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18/03/2015 | FRANCE | N°13/05910

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, CinquiÈme chambre civile, 18 mars 2015, 13/05910


COUR D'APPEL DE BORDEAUX
CINQUIÈME CHAMBRE CIVILE
--------------------------

ARRÊT DU : 18 mars 2015

(Rédacteur : Madame Béatrice SALLABERRY, Conseiller,)
No de rôle : 13/ 5910
Monsieur Haï-Bnedir Ali X...bénéficiaire d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2013/ 17353 du 07/ 11/ 2013

c/
Monsieur Gilles Y...C. P. A. M. de la GIRONDE SA SA SWISSLIFE ASSURANCES DE BIENS

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocatsDécision déférée à la Cour : jugement rendu le 26 juin 2013 par le Tribunal de

Grande Instance de BORDEAUX (Chambre 6, RG 11/ 11008) suivant déclaration d'appel du 08 octobre 2013,

APPELANT : ...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX
CINQUIÈME CHAMBRE CIVILE
--------------------------

ARRÊT DU : 18 mars 2015

(Rédacteur : Madame Béatrice SALLABERRY, Conseiller,)
No de rôle : 13/ 5910
Monsieur Haï-Bnedir Ali X...bénéficiaire d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2013/ 17353 du 07/ 11/ 2013

c/
Monsieur Gilles Y...C. P. A. M. de la GIRONDE SA SA SWISSLIFE ASSURANCES DE BIENS

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocatsDécision déférée à la Cour : jugement rendu le 26 juin 2013 par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX (Chambre 6, RG 11/ 11008) suivant déclaration d'appel du 08 octobre 2013,

APPELANT :

Monsieur Haï-Bnedir Ali X..., né le 19 Janvier 1950 à Millesimo (Algérie), de nationalité Française, demeurant ...-33670 LA SAUVE,
représenté par Maître Benjamin ROSET, avocat au barreau de BORDEAUX,

INTIMÉS :

Monsieur Gilles Y..., de nationalité Française, domicilié ...-16800 SOYAUX,
SA SWISSLIFE ASSURANCES DE BIENS prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social 7, rue Belgrand-92300 LEVALLOIS PERRET,
représentés par Maître Philippe ROGER de la SCP KPDB, avocat au barreau de BORDEAUX,
C. P. A. M. de la GIRONDE-Caisse Primaire d'Assurance Maladie-prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social 3 place de l'Europe-33085 BORDEAUX CEDEX,
assignée à personne habilitée, n'ayant pas constitué avocat,

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 04 février 2015 en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Henriette FILHOUSE, Président, Monsieur Bernard ORS, Conseiller, Madame Béatrice SALLABERRY, Conseiller, qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Sylvie HAYET
ARRÊT :
- réputé contradictoire-prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

***

OBJET DU LITIGE Et PRÉTENTIONS DES PARTIES

Monsieur Haï-Bnedir Ali X..., souffrant de vertiges et de claudication intermittente, a été adressé par son médecin traitant, le docteur Z...au docteur Gilles Y..., chirurgien vasculaire. Un anévrysme de l'aorte abdominale et une sténose pré-occlusive de la carotide interne gauche ont été diagnostiqués.
Le 26 octobre 1999, Monsieur Haï-Bnedir Ali X...a été opéré à la Polyclinique Jean Villar de Bruges (33) par le docteur Gilles Y..., qui a pratiqué sur le patient une endartériectomie bifurcation carotidienne gauche.
Après l'intervention, Monsieur Haï-Bnedir Ali X...a eu des troubles au niveau du larynx et une déviation de la langue.
Il a quitté la Polyclinique Jean Villar le 31 octobre 1999.
Lors d'une consultation intervenue quelques jours après, les troubles au niveau de la langue et du larynx étant persistants, il a été programmé le traitement de l'anévrysme de l'aorte abdominale. Monsieur X... a alors été ré-hospitalisé pour subir une nouvelle intervention chirurgicale pratiquée le 24 novembre 1999 par le docteur Y..., consistant en un pontage aorto-bi-iliaque dont les suites opératoires n'ont entraîné aucune complication.
Sur assignation des 14 et 20 novembre 2002 et 23 décembre 2002 délivrées par Monsieur Haï-Bnedir Ali X...à l'encontre du docteur Gilles Y..., du GIE DES PRATICIENS DE LA CLINIQUE JEAN VILLAR et de la société AQUITAINE SANTÉ " POLYCLINIQUE JEAN VILLAR ", par ordonnance du 3 février 2003, le juge des référés du Tribunal de Grande Instance de Bordeaux a ordonné une expertise médicale et a désigné le docteur Jean C...pour y procéder. Le rapport d'expertise a été déposé le 1er septembre 2003.
Par actes d'huissier des 8 et 16 novembre 2011, Monsieur Haï-Bnedir Ali X...a assigné le Docteur Gilles Y...et la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE (la CAISSE PRIMAIRE D ASSURANCE MALADIE) DE LA GIRONDE devant le Tribunal de Grande Instance de Bordeaux aux fins de voir déclarer le médecin responsable et d'obtenir l'indemnisation de ses préjudices.

Par conclusions du 25 janvier 2012, la compagnie SWISS LIFE ASSURANCES DE BIENS (la compagnie SWISS LIFE) venant aux droits de la SA LLOYD CONTINENTAL, assureur du docteur Gilles Y..., est intervenue volontairement à l'instance.

Par jugement du 26 juin 2013 le tribunal de grande instance de Bordeaux a :- Donné acte à la compagnie SWISS LIFE, venant aux droits de la SA LLOYD CONTINENTAL, assureur du docteur Gilles Y..., de son intervention volontaire à l'instance ;- Dit que le docteur Gilles Y...n'a commis aucune faute lors des interventions chirurgicales pratiquées les 26 octobre et 24 novembre 1999 ou dans le suivi post-opératoire de Monsieur Haï-Bnedir Ali X...;- Débouté Monsieur X... de l'ensemble de ses demandes relatives à l'indemnisation de son préjudice corporel ;- Dit que le docteur Gilles Y...a commis un manquement à son devoir d'information préalable aux interventions chirurgicales pratiquées les 26 octobre et 24 novembre 1999 à l'égard de Monsieur X... à l'origine d'un préjudice moral autonome ;- Condamné in solidum le docteur Gilles Y...et la compagnie SWISS LIFE à payer à Monsieur X...la somme de 5. 000 ¿ à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral spécifique lié au manquement au devoir d'information préalable, avec intérêts au taux légal à compter du jugement ;- Débouté les parties du surplus de leurs demandes ;- Condamné in solidum le docteur Gilles Y...et la compagnie SWISS LIFE à payer à Maître Benjamin Roset, avocat, la somme de 2. 500 ¿ sur le fondement de l'article 37 de la loi 91-647 du 10 juillet 1991, sous réserve qu'il renonce au bénéfice de l'aide juridictionnelle, selon les modalités prévues par cet article ;- Ordonné l'exécution provisoire du jugement dans toutes ses dispositions ;- Condamné in solidum le docteur Gilles Y...et la compagnie SWISS LIFE aux dépens de l'instance, dont distraction au profit de Maître Benjamin Roset, avocat, conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.

Par déclaration en date du 8 octobre 2013, Monsieur Haï-Bnedir Ali X...a relevé appel limité de cette décision, portant sur les dispositions suivantes :- Dit que le docteur Gilles Y...n'a commis aucune faute lors des interventions chirurgicales pratiquées les 26 octobre et 24 novembre 1999 ou dans le suivi post-opératoire de Monsieur Haï-Bnedir Ali X...;- Déboute Monsieur Haï-Bnedir Ali X...de l'ensemble de ses demandes relatives à l'indemnisation de son préjudice corporel.

Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 7 janvier 2015, Monsieur Haï-Bnedir Ali X...demande à la cour de :- Le déclarer recevable et bien fondé en son appel limité. Avant dire droit si la cour l'estime nécessaire :- Ordonner une contre expertise médicale et désigner pour y procéder un médecin expert spécialisé en chirurgie vasculaire, avec la mission habituelle en matière de responsabilité médicale pour faute, cette mission étant adaptée aux faits de l'espèce et aux questions techniques auxquelles la cour souhaiterait avoir une réponse. A défaut, Sur son appel principal partiel-Réformer le jugement attaqué dans la limite de son appel partiel-Constater que la CAISSE PRIMAIRE D ASSURANCE MALADIE de la Gironde a indiqué ne pas être en mesure de chiffrer et de déclarer le montant de son éventuelle créance, qu'elle a décidé de ne pas constituer avocat, et qu'elle n'entend exercer aucun recours subrogatoire.

- Dire et juger que le docteur Y...a commis des fautes de nature à engager sa responsabilité civile contractuelle à son égard subsidiairement sa responsabilité civile délictuelle.- Dire et juger que la SA SWISSLIFE, doit garantir l'entière responsabilité de son assuré le docteur Y....- Dire et juger qu'il a subi du 26 octobre 1999 au 22 avril 2003 un Déficit Fonctionnel Temporaire Partiel (DFT partiel) d'un taux de 10 % qui doit être indemnisé.- Dire et juger qu'il a subi un préjudice esthétique temporaire qui peut être évalué à 1/ 7 et qui doit être indemnisé.- Dire et juger qu'il a subi une perte de gains professionnels futurs et une incidence professionnelle qui doivent être indemnisées.- Débouter le docteur Y...et son assureur la SA SWISS LIFE de l'intégralité de leurs demandes et conclusions. En conséquence,- Condamner in solidum le docteur Y...et son assureur la SA SWISS LIFE à lui payer les sommes suivantes à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices qu'il a subis, avec intérêts de droit et avec capitalisation des intérêts : * Déficit Fonctionnel Temporaire partiel.......................................... : 5. 000, 00 ¿ * Souffrances Endurées...................................................................... : 8. 000, 00 ¿ * Préjudice esthétique temporaire....................................................... : 3. 000, 00 ¿ * Déficit Fonctionnel Permanent........................................................ : 25. 000, 00 ¿ * Préjudice esthétique permanent....................................................... : 1. 500, 00 ¿ * Préjudice d'agrément...................................................................... : 20. 000, 00 ¿ * Frais Divers.................................................................................... : 661, 04 ¿ * Perte de Gains Professionnels Futurs.............................................. : 77. 318, 16 ¿ * Incidence professionnelle................................................................ : 31. 248, 50 ¿- Condamner in solidum le docteur Y...et son assureur la SA SWISS LIFE à payer en cause d'appel à Maître Benjamin Roset, moyennant renonciation de ce dernier à percevoir la part contributive de l'Etat, une somme supplémentaire de 4 800 ¿ sur le fondement des dispositions combinées de l'article 700 (2o) du code de procédure civile et de l'article 37 de la loi no 91-647 du 10 juillet 1991.- Condamner in solidum le docteur Y...et son assureur la SA SWISS LIFE aux entiers dépens d'appel, et aux éventuels frais d'exécution de l'arrêt à intervenir y compris aux droits retenus par l'huissier instrumentaire à la charge du créancier en application de l'article 10 du décret no 96-1080 du 12 décembre 1996 dans sa rédaction en vigueur issue du décret no 2001-21 du 8 mars 2001. A titre subsidiaire :- Condamner in solidum le docteur Y...et son assureur la SA SWISS LIFE à lui payer une somme de 661, 04 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des honoraires du docteur F...et des frais de traduction de la S. A. R. L HANCOCK HUTTON.

Sur l'appel incident du docteur Y...et de la SA SWISS LIFE-Déclarer le docteur Y...et la SA SWISS LIFE mal fondés en leur appel incident et les de l'intégralité de leurs demandes et conclusions,- Confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a dit et jugé que le docteur Y...a commis à son égard un manquement à son devoir d'information préalable aux interventions chirurgicales pratiquées les 26 octobre et 24 novembre 1999 à l'origine d'un préjudice moral spécifique d'impréparation autonome.- Réformer partiellement le jugement attaqué en ce qui concerne le montant des dommages et intérêts alloués à hauteur de 5 000 ¿ en réparation de son préjudice moral spécifique d'impréparation.- Condamner in solidum le docteur Y...et la SA SWISS LIFE à lui payer à une somme de 8 000 ¿ à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral spécifique d'impréparation lié au manquement au devoir d'information préalable, avec intérêts de droit à compter du 26 juin 2013, date du jugement et avec capitalisation des intérêts.- Confirmer pour le surplus le jugement attaqué en ce qu'il a condamné in solidum le docteur Y...et la SA SWISS LIFE à payer à Maître Benjamin Roset une somme de 2 500 ¿ sur le fondement de l'article 37 de la loi no 91-647 du 10 juillet 1991, et en ce qu'il les a condamnés sous la même solidarité aux dépens de première instance.

Dans leurs dernières conclusions déposées et notifiées le 19 janvier 2015, le docteur Gilles Y...et la compagnie SWISS LIFE demandent à la cour de :- Confirmer le jugement en ce qu'il a dit que le docteur Gilles Y...n'a commis aucune faute lors des interventions chirurgicales pratiquées les 26 octobre et 24 novembre 1999 ou dans le suivi post-opératoire de Monsieur Haï-Bnedir Ali X...et débouté ce dernier de l'ensemble de ses demandes relatives à l'indemnisation de son préjudice corporel Par conséquent,- Constater qu'aucune faute ne peut être reprochée au docteur Gilles Y...et que sa responsabilité ne saurait être retenue,- Dire et juger que la garantie de la SA SWISS LIFE ne saurait être mobilisée.- Rejeter l'ensemble des fins, moyens et conclusions formulés par Monsieur X... à leur encontre,- Dire n'y avoir lieu arrêt ce que soit ordonnée une mesure d'instruction confiée à un nouvel expert judiciaire.- Réformer le jugement en ce qui concerne les condamnations prononcées à l'encontre du docteur Gilles Y...au titre de la violation de son obligation d'information et au titre des frais irrépétibles et dépens. Par conséquent,- Constater qu'aucun manquement à son devoir d'information n'est imputable au docteur Y....- Dire n'y avoir lieu à leur condamnation in solidum au titre d'un préjudice moral spécifique lié au manquement au devoir d'information préalable, ni au titre des frais irrépétibles et des dépens de première instance En conséquence,- Condamner Monsieur X... à restituer à la SA SWISS LIFE la somme de 5. 000 ¿ qui lui a été versée au titre de l'exécution provisoire en indemnisation du préjudice moral spécifique lié au manquement au devoir d'information préalable,- Condamner Monsieur X... à payer à la SA SWISS LIFE la somme de 2. 500 ¿ versée à Maître Benjamin Roset au titre de l'exécution provisoire sur le fondement de l'article 37 de la loi no 91-647 du 10 juillet 1991.- Condamner Monsieur Ali X... à leur payer la somme de 3. 000 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

La CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA GIRONDE régulièrement assignée à personne habilitée, à fait connaître qu'elle n'avait aucune créance à faire valoir et ne constituerait pas avocat en appel pas davantage qu'elle ne l'avait fait en première instance. L'arrêt sera réputé contradictoire en application de l'article 474 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 21 janvier 2015.

MOTIFS DE LA DÉCISION

-1- Sur la demande de nouvelle expertise
Monsieur X... fonde cette demande sur les conclusions critiques d'un rapport qu'il a demandé lui-même au docteur F...médecin généraliste, établi sur pièces, le 30 janvier 2014, dans lequel il met en doute la compétence du professeur C...celui-ci n'étant pas chirurgien spécialisé en chirurgie vasculaire. Il indique que les publications jointes en annexe du rapport du docteur F...démontrent les imprécisions et contradictions de l'expert judiciaire.
Le docteur Y...et la compagnie SWISS LIFE s'opposent à cette demande en indiquant que les opérations d'expertise ont été contradictoires et que suite au dépôt du rapport et devant le tribunal Monsieur X... n'a pas sollicité de nouvelle expertise se bornant à en discuter les conclusions qui ne correspondaient pas à la thèse qu'il soutient. Ils ajoutent que le rapport du docteur F..., médecin généraliste, a été établi 15 ans après les interventions et plus de 10 ans après le dépôt du rapport d'expertise judiciaire de façon non contradictoire et à la seule demande de Monsieur X....
Si le rapport du docteur F...a été versé aux débats et soumis à la libre discussion des parties, il n'en reste pas moins qu'il n'est pas de nature à contredire les éléments contradictoirement discutés dans le cadre d'opérations d'expertises qui se sont déroulées, il y a plus de 10 ans. Le débat médical que semble vouloir engager Monsieur X... en s'appuyant sur les publications médicales dont certaines sont postérieures aux interventions n'est pas pertinent dans la mesure où le docteur Y...n'a pas été en mesure d'en débattre avec le rédacteur de ce rapport.
En outre, alors que Monsieur X... fait grief au Professeur C...de ne pas être chirurgien spécialisé en chirurgie vasculaire, il sera observé que le docteur F...est lui médecin généraliste et nulle part n'est mentionné sa qualité d'expert judiciaire ou une compétence particulière qu'il posséderait. Il s'ensuit que Monsieur X... n'apporte aucun élément susceptible de conduire la cour à ordonner une contre-expertise alors que ne sont contestées aucune des conditions dans lesquelles s'est déroulée l'expertise judiciaire au cours de laquelle il a formulé des dires auxquels l'expert a répondu de façon précise et détaillée.
Il n'y a donc pas lieu de faire droit à cette demande

-2- Sur la responsabilité du docteur Y...

-Au titre des interventions chirurgicales
Il résulte de l'expertise qu'à la suite des interventions subies, Monsieur X... a souffert d'une dénervation complète de la langue coté gauche, avec déviation de la langue entraînant une gêne à la mastication et des troubles de la déglutition, notamment des fausses routes ainsi qu'une gêne à la phonation du fait de la paralysie laryngée gauche.
Il incombe à Monsieur X... de caractériser et d'établir la faute commise par le chirurgien dans les gestes opératoires afin de pouvoir engager sa responsabilité contractuelle.
Monsieur X... reproche au docteur Gilles Y...d'avoir commis une faute technique en pratiquant la dissection et les manoeuvres chirurgicales sur la carotide ainsi qu'un manque de précision dans son geste chirurgical qui ont entraîné une paralysie du nerf grand hypoglosse et du nerf récurrent gauche.
Cependant aucun élément ne permet de dire que l'intervention, qui était justifiée par un risque de thrombose très grave sur les plans neurologique et vital, n'a pas été menée conformément aux règles de l'art et données acquises de la science.
En effet il résulte des éléments du dossier médical qu'au cours de l'intervention, le docteur Gilles Y..., constatant que la carotide interne ne battait pas, a pratiqué une artériographie per opératoire avant le geste thérapeutique, cet examen a confirmé l'existence d'une thrombose, raison pour laquelle il a réalisé au préalable une thrombectomie de la carotide interne discale.
Une demi-heure après le réveil de Monsieur X..., suite à l'apparition d'un hématome cervical pulsatile, le docteur Gilles Y...est intervenu en urgence pour traiter une hémorragie post-opératoire au point de ponction de l'artériographie sur la carotide primitive.
Lors de la consultation post-opératoire, les troubles au niveau de la langue et du larynx étant persistants, il a été programmé le traitement de l'anévrysme de l'aorte abdominale. Cette intervention chirurgicale a été pratiquée le 24 novembre 1999 par le docteur Y...consistant en un pontage aorto-bi-iliaque dont les suites opératoires n'ont entraîné aucune complication.
L'expert souligne que les interventions étaient susceptibles, en elles-mêmes et indépendamment de toute faute technique, de provoquer des paralysies des nerfs grand hypoglosse et récurrent. Il précise à cet égard " que les nerfs de la langue et du larynx cheminent au cou dans la même région anatomique que la carotide. Ils sont donc à proximité de sa dissection et donc, évidemment susceptibles d'être touchés et lésés. "
Il ajoute que le compte-rendu opératoire du 26 octobre 1999 mentionne qu'à l'occasion de l'acte sur la carotide " la dissection s'est révélée laborieuse chez ce sujet du fait d'une anatomie atypique ". Il en déduit qu'à supposer que soit démontrée, une éventuelle imprécision du geste chirurgical, elle ne serait pas fautive en l'espèce. Le risque mentionné ci-dessus étant majoré par cette particularité anatomique.
L'expert explique que " la dissection et les manoeuvres chirurgicales sur la carotide ont entraîné une paralysie du nerf grand hypoglosse et du nerf récurrent. Ces paralysies ont motivé des explorations et une rééducation (...) Ces paralysies ne sont pas exceptionnelles, ce sont des complications classiques de la chirurgie de la carotide, elles peuvent survenir en dehors de toute anomalie opératoire identifiée ".

Il n'est donc pas établi que les dommages subis par Monsieur X... résultent d'une imprécision du geste chirurgical du docteur Gilles Y...mais qu'ils proviennent de la localisation des nerfs en cause à proximité immédiate de la carotide, proximité susceptible de causer une lésion des nerfs à l'occasion d'un acte sur la carotide, les paralysies consistant en des complications classiques de la chirurgie de la carotide pouvant survenir en dehors de toute anomalie opératoire.
A cet égard la jurisprudence invoquée par Monsieur X... selon laquelle la faute du chirurgien serait établie dès lors qu'il a lésé un autre organe que celui sur lequel il intervenait est totalement inopérante. En effet l'espèce ayant donné lieu à cette décision se place dans le cadre d'une intervention à visée esthétique (lipo succion) n'a pas fait l'objet d'une publication et ne saurait en aucun cas être transposée sans nuances à une situation dans laquelle le chirurgien est intervenu pour traiter un risque vital et au surplus dans des conditions de proximité et de particularité anatomique rappelées ci dessus.
En conséquence le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a écarté la responsabilité du docteur Y...à l'occasion des intervenions chirurgicales pratiquées les 26 octobre et 24 novembre 1999, à défaut pour Monsieur X... d'avoir rapporté la preuve d'une faute commise par le chirurgien.

- Au titre du suivi post-opératoire

S'agissant du suivi post-opératoire, il s'évince de ce qui a été détaillé ci-dessus que le docteur Gilles Y...a tout mis en oeuvre pour assurer le suivi de son patient, en prescrivant les examens appropriés et en réalisant les interventions nécessaires. En outre il est établi que Monsieur Haï-Bnedir Ali X...a été pris en charge dès le mois de décembre 1999 pour ses problèmes de langue et de voix par un oto-rhino-laryngologiste, un orthophoniste et un neurologue. Au cours des années 2000 et 2001 il a bénéficié d'explorations électro-myographique et de nombreuses séances de rééducation orthophonique.

Ces traitements et soins ont permis une ré-innervation du récurrent gauche évaluable à environ 75 % et au niveau de la langue une ré-innervation partielle ne dépassant pas 20 %. Si Monsieur X... conserve des séquelles, le déficit physiologique lié aux troubles de la phonation, de la mastication et de la déglutition a été évalué par l'expert à 6 %.
Ainsi, au vu de l'ensemble de ces éléments, Monsieur X... ne rapporte pas la preuve d'une défaillance dans son suivi post-opératoire qui seraient à l'origine d'une aggravation de ses préjudices. Il s'ensuit qu'il ne démontre donc pas de faute imputable au docteur Gilles Y...dans le suivi post-opératoire.

-3- Sur le manquement au devoir d'information

En application de l'article L. 1111-2 du Code de la Santé Publique, toute personne a le droit d'être informée sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent. En cas de litige, il appartient au professionnel d'apporter par tout moyen. la preuve que l'information a été délivrée au patient.
Monsieur X... reproche au docteur Gilles Y...de ne pas l'avoir informé préalablement des risques spécifiques liés à l'intervention chirurgicale pratiquée que ce soit par écrit ou oralement et de ne pas avoir recueilli son consentement par écrit.
Pour contester tout manquement au devoir d'information le docteur Gilles Y...et son assureur invoquent le contenu du rapport d'expertise qui fait état de ce que Monsieur X... a dit à l'expert qu'il ne se souvenait pas précisément des informations reçues du docteur Y...mais qu'il était conscient des risques liés à une intervention chirurgicale. Ils soulignent que la réalisation du risque de paralysie n'était pas exceptionnelle et que l'intervention chirurgicale était justifiée par un risque de thrombose très grave sur les plans neurologique et vital.
En l'espèce, le docteur Gilles Y...et son assureur ne produisent aucun élément ou pièce tendant à démontrer que le praticien a satisfait à l'obligation d'information qui lui incombait. Il est constant qu'aucun document de consentement éclairé n'a été soumis à Monsieur X.... En l'absence de compte rendu d'entretien ou de consultation pré-opératoire il n'est pas possible à la cour de connaître la teneur de l'information délivrée à Monsieur X... sur les risques particuliers résultant de l'intervention chirurgicale pratiquée.

L'expert judiciaire indique, en réponse au dire du conseil de Monsieur X..., qu'il ne disposait d'aucune donnée objective concernant les informations qui ont été données par le Docteur Y...à son patient avant l'intervention et mentionne : « Monsieur X...m'a dit qu'il était avant l'intervention, conscient des risques qu'elle comportait ».

Il sera relevé que Monsieur X... conteste ce dernier point, en outre cette indication est imprécise, générale et inopérante pour démontrer que le docteur Y...a respecté l'obligation d'information préalable due au patient et dont la preuve lui incombe.
Même si l'intervention était nécessaire et relativement urgente, il n'est ni établi ni soutenu que Monsieur X... n'était pas en état de recevoir l'information et ce d'autant plus qu'il a été hospitalisé deux jours avant que ne soit pratiquée la première intervention.
La nécessité de l'intervention en raison du risque vital évoqué à défaut qu'elle ne soit pratiquée, laisse cependant subsister l'obligation d'information et son absence a été génératrice d'un préjudice moral pour Monsieur X... distinct du préjudice lié au risque qui s'est réalisé. Ce préjudice résulte du défaut de préparation psychologique aux risques encourus et de l'incompréhension dans laquelle il s'est trouvé à la suite des troubles présentés dont il conserve encore à ce jour des séquelles même si son état s'est amélioré de façon significative.
La décision déférée sera confirmée en ce qu'elle a retenu un manquement du docteur Y...à son devoir d'information.
A titre subsidiaire le docteur Y...et la SA SWISS LIFE demandent que la somme allouée à Monsieur X... en réparation de ce préjudice soit ramenée à la somme de 1. 500 ¿, alors que ce dernier en demande la réévaluation à la somme de 8. 000 ¿.
Le tribunal a fait une juste appréciation de l'indemnisation de ce préjudice par l'allocation d'une somme de 5. 000 ¿ à titre de dommages-intérêts qui sera confirmée.
Monsieur X... succombant totalement en son appel et en toutes ses demandes, il ne sera pas fait application à son profit des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, il sera, en outre, condamné à supporter les dépens d'appel.
Il sera en revanche fait application au profit du docteur Y...et de la compagnie SWISS LIFE, des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

PAR CES MOTIFS la cour

-Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
- Déboute les parties du surplus de leurs demandes,
- Condamne Monsieur X... à verser au docteur Gilles Y...et à son assureur la compagnie SWISS LIFE la somme de 1. 500 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
- Condamne Monsieur X... à supporter les dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par Henriette Filhouse, Présidente, et par Sylvie Hayet, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier Le Président

S. Hayet H. Filhouse


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : CinquiÈme chambre civile
Numéro d'arrêt : 13/05910
Date de la décision : 18/03/2015
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.bordeaux;arret;2015-03-18;13.05910 ?
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