La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/03/2015 | FRANCE | N°14/03238

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 18 mars 2015, 14/03238


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



--------------------------







ARRÊT DU : 18 MARS 2015



(Rédacteur : Madame Marie-Luce Grandemange, Conseiller)





N° de rôle : 14/03238











Monsieur [G] [P]



c/



ADAPEI [Localité 2]















Nature de la décision : SUR RENVOI DE CASSATION













Notifié par LRAR le :



LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :



La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par

voie de signification (acte d'huissier).



Certifié par le Greffier en Chef,











Grosse délivrée le :



à



Décision déférée à la Cour : arrêt rendu ...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 18 MARS 2015

(Rédacteur : Madame Marie-Luce Grandemange, Conseiller)

N° de rôle : 14/03238

Monsieur [G] [P]

c/

ADAPEI [Localité 2]

Nature de la décision : SUR RENVOI DE CASSATION

Notifié par LRAR le :

LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :

La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par

voie de signification (acte d'huissier).

Certifié par le Greffier en Chef,

Grosse délivrée le :

à

Décision déférée à la Cour : arrêt rendu le 06 mai 2014 par la Cour de Cassation cassant l'arrêt de la Cour d'Appel de Pau - chambre sociale - en date du 20 décembre 2012, suite à un jugement rendu le 08 février 2011 par le Conseil de Prud'hommes de Pau, suivant déclaration de saisine en date du 02 juin 2014,

DEMANDEUR SUR RENVOI DE CASSATION :

Monsieur [G] [P], né le [Date naissance 1] 1945 à [Localité 1], de

nationalité française, retraité, demeurant [Adresse 1],

Représenté par Maître Rachel Saada, avocat au barreau de Paris,

DÉFENDERESSE SUR RENVOI DE CASSATION :

ADAPEI [Localité 2], siret n° 775 598 485 00198, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, [Adresse 2],

Représentée par Maître José Ardanuy, avocat au barreau de Dax,

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 19 janvier 2015 en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Maud Vignau, Président,

Madame Marie-Luce Grandemange, Conseiller,

Madame Isabelle Lauqué, Conseiller,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Anne-Marie Lacour-Rivière.

ARRÊT :

- contradictoire,

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

M. [G] [P] a été embauché par l'ADAPEI [Localité 2] par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 7 septembre 1981en qualité de chauffeur et d'agent d'entretien au CAT Aquitaine Meubles de [Localité 3], devenu l'ESAT Adour Multiservices.

Par avenant contractuel en date du 18 juin 2002, à effet immédiat, M. [P] était 'détaché' auprès du foyer [Établissement 1] à [Localité 3], dépendant de l'ADAPEI [Localité 2], pour faire fonction d'aide médico psychologique pour adultes.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 22 octobre 2009 le directeur de l'ESAT Adour Multiservices mettait fin au détachement de M. [P] au sein du foyer, lui demandait de réintégrer son établissement d'origine pour assumer des fonctions mixtes de chauffeur et de renfort du moniteur d'atelier pour la prise en charge des ouvriers de l'ESAT, ce, à compter du 1er novembre 2009.

Par lettre recommandée datée du 29 octobre 2009 M. [P] refusait

cette réintégration.

Par lettre recommandée en date du 05 novembre 2009 le directeur général de l'ADAPEI [Localité 2] demandait à M. [P] de se présenter à son poste de travail dans son établissement d'origine le lundi 09 novembre 2009, faute de quoi il se verrait contraint de saisir l'inspection du travail afin d'engager la procédure spéciale de licen-ciement.

Par lettre en date du 07 novembre 2009 M. [P] maintenait son refus de rejoindre l'ESAT puis, par lettre recommandée datée du 23 novembre 2009, il prenait acte de la rupture de son contrat de travail.

Le 10 décembre 2009, M. [P] a saisi le Conseil de Prud'hommes de Pau en requalification de la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail en licenciement abusif en raison d'une violation du statut protecteur des conseillers prud'hommes et des délégués syndicaux.

Par jugement en date du 8 février 2011 le Conseil de Prud'hommes a dit que la rupture du contrat de travail de M. [P] devait être qualifiée de démission et a débouté ce dernier de toutes ses demandes et l'ADAPEI de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le 14 février 2011 M. [P] a interjeté appel de cette décision.

Par arrêt en date du 20 décembre 2012 la chambre sociale de la Cour d'Appel de Pau a confirmé le jugement entrepris et dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par arrêt en date du 6 mai 2014 la Cour de Cassation a cassé la décision susvisée en toutes ses dispositions au motif que la Cour d'Appel de Pau qui a constaté que l'employeur ne s'était pas borné à proposer au salarié protégé une modification de ses conditions de travail, mais lui avait imposé de se présenter sur un nouveau lieu de travail pour y occuper des fonctions différentes, ce dont il résultait que l'employeur avait commis un manquement rendant impossible la poursuite du contrat de travail, n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations.

Par conclusions déposées le 30 octobre 2014, développées oralement et auxquelles il est expressément fait référence, M. [P] conclut à la réformation du jugement entrepris.

Il demande à la Cour de dire que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail est imputable à l'employeur et produit les effets d'un licenciement nul pour violation du statut protecteur et forme dès lors les demandes en paiement des sommes suivantes à l'encontre de l'ADAPEI [Localité 2] :

- 227.358,00 € à titre d'indemnité pour méconnaissance du statut protecteur,

- 14.359,00 € de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 4.786,48 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 478,64 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,

- 19.478,36 € à titre d'indemnité de licenciement,

- 72,00 € au titre d'un rappel de frais de repas,

- 6.500,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions déposées le 6 janvier 2015 développées oralement et auxquelles il est expressément fait référence, l'ADAPEI [Localité 2] demande la confir-mation du jugement entrepris et la condamnation de M. [P] à lui payer la somme de 4.786,48 € pour défaut d'exécution du préavis et celle de 2.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIVATION

* Sur la rupture du contrat de travail :

Lorsqu'un salarié protégé prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison des faits qu'il reproche à son employeur cette rupture produit les effets soit d'un licenciement nul si les faits invoqués la justifiait soit, dans le cas contraire, d'une démission.

En l'espèce, l'employeur en demandant à M. [P], par lettre en date du 05 novembre 2009, de reprendre un poste à l'ESAT Adour Multiservices le lundi 09 janvier 2009 à 9 heures, décidait unilatéralement de modifier non seulement le lieu de travail du salarié mais également ses fonctions, c'est à dire son contrat de travail.

Il est vain de prétendre qu'il s'agissait d'une simple proposition de modification du contrat de travail ou de ses conditions d'exécution. D'une part, l'ADAPEI ne conditionnait nullement la mise en oeuvre de sa décision à l'accord ou à l'acceptation du salarié, d'autre part, ce dernier par lettre recommandée en date du 29 octobre 2009 avait expressément refusé ces modifications auprès du directeur de l'ESAT. L'ADAPEI passant outre ce refus a maintenu sa décision et enjoint au salarié de prendre son nouveau poste, ce que M. [P] n'a pas fait restant sans travail jusqu'à la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail.

Or, en raison du statut protecteur dont bénéficiait M. [P] du fait de ses fonctions de conseiller prud'homme et de délégué syndical CGT, l'ADAPEI ne pouvait modifier les conditions d'exécution du contrat de travail du salarié, ni a fortiori son contrat de travail, par décision unilatérale.

En imposant de telles modifications au salarié l'ADAPEI a commis un manquement grave à ses obligations rendant impossible la poursuite de la relation de travail.

En conséquence, réformant le jugement entrepris il convient de dire que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail de M. [P], salarié protégé, produit les effets d'un licenciement nul.

* Sur l'indemnisation du préjudice né de la rupture du contrat de travail :

Le conseiller prud'hommes dont le contrat de travail a été rompu en violation de son statut protecteur a droit à une indemnité spéciale pour violation de ce statut d'un montant égal à la rémunération qu'il aurait perçue entre la date de la rupture du contrat de travail et le terme de la période de protection dans la limite de la durée de protection accordée aux représentants du personnel, soit aux termes des dispositions de l'article L.2314-26 du code du travail une durée de quatre ans majorée de la période de protection de six mois instituée par le législateur à l'expiration du mandat, soit une durée totale de 50 mois.

M. [P] a été élu conseiller prud'hommes depuis le 4 décembre 2008 son mandat restant à courir jusqu'au 4 décembre 2013, la durée de protection d'un représentant du personnel expirant quant à elle le 04 juin 2013.

Le contrat de travail de M. [P] a été rompu du fait de l'employeur le 23 novembre 2009, il a été rémunéré au vu de son dernier bulletin de salaire jusqu'au 24 novembre 2009. Il est donc en droit de prétendre au paiement d'une indemnité correspondant aux rémunérations qu'il aurait perçues entre le 25 novembre2009 et le

04 juin 2013. La démission, volontaire, de M. [P] de son mandat de conseiller prud'homme à compter du 30 juin 2010, qu'il ne conteste pas, étant sans effet à cet égard.

En conséquence, l'ADAPEI [Localité 2] sera condamnée, au vu de l'unique bulletin de salaire produit par M. [P] et duquel il résulte qu'il a perçu pour une période de dix mois une rémunération d'un montant total brut de 21.276,16 €, à lui payer une indemnité d'un montant correspondant à ses salaires pour une durée de 42 mois et 9 jours soit la somme de 89.998,15 €, les intérêts courant sur cette somme au taux légal à compter de la présente décision par application des dispositions de l'article 1153-1 du code civil.

En application des dispositions de l'article L.1235-3 du code du travail, M. [P] a droit à une indemnité qui ne peut-être inférieure aux salaires des six derniers mois ; en l'espèce, le salarié percevant un salaire moyen mensuel brut de 2.127,62 €, l'ADAPEI [Localité 2] sera condamnée à lui payer la somme de 12.765,72 € à titre de dommages intérêts avec intérêts courant au taux légal à compter du présent arrêt.

Par application combinée des dispositions des articles L.1234-9 et R.1234-2 du code du travail M. [P] est en droit de prétendre au paiement d'une indemnité de licenciement d'un montant égal à un cinquième de mois de salaire par année d'ancienneté en tenant compte des mois de service accomplis au-delà des années

pleines auquel s'ajoute 2/5ème de mois par année au-delà de 10 ans d'ancienneté (soit 11.914,67 € + 70,92 € + 15.318,86 €). M. [P] limitant sa demande à la somme de 19.478,36 € cette dernière lui sera allouée.

Par ailleurs, en application des dispositions de l'article L.1234-1 du code du travail M. [P] peut prétendre au paiement d'une indemnité compensatrice de préavis de deux mois, soit la somme de 4.255,34 € bruts outre 425,53 € bruts au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis avec intérêts courant au taux légal à compter du 10 décembre 2009 par application des dispositions de l'article 1153 du code civil.

* Sur la demande au titre des frais de repas :

M. [P] qui ne s'explique pas sur cette réclamation ne produit aucun justificatif permettant d'en établir le bien-fondé. Il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a débouté de ce chef.

* Sur les autres demandes :

La prise d'acte de la rupture du contrat de travail de M. [P] produisant les effets d'un licenciement nul l'ADAPEI [Localité 2] doit être déboutée de sa demande, nouvelle en cause d'appel, de paiement d'une indemnité pour non-respect du préavis formée à l'encontre de M. [P].

L'ADAPEI [Localité 2] qui succombe conservera la charge de ses frais irrépétibles et sera condamnée aux dépens de la procédure de première instance et d'appel.

L'équité et les circonstances de la cause commandent de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de M. [P] qui se verra allouer la somme de 1.500 € à ce titre.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

' Réforme le jugement déféré sauf en ce qu'il a débouté M. [P] de sa demande en paiement d'un rappel de frais.

Et, statuant de nouveau :

' Dit que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail par M. [P]

produit les effets d'un licenciement nul.

' Condamne l'ADAPEI [Localité 2] à verser à M. [P] la somme de

89.998,15 € (quatre vingt neuf mille neuf cent quatre vingt dix huit euros et quinze centimes) à titre d'indemnité pour violation du statut protecteur et celle de 12.765,72 € (douze mille sept cent soixante cinq euros et soixante douze centimes) à titre de dommages intérêts, avec intérêts courant au taux légal à compter de ce jour.

' Condamne l'ADAPEI [Localité 2] à verser à M. [P] les sommes de 19.478,36 € (dix neuf mille quatre cent soixante dix huit euros et trente six centimes, 4.255,34 € (quatre mille deux cent cinquante cinq euros et trente quatre centimes) bruts et de 425,53 € (quatre cent vingt cinq euros et cinquante trois centimes) bruts à titre d'indemnité de licenciement et d'indemnités compensatrices de préavis et de congés payés sur préavis avec intérêts courant au taux légal à compter du 10 décembre 2009.

Y ajoutant :

' Déboute l'ADAPEI [Localité 2] de sa demande au titre du préavis.

' Condamne l'ADAPEI [Localité 2] à verser à M. [P] la somme de 1.500 € (mille cinq cents euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

' Condamne l'ADAPEI [Localité 2] aux dépens de la procédure de première instance et des procédures d'appel.

Signé par Madame Maud Vignau, Président, et par Madame Anne-Marie Lacour-Rivière, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Anne-Marie Lacour-Rivière Maud Vignau


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 14/03238
Date de la décision : 18/03/2015

Références :

Cour d'appel de Bordeaux 4A, arrêt n°14/03238 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-03-18;14.03238 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award