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19/03/2015 | FRANCE | N°14/03175

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section b, 19 mars 2015, 14/03175


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION B



--------------------------











ARRÊT DU : 19 MARS 2015

gtr

(Rédacteur : Madame Véronique LEBRETON, Conseillère)



SÉCURITÉ SOCIALE



N° de rôle : 14/03175





















CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA GIRONDE



c/



SPIE BATIGNOLLES SUD OUEST













Nature de la décis

ion : AU FOND







Notifié par LRAR le :



LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :



La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d'huissier).



Certifié par le Greffier en Chef,



Grosse délivrée le :



à :

Déci...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION B

--------------------------

ARRÊT DU : 19 MARS 2015

gtr

(Rédacteur : Madame Véronique LEBRETON, Conseillère)

SÉCURITÉ SOCIALE

N° de rôle : 14/03175

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA GIRONDE

c/

SPIE BATIGNOLLES SUD OUEST

Nature de la décision : AU FOND

Notifié par LRAR le :

LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :

La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d'huissier).

Certifié par le Greffier en Chef,

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 10 avril 2014 (R.G. n°20120986) par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de GIRONDE, suivant déclaration d'appel du 27 mai 2014,

APPELANTE :

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA GIRONDE, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social

[Adresse 2]

représentée par Me LENOBLE loco Me Max BARDET, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉE :

SPIE BATIGNOLLES SUD OUEST, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social

[Adresse 1]

représentée par Me BENTZ loco Me Isabelle VANHAECKE, avocat au barreau de LYON

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 05 février 2015, en audience publique, devant Madame Véronique LEBRETON, Conseillère chargée d'instruire l'affaire, qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Elisabeth LARSABAL, Présidente

Madame Catherine MAILHES, Conseillère

Madame Véronique LEBRETON, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Gwenaël TRIDON DE REY,

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

EXPOSE DU LITIGE

M. [M] [R] [T], salarié de la société Spie Batignolles sud ouest (la société SBSO), qui exerce une activité de maçonnerie générale et de gros 'uvre de bâtiment, en qualité de maçon coffreur, a complété le 22 mai 2011, une déclaration de maladie professionnelle à laquelle était joint un certificat établi par le docteur [I] le 2 avril 2011 mentionnant ' lombalgie chronique récidivante typique avec irradiation de type S1 chez un travailleur du bâtiment. Bilan paraclinique en faveur d'un canal lombaire rétréci en L5, S1'.

Le 3 juin 2011, la CPAM de la Gironde a informé la société Spie Batignolles sud ouest de l'ouverture d'une procédure d'instruction et lui a adressé à un questionnaire ainsi qu'au salarié. Le 19 août 2011, la CPAM de la Gironde a avisé l'employeur de la prorogation du délai d'instruction. Le 17 octobre 2011, la CPAM de la Gironde a informé la société Spie Batignolles sud ouest de la clôture de l'instruction l'invitant à venir consulter le dossier de M. [M] [R] [T].

Par décision du 7 novembre 2011, la CPAM de la Gironde a pris en charge la pathologie déclarée par M. [M] [R] [T] au titre du tableau 98 des maladies professionnelles.

Par lettre datée du 6 janvier 2012, la société Spie Batignolles sud ouest a saisi la commission de recours amiable de la CPAM afin de voir déclarer la décision de prise en charge du 7 novembre 2011 inopposable, et par décision du 15 mai 2012, la Commission a rejeté son recours, à la suite de quoi la société Spie Batignolles sud ouest a saisi le 7 juin 2012 le tribunal des affaires de sécurité sociale de la Gironde.

Par jugement rendu le 10 avril 2014, le tribunal a:

- déclaré inopposable à la société Spie Batignolles sud ouest la décision du 7 novembre 2011 de prise en charge au titre de la législation professionnelle de la maladie déclarée par M. [R] [T],

- infirmé la décision de la Commission de recours amiable du 15 mai 2012, - débouté la société Spie Batignolles sud ouest de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit n'y avoir lieu à statuer sur les dépens.

La CPAM de la Gironde a relevé appel de cette décision le 27 mai 2014.

Par conclusions du 22 décembre 2014 et du 22 janvier 2015 développées oralement à l'audience la CPAM de la Gironde demande à la cour de:

- dire et juger que la société Spie Batignolles sud ouest doit supporter les conséquences financières de la maladie professionnelle de son salarié, M.[R] [T],

En conséquence,

- réformer le jugement entrepris,

- débouter la société Spie Batignolles sud ouest de ses demandes,

A titre subsidaire,

- ordonner une expertise judiciaire afin qu'il soit statué sur la date de première constatation de la maladie déclarée par M.[R] [T],

- condamner la société Spie Batignolles sud ouest à lui régler la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La CPAM de la Gironde fait valoir qu'il résulte du dossier de maladie professionnelle du salarié que les conditions tenant au délai de prise en charge de 6 mois, au délai d'exposition et à la nature des travaux exécutés ont été respectés, l'employeur et le salarié reconnaissant le port de charges de moins de 25 kg dans le cadre d'un activité de maçon coffreur pendant une durée de 16 ans et l'employeur ne justifiant pas que les conditions de travail au cours des cinq dernières années sont exclusives de port de charges, de sorte que les conditions de mise en 'uvre de la présomption d'imputabilité de l'article L 461-1 du code de la sécurité sociale étaient réunies, l'employeur ne renversant pas cette présomption.

Elle expose que l'instruction a été menée régulièrement, que l'ensemble des éléments fondant sa décision était connu de l'employeur et que la décision de prise en charge est suffisamment motivée. Elle précise enfin que la notification de la prise en charge permet à son destinataire d'identifier la caisse comme auteur de la décision et qu'il n'est pas exigé de formes particulières à la délégation faite à ses agents.

Par conclusions déposées le 22 janvier 2015 au greffe développées oralement à l'audience, la société Spie Batignolles sud ouest demande à la cour de:

- juger la CPAM de la Gironde recevable mais non fondée en son appel et, en conséquence de l'en débouter,

- confirmer la décision déférée en ce qu'il a déclaré que la décision de prise en charge de la maladie professionnelle lui était inopposable au besoin par substitution de motifs,

En conséquence,

- dire et juger que la décision de prise en charge de la maladie professionnelle au titre de la législation du travail déclarée par M.[R] [T] lui est inopposable,

- dire et juger que l'ensemble des conséquences financières résultant de la décision du 7 novembre 2011 frappée d'inopposabilité n'est pas à sa charge et ne doit pas figurer à ses comptes employeur,

- condamner la CPAM de la Gironde à lui payer la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Concernant la prise en charge de la maladie au titre du tableau 98 des maladies professionnelles, la société Spie Batignolles sud ouest fait valoir que la charge de la preuve incombe à la caisse dans ses rapports avec l'employeur, que la lombalgie chronique déclarée par l'employé ne figure pas au tableau 98 des maladies professionnelles, que la preuve d'une exposition habituelle au risque n'est pas rapportée pas plus que la durée d'exposition de 5 ans au risque, et que le délai de 6 mois après la fin de l'exposition au risque est dépassé, la date de première constatation de la maladie n'étant en outre pas certaine.

La société Spie Batignolles sud ouest soutient que l'instruction menée est irrégulière car incomplète dans la mesure où elle ne précise pas le tableau des maladies professionnelles visé et ne transmet pas le certificat médical visant la pathologie, et qu'en outre le travail habituel de la victime n'est pas caractérisé.

Enfin, l'employeur soutient que la décision de prise en charge n'est pas motivée et que la preuve de la délégation de signature de l'agent signataire n'est pas rapportée, cette irrégularité devant emporter l'annulation de la décision.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens, et des prétentions et de l'argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures déposées, oralement reprises.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur les conditions de prise en charge de la maladie professionnelle

Aux termes de l'article L461-1du code de la sécurité sociale, en ce qui concerne les maladies professionnelles, la date à laquelle la victime est informée par un certificat médical du lien possible entre sa maladie et une activité professionnelle est assimilée à la date de l'accident.

Est présumée d'origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau.

Si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu'elle est désignée dans un tableau de maladies professionnelles peut être reconnue d'origine professionnelle lorsqu'il est établi qu'elle est directement causée par le travail habituel de la victime.

Peut être également reconnue d'origine professionnelle une maladie caractérisée non désignée dans un tableau de maladies professionnelles lorsqu'il est établi qu'elle est essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime et qu'elle entraîne le décès de celle-ci ou une incapacité permanente d'un taux évalué dans les conditions mentionnées à l'article L. 434-2 et au moins égal à un pourcentage déterminé.

Dans les cas mentionnés aux deux alinéas précédents, la caisse primaire reconnaît l'origine professionnelle de la maladie après avis motivé d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles. La composition, le fonctionnement et le ressort territorial de ce comité ainsi que les éléments du dossier au vu duquel il rend son avis sont fixés par décret. L'avis du comité s'impose à la caisse dans les mêmes conditions que celles fixées à l'article L. 315-1.

Par ailleurs selon l'article L461-2 , 5éme alinéa du même code à partir de la date à laquelle un travailleur a cessé d'être exposé à l'action des agents nocifs inscrits aux tableaux susmentionnés, la caisse primaire et la caisse régionale ne prennent en charge, en vertu des dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 461-1, les maladies correspondant à ces travaux que si la première constatation médicale intervient pendant le délai fixé à chaque tableau.

En l'espèce, la CPAM de la Gironde a pris en charge la maladie déclarée par M. [M] [R] [T] au titre de la législation professionnelle et du tableau n° 98, en application de l'article L461-1 alinéa 2 code de la sécurité sociale à la suite d'une instruction au cours de laquelle l'employeur et le salarié ont répondu à un questionnaire.

Dans ses rapports avec l'employeur, il appartient à la caisse de démontrer que les conditions fixées par le tableau n° 98, ''Affections chroniques du rachis lombaire provoquées par la manutention manuelle de charges lourdes'', sont réunies dans le cas de M. [M] [R] [T].

Ces conditions sont les suivantes :

DÉSIGNATION DES MALADIES

DÉLAI de prise en charge

LISTE LIMITATIVE DES TRAVAUX SUSCEPTIBLES de provoquer ces maladies

Sciatique par hernie discale L4-L5 ou L5-S1 avec atteinte radiculaire de topographie concordante. Radiculalgie crurale par hernie discale L2-L3 ou L3-L4 ou L4-L5, avec atteinte radiculaire de topographie concordante.

6 mois (sous réserve d'une durée d'exposition de 5 ans)

Travaux de manutention manuelle habituelle de charges lourdes effectués : - dans le fret routier, maritime, ferroviaire, aérien ; - dans le bâtiment, le gros 'uvre, les travaux publics ; - dans les mines et carrières ; - dans le ramassage d'ordures ménagères et de déchets industriels ; - dans le déménagement, les garde-meubles ; - dans les abattoirs et les entreprises d'équarrissage ; - dans le chargement et le déchargement en cours de fabrication, dans la livraison, y compris pour le compte d'autrui, le stockage et la répartition des produits industriels et alimentaires, agricoles et forestiers ; - dans le cadre des soins médicaux et paramédicaux incluant la manutention de personnes ; - dans le cadre du brancardage et du transport des malades ; - dans les travaux funéraires

S'agissant de la pathologie prise en charge, le certificat établi par le docteur [I] le 2 avril 2011 joint à la déclaration de maladie professionnelle mentionne : ''lombalgie chronique récidivante typique avec irradiation de type S1 chez un travailleur du bâtiment. Bilan paraclinique en faveur d'un canal lombaire rétréci en L5, S1''. L'affection décrite ne fait pas partie des maladies qui sont expressément mentionnées par le tableau 98, bien que le certificat médical précise la nature de la pathologie et ses manifestations.

Si les dispositions de l'article L461-5, 3éme alinéa du code de la sécurité sociale prévoient que le praticien établit en triple exemplaire et remet à la victime un certificat indiquant la nature de la maladie, notamment les manifestations mentionnées aux tableaux et constatées ainsi que les suites probables, elles n'imposent pas la mention du tableau de référence dans le certificat médical initial et il appartient au médecin conseil de qualifier la pathologie et de déterminer le tableau dans lequel l'instruction doit se dérouler au vu des pièces du dossier.

Or sur la fiche du colloque médico-administratif du 14 octobre 2011 figure la mention, même si elle est à peine lisible sur le document remis à la cour, selon laquelle la date de la première constatation médicale retenue a été le 8 décembre 2009 sur la base d'un IRM. Ceci est corroboré par la pièce 19 de la CPAM de la Gironde, document sur lequel, à la suite de l'interrogation du service contentieux, le médecin conseil a indiqué le 19 janvier 2015: « dossier traité en Tableau 98 conformément à son libellé: ''sciatique par hernie discale L4-L5 ou L5-S1 avec atteinte radiculaire de topographie concordante''. DPCM fixée 8 décembre 2009 date de l'IRM lombaire qui a mis en évidence : une hernie discale L4-L5 ».

Il convient par conséquent de considérer que la maladie déclarée par M. [M] [R] [T] a été identifiée et qualifiée au vu d'un examen IRM comme correspondant à la première des deux maladies prévues au tableau 98. Ce premier critère de prise en charge est donc rempli.

Par ailleurs le délai de prise en charge correspond à la période maximale qui doit séparer la fin de l'exposition au risque et la constatation médicale de la pathologie, celle-ci n'étant pas soumise au même formalisme que le certificat médical initial. A défaut de certificats médicaux antérieurs, la date de la première constatation médicale est celle qui figure dans le certificat médical joint à la déclaration de maladie professionnelle.

Le tableau n° 98 prévoit un délai de 6 mois sous réserve d'une durée d'exposition de 5 ans. Or sur le premier point, la première constatation médicale de la pathologie de M. [M] [R] [T] n'a pas date certaine puisque le médecin conseil de la caisse retient le 8 décembre 2009, date de l'examen IRM mettant en évidence les symptômes de la maladie professionnelle, le certificat médical initial fait état d'une première constatation de la maladie professionnelle le 22 décembre 2010, et la commission de recours amiable de la CPAM retient quant à elle le 17 octobre 2003 dans sa décision du 16 mai 2012.

Le résultat de l'IRM n'étant pas produit puisqu'il s'agit d'un document couvert par le secret médical en application de l'article R441-13 du code de la sécurité sociale, et aucun document médical antérieur à la déclaration n'étant versé aux débats, il convient de retenir la date du 22 décembre 2010 figurant dans le certificat médical initial. Il résulte des écritures de l'employeur qu'à compter de cette date M. [M] [R] [T] a été placé en arrêt de travail, peu important que ce soit pour maladie ordinaire, cet élément de fait n'étant pas contesté et aucune des parties ne prenant le soin de communiquer à la cour les arrêts de travail dont le salarié a bénéficié. Dès lors ce fait sera retenu comme constant et la condition tenant au délai de prise en charge de 6 mois entre la fin d'exposition au risque et la première constatation médicale, qui datent du même jour, doit être considérée comme ayant été respectée. Tel serait le cas également si la date de la première constatation médicale retenue était la date du certificat initial lui même, ainsi que l'on décidé les premiers juges, soit le 6 avril 2011, qui intervient dans le délai de 6 mois de la fin d'exposition qui coure à compter de l'arrêt de travail du 22 décembre 2010.

S'agissant de la condition tenant à la durée de l'exposition aux risques, la présomption d'imputabilité de la maladie à l'activité professionnelle du salarié qui en est victime n'a lieu de s'appliquer que s'il est établi que ce salarié était, dans le cadre de son travail, exposé de manière habituelle à l'un des risques listé dans le tableau de maladie professionnelle concerné. Le tableau n° 98 prévoit en l'occurrence au titre de ces risques les ''travaux de manutention manuelle habituelle de charges lourdes '' pour les métiers exercés ''dans le bâtiment, le gros 'uvre, les travaux publics'' .

Il est constant que M. [M] [R] [T] a travaillé pour le compte de la société SBSO depuis le 4 janvier 1993 en qualité de maçon coffreur et qu'il occupait toujours ce poste au 13 mai 2011 date de l'attestation de travail délivrée par l'employeur (pièce 8 de la la CPAM de la Gironde).

Lors de l'enquête diligentée par la CPAM, le salarié a rempli un questionnaire le 15 juin 2011 dont il ressort qu'employé à plein temps, il a effectué de manière habituelle depuis 1991 (date de son premier emploi jusqu'en 1993 date de son embauche par la société SBSO) des mouvements répétés des bras, épaule et dos, que ces travaux comportaient de la manutention manuelle de charges lourdes en précisant qu'il s'agissait de parpaings, de coffrage et de sacs de ciment, dont il a estimé le poids moyen à 35 kgs, et que le poids était variable en fonction des charges.

De son côté l'employeur a également répondu à un questionnaire le 29 juillet 2011 en indiquant que de manière générale, afin de mécaniser au mieux les manutentions, il met à la disposition des salariés sur les chantiers des grues à tour, grues mobiles et engins de chantier, M. [M] [R] [T] ne possédant pas le CACES cat 1 et 9 mais faisant partie d'une équipe ou un ou plusieurs salariés en possèdent un, que de manière particulière dans les principales tâches effectuées par un maçon coffreur il évalue la manutention manuelle avec port de charge inférieure à 25 Kgs comme quotidienne pour les tâches de ''mise en place sécurité'' et de ''nettoyage rangement poste de travail'', et comme ponctuelle, à concurrence de 5 jours par mois pour les tâches de ''maçonnerie'', de ''mise en 'uvre des banches'', et consistant à ''coffrer des ouvrages'' et à ''étayer/monter un échafaudage'', toutes les autres tâches afférentes aux postes comportant selon l'employeur des manutentions manuelles et/ou des flexions/extensions ponctuelle.

Les dispositions des articles R4541-1 à R4541-9 du code du travail prévoient qu'on entend par manutention manuelle, toute opération de transport ou de soutien d'une charge, dont le levage, la pose, la poussée, la traction, le port ou le déplacement, qui exige l'effort physique d'un ou de plusieurs travailleurs, et que lorsque le recours à la manutention manuelle est inévitable et que les aides mécaniques prévues au 2° de l'article R. 4541-5 ne peuvent pas être mises en 'uvre, un travailleur ne peut être admis à porter d'une façon habituelle des charges supérieures à 55 kilogrammes qu'à condition d'y avoir été reconnu apte par le médecin du travail, sans que ces charges puissent être supérieures à 105 kilogrammes. S'il en résulte que ces textes définissent un seuil à ne pas dépasser sans avis médical pour une manutention manuelle habituelle de charge, ce seuil étant fixé à 55 kgs, pour autant ils n'emportent par de définition de la ''charge lourde'' comme étant celle dépassant ce seuil.

Par conséquent il ressort des réponses aux questionnaires que M. [M] [R] [T] a été exposé pendant 16 ans de manière continue, quotidiennement et ponctuellement, en tout état de cause habituellement, à des ports de charges pouvant atteindre 25 Kgs, la condition tenant à la durée d'exposition au risque visé expressément dans le tableau 98 doit donc être considérée comme remplie.

Dans ces conditions il convient de considérer que les conditions de prise en charge définies au tableau n°98 sont remplies et que la société SBSO n'apporte aucun élément permettant de détruire la présomption d'origine professionnelle de l'affection dont souffre M. [M] [R] [T]. De ce chef la décision de prise en charge est opposable à l'employeur.

Sur la procédure d'instruction

Selon l'article R441-11, II et III du code de la sécurité sociale : la victime adresse à la caisse la déclaration de maladie professionnelle. Un double est envoyé par la caisse à l'employeur à qui la décision est susceptible de faire grief par tout moyen permettant de déterminer sa date de réception. L'employeur peut émettre des réserves motivées. La caisse adresse également un double de cette déclaration au médecin du travail; en cas de réserves motivées de la part de l'employeur ou si elle l'estime nécessaire, la caisse envoie avant décision à l'employeur et à la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle un questionnaire portant sur les circonstances ou la cause de l'accident ou de la maladie ou procède à une enquête auprès des intéressés. Une enquête est obligatoire en cas de décès.

Selon l'article R441-14 du code de la sécurité sociale lorsqu'il y a nécessité d'examen ou d'enquête complémentaire, la caisse doit en informer la victime ou ses ayants droit et l'employeur avant l'expiration du délai prévu au premier alinéa de l'article R. 441-10 par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Dans les cas prévus au dernier alinéa de l'article R. 441-11, la caisse communique à la victime ou à ses ayants droit et à l'employeur au moins dix jours francs avant de prendre sa décision, par tout moyen permettant d'en déterminer la date de réception, l'information sur les éléments recueillis et susceptibles de leur faire grief, ainsi que sur la possibilité de consulter le dossier mentionné à l'article R. 441-13. La décision motivée de la caisse est notifiée, avec mention des voies et délais de recours par tout moyen permettant de déterminer la date de réception, à la victime ou ses ayants droit, si le caractère professionnel de l'accident, de la maladie professionnelle ou de la rechute n'est pas reconnu, ou à l'employeur dans le cas contraire. Cette décision est également notifiée à la personne à laquelle la décision ne fait pas grief. Le médecin traitant est informé de cette décision.

En l'espèce, il est constant que la CPAM de la Gironde a adressé à la société SBSO :

le 3 juin 2011 un courrier de transmission de la déclaration de maladie professionnelle de M. [M] [R] [T] accompagnée d'une demande de rapport décrivant les postes de travail successivement tenus par le salarié et permettant d'apprécier les risques d'exposition, d'un courrier destiné au médecin du travail et de la déclaration de maladie professionnelle, visant par ailleurs les dispositions des articles R 441-10, R441-11 et R441-14 du code de la sécurité sociale et l'informant de l'ouverture d'une instruction pour la lombalgie chronique déclarée,

le 19 août 2011 un courrier l'informant que l'avis du médecin conseil avait été sollicité et qu'un délai complémentaire d'instruction était nécessaire et ne pourrait excéder 3 mois,

le 17 octobre 2011 un courrier l'informant de la clôture de la procédure d'instruction et que préalablement à la ''prise de décision sur le caractère professionnel de la maladie sciatique par hernie discale inscrite dans le tableau n°98 : affections chronique du rachis lombaire provoquées par la manutention manuelle de charges lourdes'' qui devait intervenir le 7 novembre 2011, l'employeur avait la possibilité de venir consulter les pièces du dossier à une adresse et à des heures d'ouverture rappelées in fine,

le 7 novembre 2011 un courrier lui notifiant la prise en charge d'une maladie professionnelle dans le cadre des tableaux et précisant : ''le dossier de votre salarié a été examiné dans le cadre du 2éme alinéa de l'article L461-1 du code de la sécurité sociale. Il ressort que la maladie sciatique par hernie discale inscrite dans le tableau n°98 : affections chroniques du rachis lombaire provoquées par la manutention manuelle de charges lourdes est d'origine professionnelle. Cette maladie est prise en charge au titre de la législation relative aux risques professionnels.'' et l'informant des délais et mode de recours en cas de contestation de la décision.

Il est tout aussi constant que le salarié et l'employeur ont répondu aux mois de juin et juillet 2011 en remplissant le questionnaire qui leur avait été adressé, que l'employeur, qui a délégué l'animateur QSE pour consulter le dossier d'instruction avant prise de décision le 25 octobre 2011, n'a émis, à réception de la déclaration de maladie professionnelle ni lors de la consultation, aucune observation ou réserve.

L'analyse de ces pièces et de ces circonstances révèle que la société SBSO, avisée de chaque étape de la procédure, a été placée en position de faire valoir des observations ou de réclamer le cas échéant un complément d'information tout au long de la procédure d'instruction qui a duré 4 mois et demi, qu'elle a été informée de la pathologie déclarée par son salarié dès le début de l'instruction, et à cet égard peu importe que le tableau ne soit pas visé dans le premier avis puisqu'à la clôture de l'instruction la société SBSO a été informée de la pathologie référencée après avis du médecin conseil requis au cours de la prolongation de l'instruction et du tableau concerné par la prise de décision de la caisse, et que son droit de consultation a été effectif.

Elles établissent enfin que la décision de prise en charge de la caisse, qui vise le fondement juridique de la prise en charge, la pathologie affectant le salarié, la maladie professionnelle et le tableau de référence, est suffisamment motivée pour que la société SBSO puisse contrôler les critères de prise en charge et fasse valoir ses droits, ce qu'elle n'a d'ailleurs pas manqué de faire en saisissant la commission de recours amiable de manière très motivée.

Il ressort de l'ensemble de ces pièces que la CPAM de la Gironde a rempli les obligations légales lui incombant à chaque stade de la procédure et que de ce chef la décision de prise en charge est opposable à l'employeur.

Sur la délégation de signature

Les dispositions de l'article R441-14 alinéa 4 du code de la sécurité sociale prévoit que la décision motivée de la caisse est notifiée, avec mention des voies et délais de recours par tout moyen permettant de déterminer la date de réception, à la victime ou ses ayants droit, si le caractère professionnel de l'accident, de la maladie professionnelle ou de la rechute n'est pas reconnu, ou à l'employeur dans le cas contraire.

S'il résulte des dispositions combinées des articles R122-3 et D253-6 du code de la sécurité sociale que le directeur assure le bon fonctionnement de la caisse sous le contrôle du conseil d'administration et peut déléguer une partie de ses pouvoirs à certains agents en précisant les opérations qu'ils peuvent effectuer y compris de manière permanente, pour autant il n'est pas exigé de délégation particulière pour décider de la prise en charge des maladies ou accident de travail au titre de la législation professionnelle.

En tout état de cause dans les rapports entre l'employeur et la caisse, le défaut de pouvoir de l'agent signataire du courrier de notification de la décision de prise en charge ne peut avoir pour effet de rendre la décision de la caisse inopposable à l'employeur dès lors que celui-ci peut identifier la caisse dont émane la décision et a la possibilité de contester cette décision.

De ce chef la décision de prise en charge est opposable à l'employeur.

Dans ces conditions, la cour, estimant que la décision de prise en charge de la maladie professionnelle de M. [M] [R] [T] est opposable à la société SBSO dont les moyens sont inopérants, réformera le jugement déféré et statuera à nouveau dans ce sens.

Il n'apparait pas inéquitable de laisser à chacune des parties la charge de leurs frais irrépétibles respectifs, elles seront déboutées de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Réforme le jugement déféré,

Statuant à nouveau,

Confirme la décision de la Commission de recours amiable du 15 mai 2012,

Déclare opposable à la société Spie Batignolles sud ouest qui devra en supporter les conséquences financières, la décision du 7 novembre 2011 de prise en charge au titre de la législation professionnelle de la maladie déclarée par M. [M] [R] [T],

Déboute la société Spie Batignolles sud ouest et la CPAM de la Gironde de leur demande respective au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit qu'en application des articles L 144-5 et R 144-10 du Code de la sécurité sociale, il n'y a pas lieu de statuer sur les dépens.

Signé par Madame Elisabeth LARSABAL, Présidente, et par Gwenaël TRIDON DE REY, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

G. TRIDON DE REY Elisabeth LARSABAL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section b
Numéro d'arrêt : 14/03175
Date de la décision : 19/03/2015

Références :

Cour d'appel de Bordeaux 4B, arrêt n°14/03175 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-03-19;14.03175 ?
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