COUR D'APPEL DE BORDEAUX
CHAMBRE SOCIALE - SECTION A
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ARRÊT DU : 25 FÉVRIER 2015
(Rédacteur : Madame Maud Vignau, Président)
PRUD'HOMMES
N° de rôle : 13/02733
SA Lescaut
c/
Monsieur [S] [Z]
Nature de la décision : AU FOND
Notifié par LRAR le :
LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :
La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par
voie de signification (acte d'huissier).
Certifié par le Greffier en Chef,
Grosse délivrée le :
à :
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 09 avril 2013 (RG n° F 11/00131) par le Conseil de Prud'hommes - formation de départage - de Bergerac, section Industrie, suivant déclaration d'appel du 29 avril 2013,
APPELANTE & INTIMÉE :
SA Lescaut, siret n° 557 020 062 00013, agissant en la personne de son
représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, [Adresse 2],
Représentée par Maître Fabienne Lacoste, avocat au barreau de Bordeaux,
INTIMÉ & APPELANT : suivant déclaration d'appel en date du 03 mai 2013,
Monsieur [S] [Z], né le [Date naissance 1] 1968 à [Localité 1], de nationalité française, employé, demeurant [Adresse 1],
Représenté par Maître Elisabeth Leroux de la SCP Jean-Paul Teissonnière - Sylvie Topaloff & François Lafforgue, avocats au barreau de Paris,
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 08 décembre 2014 en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Maud Vignau, Président,
Madame Marie-Luce Grandemange, Conseiller,
Madame Isabelle Lauqué, Conseiller,
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Monsieur Gwenaël Tridon de Rey.
ARRÊT :
- contradictoire,
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.
Monsieur [Z] a été engagé par la société Lescaut, à compter du 1er janvier 2001, en qualité de tuyauteur monteur. Le 23 juin 2011 Monsieur [Z] a
saisi le Conseil de Prud'hommes de Bergerac, afin d'obtenir des dommages et intérêts invoquant un préjudice d'anxiété, des troubles dans ses conditions d'existence etc... pour avoir été exposé à l'inhalation de fibres d'amiante, dans le cadre de chantiers effectués, en sous-traitance par la SAS Lescaut, dans les sociétés Manuco et la SNPE de Bergerac.
Par jugement de départage du 9 avril 2013, le juge départiteur a fait droit à la demande de Monsieur [Z] concernant le préjudice d'anxiété, condamné la société Lescaut à payer à Monsieur [Z] la somme de 3.000 € à titre de dommages et intérêts et à 800 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et débouté Monsieur [Z] de ses autres demandes.
La société Lescaut a interjeté appel de cette décision.
Par conclusions en réponse, déposées au greffe le 8 décembre 2014, développées à l'audience et auxquelles la Cour se réfère expressément, la société Lescaut demande de réformer la décision attaquée dans toutes ses dispositions ; de dire qu'elle n'a commis aucun manquement à son obligation de sécurité à l'égard de Monsieur [Z], de dire que ce dernier ne rapporte pas la preuve de son exposition à l'amiante du fait de son employeur ni de l'existence de ses préjudices que la responsabilité contractuelle de la société n'est pas engagée ; que Monsieur [Z] a déjà été indemnisé de son préjudice par la société Manuco, débouter Monsieur [Z] de toutes ses demandes, le condamner à lui verser 1.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions, déposées au greffe le 4 décembre 2014, développées à l'audience et auxquelles la Cour se réfère expressément, Monsieur [Z] demande
à la Cour de constater qu'il a été exposé à l'inhalation de fibres d'amiante lorsqu'il
était employé par la société Lescaut et de condamner celle-ci à lui verser la somme de
15.000 € en réparation du préjudice d'anxiété et 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens, et des prétentions et de l'argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures déposées, oralement reprises.
SUR CE, LA COUR
Au vu des pièces produites par les parties, il n'est pas contesté que Monsieur [Z] a pu être exposé, accidentellement, à l'inhalation de poussières d'amiante, lors d'une intervention du 1er juillet au 4 juillet 2008, sur le site de la société Manuco, alors qu'il procédait avec trois autres ouvriers de la société Lescaut, en qualité de chef de chantier, au remplacement des plaques d'une toiture.
Lors de la dépose des plaques de toiture existantes, les salariés de la société Lescaut ont cassé ces plaques qui contenaient de l'amiante pour les faire rentrer dans des sacs, avant de les jeter sans prendre de précautions particulières, ce qui a rendu leur exposition à l'inhalation de poussières d'amiante possible.
Il ressort des pièces produites et des débats que lorsque le plan de prévention des risques n° 204/08 a été établi et signé par Monsieur [Z] pour la société Lescaut et Monsieur [O] pour la société Manuco aucune présence d'amiante n' a été déclarée par l'entreprise Manuco au moment de l'intervention ni lors de l'inspection des locaux où apparemment seul Monsieur [R] pour [E] était présent le 30 juin 2006. (pièce 2 de la Société Lescaut)
L'inspection du travail avertie a rédigé un rapport. Seuls par la suite, la société Manuco et son directeur ont été poursuivis et condamnés pénalement. Les salariés parties civiles ont été indemnisés uniquement sur ce fondement délictuel.
Sur le plan de la responsabilité contractuelle de l'entreprise Lescaut
Dans le courrier adressé le 16 juillet 2008 à l'inspectrice du travail, les dirigeants de l'entreprise Lescaut indiquaient que du fait de la présence de poussières de cotons et de vapeurs les opérateurs de l'entreprise portaient leurs EPI, lors de l'intervention, notamment des gants de protection et un demi-masque filtrant équipé de cartouche EP3. (pièce 11)
Toutefois, ni à la lecture du plan de prévention précité ni dans pièces
produites par l'employeur, il n'est démontré qu'un des personnels de l'entreprise Lescaut ait participé à l' inspection commune préalable des locaux, en effet seul le nom de Monsieur [R] a été cité.
Or, il appartenait à la société Lescaut, en se rendant sur place, de s'informer auprès de la SNPE des conditions de travail et des risques auxquels étaient exposés ses salariés afin de mettre en oeuvre, éventuellement en coopération avec la SNPE, des mesures propres à prévenir ce risque et à préserver la santé de son salarié, Monsieur [Z], comme elle en avait l'obligation. Il s'ensuit qu'elle a failli à son obligation contractuelle de sécurité et de résultat visée à l'article L.4121-1 du code du travail et que le salarié est bien fondé à demander réparation de son préjudice.
En revanche, en dehors de ce fait isolé, il n'est nullement démontré que Monsieur [Z] ait été autrement exposé à l'inhalation de fibres d'amiante, en effet, il ressort de la pièce 52 de l'employeur, que Monsieur [Z], en gagé en 2001 n'est jamais intervenu sur le site de la SNPE et encore moins de 1972 à 1992 période pour laquelle cet établissement a par arrêté ministériel du 25 mars 2003, pris en application de l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998, été inscrit sur la liste des établissements susceptibles d'ouvrir droit à l'ACAATA ni sur celui de Polyrey et encore moins de 1971 à 1984 période pour laquelle cet établissement a été inscrit par arrêté ministériel du 1er août 2001,modifié par arrêté du 24 avril 2002, sur la liste des établissements susceptibles d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante.
Les attestations de Monsieur [Y] et de Monsieur [L] décrivent des faits, manifestement mensongers, commis soit disant entre '2001 jusqu'au 31 décembre 2009', alors que l'utilisation de l'amiante était interdite dans ces entreprises depuis 2000, il ne s'agit là visiblement que de témoignages de pure circonstance qui ne peuvent être retenus.
Monsieur [Z] n'a été exposé à la poussière d'amiante du fait de son employeur qu'à une seule reprise, et alors qu'il portait ses EPI, en juillet 2008. Il s'ensuit que son préjudice est évalué à la somme de 500 € de dommages et intérêts.
L'équité et les circonstances de la cause commandent de condamner la société Lescaut qui succombe en partie en cause d'appel à verser à Monsieur [Z] la somme de 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
' Réforme la décision attaquée.
' Condamne la société Lescaut à verser à Monsieur [Z] la somme de
500 € (cinq cents euros) au titre de son préjudice d'anxiété.
' Condamne la société Lescaut à verser à Monsieur [Z] la somme de
500 € (cinq cents euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Signé par Madame Maud Vignau, Président, et par Madame Anne-Marie Lacour-Rivière, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Anne-Marie Lacour-Rivière Maud Vignau