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25/03/2015 | FRANCE | N°14/02129

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 25 mars 2015, 14/02129


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



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ARRÊT DU : 25 MARS 2015



(Rédacteur : Monsieur Jean-François Sabard, Président)



PRUD'HOMMES



N° de rôle : 14/02129











SAS Eiffage Construction Nord Aquitaine



c/



Monsieur [E] [L]















Nature de la décision : AU FOND














>Notifié par LRAR le :



LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :



La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par

voie de signification (acte d'huissier).



Certifié par le Greffier en Chef,





Grosse délivrée le :



à :



Décision déférée à la Cour :...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 25 MARS 2015

(Rédacteur : Monsieur Jean-François Sabard, Président)

PRUD'HOMMES

N° de rôle : 14/02129

SAS Eiffage Construction Nord Aquitaine

c/

Monsieur [E] [L]

Nature de la décision : AU FOND

Notifié par LRAR le :

LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :

La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par

voie de signification (acte d'huissier).

Certifié par le Greffier en Chef,

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 14 mars 2014 (RG n° F 13/00979) par le Conseil de Prud'hommes - formation paritaire - de Bordeaux, section Industrie, suivant déclaration d'appel du 08 avril 2014,

APPELANTE :

SAS Eiffage Construction Nord Aquitaine, siret n° 328 833 546 00299,

agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, [Adresse 1],

Représentée par Maître Marie Girinon substituant Maître Brigitte Looten de la SELAS Fidal, avocats au barreau de Bordeaux,

INTIMÉ :

Monsieur [E] [L], né le [Date naissance 1] 1976, demeurant [Adresse 2],

Représenté par Maître Marie Rémy substituant Maître Michèle Bauer, avocats au barreau de Bordeaux,

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 février 2015 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Jean-François Sabard, Président, chargé d'instruire l'affaire,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Jean-François Sabard, Président,

Madame Marie-Luce Grandemange, Conseiller,

Madame Isabelle Lauqué, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Anne-Marie Lacour-Rivière.

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :

Monsieur [E] [L] a été embauché par la Société Eiffage Construction Nord Aquitaine le 3 novembre 2008 en qualité de coffreur brancheur et s'est trouvé en arrêt maladie à compter du 29 janvier 2010.

Ayant été déclaré inapte à tous les postes de chantier le 19 septembre 2011, à l'issue d'une deuxième visite médicale par le médecin du travail, il était licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 10 juillet 2012.

Le 26 juillet 2012, l'employeur a régularisé le solde de tout compte après avoir était informé que l'inaptitude du salarié était consécutive à une maladie professionnelle reconnue.

Contestant le bien-fondé de son licenciement pour inaptitude, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes de Bordeaux le 18 avril 2013 pour demander des dommages-intérêts pour défaut de reclassement ainsi que pour non-respect de l'obligation de préserver la santé et la sécurité du salarié et une indemnité sur le fon-dement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 14 mars 2014, le Conseil de Prud'hommes de Bordeaux a considéré que l'employeur n'a pas respecté son obligation de reclassement et que le licenciement du salarié est dépourvu de cause réelle et sérieuse et, en conséquence, a condamné la Société Eiffage Construction Nord Aquitaine au paiement des sommes suivantes :

- 19.152 € à titre de dommages-intérêts avec intérêts légaux à compter du 22 avril

2013,

- 800 € à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le Conseil de Prud'hommes s'est déclaré incompétent sur la demande de réparation d'un préjudice consécutif à la maladie professionnelle du salarié au profit du Tribunal des Affaires de la Sécurité Sociale de Bordeaux.

La Société Eiffage Construction Nord Aquitaine a régulièrement interjeté appel de cette décision par déclaration au greffe de la Cour en date du 8 avril 2014.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

L'appelante conclut à la réformation du jugement entrepris et demande à la cour de dire qu'elle a respecté son obligation de reclassement et de protection de la santé du salarié et que son licenciement est justifié par une cause réelle et sérieuse.

Elle demande, donc, à la Cour de rejeter l'ensemble de ses prétentions et de condamner le salarié au remboursement de l'indemnité de préavis soit 3.191,14 € et de la moitié de son indemnité spéciale de licenciement soit 1.613,29 € outre le paiement de la somme de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de son appel, elle fait valoir qu'au vu des avis d'inaptitude du médecin du travail, elle s'est employée à rechercher un reclassement au salarié en interne avec extension au sein du groupe Effage Construction et qu'après avoir réuni les délégués du personnel le 15 juin 2012, elle l'a informé lors de l'entretien du 25 juin 2012 qu'aucune possibilité de reclassement n'était possible dans un poste compatible avec son état de santé de sorte qu'après un entretien préalable du 5 juillet 2012, son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement lui a été notifié le 10 juillet 2012.

Elle estime qu'elle n'a pas manqué à son obligation de sécurité de résultat et qu'aucune action en réparation du préjudice causé par un accident du travail ou une maladie professionnelle ne peut être exercée conformément au droit commun par la victime ou ses ayants droits devant une juridiction prud'homale alors que seul le Tribunal des Affaires de la Sécurité Sociale est compétent en matière d'accident du travail et de maladie professionnelle.

Elle ajoute qu'elle est en droit de demander reconventionnellement le remboursement des sommes indues qui ont été versées au salarié.

L'intimé conclut à la confirmation du jugement entrepris sauf sur le montant des dommages intérêts qui devra être porté à la somme de 20.000 € et les dommages-intérêts pour le non-respect de l'obligation de sécurité et de protection de la santé à la somme de 10.000 € outre 3.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Monsieur [L] expose que la brièveté du délai entre l'avis d'inaptitude et l'engagement de la procédure de licenciement démontre l'absence de tentative sérieuse et loyale de reclassement du salarié de sorte que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Il précise que l'employeur a manqué à son obligation générale de sécurité de résultat en ne prenant pas les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et la protection de la santé du salarié dont la maladie résulte des gestes répétitifs effectués dans le cadre de son activité professionnelle et ce depuis son arrêt de travail en 2010 alors que l'employeur aurait pu se concerter avec le médecin du travail pour savoir quelle mesure devait être mise en place afin d'alléger le travail du salarié en lui proposant le cas échéant un mi-temps de travail à titre thérapeutique.

Il conteste dans le cadre de la demande reconventionnelle de la Société Eiffage Construction Nord Aquitaine tout droit de celle-ci au remboursement des indemnités qui lui ont été versées faisant observer à la cour qu'il n'est pas concerné par le contentieux entre la CPAM et la Société Eiffage Construction Nord Aquitaine de

sorte que la demande de remboursement d'indemnité sollicitée par l'entreprise est parfaitement abusive et déloyale.

Il convient pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties de se référer expressément à leurs conclusions écrites développées oralement à l'audience.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur le licenciement pour inaptitude médicale :

Aux termes de l'article L.1226-10 du code du travail, lorsque à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à un accident du travail ou une maladie professionnelle, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités.

Aux termes de l'article L.1226-12 du code du travail, lorsque l'employeur est dans l'impossibilité de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s'opposent au reclassement. L'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L.1226-10, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions. S'il prononce le licenciement, l'employeur respecte la procédure applicable au licenciement pour motif personnel prévue au chapitre 2 du titre 3.

Il résulte de l'examen des pièces produites aux débats que la procédure de licenciement pour inaptitude a été engagée par l'employeur en juin 2012 soit plusieurs mois après l'avis d'inaptitude définitif du médecin du travail du 19 septembre 2011 et que les directions régionales du groupe dans le même secteur d'activité ont été consultées sur la disponibilité de postes compatibles avec l'état de santé du salarié des le mois de septembre 2011 avec des réponses négatives en octobre 2011, les délégués du personnel ayant été consultés par l'employeur le 15 juin 2012 de sorte qu'il n'y a pas eu précipitation comme le soutient le salarié et que l'employeur a entrepris avec le médecin du travail des recherches sérieuses et loyales en vue de son reclassement ce qui n'a pas été possible en raison de l'absence de poste compatible avec l'état de santé du salarié, sa qualification, son expérience et son niveau de formation.

Il s'en évince que l'employeur a respecté son obligation de recherche sérieuse et loyale d'un reclassement du salarié dont le licenciement est ainsi justifié par une cause réelle et sérieuse de sorte qu'il convient de réformer le jugement entrepris sur ce point et de rejeter les prétentions du salarié au titre de son licenciement.

Sur le respect de l'obligation de sécurité de résultat et de protection de la santé :

Les premiers juges ont relevé à bon droit que la juridiction prud'homale n'est compétente que pour connaître d'un litige relatif à l'indemnisation d'un préjudice consécutif à la rupture du contrat de travail et non concernant les dommages résultant d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle lesquels relèvent du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale, cette juridiction ayant d'ailleurs décidé le 10 avril 2014 que les conditions de prise en charge au titre de la législation professionnelle de la maladie du salarié déclarée le 6 octobre 2011 n'étaient pas réunies et que cette prise en charge était inopposable à la société.

La demande de dommages-intérêts du salarié fondée sur les manquements de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat et de protection de la santé de son salarié ne saurait prospérer dans la mesure où il ne peut lui être fait grief de ne pas avoir prit les mesures adéquates dans le cadre de son pouvoir de direction pour modifier et aménager son poste de travail afin d'empêcher le maintien des gestes répétitifs qui seraient à l'origine de son problème de santé à savoir une tendinite de la coiffe des rotateurs au niveau de l'articulation de l'épaule droite ainsi que l'a constaté son médecin le 8 août 2011.

En effet l'employeur qui n'avait pas été informé de l'origine professionnelle de la maladie dont était atteint le salarié ne pouvait dès lors mettre en place les mesures appropriées dans le cadre d'une concertation avec le médecin du travail afin d'alléger le travail du salarié.

Il convient, donc, de rejeter la demande du salarié sur ce point.

Sur la demande reconventionnelle :

La Société Eiffage Construction Nord Aquitaine considère que le complément indemnitaire au titre de l'existence d'une inaptitude d'origine professionnelle n'a pas de justification dès lors que le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale dans son jugement du 10 avril 2014 a jugé que la décision en date du 15 février 2012 de prise en charge au titre de la législation professionnelle de la maladie déclarée le 6 octobre 2011 par le salarié était inopposable à la Société Eiffage Construction Nord Aquitaine et a infirmé la décision de la commission de recours amiable en date du 11 septembre 2012.

Il s'ensuit que l'employeur est fondé à solliciter le remboursement des sommes versées au salarié au titre de l'origine professionnelle de l'inaptitude médicale justifiant le licenciement soit l'indemnité de préavis et l'indemnité spéciale de licen-ciement pour la partie excédant l'indemnité légale de licenciement soit les sommes de 3.191,14 € et 1.613,29 €.

Sur les autres demandes :

L'équité commande de condamner Monsieur [L] à payer à la Société Eiffage Construction Nord Aquitaine une indemnité de procédure de 250 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais non compris dans les dépens exposés au cours de ces instances et de débouter Monsieur [L] de sa demande sur le même fondement dès lors qu'il supportera les dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Déclare l'appel régulier, recevable et fondé.

Réforme le jugement entrepris en ses dispositions contraires aux présentes.

Statuant à nouveau :

Dit que la Société Eiffage Construction Nord Aquitaine a respecté son obligation de reclassement.

Dit que le licenciement de Monsieur [E] [L] pour inaptitude médicale est justifié par une cause réelle et sérieuse.

Dit que la Société Eiffage Construction Nord Aquitaine a respecté son obligation de sécurité de résultat et de protection de la santé du salarié.

Déboute Monsieur [E] [L] de l'ensemble de ses prétentions.

Le condamne à rembourser à la Société Eiffage Construction Nord Aquitaine le montant de son indemnité de préavis soit 3.191,14 € (trois mille cent quatre vingt onze euros et quatorze centimes) et la moitié de l'indemnité spéciale de licenciement perçue soit 1.613,29 € (mille six cent treize euros et vingt neuf centimes).

Le condamne en outre à payer à la Société Eiffage Construction Nord Aquitaine une indemnité de procédure de 250 € (deux cent cinquante euros) sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le condamne enfin aux dépens de première instance et d'appel.

Signé par Monsieur Jean-François Sabard, Président, et par Madame Anne-Marie Lacour-Rivière, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Anne-Marie Lacour-Rivière Jean-François Sabard


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 14/02129
Date de la décision : 25/03/2015

Références :

Cour d'appel de Bordeaux 4A, arrêt n°14/02129 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-03-25;14.02129 ?
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