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12/03/2015 | FRANCE | N°13/05019

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section b, 12 mars 2015, 13/05019


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION B



--------------------------









ARRÊT DU : 12 MARS 2015

gtr

(Rédacteur : Madame Catherine MAILHES, Conseillère)



PRUD'HOMMES



N° de rôle : 13/05019

















SNC LIDL



c/



Madame [R] [V]





















Nature de la décision : AU FOND







Notifié

par LRAR le :



LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :



La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d'huissier).



Certifié par le Greffier en Chef,



Grosse délivrée le :



à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 02 juillet 201...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION B

--------------------------

ARRÊT DU : 12 MARS 2015

gtr

(Rédacteur : Madame Catherine MAILHES, Conseillère)

PRUD'HOMMES

N° de rôle : 13/05019

SNC LIDL

c/

Madame [R] [V]

Nature de la décision : AU FOND

Notifié par LRAR le :

LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :

La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d'huissier).

Certifié par le Greffier en Chef,

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 02 juillet 2013 (R.G. n° F12/704) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BORDEAUX, Section Commerce, suivant déclaration d'appel du 01 août 2013,

APPELANTE :

SNC LIDL, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social

[Adresse 1]

représentée par Me Jean-Baptiste ROBERT-DESPOUY, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉE :

Madame [R] [V]

née le [Date naissance 1] 1968

de nationalité Française

Sans profession, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Thierry MINARD, délégué syndical au syndicat UNSA LIDL, muni d'un pouvoir régulier

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 28 janvier 2015 en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Elisabeth LARSABAL, Présidente

Madame Catherine MAILHES, Conseillère

Madame Véronique LEBRETON, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Gwenaël TRIDON DE REY,

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

EXPOSE DU LITIGE

Mademoiselle [R] [V] a été embauchée par la SNC Lidl à compter du 4 décembre 1997 selon contrat à durée indéterminée en qualité de caissière employée libre service à temps partiel dépendant de la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire.

Madame [V] a été promue chef de caisse le 1er novembre 2007 et était affectée au magasin de [Localité 1] pour une durée mensuelle de travail de 134,35 heures.

A la suite d'un accident du travail survenu le 22 janvier 2008, Madame [V] a été arrêtée jusqu'au 5 octobre 2008.

Lors de la première visite médicale de reprise le 6 octobre 2008, le médecin du travail a émis de nombreuses restrictions et préconisations et a demandé une étude de poste dans l'entreprise.

Le 21 octobre 2008, le médecin du travail a déclaré Madame [V] apte à la reprise avec le respect impératif des prescriptions énoncées le 6 octobre 2008 : pas de flexion du dos ni de soulèvement manuel de charges supérieures à 5 kg à la fois. Pas de traction/poussée/rotation en force ou contre résistance ni gestes répétitifs rapides des membres supérieurs, pas de travaux au-dessus de l'horizontale des épaules

Le 6 novembre 2008, la SNC Lidl a proposé à Madame [V] un poste sur [Localité 2] ( Ile-et-Vilaine), qu'elle refusait.

Mme [V] a été convoquée à une entretien préalable à son licenciement selon courrier du 18 novembre 2008 pour le 25 novembre 2008.

Elle a été licenciée pour inaptitude physique et impossibilité de reclassement par courrier du 28 novembre 2008 avec accusé de réception.

Le 13 mars 2012, Mme [V] a saisi le conseil des prud'hommes de Bordeaux pour contester son licenciement et obtenir des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, pour discrimination, pour exécution déloyale du contrat, une indemnité pour non respect des articles L 3121-2 et L 3121-33 du code du travail, outre le paiement de diverses sommes aux titres de rappels de congés payés et au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement en date du 3 juillet 2013, le conseil des prud'hommes de Bordeaux a :

dit que la SNC Lidl n'a pas respecté les dispositions légales et conventionnelles relatives au temps de pause à l'égard de Mme [V],

dit que le licenciement de Mme [V] est dénué de cause réelle et sérieuse,

condamné la SNC Lidl à payer à Mme [V] les sommes suivantes :

4.670 euros au titre du paiement des temps de pause, outre 467 euros pour les congés payés afférents, avec intérêt au taux légal à compter du 13 mars 2012,

17.000 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article L 1226-15 du code du travail,

800 euros d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

ordonné l' exécution provisoire ,

débouté Mme [V] du surplus de ses demandes,

débouté la SNC Lidl de sa demande d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

condamné la SNC Lidl aux entiers dépens en ce compris les frais éventuels d'exécution.

Par déclaration au greffe de son avocat le 1er août 2013, la SNC Lidl a régulièrement relevé appel de ce jugement. Madame [V] forme de nouvelles demandes de dommages et intérêts au titre du manquement au droit individuel à la formation et d'une demande de re-qualification du contrat à temps partiel en temps plein.

Par conclusions déposées le 16 décembre 2014, développées oralement et auxquelles il est expressément fait référence, la SNC Lidl demande à la Cour de :

dire son appel recevable,

réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions exceptées celles ayant débouté Madame [V] de ses demandes de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et discrimination,

dire qu'elle a pleinement rempli son obligation de recherche de reclassement,

dire que le licenciement de Madame [V] repose sur une cause réelle et sérieuse,

dire que l'article L 3121-33 du code du travail n'est pas applicable à la SNC Lidl dans la mesure où Madame [V] ne travaillait pas 6 heures en continu et a toujours bénéficié de 7 minutes de pause par demi-journée,

dire que la SNC Lidl a exécuté de bonne foi le contrat de travail,

dire que Madame [V] n'a pas fait l'objet d'une discrimination,

dire que les avenants 'faisant fonction de chef de magasin' conclus avec Madame [V] sont licites,

dire que la demande de re-qualification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein n'est pas fondée, ainsi que la demande au titre du droit individuel à la formation,

débouter Madame [V] de l'intégralité de ses demandes,

condamner Madame [V] au paiement d'une indemnité de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens en ce compris les frais d'exécution.

Au soutien de son appel, la SNC Lidl fait valoir que :

* sur le reclassement, elle a orienté ses recherches sur un poste administratif compte tenu des restrictions médicales et a proposé à la salariée le seul poste qui était alors disponible au sein de la société, de sorte que face au refus de Madame [V], elle a été contrainte de procéder au licenciement ; elle explique l'organisation des magasins fondée sur la polyvalence et qu'à tous le niveaux hiérarchiques, il existe des tâches de manutention ; aucun des postes en magasin ne pouvait être aménagé ; les délégués du personnel ont été consultés le 24 octobre 2008 sur les possibilités de reclassement de Madame [V]; Madame [V] a bénéficié de 3.300 euros au titre de deux formations financées par la société : une formation pour passer le permis de conduire et un bilan de compétences ; il est faux de prétendre qu'elle ne reclasse pas ses salariés ; sur le périmètre de la recherche, elle conteste le caractère de groupe et encore plus celui de groupe européen, en arguant de ce que la salariée ne rapporte pas la preuve de cette appartenance et que le défaut de maîtrise de la langue allemande par Madame [V] signifie qu'il n'y avait pas de possibilité de permutation du personnel avec un emploi à l'étranger et qu'en l'occurrence, Madame [V] a refusé le poste proposé en France au motif qu'elle n'était pas mobile géographiquement pour des raisons familiales ;

* sur le temps de pause, les accords d'entreprise sont conformes aux dispositions de la convention collective nationale et leur contestation relève de la compétence du tribunal de grande instance ; jamais les salariés ne sont contraints de travailler 6 heures ininterrompues dès lors qu'ils bénéficient d'une pause de 7 minutes attribuée pour chaque demi-journée de travail de sorte que les dispositions légales ne sont pas applicables, s'agissant d'un seuil de déclenchement ; Madame [V] ne rapporte pas la preuve de ce qu'elle n'a pas bénéficié des 7 minutes de pause par demie-journée ; elle était rémunérée pour les 30 minutes de pauses prises chaque semaine ; l'employeur n'a l'obligation de tenir à disposition de l'inspection du travail les documents permettant de comptabiliser les heures de travail accomplies par chaque salarié que pendant une durée d'un an selon les dispositions de l'article D 3171-16 du code du travail et à la date de la saisine, elle n'était plus tenue à cette obligation ; d'ailleurs les feuilles de contrôle de temps ne font apparaître ni les coupures ni les temps de pause ; le chiffrage de Madame [V] est erroné en ce qu'il ne tient pas compte des 30 minutes de pause payée hebdomadaire et en ce qu'elle y intègre des périodes où elle a été absente dont les périodes de congés payés ;

* sur la demande nouvelle de re-qualification, les avenants faisant fonction ont un caractère temporaire et permettent à une chef caissière d'occuper temporairement les fonctions de son chef de magasin absent avec une modification de sa durée de travail et de sa rémunération toujours de manière temporaire ; ils sont permis par la convention collective nationale et à l'article L 3123-8 du code du travail ; il s'agit de nouveaux contrats conclus pour une durée limitée modifiant les fonctions même du salarié qui s'inscrivent dans la logique des modifications légales ;

* sur la demande nouvelle de dommages et intérêts pour non respect du droit individuel à la formation, Madame [V] a toujours la possibilité d'exercer son crédit d'heures dans le cadre du transfert de ses droits et qu'elle chiffre sa demande de manière erronée.

Par conclusion du 28 janvier 2015 développées oralement et auxquelles il est expressément fait référence, Madame [V] demande la confirmation du jugement entrepris, et faisant des demandes nouvelles, sollicite de la cour qu'elle condamne la SNC Lidl aux sommes suivantes :

1.500 euros de dommages et intérêts pour non respect du droit individuel à la formation,

23.818,05 euros au titre de la re-qualification du contrat de travail en un temps plein,

2.381,80 euros au titre des congés payés afférents,

2.000 euros d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir que :

* sur le temps de pause, tout salarié qui y a intérêt est recevable à invoque le caractère illicite d'une clause d'une convention collective qui lui est applicable ; les relevés d'heure ne mentionnent pas le temps de pause et l'employeur ne rapporte pas la preuve qu'elle était bien en mesure de prendre effectivement ses pauses chaque jour ; une interruption de travail de 7 minutes au cours d'une période de 6 heures ne dispense pas l'employeur d'accorder aux salariés les 20 minutes de pause obligatoires à partie de 6 heures de travail quotidien ; il ressort des plannings d'autres magasin que les tranches de 6 heures étaient courantes et en travaillant sur 7 demi-journées et en effectuant en moyenne 3 fois par semaine plus de 6 heures, cela donne 235 heures à rémunérer ;

*l'accord collectif d'entreprise qui prévoit que les salariés à temps partiel en magasin bénéficient d'une pause payée prise fixée à 7 minutes par demi-journée de travail est moins favorable que la convention collective nationale qui prévoit que le temps de pause doit être pris à hauteur de 5% du temps de travail ce qui représente 3 minutes par heure travaillée et que les salariés à temps partiel bénéficient des droits et avantages accordés aux salariés à temps complet; en l'occurrence, il lui manque 206 minutes de temps de pause par mois ; c'est à l'employeur de prouver qu'il respecte les seuils et plafonds prévus par le droit de l'Union Européenne et en l'espèce l'employeur se dispense de justifier des plannings et des contrôles du temps, arguant en outre de ce que les temps de pause ne font pas l'objet d'un contrôle ou d'un enregistrement au sein de l'entreprise et de ce que le déficit de temps de pause a eu une incidence sur son état de santé ;

* sur l'obligation de reclassement, la SNC Lidl devait rechercher un poste de reclassement au sein des magasins et entrepôts ainsi qu'au sein de ses 13 filiales , s'agissant d'un groupe européen au sens jurisprudentiel, ce qu'elle n'a pas fait et le poste proposé n'était pas adapté à la compétence de Madame [V] ; les délégués du personnel ont seulement été informé de sa situation et non consultés ;

* l'employeur ne l'a pas informée dans la lettre de licenciement de son droit individuel à la formation ;

* selon une jurisprudence de la Cour de cassation, le temps de travail maximum fixé par le contrat à temps partiel ne peut être dépassé même par avenants limités dans le temps sans entraîner la re-qualification du temps partiel en temps plein et en l'occurrence, elle effectuait régulièrement plus de 5 heures par semaines par l'intermédiaire d'avenant dit 'faisant fonction' sur lesquels aucune répartition de temps de travail n'apparaît.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties il est fait expressément référence au jugement entrepris et aux conclusions des parties sus-visées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'exécution du contrat de travail

1/ Sur les temps de pause dans l'entreprise

* Sur l'application des dispositions de l'article L 3121-33 du code du travail

Selon les dispositions de l'article L 3121-33 du code du travail, dès que le temps de travail quotidien atteint six heures, le salarié bénéficie d'un temps de pause d'une durée minimale de 20 minutes. Des dispositions conventionnelles plus favorables peuvent fixer un temps de pause supérieur.

Ce texte constitue la transcription en droit interne de la directive européenne 93/104 du 23 novembre 1993 relative à l'aménagement du temps de travail à laquelle s'est substituée sur ce point la directive 2003/88 du 4 novembre 2003 laquelle dans son article 4 fait obligation aux Etats membres d'adopter les mesures nécessaires pour que tout travailleur bénéficie, au cas où le temps de travail journalier est supérieur à six heures, d'un temps de pause dont les modalités, et notamment la durée et les conditions d'octroi, sont fixées par des conventions collectives ou accord conclus entre partenaires sociaux ou à défaut par la législation nationale.

S'agissant de la mise en oeuvre de la réglementation européenne en matière de seuils et plafonds en matière de temps de pause poursuivant une finalité protectrice destinée à assurer à tout salarié la protection de sa sécurité et de sa santé au travail et renvoyant à l'obligation de sécurité de résultat de l'employeur, il appartient à ce dernier de justifier avoir satisfait à son obligation. Le manquement de l'employeur à cette obligation donne lieu à dommages et intérêts et les sommes accordées alors ne présentent aucun caractère salarial.

Le paiement d'une pause n'est pas assimilable à la prise effective de la pause.

En l'espèce, s'il existe un accord d'entreprise octroyant à chaque salarié une pause de 7 minutes par chaque demi-journée de travail, il n'en demeure pas moins que l'employeur ne produit aucun élément factuel de contrôle horaire permettant de déterminer que Madame [V] prenait effectivement une pause avant le seuil légal de déclenchement du droit à pause légal de 6 heures de travail, alors même qu'il ressort d'une note interne à la SNC Lidl du 28 juin 2010, postérieure à la rupture du contrat de travail de Madame [V], que de nouvelles règles d'organisation du travail en magasin étaient instaurées et qu'à compter des plannings de septembre 2010, les chef-caissières et les caissières employées-libre service ne feraient plus de journées continues de 6 heures ou plus et qu'il fallait les planifier au maximum à 5,75 heures en continu par demi-journée, induisant nécessairement que Madame [V] pouvait être amenée à faire des journées de 6 heures au moins, en sorte que ne justifiant aucunement de la prise effective d'une pause de 7 minutes avant le déclenchement du seuil de l'article L 3121-33 du code du travail, l'employeur ne peut prétendre que les seuils prévus par les dispositions de l'article L 3121-33 du code du travail n'étaient pas atteints et que ces dispositions ne lui sont pas applicables.

A défaut pour la SNC Lidl de justifier qu'elle a satisfait à son obligation résultant des dispositions de l'article L 3121-33 du code du travail, Madame [V] est fondée à solliciter une indemnité pour non respect du temps de pause légal à compter de l'avenant du 18 novembre 2007 qui a augmenté ses heures de travail à 134,35 heures, la répartition des horaires de travail aux termes du contrat initial de 95,70 heures mensuelles laissant apparaître un horaire de travail inférieur à 6 heures par jour.

* Sur le non-respect du temps de pause résultant de la convention collective nationale

Tout salarié qui y a intérêt est recevable à invoquer le caractère illicite d'une clause d'une convention collective qui lui est applicable.

Selon les dispositions de l'article L 2251-1 du code du travail, une convention ou un accord peut comporter des stipulations plus favorables aux salariés que les dispositions légales en vigueur. Ils ne peuvent déroger aux dispositions qui revêtent un caractère d'ordre public.

Aux termes de l'article L 2253-1 du code du travail, une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement peut adapter les stipulations des conventions de branche ou des accords professionnels ou interprofessionnels applicables dans l'entreprise aux conditions particulières de celle-ci ou des établissements considérés. Une convention ou un accord peut également comporter des stipulations nouvelles et des stipulations plus favorables aux salariés .

Un accord collectif d'entreprise, même conclu postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi du 4 mai 2004, ne peut déroger par des clauses moins favorables à une convention collective de niveau supérieur conclue antérieurement à cette date, à moins que les signataires de la convention n'en aient disposé autrement.

La convention collective nationale prévoit que tout travail consécutif de quatre heures doit être coupé par une pause prise avant la réalisation de la 5ème heure, cette pause payée est attribuée à raison de 5% du temps du temps de travail effectif. Ainsi le temps de pause doit être pris à hauteur de 5% du temps de travail, ce qui représente trois minutes de pause par heure travaillée. Il est également prévu que les salariés à temps partiel bénéficient des droits et avantages accordés aux salariés à temps complet.

L'accord d'entreprise du 3 août 1999 en vigueur au sein de la SNC Lidl avant la rupture du contrat de travail de Madame [V] prévoit pour les salariés à temps partiel en magasin une pause payée prise fixée à 6 minutes par demi-journée de travail à prendre à l'intérieur de l'amplitude de travail, étant précisé que toute amplitude de travail supérieure à 6 heures est considérée comme comptant pour deux demi-journées et donne droit à 12 minutes de pause payée à prendre.

Le principe de faveur s'applique également entre les accords nationaux et les accords d'entreprise.

Cet accord d'entreprise qui prévoit un temps de pause prise et payée de 6 minutes par demi-journée de 6 heures de travail est moins favorable que la convention collective nationale.

L'application de l'accord d'entreprise a généré pour Madame [V] un déficit de temps de pause nécessairement constitutif d'un préjudice.

S'agissant de l'indemnisation du préjudice, les premiers juges ne pouvaient allouer une somme en paiement des temps de pause et congés payés afférents de sorte que le jugement sera infirmé à ce titre.

Le manquement de l'employeur aux règles sur la prise du temps de pause confinant à son obligation de sécurité de résultat au long de la carrière de Madame [V], a nécessairement causé à la salariée un préjudice qui sera entièrement réparé par la somme de 5.137 euros, étant rappelé qu'elle est désormais inapte à son poste.

2/ Sur la re-qualification du temps partiel en temps plein

La convention collective nationale applicable prévoit le remplacement provisoire en indiquant dans son article 4-4-3 que la nature même de certaines fonctions implique que les salariés qui les exercent sont à même de suppléer totalement ou partiellement un supérieur hiérarchique en cas d'absence occasionnelle de celui-ci.

En dehors des cas ci-dessus, les salariés qui se voient confier pendant au moins quatre semaines consécutives la responsabilité d'une fonction correspondant à un niveau supérieur au leur bénéficient proportionnellement au temps passé du salaire garanti à celui-ci. Cette situation ne peut excéder six mois ; à l'issue de ce délai l'employeur et le salarié remplaçant acteront au regard du motif du remplacement, les conséquences qui en découlent sur le contrat de travail.

Ainsi l'employeur avait la possibilité d'augmenter par avenant la durée de travail de la salariée, ce qu'il a fait sans contrevenir aux dispositions légales et conventionnelles précitées.

Or, il ressort des pièces versées aux débats que les avenants 'faisant fonction' qui avaient pour effet de notamment de porter l'horaire hebdomadaire de Madame [V] de 26 heures à 31 heures pendant la période antérieure au 18 novembre 2007 (date de sa promotion au poste de chef caissière) ne comportent pas la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois en application des dispositions de l'article L 3123-14 du code du travail de sorte que la présomption de temps plein s'applique à compter du 22 août 2005.

Il incombe alors à l'employeur qui conteste cette présomption de rapporter la preuve d'une part de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue, d'autre part que le salarié n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'avait pas à se tenir constamment à la disposition de l'employeur ;

La succession d'avenants sur de courtes périodes de 3 à 9 jours de remplacement signés au mieux 5 jours avant leur prise d'effet voire de manière habituelle le jour même empêche de considérer, en l'absence de tout élément factuel apporté par la SNC Lidl, que la salariée a eu connaissance de ses horaires deux semaines à l'avance comme prévu dans la convention collective nationale. L'employeur échoue donc à démontrer que sa salariée n'est pas restée à sa disposition permanente pendant ces périodes.

Néanmoins au regard du caractère temporaire de ces avenants alors même que le contrat de travail du 7 décembre 1997 et l'avenant relatif à la promotion de la salariée en qualité de chef caissière portent mention de la répartition des heures de travail sur les jours de la semaine ou sur les semaines du mois conformément aux dispositions de l'article L 3123-14 du code du travail, la re-qualification en temps plein ne peut concerner que les périodes correspondants aux avenants dits 'faisant fonction' et non à l'ensemble de la période de la relation de travail à partir du premier contrat non conforme aux dispositions légales et Madame [V] est fondée à réclamer un rappel de salaire uniquement sur les périodes correspondant aux avenants.

Il convient en conséquence de requalifier en temps plein les avenants temporaires au contrat de travail 2 août 2005, 19 décembre 2005, 24 janvier 2006, 13 avril 2007, 19 avril 2007, 4 juin 2007, 25 juillet 2007, 16 août 2007, 10 septembre 2007 et 1er octobre 2007.

En regard de la saisine du conseil de prud'hommes le 13 mars 2012 et de la prescription quinquennale applicable, la salariée ne peut réclamer des salaires sur la base d'un plein que sur la période à compter du 13 mars 2007. Elle a été arrêtée dans le cadre de son accident du travail dès le 22 janvier 2008 et licenciée le 28 novembre 2008 de sorte que sa demande de rappel de salaire n'est pas fondée sur la période postérieure au 22 janvier 2008.

Du 13 mars 2007 au 18 novembre 2007, elle a bénéficié de 7 contrats dits 'faisant fonction' sur des périodes d'une durée au moins hebdomadaire permettant de considérer que pendant 13 semaines elle aurait dû bénéficier d'un salaire correspondant à 35 heures alors qu'elle n'a été rémunérée qu'à hauteur de 31 heures. La SNC Lidl reste donc lui devoir la somme de 541,32 € ainsi calculée : 4 h x 13 semaines x 10,41 euros = 541,32 €, outre les congés payés afférents pour la somme de 54,13 €.

Madame [V] ne justifie pas avoir effectué des remplacements postérieurement au 3 novembre 2007. Elle sera donc déboutée du surplus de sa demande de rappel de salaire.

La SNC Lidl sera donc condamnée à lui verser la somme de 541,32 € à titre de rappel de salaire lié à la re-qualification des avenants dits 'faisant fonction', outre les congés payés afférents pour la somme de 54,13 €, disposition qui sera ajoutée au jugement, s'agissant d'une demande nouvelle en appel.

Sur la rupture du contrat de travail

1/ Sur les motifs du licenciement

Selon les dispositions de l'article L 1226-10 du code du travail, lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités. Cette proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise.

Il est constant qu'il a été fait état de la situation de Madame [V] lors de la réunion des délégués du personnel du 24 octobre 2008. Néanmoins, à défaut pour l'employeur de justifier du procès-verbal de séance ou de toute autre pièce, il ne justifie pas les avoir consultés en leur demandant leur avis sur les possibilités de reclassement de Madame [V] et ne pas les avoir seulement informés.

En conséquence, le licenciement de Madame [V] est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Le jugement sera confirmé par substitution de motifs.

2/ Sur les conséquences du licenciement

Le licenciement de Madame [V] étant dépourvu de cause réelle et sérieuse, c'est à bon droit que les premiers juges en ont tiré toutes conséquences de droit de condamnant la SNC Lidl au paiement de la somme de 17.000 euros sur le fondement de l'article L 1226-15 du code du travail. Le jugement sera ainsi confirmé à ce titre.

Sur la demande de dommages et intérêts au titre du droit individuel à la formation

La lettre de licenciement ne porte pas mention de l'information de la salariée relative à son droit individuel à la formation en violation des dispositions de l'article L 6323-19 du code du travail. Ce défaut d'information cause nécessairement un préjudice à Madame [V] qui sera réparé par la somme de 200 euros de dommages et intérêts.

Ce chef de condamnation sera ajouté au jugement.

Sur les autres dispositions

Les parties n'avancent aucun moyen pour remettre en cause le jugement dans ses autres dispositions, lesquelles seront confirmées.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

La SNC Lidl succombant sera condamnée aux entiers dépens d'appel. Elle sera déboutée de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

L'équité et les circonstances de la cause commandent de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de Madame [V] qui se verra allouer la somme de 1.000 euros à ce titre.

PAR CES MOTIFS,

La Cour,

Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la SNC Lidl à verser à Madame [V] 4.670 euros au titre du paiement des temps de pause et 467 euros au titre des congés payés afférents ;

Statuant à nouveau dans cette limite,

Condamne la SNC Lidl à verser à Madame [V] la somme de 5.137 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement de l'employeur au droit de pause ;

Confirme le jugement entrepris sur le surplus ;

Y ajoutant,

Re-qualifie en temps plein les avenants temporaires au contrat de travail, dits 'faisant fonction' des 2 août 2005, 19 décembre 2005, 24 janvier 2006, 13 avril 2007, 19 avril 2007, 4 juin 2007, 25 juillet 2007, 16 août 2007, 10 septembre 2007 et 1er octobre 2007;

Condamne la SNC Lidl à payer à Madame [V] les somme suivantes :

541,32 euros à titre de rappel de salaire liée à la re-qualification des avenants dits 'faisant fonction', outre les congés payés afférents pour la somme de 54,13 €,

200 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement au droit individuel à la formation ;

1.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les parties de leurs autres demandes ;

Condamne la SNC Lidl aux entiers dépens de l'appel.

Signé par Madame Elisabeth LARSABAL, Présidente, et par Gwenaël TRIDON DE REY, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

G. TRIDON DE REY Elisabeth LARSABAL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section b
Numéro d'arrêt : 13/05019
Date de la décision : 12/03/2015

Références :

Cour d'appel de Bordeaux 4B, arrêt n°13/05019 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-03-12;13.05019 ?
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