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08/04/2015 | FRANCE | N°14/02492

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 08 avril 2015, 14/02492


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



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ARRÊT DU : 8 AVRIL 2015



(Rédacteur : Madame Isabelle Lauuqué, Conseiller)



PRUD'HOMMES



N° de rôle : 14/02492











Monsieur [I] [B]



c/



SASU les Jardins d'Aliénor

















Nature de la décision : AU FOND













Notifié par LRAR

le :



LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :



La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par

voie de signification (acte d'huissier).



Certifié par le Greffier en Chef,





Grosse délivrée le :



à :



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 8 AVRIL 2015

(Rédacteur : Madame Isabelle Lauuqué, Conseiller)

PRUD'HOMMES

N° de rôle : 14/02492

Monsieur [I] [B]

c/

SASU les Jardins d'Aliénor

Nature de la décision : AU FOND

Notifié par LRAR le :

LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :

La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par

voie de signification (acte d'huissier).

Certifié par le Greffier en Chef,

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 10 mars 2014 (RG n° F 13/01229) par le Conseil de Prud'hommes - formation paritaire - de Bordeaux, section Encadrement, suivant déclaration d'appel du 25 avril 2014,

APPELANT :

Monsieur [I] [B], né le [Date naissance 1] 1974 à [Localité 1],

de nationalité française, demeurant [Adresse 1],

Représenté par Maître Fabienne Guillebot-Pourquier, avocat au barreau de Bordeaux,

INTIMÉE :

SASU les Jardins d'Aliénor, siret n° 392 995 916 00013, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, [Adresse 2],

Représentée par Maître Olivier Lopez de la SELARL Patrice Bendjebbar & Olivier Lopez, avocats au barreau de Saintes,

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 26 janvier 2015 en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Maud Vignau, Président,

Madame Marie-Luce Grandemange, Conseiller,

Madame Isabelle Lauqué, Conseiller,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Anne-Marie Lacour-Rivière.

ARRÊT :

- contradictoire,

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

Monsieur [I] [B] a été embauché par la SASU les Jardins d'Aliénor en qualité de directeur de l'EPHAD à compter du 2 février 2009 et jusqu'à la fin de l'absence pour maladie de Mme [E] dans le cadre d'un contrat à durée déterminée à temps complet.

A compter du 1er juin 2009, la relation de travail s'est poursuivie dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée.

Monsieur [B] a été placé en arrêt maladie à compter du 15 mai 2012.

Lors de la visite médicale de reprise du 1er octobre 2012, le médecin du travail l'a déclaré inapte à son poste et à tous les postes de l'entreprise en visant la situation de danger immédiat en application de l'article R.4624-31 du code du travail.

Lors d'une réunion en date du 31 octobre 2012, la SASU les Jardins d'Aliénor a consulté les délégués du personnel qui ont donné un avis sur le reclassement de Monsieur [B].

Par courrier du 27 décembre 2012, il a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Le 25 avril 2013, Monsieur [B] a saisi le Conseil de Prud'hommes de Bordeaux afin de voir prononcer la nullité de son licenciement pour une inaptitude résultant des faits de harcèlement moral.

Il a formulé diverses demandes indemnitaires et en rappel de salaire au titre d'heures supplémentaires impayées.

Par jugement en date du 10 mars 2014, le Conseil l'a débouté de l'intégralité de ses demandes.

Monsieur [B] a interjeté appel de ce jugement.

Par conclusions régulièrement déposées et développées oralement à l'audience du 26 janvier 2015 auxquelles la Cour se réfère expressément, il conclut à la réformation du jugement attaqué et demande à la Cour de juger que son licenciement est nul au motif que son inaptitude a été causée par des faits de harcèlement moral et par la dégradation de ses conditions de travail et de condamner la SASU les Jardins d'Aliénor à lui payer les sommes suivantes :

- 11.269,50 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 1.126,95 € au titre des congés payés y afférents,

- 38.010,20 € à titre de dommages et intérêts pour nullité du licenciement,

- 40.456,51 € au titre des heures supplémentaires impayées,

- 4.054,65 € au titre des congés payés y afférents,

- 22.806,12 € au titre de l'indemnité pour travail dissimulé,

- 2.800,00 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

A titre subsidiaire, si la Cour ne retenait pas la nullité de son licenciement, il soutient que cette mesure est dépourvue de cause réelle et sérieuse pour manquement de l'employeur à son obligation de recherche de reclassement et réclame le paiement des sommes suivantes :

- 11.269,50 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 1.126,95 € au titre des congés payés y afférents,

- 68.418,36 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,

- 40.456,51 € au titre des heures supplémentaires impayées,

- 4.054,65 € au titre des congés payés y afférents,

- 22.806,12 € au titre de l'indemnité pour travail dissimulé,

- 2.800,00 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions régulièrement déposées et développées oralement à l'audience du 26 janvier 2015 auxquelles la Cour se réfère expressément, la SASU les Jardins d'Aliénor conclut à la confirmation du jugement attaqué et demande à la Cour de condamner Monsieur [B] à lui payer la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

DISCUSSION :

- Sur la nullité du licenciement :

L'article L.1152-1 du code du travail dispose que le harcèlement moral est constitué, indépendamment de l'intention de son auteur, dès lors que sont caractérisés des agissements répétés ayant pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d'altérer sa santé ou de compromettre son avenir professionnel.

Toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L.1152-1 et L.1152-2 du code du travail, toute disposition ou tout acte contraire est nul.

Encourt donc la nullité, le licenciement pour inaptitude dès lors qu'il est établi que l'inaptitude du salarié licencié résulte de faits de harcèlement moral dont il a été la victime.

En application des articles L.1152-1 et L.1154-1 du code du travail, lorsque le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral et, dans l'affir-mative, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Peuvent caractériser un harcèlement moral les méthodes de gestion mises en 'uvre par un supérieur hiérarchique dès lors qu'elles se manifestent pour un salarié déterminé par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet d'entraîner une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir profes-sionnel.

En l'espèce, Monsieur [B] produit plusieurs attestations d'anciens salariés de la SASU les Jardins d'Aliénor qui témoignent d'un changement de fonction-nement de la structure suite au rachat par le groupe ORPEA.

Il est attesté de visites surprises de l'établissement par la direction du groupe et d'audits réalisés sans attendre la présence de Monsieur [B], à l'occasion desquelles, des instructions immédiates et directes étaient données au personnel.

D'autre part, il est également attesté que la politique du non-remplacement des absents avait conduit Monsieur [B] à assurer le service du repas du soir et même la plonge.

Enfin, ces témoins attestent de la présence ponctuelle de directrices d'autres établissements imposant leur autorité au détriment de celle de Monsieur [B].

Ces mêmes témoins attestent de la dégradation de l'état de santé de ce dernier finalement médicalement établie par le Dr [V] qui fait état pour la période du 12 mai au 25 mai 2012 d'un syndrome anxio dépressif réactionnel majeur.

Il est ainsi établi que le groupe ORPEA, suite au rachat de la SASU les Jardins d'Aliénor, a mis la gestion de l'EPHAD sous surveillance prenant la forme

d'une remise en cause permanente de l'autorité du directeur et ce dans un contexte de pénurie de moyens.

Cette méthode de management qui a entraîné une dégradation de ses conditions de travail, a eu des répercussions sur son état de santé.

Ces faits, pris dans leur ensemble, permettent de présumer de l'existence d'un harcèlement moral.

La rentabilité d'un établissement constitue un objectif important pour un employeur et ce dernier est en droit de prendre toutes les mesures qu'il estime nécessaire pour y parvenir.

Cependant, la réalisation de cet objectif ne saurait justifier des méthodes brutales comme la remise en cause publique et fréquente de l'autorité d'un directeur qui n'a pas démérité.

Dès lors, la Cour considère que Monsieur [B] a été victime de fait de harcèlement moral ayant eu des répercussions importantes sur son état de santé ayant abouti à son inaptitude à son poste de travail.

Le licenciement de Monsieur [B] motivé par une inaptitude trouvant son origine dans les faits de harcèlement moral subis doit être annulé et cette annulation, à défaut de demande tendant à sa réintégration, emporte les effets d'un licen-ciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

En conséquence, Monsieur [B] est bien fondé en sa demande formée au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et ce même si son état de santé ne lui permettait pas de l'effectuer.

Il est également bien fondé en sa demande de dommages et intérêts formée au titre de l'article L.1235-3 du code du travail ouvrant droit au salarié à une indemnité réparant la perte de l'emploi qui ne peut être inférieure à six mois de salaire quelle que soit son ancienneté compte tenu du caractère illicite du licenciement.

Dès lors, la SASU les Jardins d'Aliénor sera condamnée à payer à Monsieur [B] la somme de 11.269,50 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre la somme de 1.126,95 € au titre des congés payés y afférents.

Compte tenu de son ancienneté et de l'importance du préjudice né de la perte de son emploi dans un contexte de harcèlement moral, la SASU les Jardins d'Aliénor sera condamnée à payer à Monsieur [B] la somme de 30.000 € à titre de dommages et intérêts pour nullité du licenciement.

- Sur les heures supplémentaires :

Il résulte de l'article L.3171-4 du code du travail qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.

Au vu de ces éléments et de ceux fourmis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir, en cas de besoin, ordonné toutes les mesures d'instructions qu'il estime utile.

Ainsi, la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties et le juge forme sa conviction au vu des éléments fournis par le salarié, qui doivent étayer suffisamment sa demande, et de ceux fournis par l'employeur qui doivent être de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.

Monsieur [B] produit à la Cour un tableau récapitulant le total des heures supplémentaires accomplies par semaines depuis juin 2009 jusqu'en juin 2012.

Pour la période comprise entre juin 2009 et décembre 2011, ce tableau fait apparaître un nombre d'heures supplémentaires fixe, équivalent chaque jour, qui n'a varié que d'une année sur l'autre dans des proportions incompréhensibles.

Ce tableau, sur la période considérée est stéréotypé et les heures supplémentaires y figurant ne sont corroborées par aucun autre élément.

En revanche, sur la période comprise entre janvier et mai 2012, Monsieur [B] a établi un décompte journalier précis des heures supplémentaires effectuées, corroboré par l'attestation de Monsieur [Z] qui déclare qu'après l'arrivée du groupe, il a constaté un changement de fonctionnement qui a amené Monsieur [B] à rester tard presque tous les jours.

Le fait d'avoir souhaiter soumettre l'appelant à une convention de forfait démontre par ailleurs que la SASU les Jardins d'Aliénor avait conscience du fait que l'amplitude horaire de son salarié dépassait les 35 heures contractuelles.

Ainsi, ces éléments étayent suffisamment la demande de Monsieur [B] au titre des heures supplémentaires pour la période comprise entre janvier et mai 2012 sans que l'employeur ne justifie des horaires effectivement réalisés par son salarié.

En conséquence de ce qui précède, la Cour réformant la décision du Conseil, condamne la SASU les Jardins d'Aliénor à payer à Monsieur [B] la somme de 8.542,86 € au titre des heures supplémentaires accomplies entre janvier et mai 2012 outre la somme de 854,28 € au titre des congés payés y afférents.

- Sur le travail dissimulé :

Par application des dispositions des articles L.8221-5 et L.8223-1 du code du travail, en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a délivré de façon intentionnelle un bulletin de salaire mentionnant un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

En l'espèce, la Cour a jugé établi que Monsieur [B] avait régulièrement accompli des heures supplémentaires entre janvier et juin 2012.

Toutefois, la Cour observe que la SASU les Jardins d'Aliénor a proposé à Monsieur [B] une convention de forfait traduisant ainsi sa volonté d'offrir à son salarié un cadre légal adéquat pour la prise en compte des heures supplémentaires accomplies.

Cette proposition démontre que l'employeur n'a pas cherché à dissimuler l'activité salariée de Monsieur [B] mais au contraire de la prendre en considération.

En conséquence, jugeant que l'intention de la SASU les Jardins d'Aliénor de dissimuler les heures de travail accomplies par Monsieur [B] n'est pas établie, la Cour, confirmant la décision des premiers juges sur ce point, rejette la demande d'indemnité pour travail dissimulé formée par Monsieur [B].

- Sur les autres demandes :

La SASU les Jardins d'Aliénor sera condamnée à payer à Monsieur [B] la somme de 1.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

'Confirme le jugement attaqué en ce qu'il a débouté Monsieur [B] de sa demande d'indemnité pour travail dissimulé.

' Infirme le jugement attaqué en toutes ses autres dispositions.

Y substituant :

' Juge que le licenciement de Monsieur [B] est nul.

' Condamne la SASU les Jardins d'Aliénor à payer à Monsieur [B] la somme de 11.269,50 € (onze mille deux cent soixante neuf euros et cinquante centimes) à titre d'indemnité compensatrice de préavis.

' Condamne la SASU les Jardins d'Aliénor à payer à Monsieur [B] la somme de 1.126,95 € (mille cent vingt six euros et quatre vingt quinze centimes) au titre des congés payés y afférents.

' Condamne la SASU les Jardins d'Aliénor à payer à Monsieur [B] la somme de 30.000 € (trente mille euros) à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul.

' Condamne la SASU les Jardins d'Aliénor à payer à Monsieur [B] la somme de 8.542,86 € (huit mille cinq cent quarante deux euros et quatre vingt six centimes) au titre des heures supplémentaires accomplies entre janvier et juin 2012.

' Condamne la SASU les Jardins d'Aliénor à payer à Monsieur [B] la somme de 854,28 € (huit cent cinquante quatre euros et vingt huit centimes) au titre des congés payés y afférents.

' Condamne la SASU les Jardins d'Aliénor à payer à Monsieur [B] la somme de 22.806,12 € (vingt deux mille huit cent six euros et douze centimes) à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé.

' Condamne la SASU les Jardins d'Aliénor à payer à Monsieur [B] la somme de 1.000 € (mille euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

' Condamne la SASU les Jardins d'Aliénor aux dépens.

Signé par Madame Maud Vignau, Président, et par Madame Anne-Marie Lacour-Rivière, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Anne-Marie Lacour-Rivière Maud Vignau


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 14/02492
Date de la décision : 08/04/2015

Références :

Cour d'appel de Bordeaux 4A, arrêt n°14/02492 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-04-08;14.02492 ?
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