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08/04/2015 | FRANCE | N°13/03201

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 08 avril 2015, 13/03201


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



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ARRÊT DU : 08 AVRIL 2015



(Rédacteur : Madame Annie Cautres, Conseiller)



PRUD'HOMMES



N° de rôle : 13/03201









Monsieur [B] [S]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2013/015506 du 07/11/2013 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Bordeaux)



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Monsieur [G] [H]











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Nature de la décision : AU FOND















Notifié par LRAR le :



LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :



La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par

voie de signification (acte d'hu...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 08 AVRIL 2015

(Rédacteur : Madame Annie Cautres, Conseiller)

PRUD'HOMMES

N° de rôle : 13/03201

Monsieur [B] [S]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2013/015506 du 07/11/2013 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Bordeaux)

c/

Monsieur [G] [H]

Nature de la décision : AU FOND

Notifié par LRAR le :

LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :

La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par

voie de signification (acte d'huissier).

Certifié par le Greffier en Chef,

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 22 avril 2013 (RG n° F 12/00055) par le Conseil de Prud'hommes - formation paritaire - de Bergerac, section Activités Diverses, suivant déclaration d'appel du 22 mai 2013,

APPELANT :

Monsieur [B] [S], né le [Date naissance 2] 1956 à [Localité 3]

[Localité 1], de nationalité française, profession maçon, demeurant [Adresse 1],

Représenté par Maître Frédérique Pohu-Panier, avocat au barreau de Périgueux,

INTIMÉ :

Monsieur [G] [H], né le [Date naissance 1] 1951 à [Localité 2], de nationalité française, retraité, siret n° 062 364 831 10023, demeurant [Adresse 2],

Représenté par Maître Guillaume Deglane de la SCP Eliane de Lapoyade & Guillaume Deglane, avocats au barreau de Périgueux,

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 mars 2015 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Annie Cautres, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Maud Vignau, Président,

Madame Marie-Luce Grandemange, Conseiller,

Madame Annie Cautres, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Anne-Marie Lacour-Rivière.

ARRÊT :

- contradictoire,

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [B] [S] a été embauché par Monsieur [G] [H] à compter du 31 mars 2005 suivant contrat à durée indéterminée en qualité de maçon.

Il a été en arrêt de travail pour maladie de juin 2011 à janvier 2012.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception en date du 17 janvier 2012 M. [B] [S] a démissionné de son poste selon les termes suivant :

'Suite à la conversation téléphonique que vous avez eue avec M. [E] le 17 janvier 2012, je vous fais part de mon souhait de quitter votre entreprise sous forme de démission à compter du 31 janvier 2012. Mon arrêt de travail s'arrêtant le 18 janvier 2012, je vous demande de me mettre en congés payés de cette date au 31 janvier 2012, puis de me payer le reliquat de congés payés soit 36,5 jours et me remettre le certificat de travail qui me revient. À défaut de règlement de la situation au 8 février 2012, je me verrai contraint de saisir la juridiction prud'homale pour faire valoir mes droits'.

Par courrier en date du 8 février 2012 l'employeur a informé son salarié qu'il se trouvait en abandon de poste et qu'il était redevable d'un mois de préavis.

Par courrier en date du 20 février 2012, le conseil de Monsieur [B] [S] a demandé à M. [G] [H] d'organiser une visite médicale de reprise.

Par lettre en date du 6 mars 2012, l'employeur a pris acte de la démission de son salarié à la date du 17 janvier 2012 et lui a réclamé le mois de préavis qu'il estimait lui être dû.

Le 23 mars 2012, Monsieur [B] [S] a saisi le Conseil de Prud'hommes aux fins de voir constater que la rupture de son contrat de travail est imputable au fait de l'employeur.

Par jugement en date du 22 avril 2013, le Conseil de Prud'hommes de Bergerac a :

dit que le contrat de travail de Monsieur [B] [S] a été rompu par la démission claire et non équivoque de ce dernier en date du 17 janvier 2012 ;

débouté Monsieur [B] [S] de l'ensemble de ses demandes ;

débouté Monsieur [G] [H] de sa demande reconventionnelle sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration en date du 22 mai 2013, Monsieur [B] [S] a relevé appel de ce jugement dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas discutés.

Aux termes de ses écritures et des déclarations réalisées à l'audience du 3 mars 2015 il sollicite :

qu'il soit jugé que le comportement fautif de l'employeur produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

que Monsieur [G] [H] soit condamné à lui verser les sommes suivantes :

- 25.500,00 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- 4.251,14 € brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 425,11 € brut au titre des congés payés afférents,

- 2.904,95 € au titre de l'indemnité légale de licenciement,

- 3.927,15 € brut au titre des congés payés pour la période 2010 et 2011 et la période 2011 et 2012 ;

qu'il soit jugé que toutes les sommes allouées porteront intérêts au taux légal à compter de la demande en justice ;

que Monsieur [G] [H] soit condamné à lui verser la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

A l'appui de ses demandes il fait valoir :

que conformément à l'article R.4624-21 du code du travail c'est à l'employeur qu'il incombe d'organiser une visite médicale de reprise du travail compte tenu de la nature et de la durée de l'arrêt de travail ;

qu'il incombe à l'employeur de mettre le salarié en demeure de se soumettre à la visite de reprise sans pouvoir lui reprocher un abandon de poste ;

qu'il en découle que l'employeur ne peut prendre acte de la démission donnée par un salarié le jour de sa reprise de travail en raison de son inaptitude physique à reprendre son activité ;

que la démission donnée par un salarié non préalablement informé de ses droits s'analyse en un licenciement abusif ;

qu'il a bien informé son employeur de son inaptitude à reprendre le travail ;

qu'aucune visite médicale de reprise n'a été mise en place ;

que ce n'est qu'en raison de l'inertie de son employeur et de l'ignorance de ses droits qu'il a envoyé sa lettre de démission le 17 janvier 2012 ;

que d'ailleurs, informé de ses droits après avoir envoyé la lettre de démission, il a sollicité de son employeur une visite médicale de reprise ;

que sa démission ne repose aucunement sur un consentement libre et éclairé et n'est imputable qu'à la faute de son employeur.

Aux termes de ses écritures déposées au greffe le 23 février 2015 et auxquelles la Cour se réfère expressément et des déclarations réalisées à l'audience du 3 mars 2015, Monsieur [G] [H] sollicite la confirmation du jugement entrepris et la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Il fait valoir :

qu'il appartient au salarié de démontrer que sa démission aurait été viciée et ne reposerait pas sur une volonté claire et non équivoque ;

que seul le médecin du travail a compétence pour constater l'aptitude ou l'inaptitude d'un salarié ;

que son arrêt maladie expirait le 15 janvier 2012 ;

que le 17 janvier 2012 il a adressé à son employeur un courrier manifestant sa volonté claire et n'en équivoque de démissionner de son poste ;

qu'il ne pouvait donc plus mettre en 'uvre la procédure de visite de reprise puisque son salarié avait démissionné ;

qu'une période d'arrêt maladie et de suspension du contrat de travail n'a pas pour effet de priver le salarié du droit qui lui est reconnu de mettre un terme au contrat de travail dans le cadre d'une démission ;

que l'absence de mise en 'uvre de la visite de reprise n'est pas un motif permettant de remettre en cause le consentement du salarié de rompre son contrat de travail.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la rupture du contrat de travail

Attendu que la démission est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de

travail ;

Que lorsque le salarié, sans évoquer un vice du consentement de nature à entraîner l'annulation de la démission, remet en cause celle-ci en raison de faits ou de manquements imputables à son employeur, le juge doit, s'il résulte des circonstances antérieures ou contemporaines à la démission qu'à la date à laquelle elle a été donnée, celle-ci était équivoque l'analyser en une prise d'acte de rupture qui produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient ou dans le cas contraire d'une démission ;

Attendu qu'il appartient au salarié d'établir les faits qu'il allègue à l'encontre de son employeur ;

Attendu qu'il résulte de l'avis d'arrêt de travail du docteur [V] en date du 14 décembre 2011 que M. [B] [S] était en prolongation d'arrêt de travail jusqu'au 15 janvier 2012 inclus et non jusqu'au 18 janvier 2012 comme mentionné dans la lettre de démission du salarié ;

Qu'au vu des éléments du dossier il était placé en arrêt de travail depuis le 27 juin 2011, soit une absence pour maladie non professionnelle supérieure à trente jours ;

Attendu que moins d'un mois avant de rédiger sa lettre de démission, M. [B] [S] a adressé une lettre recommandée avec avis de réception à son employeur libellée comme suit 'suite à mon prolongement d'arrêt de travail du 16 septembre 2011, je vous adresse à ce jour ce courrier accompagné de la photocopie du certificat médical du 21 décembre 2011 délivré par mon médecin généraliste. Mon état de santé ne me permettant plus d'honorer mes engagements professionnels auprès de vous, vous conviendrez Monsieur qu'il serait préférable que vous adressiez par retour de courrier une lettre de licenciement. Dans l'attente, je compte sur votre bonne compréhension' ;

Que le certificat médical en date du 21 décembre 2011 annexé à ce courrier fait état d'une inaptitude définitive à l'exercice de la profession de maçon ;

Attendu qu'il ne résulte ni des pièces versées aux débats ni des écritures de l'employeur que celui-ci a pris en compte les difficultés médicales alléguées en organisant en faveur de l'employé une visite médicale de reprise ;

Attendu que la lettre du salarié, datée du 17 janvier 2012, mentionne sa démission sous condition de saisine du Conseil de Prud'hommes en cas de non prise en compte de sa demande de paiement de congés ;

Attendu que même si M. [B] [S] s'est fait aidé par un conseiller des salariés avant de rédiger sa lettre de démission, celui-ci ne pouvait connaître l'étendue de ses droits et le sort de son contrat de travail eu égard à sa possible inaptitude professionnelle ;

Attendu qu'il résulte des circonstances antérieures et contemporaines à la démission qu'à la date où elle a été donnée celle-ci était équivoque, le salarié ne manifestant clairement que sa volonté d'élucider sa situation d'inaptitude à exercer la profession de maçon et non de démissionner ;

Attendu que la démission du salarié étant équivoque elle doit donc s'analyser en une prise d'acte de rupture ;

Attendu que conformément à l'article R.4624-22 du code du travail le salarié bénéficie d'une visite médicale de reprise après une absence d'au moins trente jours pour cause de maladie non professionnelle ;

Que l'article R.4624-23 du code du travail précise que dès lors que l'employeur a connaissance de la date de la fin de l'arrêt de travail il doit saisir le service de la santé du travail qui organise l'examen de reprise dans un délai de huit jours à compter de la reprise du travail par le salarié ;

Attendu qu'il résulte des pièces versées aux débats que l'employeur, alerté par son salarié depuis le 22 décembre 2011, n'a pas organisé cette visite médicale de reprise pourtant impérieuse pour s'assurer de l'aptitude de son salarié, au mépris de son obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l'entreprise ;

Que les faits invoqués par le salarié justifient en l'espèce la prise d'acte de rupture qui doit donc s'analyser comme un licenciement sans cause réelle et

sérieuse ;

Attendu qu'en raison de l'ensemble de ces éléments le jugement du Conseil de Prud'hommes de Bergerac sera infirmé en ce qu'il a jugé que la démission de M. [B] [S] était claire et non équivoque et l'a débouté de ses demandes ;

Sur les conséquences de la prise d'acte s'analysant en un licenciement sans cause réelle et sérieuse

Sur la demande de dommages et intérêts

Attendu que compte tenu de l'effectif de l'entreprise, inférieure à onze salariés, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à M. [B] [S], de son âge soit 59 ans, de son ancienneté soit 6 années, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle, tels qu'ils résultent des pièces et explications fournies, il y a lieu d'allouer, en application de l'article L.1235-5 du code du travail, une somme de

10.500 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Sur la demande au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents

Attendu que conformément aux dispositions légales et à la convention collective applicable en l'espèce, soit celle des particuliers employeurs, M. [B] [S] a droit au versement d'une indemnité de préavis équivalente à deux mois de salaire ;

Qu'il lui sera donc alloué à ce titre la somme de 3.935,40 € à titre d'indemnité de préavis et la somme de 393,54 € de congés payés afférents ;

Sur la demande d'indemnité légale de licenciement

Attendu que conformément aux dispositions légales et à la convention collective applicable en l'espèce, soit celle des particuliers employeurs, M. [B] [S] a droit au versement d'une indemnité de licenciement ;

Que son ancienneté au sein de l'entreprise est de 6 années, peu important qu'il ait été placé en arrêt maladie à compter du mois de juin 2011 ;

Attendu que conformément à l'article R.1234-2du code du travail il lui sera alloué à ce titre la somme de 2. 904,95 € au titre de l'indemnité de licenciement ;

Sur la demande de paiement des congés payés

Attendu qu'il résulte de l'examen des bulletins de salaire et des pièces versées aux débats que seuls les congés payés du mois de janvier 2012 ont été réglés ;

Que l'employeur est donc redevable à ce titre de la somme de

3.927,15 € ;

Attendu que l'ensemble des sommes allouées au titre des créances salariales porteront intérêt au taux légal à compter de la saisine du Conseil de Prud'hommes ;

Sur la demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

Attendu qu'il apparaît équitable en l'espèce d'allouer à M. [B] [S] la somme de 1.200 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

' Infirme le jugement du Conseil de Prud'hommes de Bergerac en date du 22 avril 2013.

Et statuant à nouveau :

' Dit que la démission en date du 17 janvier 2012 est équivoque et s'analyse en une prise d'acte de rupture qui produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

' Condamne M. [G] [H] à payer à M. [B] [S] les sommes suivantes :

10.500 € (dix mille cinq cents euros) à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

3.935,40 € (trois mille neuf cent trente cinq euros et quarante centimes) à titre d'indemnité de préavis et la somme de 393,54 € (trois cent quatre vingt treize euros et cinquante quatre centimes) de congés payés afférents ;

2.904,95 € (deux mille neuf cent quatre euros et quatre vingt quinze centimes) au titre de l'indemnité de licenciement ;

3.927,15 € (trois mille neuf cent vingt sept euros et quinze centimes) au titre des rappels de salaire sur congés payés.

' Dit que les sommes allouées au titre des créances salariales porteront intérêt au taux légal à compter du 23 mars 2012.

' Condamne M. [G] [H] aux entiers dépens de première instance et d'appel.

' Condamne M. [G] [H] à payer à M. [B] [S] la somme de 1.200 € (mille deux cents euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Signé par Madame Maud Vignau, Président, et par Madame Anne-Marie Lacour-Rivière, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Anne-Marie Lacour-Rivière Maud Vignau


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 13/03201
Date de la décision : 08/04/2015

Références :

Cour d'appel de Bordeaux 4A, arrêt n°13/03201 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-04-08;13.03201 ?
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