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25/03/2015 | FRANCE | N°13/03470

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 25 mars 2015, 13/03470


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



--------------------------







ARRÊT DU : 25 MARS 2015



(Rédacteur : Madame Marie-Luce Grandemange, Conseiller)



PRUD'HOMMES



N° de rôle : 13/03470











Monsieur [K] [Q]



c/



SAS Thalès Systèmes Aéroportés

















Nature de la décision : AU FOND













Noti

fié par LRAR le :



LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :



La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par

voie de signification (acte d'huissier).



Certifié par le Greffier en Chef,





Grosse délivrée le :



à :



Décision déférée à la Cour : jugeme...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 25 MARS 2015

(Rédacteur : Madame Marie-Luce Grandemange, Conseiller)

PRUD'HOMMES

N° de rôle : 13/03470

Monsieur [K] [Q]

c/

SAS Thalès Systèmes Aéroportés

Nature de la décision : AU FOND

Notifié par LRAR le :

LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :

La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par

voie de signification (acte d'huissier).

Certifié par le Greffier en Chef,

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 24 mai 2013 (RG n° F 09/03010) par le Conseil de Prud'hommes - formation de départage - de Bordeaux, section Encadrement, suivant déclaration d'appel du 04 juin 2013,

APPELANT :

Monsieur [K] [Q], né le [Date naissance 1] 1953 à [Localité 4], de

nationalité française, profession cadre technique, demeurant lieu-dit [Adresse 1],

Représenté par Maître Monique Guédon, avocat au barreau de Bordeaux,

INTIMÉE :

SAS Thalès Systèmes Aéroportés, siret n° 383 475 092, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, [Adresse 2],

Représentée par Maître Christophe Biais de la SELARL Christophe Biais & Associés, avocats au barreau de Bordeaux,

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 02 février 2015 en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Maud Vignau, Président,

Madame Marie-Luce Grandemange, Conseiller,

Madame Isabelle Lauqué, Conseiller,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Anne-Marie Lacour-Rivière.

ARRÊT :

- contradictoire,

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

M. [K] [Q] a été embauché par la SA électronique Marcel Dassault par contrat de travail à durée déterminée en date du 21 octobre 1976, expirant le 31 mai 1978, en qualité d'agent technique électronicien niveau IV échelon 2 coefficient 270 pour une rémunération mensuelle brute de 2930 fr et une durée de travail de 40 heures hebdomadaires. La relation s'est prolongée dans un cadre à durée indéterminée à compter du 1er juin 1978.

À la suite d'une fusion avec les sociétés Thomson-TSF Radars et Contre-Mesures la nouvelle société fusionnée devenait Thomson-CSF Detexis à compter du 1er janvier 1999 qui deviendra ultérieurement Thalès Systèmes Aéroportés SA.

À compter du 1er janvier 2000 M. [Q] était affecté à l'établissement d'[Localité 3], la société exploitant également deux autres sites à [Localité 2] et [Localité 5].

À compter de l'année 1994 M. [Q] a assuré plusieurs mandats représentatifs, délégué du personnel, délégué syndical, conseiller des salariés.

La SA Thalès Systèmes Aéroportés acceptait le volontariat de M. [Q], dans le cadre du plan de Sauvegarde de l'Emploi en cours dans l'entreprise, pour une mutation à [Localité 5] sur un poste d'ensemblier intégration à compter du 01 juillet 2006.

À compter du 1er mai 2007 M. [Q] était affecté au sein du service 'TBU ARS', d'un commun accord entre les parties.

Par avenant contractuel en date du 28 mars 2012 M. [Q] bénéficie, depuis le 1er juillet 2012 du dispositif de mise à disposition sans obligation permanente d'activité, avec dispense d'activité, jusqu'au 31 décembre 2015 date à compter de laquelle il sera en mesure de liquider sa pension de retraite à taux plein.

Le 22 octobre 2009, M. [Q] a saisi le Conseil de Prud'hommes de Bordeaux en réparation de sa discrimination syndicale, en paiement de dommages intérêts, d'un rappel de salaire sur part variable, d'une indemnité pour écart de loyers, en re-positionnement au niveau III A à compter d'octobre 2011 avec un salaire de 5052,05 € bruts par mois.

Par décision en date du 24 mai 2013, le Conseil de Prud'hommes, en formation de départage a débouté M. [Q] de l'ensemble de ses demandes et l'a condamné à payer à la SA Thalès Systèmes Aéroportés la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le 04 juin 2013, M. [Q] a interjeté appel de cette décision.

Par conclusions déposées le 17 octobre 2014, développées oralement et auxquelles il est expressément fait référence, M. [Q] conclut à la réformation du jugement entrepris sauf en ce qu'il a écarté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de son action.

Il demande à la Cour de dire qu'il a été victime de discrimination syndicale et forme, dès lors, les demandes en paiement des sommes suivantes à l'encontre de la SA Thalès Systèmes Aéroportés :

- 213.752,00 € de dommages intérêts nets de CSG et CRDS pour préjudice financier

avec incidence sur les retraites,

- 52.800,00 € à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral,

- 1.256,00 € à titre de rappel de salaire sur la part variable en 2009,

- 125,66 € à titre de congés payés sur rappel de salaires,

- 5.400,00 € au titre de l'écart de loyers,

- 5.000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Il demande, en outre, sa classification comme cadre niveau III A par à compter du mois d'octobre 2011 avec un salaire brut de 5196,90 euros.

Par conclusions déposées le 28 janvier 2015 développées oralement et auxquelles il est expressément fait référence, la SA Thalès Systèmes Aéroportés soulève la prescription de l'action et subsidiairement demande la confirmation du jugement entrepris et la condamnation de M. [Q] à lui payer la somme de 4.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIVATION

* Sur la prescription :

C'est par des motifs pertinents que la cour adopte que le premier juge a écarté la fin de non-recevoir tirée de la prescription soulevée par la SA Thalès Systèmes Aéroportés.

Il convient d'ajouter que l'employeur ne peut invoquer le délai de prescription salariale alors qu'aux termes de l'article L.1134-5 du code du travail si la discrimination se prescrit par cinq ans les dommages-intérêts réparent l'entier préjudice résultant de la discrimination pendant toute sa durée.

* Sur la discrimination syndicale :

Aux termes des dispositions de l'article L.1132-1 du code du travail aucun salarié ne doit faire l'objet d'une mesure discriminatoire notamment en matière de rémunération, de formation, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle en raison de ses activités syndicales.

En application de l'article L.1134-1 du même code il incombe au salarié d'établir les éléments de fait qui laisse présumer l'existence d'une discrimination, et dans une telle hypothèse il incombe à l'employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

M. [Q] se prévaut de onze mesures discriminatoires adoptées par l'employeur à son endroit :

- sur la discrimination professionnelle et salariale : M [Q] soutient que son évolution de carrière a été freinée en raison de ses activités syndicales et qu'il subit une discrimination salariale.

Il estime tout d'abord qu'il aurait du bénéficier de la classification cadre niveau III après 8 à 9 ans passés au niveau II alors qu'il est resté plus de 22 ans à ce niveau là.

Il se fonde sur un document daté de 2008 intitulé 'éléments d'analyse globale-comparaison de la situation des femmes et des hommes (rémunération)' dont il fait une lecture totalement erronée. Il résulte simplement de ce document qu'en 2008 les 131 femmes de la société avaient une ancienneté moyenne dans l'échelon II de sept ans et neuf mois et les 698 hommes de huit ans et six mois, ce quels que soit leur date d'entrée dans la société, leurs diplômes, leur niveau de qualification et l'emploi occupé à l'embauche. En tout état de cause il ne signifie nullement que les hommes cadres de niveau II étaient promus au niveau III après 8 ans et demi d'ancienneté passés au niveau II.

Ensuite, M. [Q] compare son évolution de carrière et son niveau de rémunération à ceux de Messieurs [U], [A] et [W]. Au regard du nombre de salariés de l'entreprise ayant une ancienneté, un niveau de diplômes, une qualification et un emploi comparables à ceux de M. [Q] une comparaison avec trois salariés choisis n'est pas pertinente. M. [Q] compare également son évolution profession-nelle et son niveau de salaire à un groupe de 22 salariés qu'il a constitué à partir d'un panel de 95 salariés produit par l'employeur et établi en septembre 2010.

M. [Q] conteste la pertinence du panel produit par la société Thalès au premier motif qu'il est anonyme. Cette critique tirée de 'l'anonymisation' des noms des salariés concernés ne peut-être retenue dès lors que les indications apportées par l'employeur, notamment les matricules des salariés sont suffisamment précis pour permettre la vérification de l'authenticité des données communiquées, M. [Q] a d'ailleurs utilisé cette liste pour élaborer son propre panel, le numéro matricule lui ayant permis de retrouver l'identité de chaque salarié et d'en écarter certains en raison de leur employeur d'origine.

En effet, principalement, M. [Q] en conteste la composition car il estime que son évolution de carrière et son niveau de rémunération doivent être comparés avec ceux des seuls salariés embauchés à l'origine par la SA Marcel Dassault à l'exclusion de ceux embauchés par la société Thomson, dont le niveau de salaire était, selon lui, inférieur au moment de la fusion entre les sociétés.

Si au moment de la fusion entre ces sociétés, le 1er janvier 1999, le transfert des contrats de travail en application des dispositions de l'article L.1224-1 du code du travail était de nature à constituer une raison objective de différence de traitement salarial entre les salariés provenant de chacune des sociétés fusionnées, l'appréciation des conditions de déroulement de la carrière de M. [Q] et d'une éventuelle discrimination syndicale doit se faire par comparaison avec les salariés de même ancienneté et ayant été engagés au même niveau de classification et de diplômes sans distinction selon l'employeur d'origine.

Il convient de retenir le tableau comparatif établi en septembre 2010 relatif à un groupe de 95 salariés recrutés soit deux ans avant soit deux ans après M. [Q], ayant donc une ancienneté comprise entre 30 et 34 ans, à un niveau de diplôme équivalent (Bac + 2) et qui, comme lui, ont obtenu un diplôme Bac + 4 en cours de carrière. Il en résulte que 18 d'entre eux relevaient toujours de la classification technicien en septembre 2010, cinquante, dont M. [Q] étaient cadres niveau II et 27 cadres niveau III. M. [Q] a donc connu une évolution de carrière similaire à celle de 51 % des salariés dans une situation comparable à la sienne et plus favorable que celle de 19 % d'entre eux.

Il est donc démontré que M. [Q] n'a connu aucune inégalité de traitement dans le déroulement de son évolution professionnelle.

Par ailleurs, en septembre 2010, parmi les cadres de niveau II M. [Q] se situe au 19ème rang/50 dans l'ordre des salaires du plus élevé vers le plus faible, et alors que le salaire annuel moyen, et non médian, des 50 cadres de niveau II est de 48.570 € bruts celui de M. [Q] s'élève à la somme de 51.324 € bruts.

C'est donc par une appréciation pertinente des éléments versés aux débats par les parties que le premier juge a considéré que M. [Q] n'a pas été victime de différence de traitement dans le déroulement de sa carrière et dans l'évolution de son niveau de rémunération.

- l'absence d'entretien annuel d'évaluation en 2007 et 2008 :

Contrairement aux affirmations du salarié ces deux entretiens avec le supérieur hiérarchique ont eu lieu le 06 mars 2008 avec M. [X] et le 28 janvier 2009 avec M. [N].

- L'absence d'augmentation en 2003, 2005, 2006 et l'augmentation de 0,8 % en

2010 :

La lecture des bulletins de salaire de l'intéressé démontre que ses appointements ont augmentés en 2003 (de 3.893 € à 3.990 € par mois) en 2005 (pour atteindre 4.110 € par mois) ils sont restés stables en 2006 et ont augmenté en 2010 de plus de 2 % (pour passer de 4.277 € à 4.363 €), ce qui, à ses dires, correspond exac-tement à l'augmentation accordée en 2010 aux cadres et ingénieurs. Aucun élément du dossier ne permet d'établir qu'il a eu un traitement différent de celui accordé aux salariés dans une situation semblable à la sienne.

- Sur les insultes et le discrédit porté à son encontre :

M. [Q] invoque la pièce 21 de son adversaire, or, à la lecture du bordereau de communication de la SA Thalès Systèmes Aéroportés cette pièce n'est pas produite devant la Cour. M. [Q] produit lui-même la pièce numéro 21 versée aux débats par l'employeur en première instance intitulée 'dossier discrimination -De [J] [R] à [Y] [L]' qui comporte une analyse du positionnement de M. [Q] dans 'les nuages de points', un résumé des entretiens conduits en interne dans le cadre de l'instruction de ses doléances pour discrimination avec ses supérieurs hiérarchiques (N+1 et N+2 ) avant 1995, soit avant tout mandat syndical, ainsi qu'avec

.../...

sa supérieure hiérarchique en 2005. Ce rapport, non signé, non daté, conclut à l'absence de discrimination syndicale l'intéressé ayant 'un salaire et une position tout à fait conformes à son niveau de responsabilité et au poste occupé'. Il comporte un paragraphe selon lequel ses collègues de travail et sa hiérarchie en 2005 craignaient 'sa grande gueule' sa réactivité et préféraient faire le travail à sa place plutôt que de l'affronter. Cette pièce ne comporte aucune insulte mais une appréciation portée sans indication de la source, surtout l'employeur ne la produit plus, suivant en cela le point de vue du salarié qui a mentionné sur ce document de façon manuscrite 'anonyme irrecevable'. Elle ne démontre nullement que M. [Q] a été insulté par quiconque.

- Sur sa mise à l'écart à compter de février 2008 et sa rétrogradation à compter du 01 mai 2009 :

M. [Q] soutient qu'à compter du mois de février 2008 l'employeur ne lui a plus donné de travail et lui a confié des tâches subalternes à compter de mai 2009.

Les pièces versées aux débats démontrent que M. [Q] travaillait avec quatre autres salariés dans un laboratoire consacré au programme Horizon, confié par le Ministère de la Défense et supposant un degré de confidentialité. Le 10 janvier 2008 M. [X], responsable études, précisait que la direction générale des armées devait prendre une position claire avant le 18 mars 2008 sur l'arrêt de cette mission. Dans la perspective de la décision du Ministère de la Défense de mettre un terme à ce programme, l'employeur a dû envisager le démantèlement de ce laboratoire, Messieurs [X] et [T] ont accepté leur mutation sur le site d'[Localité 3] à compter du mois de janvier 2008.

En revanche, ainsi que l'a parfaitement apprécié le premier juge, les trois autres salariés, M. [Q], Ms [P] et [H] se sont vus confier la tâche de préparer et d'organiser le démantèlement du laboratoire jusqu'au mois de mai/juin 2008 inclus, même si le déménagement définitif encadré par M. [Q] n'a été effectif qu'en janvier 2009.

Ce point est, d'ailleurs, confirmé par une lettre adressée à M. [T] le 17 décembre 2007 lui enjoignant de prendre en charge 'la clôture des dossiers de l'affaire Horizon, ceci, jusqu'en juin 2008' depuis [Localité 3].

De plus, il résulte des pièces produites par la société que la DGA (direction générale des armées) n'a pas officialisé la rupture de ses engagements avant janvier 2009, ainsi une lettre entre Thalès et la société Eurocopter datée du 12 juillet 2008 démontre que, dans le cadre de ce programme Horizon, des baies radars auraient dues être livrées par la personne publique en janvier, mars et mai 2008, que tel n'a pas été le cas sans que la DGA ne prenne la responsabilité d'une rupture du marché.

C'est dans ces circonstances qu'au terme de leur tâche M. [H] a accepté une nouvelle mission de 5 mois à compter du 15 avril 2008, M. [P] s'est vu proposer le 16 juin 2008 une mission de responsable d'assistance technique, M. [Q] a quant à lui refusé le poste de gestion de configuration à [Localité 3], conforme à sa qualification et à son expérience, qui lui était proposé le 02 juin 2008. M. [Q] ne conteste pas s'être opposé à toute perspective de mutation sur un autre site que [Localité 5].

Il apparaît que suite à ce refus du salarié M. [Q] a été absent pour cause de congés du 07 au 28 juillet puis du 04 au 25 août 2008, que l'employeur l'a reçu au mois de septembre pour envisager avec lui son repositionnement et qu'une candidature pour occuper un poste de formateur 'IPE', ingénieur pour l'école, auprès du Ministère de l'éducation nationale a été envisagée et soutenue par la direction des ressources humaines, puis concrétisée au mois d'octobre 2008 étant observé que M. [Q] a été absent pour cause de maladie du 09 octobre au 17 novembre 2008 et n'a été présent que 4 jours dans l'entreprise au mois de novembre 2009. L'éducation nationale a donné une suite favorable à la candidature de M. [Q] pour un détachement à compter du 01janvier 2009, repoussé au 01février 2009 suite à la décision du Ministère de l'éducation nationale. M. [Q] s'est vu confié par l'employeur au mois de janvier 2009 la coordination de la mise en oeuvre du déménagement du laboratoire.

Ainsi que l'a relevé le Conseil de Prud'hommes la décision de mettre un terme au détachement de M. [Q] a été prise par le Ministère de l'éducation nationale à la fin de la période d'essai de trois mois qu'il avait contractuellement acceptée. Le représentant de l'académie de [Localité 1] en a informé l'employeur dans un écrit du 07 mai 2009 précisant qu'il y avait inadéquation entre les exigences du poste et les compétences de M. [Q].

Ainsi, c'est à bon droit que le premier juge a considéré que la mise à l'écart de M. [Q] et la privation d'activité alléguée courant 2008 n'étaient pas établies.

Par ailleurs, si M. [Q] se plaint de ne pas avoir eu de nouvelles fonctions dès le 1er mai 2009, force est de constater que suite à la rupture de son détachement le 30 avril 2009, M. [Q], qui expose avoir tenté de mettre fin à ses jours le 02 mai, a été en arrêt maladie ordinaire du 03 mai 2009 jusqu'au 18 septembre 2009 puis en congés jusqu'au 02 novembre 2009.

Les pièces produites démontrent qu'à compter de cette date et pendant l'année 2010 M. [Q] a été chargé de 'mettre en place les spécifications RDY 3 existantes dans la base Doors' ce notamment pour préparer des contrats RDY en Inde et au Maroc ; la société justifie de la désignation d'un tuteur technique, M. [B], pour l'accompagner en raison de l'absence de documentation en français, M. [Q] ne comprenant pas l'anglais, et d'un suivi de formation informatique.

Tant les entretiens annuels d'évaluation de l'intéressé pour les années suivantes que les courriels échangés avec son supérieur hiérarchique démontrent que M. [Q] a continué à assumer ce type de travaux jusqu'à sa mise en disponibilité. S'il n'apparaît pas que M. [D], responsable de la formation à [Localité 5] ait réalisé des travaux similaires à ceux confiés à M. [Q] tel est manifestement le cas de M. [B] comme cela résulte d'un courriel que celui-ci a adressé à M. [Q] et à M. [N] le 22 mars 2010. Ainsi il n'apparaît nullement que M. [Q] est resté sans travail ou s'est vu confié des tâches subalternes avec rétrogradation.

- Sur la modification des conditions du contrat de travail, l'absence de versement de l'écart de loyer lors de sa mutation à [Localité 5], la violation de l'accord collectif groupe du 27 novembre 2006 et le non paiement du maximum de part variable au titre de l'année 2009 :

La modification des conditions et du contrat de travail est invoquée de façon générique par M. [Q] qui ne se réfère à aucune décision particulière de l'employeur. Étant observé que la mutation de M. [Q] à [Localité 5] en 2006 et son affectation au service 'TBU ARS' se sont faites d'un commun accord de même que son détachement auprès de l'éducation nationale entre février et avril 2009. En revanche il est constant qu'aucun avenant contractuel n'a été signé entre les parties lorsque M. [Q] s'est vu confié à compter du mois de novembre 2009 une nouvelle mission. Cela laisse présumer une discrimination syndicale.

De plus, si le premier juge a fait une exacte analyse de l'accord sur les mesures d'accompagnement des transferts d'activité vers [Localité 2] et [Localité 5] en date du 14 mars 2006, aux termes duquel M. [Q] n'était pas en droit de prétendre au paiement de l'indemnité d'écart de loyer, la SA Thales Systèmes Aéroportés ne

conteste pas que M. [E], salarié dans la même situation a bénéficié du versement de l'indemnité. Cette différence de traitement laisse présumer l'existence d'une discrimination syndicale.

Il en va de même de l'absence d'entretien entre M. [Q] et son supérieur hiérarchique lors de la prise de son mandat de délégué syndical CGT le 21 avril 2008 et en juillet 2009 lors de sa désignation pour exercer des mandats externes, entretien prévu pour adapter la charge de travail du représentant du personnel au volume de crédit d'heures nécessaire à l'exercice de son mandat par l'article 3-1 de l'accord de groupe sur l'exercice du droit syndical et le dialogue social en date du 23 novembre 2006. En revanche les propres pièces produites par M. [Q] démontrent que les entretiens de développement professionnel (EDP) avec la direction des ressources humaines prévus par l'article 3-2 du même accord ont bien eu lieu en septembre de chaque année.

Enfin, il est constant que dans le calcul de la rémunération variable de M. [Q] pour l'année 2009 son indicateur de performance individuelle a été retenu à hauteur de 40 % alors que le taux cible était de 50 %.

Ces éléments laissent présumer une discrimination syndicale.

S'agissant de la part de rémunération variable versée à M. [Q] pour l'année 2009 il apparaît qu'interrogé par le salarié le 13 avril 2010 sur les critères retenus pour son calcul l'employeur lui a répondu par lettre en date du 28 juillet 2010 que son objectif principal pour l'année 2009 était sa réussite au poste d'IPE sur lequel il a été détaché. L'employeur a donc tenu compte de son échec dans sa mission principale, n'a pas pris en compte sa période d'absence, les deux derniers mois de l'année consacrés à la mise en place de sa mission nouvelle n'ayant pu donner lieu à une évaluation formelle, la fixation de sa performance à 40 % du taux était un encouragement selon l'employeur.

La lecture de l'entretien annuel d'évaluation du 28 janvier 2009 confirme que l'objectif permanent pour 2009 assigné à M. [Q] était sa réussite au poste d'Ingénieur pour l'école. Il est établi que l'éducation nationale a mis un terme à ce détachement car M. [Q] ne présentait pas les compétences requises 'réactivité, aptitude à se positionner comme cadre dans un contexte différent...'. Cet échec est un élément objectif, étranger à toute volonté de discrimination, de nature à justifier la décision de l'employeur de fixer le taux de part variable à 40 %. Cette décision ne relève pas de la discrimination syndicale.

En revanche, l'employeur n'explique par aucun motif objectif les raisons pour lesquelles une différence de traitement a été faite entre M. [Q] et M. [E] s'agissant du versement de l'indemnité d'écart de loyer, celles pour lesquelles il n'a pas procédé aux entretiens prévus par l'accord du 23 novembre 2006 lors de la désignation de M. [Q] comme délégué syndical CGT ou comme conseiller extérieur ou encore le motif pour lequel aucun avenant contractuel n'a été signé entre les parties après l'échec du détachement de M. [Q] auprès de l'éducation nationale et sa réin-tégration dans son service d'origine avec affectation sur une nouvelle mission.

La discrimination syndicale dont M. [Q] a été victime est établie.

* Sur l'indemnisation du préjudice lié à la discrimination syndicale :

Il convient d'observer qu'aucune proposition transactionnelle émanant de la direction de la SA Thalès Systèmes Aéroportés n'est produite.

M. [Q] apparaît bien fondé à réclamer au titre de la réparation de son préjudice matériel le paiement de l'indemnité d'écart de loyer dont le montant n'est pas contesté soit 5.400 €.

En revanche, aucune discrimination salariale ou dans l'évolution de carrière n'étant retenue M. [Q] ne peut solliciter sa classification au niveau

cadre III, et sa demande en paiement de dommages intérêts sera ramenée à la somme de 5.000 €, tous chefs de préjudice confondus, avec intérêts courant au taux légal à compter de ce jour en application des dispositions de l'article 1153-1 du code civil.

* Sur les autres demandes :

La SA Thalès Systèmes Aéroportés qui succombe sera condamnée aux dépens de la procédure de première instance et d'appel, elle conservera la charge de ses frais irrépétibles et le jugement déféré sera réformé en ce qu'il lui a alloué une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

L'équité et les circonstances de la cause commandent de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de M. [Q] qui se verra allouer la somme de 2.000 € à ce titre.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

' Réforme le jugement déféré.

Et, statuant de nouveau :

' Condamne la SA Thalès Systèmes Aéroportés à verser à M. [Q] la somme de 5.400 € (cinq mille quatre cents euros) à titre d'indemnité d'écart de loyer avec intérêts courant au taux légal à compter du 22 octobre 2009 et celle de 5.000 € (cinq mille euros) à titre de dommages-intérêts avec intérêts courant au taux légal à compter de ce jour.

' Déboute M. [Q] du surplus de ses demandes.

' Condamne la SA Thalès Systèmes aéroporté à verser à M. [Q] la somme de 2.000 € (deux mille euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

' Condamne la SA Thalès Systèmes Aéroportés aux dépens de la procédure de première instance et d'appel.

Signé par Madame Maud Vignau, Président, et par Madame Anne-Marie Lacour-Rivière, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Anne-Marie Lacour-Rivière Maud Vignau


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 13/03470
Date de la décision : 25/03/2015

Références :

Cour d'appel de Bordeaux 4A, arrêt n°13/03470 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-03-25;13.03470 ?
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