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12/02/2015 | FRANCE | N°13/07147

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section b, 12 février 2015, 13/07147


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION B



--------------------------













ARRÊT DU : 12 FEVRIER 2015

gtr

(Rédacteur : Madame Véronique LEBRETON, Conseiller)



BAUX RURAUX



N° de rôle : 13/07147

















SAS SOCIETE VITICOLE DE FRANCE



c/



Madame [G] [D] épouse [Q]

Monsieur [H] [Q]

GFA DE MAUVESIN









Nature de la décisio

n : AU FOND



















Notifié par LETTRE SIMPLE le :



Grosse délivrée le :



à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 04 novembre 2013 (R.G. n°51-12-19) par le Tribunal paritaire des baux ruraux de BORDEAUX, suivant déclaration d'appel du 04 décembre 20...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION B

--------------------------

ARRÊT DU : 12 FEVRIER 2015

gtr

(Rédacteur : Madame Véronique LEBRETON, Conseiller)

BAUX RURAUX

N° de rôle : 13/07147

SAS SOCIETE VITICOLE DE FRANCE

c/

Madame [G] [D] épouse [Q]

Monsieur [H] [Q]

GFA DE MAUVESIN

Nature de la décision : AU FOND

Notifié par LETTRE SIMPLE le :

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 04 novembre 2013 (R.G. n°51-12-19) par le Tribunal paritaire des baux ruraux de BORDEAUX, suivant déclaration d'appel du 04 décembre 2013,

APPELANTE :

SAS SOCIETE VITICOLE DE FRANCE agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social

[Adresse 3]

représentée par Me GATIGNOL de la SCP TEILLOT - MAISONNEUVE - GATIGNOL - JEAN - FAGEOLE, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

INTIMÉS :

Madame [G] [D] épouse [Q]

de nationalité Française, demeurant [Adresse 1]

Monsieur [H] [Q]

de nationalité Française, demeurant [Adresse 2]

GFA DE MAUVESIN, pris en la personne d'[H] [Q] es qualité de liquidateur

[Adresse 2]

représentés par Me Stéphane DE SEZE de la SARL DE SEZE & BLANCHY, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 17 décembre 2014 en audience publique, devant Madame Catherine MAILHES et Madame Véronique LEBRETON, Conseillères chargées d'instruire l'affaire, qui ont entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés,

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame LARSABAL, Présidente,

Madame Catherine MAILHES, Conseillère,

Madame Véronique LEBRETON, Conseillère,

Greffier lors des débats : M. Gwenaël TRIDON DE REY,

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

EXPOSE DU LITIGE

Par acte authentique en date du 26 février 1974, Mme [D] et son époux M. [W] [Q] ont donné bail à long terme de 30 ans à la Société Viticole de France le domaine de Mauvesin en les communes de [Localité 3] et [Localité 2].

Ce domaine comprenait deux logements ouvriers, un chai et un cuvier, 40 ha, 90 a, 14 ca de terres à usage agricole loués à compter du 1er novembre 1973 pour 12 ha environ, du 1er novembre 1974 pour 12 ha supplémentaires et du 1er novembre 1975 pour 15 ha environ.

Par acte authentique du 5 avril 1979, Mme [D] et son époux M. [Q] ont donné bail à long terme de 30 ans à la société Vinicole de France des biens complémentaires dépendant du domaine de Mauvesin en les communes de [Localité 3] et [Localité 2].

Ce nouveau bail comprenait un logement de deux pièces et 19 ha, 10 a, 34 ca de terres à usage agricole loués à compter du 1er novembre 1978.

L'état des lieux a été réalisé à l'entrée et à la sortie, à la fin du bail intervenue au 31 octobre 2008 pour l'ensemble du domaine suite aux congés délivrés par les bailleurs le 6 octobre 2004.

La société Viticole de France a sollicité un expert amiable aux fins d'établir le 29 avril 2008 un état des lieux des bâtiments donnés à bail ainsi qu'une appréciation au 1er juillet 2008 de l'indemnité due au preneur sortant.

A la demande de la société Viticole de France, le juge des référés du tribunal paritaire des baux ruraux de Bordeaux a ordonné une expertise par décision du 31 octobre 2008 et a condamné Mme [Q] et le GFA de Mauvesin à verser des provisions respectives de 43.513 € et 33.640 €.

L'expert a déposé son rapport le 23 juin 2009.

Suivant requête reçue le 22 août 2012, la SAS Société Viticole a saisi le tribunal paritaire des baux ruraux de Bordeaux aux fins d'obtenir le paiement d'une indemnité de preneur sortant sur le fondement de l'article L.411-69 du code rural et l'indemnisation de la plus-value apportée au fond sur le fondement des articles 1134 et 1147 du code civil.

Par jugement en date du 4 novembre 2013, le tribunal paritaire des baux ruraux de Bordeaux a :

constaté que la demanderesse se désistait de toutes demandes à l'encontre de M. [H] [Q], nu propriétaire, et l'a déclaré hors de la cause,

débouté la SAS Société Viticole de France de ses demandes en paiement au titre d'une plus-value du domaine et bâtiments donnés à bail,

fixé à 327.121 € l'indemnité totale due au preneur sortant par les bailleurs au titre des baux les liant,

condamné en conséquence le GFA de Mauvesin à payer à la SAS Société Viticole de France la somme de 176.760 € au titre de l'indemnité due au preneur sortant du bail, outre intérêts à compter de la signification du jugement,

condamné en conséquence Mme [G] [D] épouse [Q] à payer à la SAS Société Viticole de France la somme de 150.361 € au titre de l'indemnité due au preneur sortant au terme du bail, outre intérêts à compter de la signification du jugement,

ordonné l'exécution provisoire du jugement,

condamné la GFA de Mauvesin, solidairement avec Mme [D] épouse [Q] à payer à la société Viticole de France une indemnité de 1.200 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

condamné la GFA de Mauvesin solidairement avec Mme [Q] aux dépens, en ce compris les frais d'expertise et de référé.

La SAS Société Viticole de France a régulièrement interjeté appel de cette décision le 4 décembre 2013 en le limitant à la disposition par laquelle le tribunal paritaire des baux ruraux l'a déboutée de ses demandes en paiement au titre d'une plus-value du domaine et des bâtiments donnés à bail.

M. et Mme [Q] et le GFA de Mauvesin forment un appel incident.

À l'audience du 5 novembre 2014, l'affaire a été renvoyée au 17 décembre 2014.

Par conclusions déposées au greffe les 10 et 11 décembre 2014 et développées oralement à l'audience, la SAS Société Viticole de France sollicite de la Cour qu'elle :

réforme le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société Viticole de France de ses demandes au titre de la plus-value,

rejette toute demande contraire,

condamne solidairement Mme [Q] et le GFA de Mauvesin à lui payer la somme de 3.468.183,25 € au titre d'indemnité complémentaire consécutive à la plus-value apportée à la propriété par la plantation de vignes,

condamne les mêmes solidairement, outre les entiers dépens, à lui payer la somme de 2.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Viticole de France fait valoir qu'elle apporté une réelle plus-value aux fonds loués en développant un domaine viticole de qualité, que le GFA Mauvesin a pu céder la propriété en 2008 et profiter de cette plus-value de 41%, qu'il convient dès lors de l'indemniser de celle-ci qui a été effectivement réalisée sur les fonds grâce à son travail par l'octroi d'une indemnité complémentaire à laquelle rien ne s'oppose puisqu'elle ne constitue pas une valorisation du bail à son profit, la clause d'exclusion d'indemnisation des améliorations apportées par le preneur du bail initial étant nulle car contraire au statut du fermage d'ordre public puisque les parties ne peuvent renoncer à un droit avant que celui-ci ne soit acquis. En ce qui concerne l'appel incident elle expose que les opérations d'expertise se sont déroulées de manière régulière et contradictoire, que l'expert judiciaire, malgré des erreurs de calcul qui doivent être rectifiées, a à juste titre retenu que le preneur avait à ses frais amélioré le chai existant, les travaux étant nécessaires à la conservation des récoltes et ayant fait l'objet d'une information au bailleur, qu'il avait à ses frais construit un nouveau bâtiment d'exploitation complémentaire avec l'autorisation du bailleur, et qu'il avait réalisé des plantations en application des cahiers des charges alors que les parcelles n'étaient que des prairies improductives.

Par conclusions déposées au greffe le 3 septembre 2014 et développées oralement à l'audience, M. [H] [Q] et Mme [Q] et le GFA de Mauvesin forment un appel incident et sollicitent de la Cour qu'elle :

confirme le jugement du tribunal paritaire des baux ruraux en ce qu'il a débouté la SAS Société Viticole de France de ses demandes en paiement au titre d'une plus-value du domaine et bâtiments donnés à bail,

réforme le jugement du tribunal paritaire des baux ruraux de Bordeaux du 4 novembre 2013 sur le surplus

* A titre principal.

juge que la Société Viticole de France n'ayant pas respecté l'autorisation qui lui avait été donnée de planter des vignes en conformité avec les densités obligatoires de l'appellation Moulis, elle ne saurait prétendre à aucune indemnité au titre de l'article L.411-69 du code rural et de la pêche maritime,

juge que la Société Viticole de France n'ayant pas sollicité d'autorisations de travaux dans les bâtiments loués, ni respecté les prescriptions obligatoires d'information du bailleur au cas où ces travaux auraient pu être librement réalisés, elle ne saurait prétendre à aucune indemnité au titre de l'article L.411-69 du code rural et de la pêche maritime pour les travaux dont elle se prévaut à ce titre,

fixe à 21.847,09 € le montant de l'indemnité due par le GFA de Mauvesin à la Société Viticole de France au titre du bâtiment construit en 1989,

condamne la Société Viticole de France à restituer au GFA de Mauvesin la somme de 154.912,91 € (176.760 € - 21.847,09 €) augmentée des intérêts au taux légal à compter de la date de chacun des versements,

condamne la Société Viticole de France à restituer à Mme [Q] la somme de 150.361 € augmentée des intérêts au taux légal à compter de la date de chacun des versements,

dise que les dépens de première instance et les frais d'expertise seront partagés entre les parties,

* A titre subsidiaire, si par extraordinaire la Cour devait juger que le fermier peut prétendre à indemnisation nonobstant la non-conformité des travaux de plantation par rapport à l'autorisation donnée par le bailleur,

réforme le jugement du tribunal paritaire des baux ruraux pour le surplus,

juge que la Société Viticole de France n'ayant pas sollicité d'autorisations de travaux dans les bâtiments loués, ni respecté les prescriptions obligatoires d'information du bailleur au cas où ces travaux auraient pu être librement réalisés, elle ne saurait prétendre à aucune indemnité au titre de l'article L.411-69 du code rural et de la pêche maritime pour les travaux dont elle se prévaut à ce titre,

fixe à 21.847,09 € le montant de l'indemnité due par le GFA de Mauvesin à la Société Viticole de France au titre du bâtiment construit en 1989,

fixe l'indemnité au preneur sortant due par le GFA de Mauvesin à la Société Viticole de France pour les plantations de vignes à la somme de 110.348 €,

fixe l'indemnité au preneur sortant due par Mme [Q] à la Société Viticole de France pour les plantations de vignes à la somme de 132.594 €,

condamne la Société Viticole de France à restituer au GFA de Mauvesin la somme de 44.564,91 € [176.760 € - (21.847,09 € + 110.348 €)] augmentée des intérêts au taux légal à compter du dernier versement,

condamne la Société Viticole de France à restituer à Mme [Q] la somme de 17.767 € (150.361 € - 132.594 €) augmentée des intérêts au taux légal à compter du dernier versement,

confirme le jugement du tribunal paritaire des baux ruraux en ses autres dispositions,

condamne la Société Viticole de France à leur payer la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Ils font valoir qu'en application de l'article L411-69 du code rural et de la pêche maritime le fermier ne peut prétendre en fin de bail qu'à l'indemnité du preneur sortant calculée en fonction des dépenses faites par le preneur, tant sur les terres que les constructions, la plus-value apportée au fonds ne constituant que le maximum à ne pas dépasser, que par ailleurs aucun protocole d'accord n'a été passé entre les parties à propos d'une indemnité complémentaire pour plus value, le contrat initial l'excluant au contraire expressément, et aucune faute dans l'exécution du contrat de bail ne peut leur être reprochée. Sur l'indemnité au preneur sortant, ils exposent que celui-ci ne peut pas prétendre à une indemnisation au titre des travaux non autorisés par le bailleur pour le chai ancien, lesquels ne figuraient pas sur la liste établie par décision administrative, n'étaient pas indispensables à l'exploitation et n'ont pas fait l'objet d'une information au bailleur, ni au titre des travaux pour le chai construit, qui a du être détruit, à hauteur de la somme calculée par l'expert alors que les travaux doivent être amortis uniformément sur 25 ans. Enfin ils indiquent que les travaux relatifs aux vignes avaient été autorisés par le bailleur à condition que le fermier respecte les règles qui régissent l'appellation MOULIS, et que tel n'a pas été le cas puisque la densité des plantations n'est pas conforme aux règles de l'AOC, de sorte que le preneur ne peut prétendre à une indemnisation de ce chef ou subsidiairement qu'à concurrence d'une somme recalculée en prenant en considération une durée d'amortissement courant à compter de l'entrée en production parcelle par parcelle, exclusion faite des parcelles écartées par l'expert.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens, et des prétentions et de l'argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures déposées, oralement reprises.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l'indemnité complémentaire liée à la plus-value apportée au fonds

Aux termes des articles L411-69 et L411-71 du code rural et de la pêche maritime le preneur qui a, par son travail ou par ses investissements, apporté des améliorations au fonds loué a droit, à l'expiration du bail, à une indemnité due par le bailleur, quelle que soit la cause qui a mis fin au bail, calculée selon des modalités définies à l'article L411-71 pour les bâtiments et ouvrages incorporés au sol, les plantations, les travaux de transformation du sol et les travaux imposés par l'autorité administrative, la plus-value apportée au fonds par ces plantations y étant mentionnée comme référence plafond de l'indemnité due au preneur sortant.

Il résulte de la teneur de l'article L411-69 sus cité, et de ceux qui suivent sous la section IX du chapitre I du titre I du livre IV du code rural et de la pêche maritime, et il est constant que ces dispositions légales d'ordre public excluent pour le preneur sortant tout autre forme d'indemnisation que l'indemnité prévue par l'article L411-69, qui est égale au coût des travaux et améliorations évalués à l'expiration du bail après déduction d'un amortissement par année d'utilisation, quelque soit le fondement juridique invoqué, sauf le cas échéant à ce que les parties aient convenu d'une indemnisation complémentaire tenant à faire bénéficier le preneur de la plus-value apportée aux fonds loués par ses travaux.

Au demeurant la SAS Société Viticole de France ne rapporte pas la preuve de l'existence d'une faute du bailleur dans le cadre de l'exécution du contrat de bail, et n'invoque expressément ni les dispositions de l'article 555 du code civil ni la théorie de l'enrichissaient sans cause, se fondant sur un accord des parties relatif à une ''sur-indemnité''.

Or le protocole d'accord conclu le 20 décembre 2008 entre la SAS Société Viticole de France et M. et Mme [Q] et le GFA de Mauvesin pour l'organisation de ''certaines des conditions et des conséquences de la fin des baux, et notamment concernant le transfert de l'exploitation viticole de la SVF aux bailleurs ou tout autre successeur substitué'' et pour consentir une convention d'occupation précaire à l'expiration du bail permettant au preneur de rester dans tout ou partie d'un bien loué à compter du 1er novembre 2008 et jusqu'au 31 août 2009, fait référence à la saisine en référé par le preneur ''d'une action en fixation des indemnités qu'elle estime lui être due en contrepartie de son exploitation des fonds pris à baux et de leur retour au bailleur'', les parties précisant que ''cette discussion indemnisation est expressément exclue du présent protocole et se réglera entre (elles) de manière séparée'', mais ne mentionne en aucun cas l'accord du bailleur et du preneur sur le principe d'une indemnité quelconque et a fortiori d'un indemnité complémentaire.

Dès lors, sans qu'il y ait lieu d'examiner la validité de la clause du bail du 26 février 1974 au 4° du paragraphe I de la 4ème feuille qui importe peu sur le sort de la demande de la SAS Société Viticole de France, celle-ci n'est pas fondée à réclamer d'indemnité complémentaire.

Dans ces conditions la cour confirme le jugement déféré sur ce point.

Sur l'indemnité au preneur sortant

Aux termes de l'article L411-69 du code rural et de la pêche maritime le preneur qui a, par son travail ou par ses investissements, apporté des améliorations au fonds loué a droit, à l'expiration du bail, à une indemnité due par le bailleur, quelle que soit la cause qui a mis fin au bail.

Selon l'article L411-71 du même code, l'indemnité est ainsi fixée :

- en ce qui concerne les bâtiments et les ouvrages incorporés au sol, l'indemnité est égale au coût des travaux, évalué à la date de l'expiration du bail, réduit de 6% par année écoulée depuis leur exécution. Toutefois, dans les conditions déterminées par décret en Conseil d'Etat, il pourra, pour les bâtiments d'exploitation, les bâtiments d'habitation et les ouvrages incorporés au sol, être décidé par décision administrative de calculer les indemnités en fonction de tables d'amortissement déterminées à partir d'un barème national. En tout état de cause, l'indemnité n'est due que dans la mesure où les aménagements effectués conservent une valeur effective d'utilisation ;

- en ce qui concerne les plantations, elle est égale à l'ensemble des dépenses, y compris la valeur de la main-d''uvre, évaluées à la date de l'expiration du bail, qui auront été engagées par le preneur avant l'entrée en production des plantations, déduction faite d'un amortissement calculé à partir de cette dernière date, sans qu'elle puisse excéder le montant de la plus-value apportée au fonds par ces plantations ; il est admis que l'amortissement est de 25 ans dans le département de la Gironde sauf accord contraire.

En l'espèce, concernant le bâti, l'arrêté préfectoral relatif à l'application du statut du fermage dans le département de la Gironde du 10 mai 2004 fixe une durée d'amortissement variable selon la nature des travaux réalisés de sorte qu'en retenant une durée d'amortissement variable pour les travaux de construction du nouveau chai et ceux d'aménagement du chai existant, l'expert a fait une application pertinente de cet arrêté. Ainsi la valeur résiduelle dont il effectue le calcul en prenant en considération ces durées spécifiques doit être retenue, soit 26043, 49 euros pour l'aménagement de l'existant et 29706, 08 euros pour la construction.

Il résulte des dispositions de l'article L411-13 du code rural et de la pêche maritime que les travaux d'améliorations, non prévus par une clause du bail, peuvent être exécutés sans l'accord préalable du bailleur lorsqu'il s'agit de travaux figurant sur une liste établie par décision administrative qui ne peut comprendre que les travaux nécessités par les conditions locales et afférents en ce qui concerne l'amélioration des bâtiments d'exploitation existants, à l'installation de l'eau et de l'électricité dans ceux-ci, à la protection du cheptel vif dans les conditions de salubrité et à la conservation des récoltes et des éléments fertilisants organiques et, en ce qui concerne les ouvrages incorporés au sol, à la participation à des opérations collectives d'assainissement, de drainage et d'irrigation, ainsi qu'aux travaux techniques assurant une meilleure productivité des sols sans changer leur destination naturelle. Pour tous autres travaux d'amélioration, le preneur doit obtenir l'autorisation du bailleur et quelle que soit la procédure qui s'applique, les travaux visés au présent article doivent, sauf accord du bailleur, présenter un caractère d'utilité certaine pour l'exploitation.

En l'espèce, s'agissant des travaux de construction du nouveau chai, ils ont été autorisés par le bailleur, qui l'admet, ainsi que l'établit la pièce 16 de la production de la SAS Société Viticole de France datée du 7 février 1987 signée de la main de M. [Q]. Il donc en être tenu compte dans le calcul de l'indemnité due au preneur sortant.

S'agissant des travaux de rénovation du chai existant, la lettre du 9 juillet 1987 (pièce 27 de la production de la SAS Société Viticole de France), par laquelle par M. [X] confirme son projet de procéder à la destruction d'un appentis vétuste et à la mise en place d'une évacuation souterraine des égouts et remercie M. [Q] de l'avoir autorisé à effectuer ''ces améliorations'' par courrier du 29 juin 1987, ne constitue pas la preuve que les travaux d'amélioration du chai existant tels que listés en page 18 du rapport d'expertise ont bien été autorisés par le bailleur qui conteste l'avoir fait et en avoir été informé.

En l'espèce, si les travaux litigieux rentrent dans la catégorie de ceux pouvant être exécutés sans l'autorisation du bailleur comme concernant l'amélioration de bâtiments servant à « la conservation des récoltes, des produits fertilisants et des produits phytosanitaires » (arrêté préfectoral du 10 mai 2007), et donc comme étant indispensables à l'exploitation agricole et « présentant une utilité certaine pour l'exploitation » (article L411-73 sus cité), la SAS Société Viticole de France ne prouve toutefois pas avoir respecté les dispositions de l'article L411-73, I, 1, 4ème alinéa du code rural et de la pêche maritime qui impose à tout le moins une information du bailleur avant l'exécution des travaux dans les conditions suivantes : « Deux mois avant l'exécution des travaux, le preneur doit communiquer au bailleur un état descriptif et estimatif de ceux-ci. Le bailleur peut soit décider de les prendre à sa charge, soit, en cas de désaccord sur les travaux envisagés ou sur leurs modalités d'exécution, pour des motifs sérieux et légitimes, saisir le tribunal paritaire, dans le délai de deux mois à peine de forclusion. Le preneur peut exécuter ou faire exécuter ces travaux si aucune opposition n'a été formée, si le tribunal n'a pas admis la recevabilité ou le bien-fondé des motifs de l'opposition dont il a été saisi, ou si le bailleur n'a pas entrepris, dans le délai d'un an, les travaux qu'il s'est engagé à exécuter. ». Dès lors, les travaux d'amélioration du chai existant ne peuvent pas être pris en considération pour le calcul de l'indemnité due au preneur sortant.

Par ailleurs concernant les plantations, le bail rural du 26 février 1974, 5° feuille 9°), comme le bail à long terme, 6° feuille 9°), stipulent que le preneur doit « assumer l'entière exécution et le paiement de tous les frais des plantations qui sont à la charge du preneur. Le preneur choisira notamment les modes de plantation qui lui conviennent le mieux, tout en respectant les règles qui régissent l'appellation ''Moulis'' ». Les plantations ont donc été autorisées, conformément aux dispositions de l'article L411-73 du code rural et de la pêche maritime, par le bailleur qui ne le conteste du reste pas.

Il résulte de l'état des lieux d'entrée et du rapport d'expertise judiciaire que les parcelles non bâties, à l'origine en nature de terres ou de prairies à l'exception d'une parcelles [Cadastre 7] sise à [Localité 3] complantée en appellation Bordeaux ou Bordeaux supérieur, constituent à l'expiration du bail un vignoble d'appellation Haut-Médoc et Moulis dont les vignes ont été classées par l'expert en quatre catégories selon leur état d'entretien et de productivité.

L'expert, tout en précisant que la densité de plantation des vignes produisant des vins à en appellation d'origine contrôlée ''Moulis'' fixée entre 6500 et 10000 pieds à l'hectare par le décret du 24 mars 1998 n'est respectée sur aucune des parcelles, indique que les plantations ont été néanmoins déclarées auprès de l'administration des douanes et droits indirects et reportées au casier viticole informatisé suivant des densités tolérées à l'époque où les vignes ont été plantées et n'ont fait l'objet d'aucune remarque depuis leur entrée en production de sorte que ces plantations peuvent revendiquer le droit à l'appellation.

La clause du bail qui conditionne l'autorisation de plantations au respect des règles régissant l'appellation ''Moulis'' n'a de sens que pour permettre au domaine de bénéficier de cette appellation, or tel a été le cas puisque la SAS Société Viticole de France a bénéficié de l'accord de l'administration en ce sens, de sorte que dans les rapports entre le preneur et le bailleur il convient de considérer que les stipulations contractuelles ont été respectées, de sorte que, sur le principe, la SAS Société Viticole de France peut prétendre à indemnité de ce chef.

Toutefois en ce qui concerne l'étendue des surfaces susceptibles d'être prises en compte, il convient de retenir les conclusions de l'expert qui sont motivées et non sérieusement contredites en ce que doivent être exclues de l'évaluation :

les surfaces déclarées plantées mais qui ne l'étaient pas en réalité (sur les parcelles [Cadastre 2] et [Cadastre 3]),

les surfaces plantées et non déclarées (sur la parcelle [Cadastre 1]),

les surfaces plantées selon des écartements non conformes à la réalité et ne permettant pas aux vignes de prétendre à l'appellation ''Moulis'' (parcelles [Cadastre 4] Gmn, [Cadastre 5] Hmn, Imn, [Cadastre 6] Jmn),

les parcelles dont les vignes doivent être arrachées, les constats de l'expert sur ce point n'étant pas sérieusement discutés par le preneur.

En revanche il convient de réintégrer dans le calcul de la valeur résiduelle du vignoble les surfaces de la parcelle [Cadastre 8] Xcs et Ycs, dont l'expert n'a pas calculé la valeur résiduelle sans motifs alors que selon son évaluation trois ans restaient à amortir.

Enfin s'agissant de la méthode de calcul de la valeur résiduelle des parcelles retenues, l'expert se base sur le coût des plantations établi dans une étude de la chambre d'agriculture de [Localité 1] en tenant compte des écartements de chaque parcelle, la valeur vénale moyenne des terres agricoles en 2007 fixée par arrêté du 20 novembre 2008 du ministre de l'agriculture et de la pêche et une durée d'amortissement de 40 ans pour le cépage Merlot et autres cépages et 35 ans pour le cépage Cabernet-Sauvignon, ceci n'étant pas contesté par les parties, tandis que le sont les calculs eux-mêmes du fait d'une erreur d'opération et de la durée restant à courir doit être rectifiée pour toutes les parcelles prises en compte en déduisant un an

En l'occurrence la reprise des opérations révèlent que les résultats mentionnés que le tableaux figurant en pages 16 et 28 du rapport sont en effet pour la majeure partie inexacts. En outre, les dispositions de l'article L411-71, 2° du code rural et de la pêche maritime précisent que l'amortissement doit être calculé à partir de l'entrée en production des plantations et l'article 4 du décret du 14 mai 1938, applicable au moment des plantations réalisées par la SAS Société Viticole de France (entre 1974 et 1981) précisent que les jeunes vignes ne peuvent prétendre à l'appellation qu'à partir de la deuxième année suivant celle au cours de laquelle la plantation a été réalisée en place avant le 31 août. Or l'expert a calculé la durée restant à amortir à la sortie du bail sans inclure la deuxième année suivant la plantation dans la durée déjà amortie en 2009, année de son évaluation, de sorte que la durée d'amortissement restant à courir doit être rectifiée pour toutes les parcelles prises en compte en déduisant un an.

En définitive la valeur résiduelle totale du vignoble s'établit, suivant décomptes de l'expert et de chacune des parties et motifs qui précédent pris en compte, à la somme totale de 242 942 euros.

L'indemnité due au preneur sortant s'élève donc à la somme globale de 272 648,08 euros répartie comme suit :

242 942 euros pour le vignoble, dont la charge est ventilée à proportion de 110 348 euros pour le GFA de Mauvesin dont il n'est pas contesté encore que sa qualité ne soit pas connue de la cour et ne ressorte ni des conclusions ni du jugement, à être attrait en paiement, et de 132 594 euros pour Mme [Q],

29706, 08 euros pour le bâti construit dont la charge revient au GFA de Mauvesin.

Dans ces conditions la cour reforme le jugement déféré en ce qu'il a fixé l'indemnité due au preneur sortant à la somme de 327121 euros répartie à proportion et statuera à nouveau dans ce sens, en fixant l'indemnité due par M. et Mme [Q] et le GFA de Mauvesin à la somme de 272 648, 08 euros répartie entre eux ainsi : Mme [Q] la somme de 132 594 euros et le GFA de Mauvesin la somme de 140 054, 08 euros. La cour constatant que M. et Mme [Q] et le GFA de Mauvesin ont exécuté la décision de première instance, fera droit à la demande reconventionnelle de M. et Mme [Q] et le GFA de Mauvesin en condamnant la SAS Société Viticole de France à restituer à Mme [Q] la somme de 17 767 euros et au GFA de Mauvesin la somme de 36 705, 92 euros euros.

Sur les autres demandes

M. et Mme [Q] et le GFA de Mauvesin qui succombent au principal seront condamnés aux dépens d'appel. En revanche il n'apparait pas inéquitable de laisser à chacune des parties la charge de leurs frais irrépétibles respectifs, elles seront déboutées de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Confirme le jugement déféré sauf en ce qu'il fixe l'indemnité due au preneur sortant à la somme de 327121 euros et condamne en conséquence à payer à la SAS Société Viticole de France: le GFA de Mauvesin la somme de 176.760 € et Mme [G] [Q] la somme de 150.361 € , outre intérêts à compter de la signification du jugement,

Réforme le jugement déféré sur ces chefs de dispositif,

Statuant à nouveau sur ces points,

Fixe à la somme de 272 648,08 euros l'indemnité due à la SAS Société Viticole de France, preneur sortant, par M. et Mme [Q] et le GFA de Mauvesin,

Condamne Mme [Q] à payer à la SAS Société Viticole de France la somme de 132 594 euros et le GFA de Mauvesin à payer à la SAS Société Viticole de France la somme de 140 054, 08 euros au titre de l'indemnité due au preneur sortant,

Constatant que M. et Mme [Q] et le GFA de Mauvesin ont exécuté la décision de première instance,

Condamne en conséquence la SAS Société Viticole de France à restituer à Mme [Q] la somme de 17 767 euros et au GFA de Mauvesin la somme de 36 705, 92 euros,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. et Mme [Q] et le GFA de Mauvesin solidairement aux dépens.

Signé par Madame Elisabeth LARSABAL, Présidente, et par Gwenaël TRIDON DE REY, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

G. TRIDON DE REY Elisabeth LARSABAL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section b
Numéro d'arrêt : 13/07147
Date de la décision : 12/02/2015

Références :

Cour d'appel de Bordeaux 4B, arrêt n°13/07147 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-02-12;13.07147 ?
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