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05/02/2015 | FRANCE | N°13/03539

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, CinquiÈme chambre civile, 05 février 2015, 13/03539


COUR D'APPEL DE BORDEAUX
CINQUIÈME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU : 05 février 2015
(Rédacteur : Madame Béatrice SALLABERRY, Conseiller,)
No de rôle : 13/ 3539

Fonds de Garantie des Victimes des Actes de Terrorisme et autres Infractions
c/
Madame Halima X... divorcée Y... bénéficiaire d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2013/ 15533 du 17/ 10/ 2013

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :
aux avocatsDécision déférée à la Cour : décision rendue le 15 mai 2013 par la Commission d'Indemnisation des Victimes d'Inf

ractions du Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX (Chambre CI, RG 12/ 00284) suivant déclaration d'appel d...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX
CINQUIÈME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU : 05 février 2015
(Rédacteur : Madame Béatrice SALLABERRY, Conseiller,)
No de rôle : 13/ 3539

Fonds de Garantie des Victimes des Actes de Terrorisme et autres Infractions
c/
Madame Halima X... divorcée Y... bénéficiaire d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2013/ 15533 du 17/ 10/ 2013

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :
aux avocatsDécision déférée à la Cour : décision rendue le 15 mai 2013 par la Commission d'Indemnisation des Victimes d'Infractions du Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX (Chambre CI, RG 12/ 00284) suivant déclaration d'appel du 07 juin 2013,

APPELANTE :
Fonds de Garantie des Victimes des Actes de Terrorisme et d'autres Infractions agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social 64, rue Defrance-94303 VINCENNES CEDEX
représenté par Maître Marie-lucile HARMAND-DURON de la SCP ROUXEL-HARMAND, avocat au barreau de BORDEAUX,

INTIMÉE :
Madame Halima X... divorcée Y..., née le 26 Janvier 1965 à KENITRA (MAROC), de nationalité Française, demeurant...-33600 PESSAC,
représentée par Maître Martine FAURENS-QUESNOT, avocat au barreau de BORDEAUX,

COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 912 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 11 décembre 2014 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Béatrice SALLABERRY, Conseiller, chargé du rapport,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Henriette FILHOUSE, Présidente, Monsieur Bernard ORS, Conseiller, Madame Béatrice SALLABERRY, Conseiller, qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Sylvie HAYET

Vu le visa du Ministère Public le 1er décembre 2014 qui s'en rapporte,

ARRÊT :- contradictoire-prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile. OBJET DU LITIGE ET PROCÉDURE
Le 9 mai 2009, Madame Halima X... divorcée Y... (madame Y...), a été violée et rouée de coups par plusieurs individus alors qu'elle rentrait chez elle.
Par arrêt du 17 juin 2011, la Cour d'assises de mineurs de la Gironde a condamné, pour des faits de viols commis en réunion et des faits de violences commises en réunion suivies d'incapacité supérieure à 8 jours, Jean-Philippe Z... à 5 ans d'emprisonnement, Sylvain A... à 6 ans d'emprisonnement, Mike B... à 9 ans d'emprisonnement et Imad C... à 12 ans de réclusion criminelle.
Par arrêt en date du même jour, la Cour d'Assises a reçu la constitution de partie civile de Madame Y... et condamné Messieurs B..., C..., A... et Z... à lui verser la somme de 25. 000 ¿ en réparation du préjudice moral, la somme de 1. 000 ¿ en réparation du préjudice matériel, la somme de 12. 000 ¿ à titre de provision à valoir sur son préjudice corporel, et la somme de 4. 000 ¿ au titre de l'article 375 du Code de Procédure Pénale. La cour a en outre ordonné une expertise médicale confiée au Professeur E....
Par arrêt civil du 21 janvier 2013, la Cour d'assises de la Gironde a condamné solidairement Messieurs B..., C..., A... et Z... à verser à Madame Y..., la somme totale 53. 830 ¿ pour l'indemnisation de son préjudice corporel.
En raison de l'impécuniosité de ses agresseurs, par requête en date du 4 juillet 2011 Madame Y... a saisi la Commission d'Indemnisation des Victimes d'Infraction (la CIVI) du tribunal de grande instance de Bordeaux pour obtenir la somme de 50. 000 ¿ en réparation de son préjudice moral et la somme de 50. 000 ¿ à titre de provision à valoir sur l'indemnisation de son préjudice corporel.
Par ordonnance du 8 novembre 2011, la Présidente de la CIVI a alloué à Mme Y..., la somme de 12. 000 ¿ à titre provisionnel.
Après avoir réalisé son expertise les 7 décembre 2011, 12 janvier et 25 février 2012, le Docteur Sophie E... a déposé son rapport le 6 mars 2012 et conclu comme suit :- Date de consolidation au 12 janvier 2012,- Déficit Fonctionnel Temporaire Total du 9 mai au 30 juillet 2009,- Déficit Fonctionnel Temporaire Partiel à 25 % du 31 juillet 2009 au 12 janvier 2012,- Déficit Fonctionnel Permanent à 12 %,- Souffrances Endurées 4/ 7,- Préjudice esthétique 2/ 7,- Un possible préjudice d'agrément par l'impossibilité de courir de façon prolongée,- Un possible préjudice sexuel, la victime n'ayant aucune relation depuis les faits et indique avoir du mal à lier des relations lorsqu'elle explique qu'elle a été violée,- une possible reprise d'une activité professionnelle avec une gêne du fait des phobies générées par les faits.
Par conclusions reçues le 31 août 2012, Madame Halima Y... demande à la CIVI de fixer l'indemnisation de son entier préjudice corporel à hauteur de 110. 630 ¿. Le Fonds de Garantie fait une offre globale provision déduite de 20. 870 ¿.
Par décision en date du 15 mai 2013, la CIVI du tribunal de grande instance de Bordeaux a alloué à Madame Y... la somme de 41. 830 ¿ déduction faite de la provision reçue et laissé les dépens à la charge du Trésor Public.
Par déclaration en date du 7 juin 2013, le FONDS DE GARANTIE a relevé appel de cette décision.
Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 28 octobre 2013, le FONDS DE GARANTIE demande à la cour de :- Infirmer la décision déférée en ce qu'elle a alloué une indemnité à Madame Y... au titre de l'incidence professionnelle et du préjudice d'établissement.- Dire n'y avoir lieu à indemnisation de ces postes de préjudice qui ne sont pas établis.- Débouter Madame Y... de ses demandes de ce chef ainsi que sa demande de sa demande fondée sur l'article 475-1 du Code de Procédure Pénale.- Laisser les dépens à la charge de l'Etat en application des articles R 91 et R 93-11- 11o du Code de Procédure Pénale.
Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 5 novembre 2013, Madame Y... demande à la cour de :- Débouter le de l'ensemble de ses demandes,- Confirmer la décision déférée dans toutes ses dispositions,- Condamner le FONDS DE GARANTIE à lui payer la somme de 1. 500 ¿ sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure Pénale, ainsi qu'aux entiers dépens d'instance.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 27 novembre 2014.

MOTIFS DE LA DÉCISION
La CIVI a alloué à Madame Y... en réparation de son préjudice corporel les sommes suivantes détaillées par poste de préjudice :
- Déficit Fonctionnel Temporaire Total.............................................. : 1. 620 ¿- Déficit Fonctionnel Temporaire Partiel............................................ : 4. 410 ¿- Déficit fonctionnel permanent.......................................................... : 16. 800 ¿- Souffrances Endurées....................................................................... : 10. 000 ¿- Préjudice esthétique......................................................................... : 3. 000 ¿- Préjudice sexuel............................................................................... : 5. 000 ¿- Préjudice d'établissement................................................................. : 10. 000 ¿- Incidence professionnelle................................................................ : 3. 000 ¿

Le FONDS DE GARANTIE ne conclut qu'à l'infirmation de la décision entreprise que sur les postes relatifs à l'incidence professionnelle et au préjudice d'établissement, dont il sollicite le débouté des demandes de la victime ainsi que celles relatives à l'article 475-1 du code de procédure pénale et aux dépens.
Madame Y... demande la confirmation totale de la décision quant aux sommes allouées pour l'indemnisation de son préjudice corporel.

Seuls les postes de préjudice contestés par le FONDS DE GARANTIE seront donc examinés, la décision déférée sera confirmée sur tous les postes non contestés par les deux parties.

L'Incidence professionnelle
Il n'est pas contesté que Madame Halima Y... ne travaillait pas au moment des faits mais qu'elle avait antérieurement exercé plusieurs emplois en qualité de femme de chambre et agent d'entretien.
Agée de 47 ans au moment de la consolidation et n'ayant pas actuellement d'enfant à charge, sa plus jeune enfant étant placée en famille d'accueil, une reprise d'activité serait possible. Toutefois le retentissement psychologique des faits gravissimes qu'elle a subi entraîne des phobies, des terreurs en face de personnes lui rappelant ses agresseurs, ceci est de nature à rendre plus difficile sa réinsertion professionnelle et son adaptation dans le monde du travail.
Ainsi c'est à juste titre que la CIVI a retenu conformément aux conclusions de l'expert l'existence d'une incidence professionnelle directement liée aux faits et l'a indemnisée à hauteur de 3. 000 ¿.

Le Préjudice d'établissement
Ce poste de préjudice vise à indemniser la perte d'espoir, de chance ou de toute possibilité de réaliser un projet de vie familiale normal en raison de la gravité du handicap permanent, dont reste atteinte la victime après sa consolidation : il s'agit de la perte d'une chance de se marier, de fonder une famille, élever des enfants et plus généralement des bouleversements dans les projets de vie de la victime qui l'oblige à effectuer certaines renonciations sur le plan familial.
Le FONDS DE GARANTIE soutient qu'il s'agit là d'indemniser des victimes jeunes qui n'ont pas encore fondé de famille, ce qui n'est pas le cas de Madame Y....
Cette interprétation est restrictive alors que ce préjudice doit s'apprécier in concreto.
En l'espèce, Madame Y... âgée de 47 ans au jour de la consolidation peut encore espérer refaire sa vie affective et créer une relation stable. De plus il est établi qu'au moment des faits elle était en train de faire des projets destinés notamment à lui permettre de reprendre la garde de sa fille placée en famille d'accueil. L'agression a interrompu ce processus. Le retentissement des agressions avec toutes les conséquences sur sa vie personnelle et affective décrites par l'expert psychiatre justifie caractérise l'existence de ce préjudice et son indemnisation justement appréciée par la décision déférée.
En conséquence la décision déférée sera confirmée sur les deux postes de préjudice ci-dessus examinés.
Il n'y a pas lieu de lui allouer une indemnité sur le fondement de l'article 475-1 du code de procédure pénale non applicable dans la présente procédure.
Les dépens seront laissés à la charge du Trésor Public

PAR CES MOTIFS la cour
-Déclare l'appel du FONDS de GARANTIE recevable mais mal fondé sauf sur ses demandes tendant au débouté de la demande de l'intimée fondée sur l'article 475-1 du code de procédure pénale,
- Confirme la décision déférée en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
- Dit n'y avoir lieu de faire application des dispositions de l'article 475-1 du code de procédure pénale,
- Laisse les dépens à la charge du Trésor Public.
Le présent arrêt a été signé par Henriette Filhouse, Présidente, et par Sylvie Hayet, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : CinquiÈme chambre civile
Numéro d'arrêt : 13/03539
Date de la décision : 05/02/2015
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.bordeaux;arret;2015-02-05;13.03539 ?
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