et que les heures complémentaires ne peuvent avoir pour effet de porter la durée du travail accomplie par un salarié au niveau de la durée légale du travail ou à la durée fixée conventionnellement.

Il est admis qu'en l'absence d'écrit mentionnant la durée du travail et sa répartition et qu'en cas de non respect du temps de travail par l'effet d'avenants temporaires ou d'heures complémentaires, il est présumé que l'emploi est à temps complet sauf si l'employeur rapporte la preuve de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue et celle du fait que le salarié n'était pas constamment à sa disposition.

En l'espèce, le contrat de travail de Mme [X] [M], tant à durée déterminée du 13 novembre 2009 qu'à durée indéterminée du 1er mars 2010, prévoit un horaire mensuel de 121, 35 heures réparties entre les semaines du mois selon deux schémas selon que le mois en comporte 4 ou 5.

Or il résulte du tableau d'analyse des horaires de travail du magasin [Établissement 1] auquel était affectée Mme [X] [M] pour la période de juillet 2010 à avril 2011 et des relevés de saisie des présences émanant du logiciel de contrôle du temps de travail de la société SNC Lidl à compter du mois de janvier 2010 jusqu'au mois de février 2012 (pièces 10 et 10 bis de la salariée et 19 de l'employeur), que dès le mois janvier 2010, et de manière récurrente au cours de mois qui ont suivi, l'employeur était en infraction avec les dispositions sus citées puisque les heures complémentaires accomplies ont à plusieurs reprises excédé le seuil du dixième de la durée mensuelle de travail, que la durée hebdomadaire a excédé à plusieurs reprises la durée légale hebdomadaire de 35 heures, et ce parfois de maniére cumulée notamment au mois de janvier 2010.

Il importe peu que sur certaines périodes le temps de travail contractuel hebdomadaire ait été porté à 31 heures au lieu de 28 heures au travers d'avenants qui ne respectaient pas au demeurant les dispositions de l'article L3123-14 du code du travail ce qui en soit était de nature à entraîner leur requalification, dès lors qu'il est admis que le salarié à temps partiel ne peut voir sa durée du travail portée, même temporairement sur une courte période, à hauteur de la durée légale du travail, et qu'en tout état de cause le temps de travail hebdomadaire a excédé la durée légal de travail hebdomadaire.

Au surplus il sera observé qu'il ressort de ces éléments qu'en réalité le temps de travail de Mme [X] [M], réparti sur 5 jours par semaine, y compris le samedi, était irrégulier d'une semaine sur l'autre et d'un mois à l'autre de sorte qu'elle était à disposition de son employeur qui ne démontre pas le contraire par les pièces qu'il produit aux débats, la publication des plannings deux semaines à l'avance telle qu'invoquée par l'employeur, étant inopérante à cet égard.

Il s'ensuit que la présomption de temps de travail à temps complet qui résulte de l'ensemble des circonstances sus examinées n'est pas renversée par la société SNC Lidl et que le contrat de travail de Mme [X] [M] doit être requalifié en contrat de travail à temps complet à compter du mois de janvier 2010, date du constat des irrégularités.

Elle peut donc prétendre au regard des pièces versées aux débats à un rappel de salaire correspondant au différentiel entre 28 heures et 35 heures hebdomadaires, soit 7 heures sur 63 semaines, et entre 31 heures et 35 heures hebdomadaires, soit 4 heures en cas d'avenant sur 10 semaines, le tout sur la période écoulée entre le 1er janvier 2010 et le 1er juillet 2011 correspondant à la date non discutée de l'arrêt de travail suspendant le contrat de travail jusqu'à la date de son licenciement, soit 73 semaines, en tenant compte des avenants modificatifs, des congés et des absences pour maladie, et sans que la prescription quinquennale, en vigueur au moment de la saisine du conseil des prud'hommes et toujours applicable au cas d'espèce même si la salariée a actualisé sa demande en cause d'appel, ne puisse lui être opposée.

Le taux horaire de 9,86 euros pris en compte par la salariée n'étant pas contesté par l'employeur, compte tenu des éléments ci dessus analysés, il convient de fixer le montant du rappel de salaire dû à Mme [X] [M] à la somme de 4742,66 euros (63x7x9,86 + 10x4x9,86) qui sera assortie des congés payés afférents pour 474, 26 euros.

Dans ces conditions le jugement déféré sera confirmé sur le principe de la requalification, la cour y ajoutant sur la date à compter de laquelle la requalification est prononcée, et sera réformé sur le quantum des sommes allouées à la salariée. Statuant à nouveau la cour dit que la requalification du contrat de travail doit courir à compter du 1er janvier 2010 et condamnera la société SNC Lidl à payer à Mme [X] [M] les sommes ci dessus arbitrées.

Sur le respect du temps de pause

S'agissant de l'application des dispositions de l'article L 3121-33 du code du travail des dispositions duquel il résulte que, dès que le temps de travail quotidien atteint six heures, le salarié bénéficie d'un temps de pause d'une durée minimale de 20 minutes, des dispositions conventionnelles plus favorables pouvant fixer un temps de pause supérieur.

Ce texte constitue la transcription en droit interne de la directive européenne 93/104 du 23 novembre 1993 relative à l'aménagement du temps de travail à laquelle s'est substituée sur ce point la directive 2003/88 du 4 novembre 2003 laquelle dans son article 4 fait obligation aux États membres d'adopter les mesures nécessaires pour que tout travailleur bénéficie, au cas où le temps de travail journalier est supérieur à six heures, d'un temps de pause dont les modalités, et notamment la durée et les conditions d'octroi, sont fixées par des conventions collectives ou accords conclus entre partenaires sociaux ou à défaut par la législation nationale.

La mise en 'uvre de la réglementation européenne en matière de seuils et plafonds en matière de temps de pause poursuivant une finalité protectrice destinée à assurer à tout salarié la protection de sa sécurité et de sa santé au travail et renvoyant à l'obligation de sécurité de résultat de l'employeur, il appartient à ce dernier de justifier avoir satisfait à son obligation. Le manquement de l'employeur à cette obligation donne lieu à dommages et intérêts et les sommes accordées alors ne présentent aucun caractère salarial.

Le paiement d'une pause n'est pas assimilable à la prise effective de la pause.

En l'espèce, s'il existe un accord d'entreprise octroyant à chaque salarié une pause de 7 minutes par chaque demi-journée de travail, il n'en demeure pas moins que l'employeur ne produit aucun élément factuel de contrôle horaire permettant de déterminer que Mme [X] [M] prenait effectivement une pause avant le seuil légal de déclenchement du droit à pause légal de 6 heures de travail, de sorte que ne justifiant aucunement de la prise effective d'une pause de 7 minutes avant le déclenchement du seuil défini à l'article L 3121-33 du code du travail, l'employeur ne peut prétendre que les seuils prévus par ces dispositions n'étaient pas atteints et que ces dispositions ne lui sont pas applicables.

À défaut pour la SNC Lidl de justifier qu'elle a satisfait à son obligation résultant des dispositions de l'article L 3121-33 du code du travail, Mme [X] [M] est fondée à solliciter une indemnité pour non respect du temps de pause légal.

S'agissant du non-respect du temps de pause résultant de la convention collective nationale, tout salarié qui y a intérêt est recevable à invoquer le caractère illicite d'une clause d'une convention collective qui lui est applicable.

Selon les dispositions de l'article L 2251-1 du code du travail, une convention ou un accord peut comporter des stipulations plus favorables aux salariés que les dispositions légales en vigueur. Ils ne peuvent déroger aux dispositions qui revêtent un caractère d'ordre public. Par ailleurs aux termes de l'article L 2253-1 du code du travail, une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement peut adapter les stipulations des conventions de branche ou des accords professionnels ou interprofessionnels applicables dans l'entreprise aux conditions particulières de celle-ci ou des établissements considérés. Une convention ou un accord peut également comporter des stipulations nouvelles et des stipulations plus favorables aux salariés .

Un accord collectif d'entreprise, même conclu postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi du 4 mai 2004, ne peut déroger par des clauses moins favorables à une convention collective de niveau supérieur conclue antérieurement à cette date, à moins que les signataires de la convention n'en aient disposé autrement.

L'article 5-4 de la convention collective nationale des commerces de gros et de détail à prédominance alimentaire du 12 juillet 2001 prévoit que tout travail consécutif de quatre heures doit être coupé par une pause prise avant la réalisation de la 5ème heure, cette pause payée est attribuée à raison de 5% du temps du temps de travail effectif. Ainsi le temps de pause doit être pris à hauteur de 5% du temps de travail, ce qui représente trois minutes de pause par heure travaillée. Il est également prévu que les salariés à temps partiel bénéficient des droits et avantages accordés aux salariés à temps complet.

Or l'accord d'entreprise du 3 août 1999, en son article 2.2.1, en vigueur au sein de la SNC Lidl prévoit pour les salariés à temps partiel en magasin une pause payée prise fixée à 6 minutes par demi-journée de travail à prendre à l'intérieur de l'amplitude de travail, étant précisé que toute amplitude de travail supérieure à 6 heures est considérée comme comptant pour deux demi-journées et donne droit à 12 minutes de pause payée à prendre.

Cet accord d'entreprise qui prévoit un temps de pause prise et payée de 6 minutes par demi-journée de 6 heures de travail est par conséquent moins favorable aux salariés à temps partiel que la convention collective nationale.

L'application de l'accord d'entreprise a donc généré pour Mme [X] [M] un déficit de temps de pause nécessairement constitutif d'un préjudice.

Le manquement de l'employeur aux règles sur la prise du temps de pause tant légal que conventionnel qui relèvent de son obligation de sécurité de résultat qui n'a donc pas été respectée à l'égard de Mme [X] [M] a nécessairement causé à la salariée un préjudice qui sera réparé par l'octroi de dommages-intérêts dont le montant a été exactement évalué par le conseil des prud'hommes à la somme de 1735 euros étant rappelé qu'elle est désormais inapte à son poste.

Dans ces conditions le jugement déféré sera confirmé de ce chef.

Sur le licenciement

Aux termes des dispositions de l'article L 1226-2 du code du travail, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou à un accident non professionnels, si le salarié est déclaré par le médecin du travail inapte à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur est tenu de lui proposer un autre emploi approprié à ses capacités, compte tenu des conclusions écrites du médecin du travail et des indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise et aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en 'uvre de mesures telles que mutations ou transformations de postes de travail.

Il appartient à l'employeur de démontrer qu'il s'est acquitté de son obligation de reclassement, laquelle est de moyens, et de rapporter la preuve de l'impossibilité de reclassement qu'il allègue.

Il résulte des pièces produites aux débats et notamment des courriers produits par la société SNC Lidl qu'à l'issue de la seconde visite de reprise du 21 octobre 2011 Mme [X] [M] a été déclarée ''inapte définitivement à ce poste de travail'' le médecin du travail précisant que la salariée ''serait apte à un poste similaire dans un environnement différent'' et ayant effectué sur site une étude de poste le 10 octobre, que le 5 décembre 2011 la société SNC Lidl a interrogé en vain l'avis du médecin du travail sur le reclassement de Mme [X] [M] à un poste de préparateur de commandes, ou d'employé administratif, ou de caissière ELS sur un autre magasin en France et que par la suite la société SNC Lidl a convoqué le 16 décembre 2011 Mme [X] [M] à un entretien de reclassement le 4 janvier 2012 auquel elle ne s'est pas présentée, et lui a adressé un courrier daté du 5 janvier comprenant 19 propositions de postes à pourvoir sur le territoire national. La société SNC Lidl justifie par ses pièces 7 et 8 avoir recherché à compter du 16 décembre 2011 des postes de reclassement auprès du siège social et de l'ensemble des directions régionales et avoir reçu des réponses négatives ou positives.

La lecture du courrier du 5 janvier 2012 révèle que les 19 propositions de postes étaient à pourvoir sur le territoire national, au sein de 12 régions, dont deux propositions sur la direction régionale de [Localité 1], lesquelles consistaient un poste de caissière ELS sur le magasin de [Localité 3], aux mêmes conditions que le poste qu'elle occupait au magasin de [Localité 1] [Établissement 1], et un poste de préparateur de commandes en contrat de travail à durée indéterminée pour 36, 75 heures par semaine.

Ces propositions sont toutes suffisamment précises, en ce qu'elles comportent un descriptif des tâches, la durée du temps de travail, voire sa répartition, le montant de la rémunération brute mensuelle, y compris les primes, le statut et la durée du contrat, pour permettre à Mme [X] [M] de prendre position ou de solliciter des informations complémentaires. Ce courrier, qui demande à Mme [X] [M] de se prononcer avant le 17 janvier 2012, précise également que pour le poste de caissière ELS, l'employeur est en mesure de lui proposer un poste identique sur un autre magasin en France ou dans la région si celui ci ne convenait pas à la salariée à laquelle il est proposé de faire valoir ses désidérata géographiques, et qu'en fonction de la réponse de la salariée il serait procédé à une évaluation des compétences et de l'opportunité d'une formation.

La salariée, dont l'avis d'inaptitude ne mentionnait aucune réserve ni empêchement physique dans l'exécution des tâches, a décliné ces propositions par courrier daté du 13 janvier 2012, posté le 17 février 2012 (pièce 25 de l'employeur) qui fait référence à une convocation pour un entretien préalable le 27 janvier 2012, en indiquant qu'elle ne pouvait dans un délai de 10 jours avant le 17 janvier 2012 ''organiser un déménagement, ni trouver un logement décent entrant dans son budget''. Elle n'a en réalité pas répondu dans le délai fixé par l'employeur alors que, contrairement à ce qu'elle prétend dans le courrier qu'elle a fini par adresser à son employeur, elle a bénéficié dans délai suffisant pour se prononcer sur son intérêt pour tel poste proposé par la société SNC Lidl.

Les postes proposés par la société SNC Lidl étaient conformes aux prescriptions du médecin du travail, étaient pour l'essentiel dans les compétences de la salariée et correspondaient à son expérience professionnelle (préparateur de commandes et caissière) même si ils nécessitaient le cas échéant une formation supplémentaire en informatique (assistant logistique, employés administratifs), et se trouvaient pour deux d'entre eux dans la même région d'affectation et sur la communauté urbaine de [Localité 1].

En ayant refusé, par son silence puis de manière explicite, ces postes, dont un au moins était à proximité de son domicile et correspondait exactement au même poste que celui qu'elle occupait, Mme [X] [M] ne saurait faire grief à la SNC Lidl de ne pas avoir étendu ses recherches aux sociétés européennes du groupe.

Il s'ensuit que l'employeur, qui a procédé de manière loyale et sérieuse à des recherches effectives et individualisées de reclassement, a satisfait à son obligation de reclassement de sorte que le licenciement pour inaptitude d'origine non professionnelle de Mme [X] [M] est fondé sur une cause réelle et sérieuse.

Dans ces conditions le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il dit le licenciement fondé et a débouté Mme [X] [M] de toutes ses demande tendant à le voir jugé sans cause réelle et sérieuse et de toutes ses demandes subséquentes.

Sur les demandes de dommages-intérêts pour exécution de mauvaise foi et discrimination

Aux termes des articles L 1222-1 du code du travail, l'employeur, comme le salarié,

est tenu d'une obligation de loyauté dans l'exécution du contrat de travail.

En l'espèce, il résulte des motifs qui précédent que la société SNC Lidl n'a pas respecté la législation sur le temps de pause légal, a appliqué un accord d'entreprise moins favorable que la convention collective à l'égard des salariés à temps partiel, dont il importe peu que des salariés de la société SNC Lidl l'aient estimé plus favorable aux termes d'une pétition dont la date reste au demeurant inconnue, et a enfin imposé à sa salariée une disponibilité lui interdisant de tirer profit de son temps partiel. Ce faisant elle a manqué à son obligation d'exécution loyale du contrat de travail, causant à Mme [X] [M] un préjudice manifeste et indépendant du paiement des salaires sur la base d'une requalification et de l'indemnisation de la perte du temps de pause.

Ce préjudice trouvera une réparation appropriée, dans l'octroi d'une somme de 1000 euros pour l'exécution déloyale relative au temps de pause et d'une somme de 1000 euros pour l'exécution déloyale relative au dépassement du temps de travail entraînant la requalification du contrat de travail, soit une somme totale de 2000 euros au paiement de laquelle la société SNC Lidl sera condamnée.

Il conviendra donc de réformer le jugement déféré et de statuer en ce sens.

S'agissant du traitement discriminatoire des salariés à temps partiel, il résulte de l'article L1132-1 du code du travail qu'aucun salarié ne peut faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, en raison de son origine, de son sexe, de ses m'urs, de son orientation ou identité sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou en raison de son état de santé ou de son handicap.

Or en l'espèce Mme [X] [M] n'invoque pas une discrimination fondée sur sa personne même et répondant aux critères définis par les dispositions sus citées, puisqu'en contestant la différence de traitement dans l'application et la rémunération des temps de pause entre les salariés, selon qu'ils sont à temps complet ou à temps partiel, elle invoque une inégalité de traitement fondé le statut de ces salariés, quand bien même celui-ci découlerait de la qualification et de la classification de ces salariés. Elle ne peut dès lors sur ce fondement invoquer un manquement de son employeur et doit être déboutée de sa demande en dommages-intérêts.

Le jugement déféré sera donc confirmé de ce chef.

Il résulte des écritures des parties soutenues à l'audience que le rejet de la demande de dommages-intérêts au titre du DIF formulée par Mme [X] [M] n'est pas contestée par la salariée, l'employeur sollicitant la confirmation du jugement de ce chef. La cour statuera en ce sens.

Sur les autres demandes

La société SNC Lidl qui succombe en son appel principal sera condamnée aux dépens d'appel et à payer à Mme [X] [M] la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Elle sera déboutée de sa propre demande sur le même fondement.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Confirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a condamné la SNC Lidl à payer à Mme [M] 6.487,98 € à titre de rappel de salaires entre temps partiel et temps complet, et 648,79 € à titre d'indemnité de congés payés sur rappel de salaire, et a débouté Mme [X] [M] de sa demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

Statuant à nouveau sur les chefs réformés et y ajoutant,

Dit que la requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet doit courir à compter du 1er janvier 2010,

Condamne la société SNC Lidl à payer à Mme [X] [M] les sommes de :

la somme de 4742,66 euros qui sera assortie des congés payés afférents pour 474, 26 euros pour la période du 1er janvier 2010 au 1er juillet 2011,

2000 euros à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société SNC Lidl aux dépens.

Signé par Madame Elisabeth LARSABAL, Présidente, et par Gwenaël TRIDON DE REY, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

G. TRIDON DE REY Elisabeth LARSABAL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section b
Numéro d'arrêt : 13/00172
Date de la décision : 16/04/2015

Références :

Cour d'appel de Bordeaux 4B, arrêt n°13/00172 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-04-16;13.00172 ?
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