COUR D'APPEL DE BORDEAUX
CINQUIÈME CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU : 11 février 2015
(Rédacteur : Madame Béatrice SALLABERRY, Conseiller,)
No de rôle : 13/ 2220
Monsieur Jean Paul X...
c/
Société Anonyme ALLIANZ IARD Société FRAM
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée le :
aux avocatsDécision déférée à la Cour : jugement rendu le 06 mars 2013 par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX (Chambre 6, RG 09/ 03494) suivant déclaration d'appel du 10 avril 2013,
APPELANT :
Monsieur Jean Paul X..., né le 04 Octobre 1956, de nationalité Française, demeurant... ARGENTINE,
représenté par Maître RAVAUT substituant Maître Antoine CHAMBOLLE, avocat au barreau de BORDEAUX,
INTIMÉES :
Société Anonyme ALLIANZ IARD-venant aux droits de la Cie GAN EUROCOURTAGE-prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social 87 rue de Richelieu-75002 PARIS,
Société FRAM prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis56 Allée de Tourny-33000 BORDEAUX,
représentées par Maître Claire LE BARAZER de la SCP CLAIRE LE BARAZER et LAURÈNE D'AMIENS, avocat postulant au barreau de BORDEAUX, et assistées de Maître KORVIN de la SCP RAFFIN et ASSOCIES, avocat plaidant au barreau de PARIS,
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 17 décembre 2014 en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Henriette FILHOUSE, Président, Monsieur Bernard ORS, Conseiller, Madame Béatrice SALLABERRY, Conseiller, qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Sylvie HAYET
ARRÊT :
- contradictoire-prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile. OBJET DU LITIGE ET PROCÉDURE
Monsieur Jean-Paul X... et son épouse Madame Patricia X... ont participé à un voyage au Maroc organisé par la société FRAM au Maroc en 2006.
La société FRAM est assurée auprès de la compagnie GAN EUROCOURTAGE.
Le 2 décembre 2006, l'autocar affrété par la société FRAM, appartenant à la société de droit marocain ITC, à bord duquel les époux X... avaient pris place, a été impliqué dans un accident de la circulation dans lequel de nombreuses personnes sont décédées et parmi elles Madame Patricia X....
Par actes d'huissier en date du 9 mars 2009, Monsieur Jean-Paul X... a assigné la société FRAM et la compagnie Gan Eurocourtage sur le fondement de l'article L. 211-17 du code du tourisme, devant le tribunal de grande instance de Bordeaux pour voir déclarer la société FRAM responsable de l'accident dans lequel son épouse a trouvé la mort et obtenir la réparation de son préjudice par ricochet.
Par jugement en date du 16 juin 2010, le tribunal de grande instance de Bordeaux a sursis à statuer, invité Monsieur Jean-Paul X... à conclure sur le fondement de la responsabilité quasi délictuelle, invité la partie la plus diligente à produire aux débats l'intégralité de la procédure pénale afférente à l'accident ayant entraîné le décès de Patricia X... et renvoyé l'affaire à l'audience de mise en état.
Par conclusions récapitulatives en date du 5 juillet 2012, Monsieur Jean-Paul X... a, sur le fondement des articles 1382 et 1147 du Code civil, sollicité la condamnation solidaire de la société FRAM et de son assureur la société GAN EUROCOURTAGE à lui payer la somme de 40. 000 ¿ en réparation de son préjudice d'affection.
Les défenderesses ont conclu au débouté de la demande faute pour Monsieur Jean-Paul X... de démontrer la faute commise par le chauffeur du car affrété par la FRAM.
Par jugement du 6 mars 2013, le tribunal de grande instance de Bordeaux a :- Débouté Monsieur Jean-Paul X... de l'intégralité de ses demandes, la faute des assignés dans l'accident du 2 décembre 2006, n'étant pas établie,- Condamné Monsieur Jean-Paul X... à payer la somme de 800 ¿ à la société FRAM et à la compagnie GAN EUROCOURTAGE ainsi qu'aux entiers dépens.
Par déclaration en date du 10 avril 2013, Monsieur Jean-Paul X... a relevé appel de cette décision.
Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 14 février 2014, Monsieur Jean-Paul X... demande à la cour de :- Réformer le jugement dont appel,- Condamner conjointement et solidairement la Société FRAM et son assureur le GAN à lui payer la somme de 40. 000 ¿ en réparation de son préjudice d'affection, et la somme de 3. 000 ¿ en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, et les condamner aux entiers dépens tant de première instance que d'appel dont distraction au profit de Maître CHAMBOLLE ce conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Monsieur X... soutient l'existence d'une obligation contractuelle de sécurité et de résultat de la compagnie FRAM à l'égard de son épouse, Madame Patricia X..., au titre de sa responsabilité sans faute. Selon lui, du fait de son manquement à son obligation sus visée à l'encontre de son épouse la compagnie FRAM a commis à son égard une faute délictuelle. Il estime que le jugement déféré a fait une appréciation inexacte de la jurisprudence de la cour de cassation qui dans son arrêt du 6 octobre 2006 a dit que " le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel, dés lors que ce manquement lui a causé un dommage ", en exigeant qu'il démontre la faute de la société FRAM dans sa relation contractuelle avec son épouse alors que cette responsabilité est une responsabilité sans faute dans le cadre d'une obligation de résultat.
Il se prévaut de l'article 23 de la loi du 13 juillet 1992, selon lequel l'agent de voyage est responsable de plein droit à l'égard de l'acheteur non professionnel de la bonne exécution des obligations résultant du contrat, que ces obligations soient exécutées par lui-même ou par d'autres prestataires de service. Dans le cadre du contrat de voyage était conclu un contrat de transport, FRAM prenant en charge ses clients au cours de leur séjour pour tous les transports et visites, il s'ensuit une obligation de sécurité du transporteur qui est une obligation de résultat renforcée dans la mesure où le transporteur ne peut pas s'exonérer par son absence de faute sauf à démontrer la faute d'un tiers qui revêtirait le caractère de la force majeure, soit un événement imprévisible, insurmontable et irrésistible.
Il souligne que la société FRAM a reconnu elle-même sa responsabilité à son égard puisqu'elle l'a indemnisé des blessures subies. Il sollicite donc dans les mêmes conditions l'indemnisation de son préjudice par ricochet.
En outre il fait valoir que c'est à tort que les premiers juges ont déduit des pièces qui leur étaient soumises que seul le conducteur adverse était fautif.
Dans leurs dernières conclusions déposées et notifiées le 11 juillet 2013, la société FRAM et la société ALLIANZ IARD, venant aux droits de la société GAN EUROCOURTAGES demandent à la cour de : A titre principal,- Dire et Juger que Monsieur Jean-Paul X... n'est pas fondé à se prévaloir des dispositions de l'article L. 211-16 du Code du Tourisme pour réclamer l'indemnisation de son préjudice par ricochet,- Dire et Juger que Monsieur Jean-Paul X... ne démontre pas que la Société FRAM a manqué à ses obligations contractuelles et engagé sa responsabilité quasi-délictuelle, dès lors que l'entière responsabilité de l'accident incombe au chauffeur adverse, Monsieur Jillali Y..., En conséquence,- Débouter Monsieur X... de ses demandes dirigées à leur encontre-Confirmer le jugement en toutes ses dispositions, Y ajoutant-Condamner Monsieur X... à leur payer la somme de 3. 000 ¿ au titre de l'article 700 du code de procédure civile, A titre subsidiaire,- Dire et Juger que le préjudice d'affection doit être indemnisé à une somme comprise entre 22. 000 et 30. 000 ¿.
Les intimées font valoir qu'elles n'ont jamais dénié la qualité de victime par ricochet de Monsieur X... mais estiment qu'il persiste à obtenir leur condamnation sur le fondement d'une faute inexistante de la part de la société FRAM et qu'il ne démontre pas, la charge de la preuve lui incombant comme l'a dit exactement le tribunal. En sa qualité de victime par ricochet, il lui appartenait de solliciter une indemnisation de la part du FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES D'ACCIDENT AUTOMOBILE, comme l'ont fait les ayants droits de toutes les autres victimes de cet accident.
Il ressort du procès-verbal d'enquête établi par la Gendarmerie de Ben Guerir que le camion semi-remorque de marque Volvo, immatriculé..., venant de la direction Marrakech-Casablanca « a glissé à cause des premières pluies et a zigzagué de droite à gauche de son sens de circulation pour entrer en collision frontale avec le devant de l'autocar de marque DAF immatriculé sous le numéro ... qui venait en sens inverse ».
Après l'enquête menée sur place et les réquisitions du parquet local, par jugement du 9 juillet 2012, le Tribunal de Première Instance de Ben Guérir a condamné le chauffeur du poids lourd, Monsieur Jillali Y..., à une peine d'emprisonnement une amende et retrait de son permis de conduire pour blessures involontaires et homicides involontaires, pour excès de vitesse et son inadaptation aux circonstances du temps. Par le même jugement il a été dit que l'entière responsabilité de l'accident incombait à Monsieur Jillali Y... et à son employeur, la Société TRANSDINE, en sa qualité de civilement responsable. C'est donc selon eux, à juste titre que le tribunal dans le jugement déféré a rappelé qu'étant tiers au contrat, Monsieur X... ne pouvait nullement invoquer une faute de la Société FRAM dans son obligation de sécurité, obligation de résultat envers son épouse.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 3 décembre 2014.
MOTIFS DE LA DÉCISION
La victime par ricochet d'un accident survenu dans l'exécution d'un contrat doit agir sur le terrain délictuel.
En conséquence, l'action des ayants droit d'une victime ne peut être envisagée que sur le fondement de la responsabilité quasi-délictuelle de l'agence de voyages, et il leur appartient alors de rapporter la preuve d'une faute caractérisée ou de négligence de l'agence de voyages dans l'exécution du contrat qui la liait à l'acheteur.
Monsieur X... ne peut se prévaloir de la loi du 1992 et donc du régime de responsabilité sans faute, pour obtenir l'indemnisation de son préjudice par ricochet puisque la société FRAM a établi un lien contractuel direct et séparé avec lui-même et avec son épouse Patricia X....
Monsieur X... ne peut faire état de son lien contractuel avec la société FRAM que s'il se prévaut d'un manquement de la société FRAM à ses obligations contractuelles à son égard. C'est d'ailleurs dans ce cadre qu'il a été indemnisé de son préjudice personnel suite aux blessures qu'il a subies.
Les manquements éventuels de la société FRAM à ses obligations contractuelles à l'égard de Madame X... n'auraient pu être invoqués que par Madame X... elle-même.
Il appartient donc à Monsieur X..., victime par ricochet du décès de sa femme dans l'accident survenu le 2 décembre 2006, d'établir que la société de voyages FRAM a commis une faute dans l'organisation du voyage au Maroc ou dans la conduite de son préposé qui a eu pour conséquence le décès de son épouse.
Si la société FRAM a commis une faute dans son obligation de sécurité, obligation de résultat envers son épouse, M. X... ne peut l'invoquer, étant tiers au contrat. Contrairement à ce qu'il soutient, il lui appartient de rapporter la preuve de la faute de la société FRAM à son égard dans le cadre du contrat qui le liait personnellement à cette société.
En l'espèce, l'accident s'est produit le 2 décembre 2006, sur la route reliant Casablanca à Marrakech. Les pièces versées au débat et notamment les procès verbaux d'enquête ainsi que le réquisitoire du Procureur près le Tribunal de Première Instance de Ben Guerir permettent d'établir que le conducteur du semi-remorque qui est entré en collision frontale avec le bus affrété par la FRAM, circulait à une vitesse excédant 80 km/ h et qu'il a perdu le contrôle de son véhicule alors qu'il tentait de réduire sa vitesse à la sortie d'un virage et qu'il est venu percuter le car dans sa voie de circulation après avoir dérapé sous l'effet d'une vitesse non maîtrisée sur une voie mouillée et glissante avec manque de visibilité suite au brouillard.
Pour établir la faute du conducteur du car, préposé de la société FRAM, Monsieur Jean-Paul X... se fonde sur deux témoignages de personnes transportées, les époux Z..., qui affirment que le chauffeur du car roulait à grande vitesse malgré la pluie. Ces témoignages sont contredits par celui de 8 autres passagers interrogés ayant indiqué que le chauffeur roulait prudemment.
De plus les expertises des disques durs du car, ne retiennent aucune faute du conducteur de l'autocar. La vitesse excessive de celui-ci n'est pas établie.
Monsieur Jean-Paul X... soutient également que la charge du trajet confié à un seul conducteur était trop lourde, et que la fatigue de ce dernier est la cause de l'accident. Cependant les témoignages des passagers transportés et les conditions du voyage et l'examen du disque de l'autocar ne permettent pas de retenir des distances journalières excessives, des temps d'arrêt suffisants étant prévus, aucun élément n'est de nature à établir une fatigue du conducteur au moment des faits.
Il s'ensuit que Monsieur Jean-PAUL X... est défaillant dans l'établissement de la preuve de la faute commise par la société FRAM à son égard.
En conséquence le jugement entrepris sera confirmé dans toutes ses dispositions.
Il sera fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit des sociétés FRAM et ALLIANZ IARD.
Monsieur Jean-PAUL X... qui succombe en son appel sera condamné à en supporter les entiers dépens.
PAR CES MOTIFS la cour
-Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
- Condamne Monsieur Jean-PAUL X... à payer aux sociétés FRAM et ALLIANZ IARD la somme de 1. 500 ¿ application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamne Monsieur Jean-PAUL X... à supporter les dépens d'appel qui pourront être recouvrés en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Le présent arrêt a été signé par Henriette Filhouse, Présidente, et par Sylvie Hayet, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.