La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/12/2014 | FRANCE | N°13/07570

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section b, 18 décembre 2014, 13/07570


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION B



--------------------------









ARRÊT DU : 18 DECEMBRE 2014

gtr

(Rédacteur : Madame Catherine MAILHES, Conseiller)



PRUD'HOMMES



N° de rôle : 13/07570

















Monsieur [Y] [Z]



c/



SAS JAS HENNESSY & CO





















Nature de la décision : AU FOND







Notifié par LRAR le :



LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :



La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d'huissier).



Certifié par le Greffier en Chef,



Grosse délivrée le :



à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION B

--------------------------

ARRÊT DU : 18 DECEMBRE 2014

gtr

(Rédacteur : Madame Catherine MAILHES, Conseiller)

PRUD'HOMMES

N° de rôle : 13/07570

Monsieur [Y] [Z]

c/

SAS JAS HENNESSY & CO

Nature de la décision : AU FOND

Notifié par LRAR le :

LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :

La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d'huissier).

Certifié par le Greffier en Chef,

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 02 décembre 2013 (R.G. n°F 12/00021) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ANGOULEME, Section Encadrement, suivant déclaration d'appel du 23 décembre 2013,

APPELANT :

Monsieur [Y] [Z]

né le [Date naissance 1] 1968 à [Localité 2]

de nationalité Française

Directeur de recherche, demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Emmanuel GALISTIN, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE :

SAS JAS HENNESSY & CO, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social

[Adresse 2]

N° SIRET : 905 620 035

représentée par Me Pascal DELIGNIERES, avocat au barreau de HAUTS DE SEINE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 06 novembre 2014 en audience publique, devant Madame Catherine MAILHES, Conseillère chargée d'instruire l'affaire, qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Elisabeth LARSABAL, Présidente

Madame Catherine MAILHES, Conseillère

Madame Véronique LEBRETON, Conseillère

Greffier lors des débats : Gwenaël TRIDON DE REY,

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [Y] [Z] a été embauché par la Société Jas Hennessy & Co selon contrat à durée indéterminée le 9 août 2001 à compter du 3 septembre 2001 en qualité d'oenologue au sein de la direction des Eaux-de- vie - statut cadre - coefficient CNVS IX A correspondant au coefficient 370 de la grille hiérarchique des salaires moyennant un salaire annuel brut de 55.000 euros correspondant à 217 jours de travail par an.

Il a ainsi été oenologue du 3 septembre 2001 au 30 septembre 2005 puis oenologue et responsable d'équipe 'Hennessy training et promotion' du 1er octobre 2005 au 30 juin 2006.

Selon avenant du 26 juin 2006, Monsieur [Z] a été nommé à compter du 1er juillet 2006 en qualité de 'Directeur de Recherche et équipe Hennessy Training&Promotion' au sein de la direction des Eaux-de-vie, emploi classé dans la catégorie Cadre, coefficient CNVS 'Position Supérieure' correspondant au coefficient 600 de la grille hiérarchique des salaires pour des appointements annuels forfaitaires de 70.000 euros. Il était alors prévu que ses fonctions lui conféraient la qualité de 'cadre dirigeant' telle que définie à l'article L 212-15-1 du code du travail et qu'en conséquence, il n'était plus soumis aux dispositions légales prévues en matière de durée du travail, ni à l'accord collectif signé le 10 mars 2000 relatif à l'Aménagement Réduction du temps de travail du personnel d'encadrement.

La convention collective nationale est celle des vins et spiritueux complétée par la convention régionale des chais de [Localité 1].

Son salaire annuel s'est élevé à la somme de 81.565,51 euros brut en 2011.

A compter du mois de juillet 2008, les relations entre les parties se sont détériorées et Monsieur [Z] faisait état d'insatisfaction dans son bilan annuel d'évaluation individuel de l'année 2009.

Le 14 juin 2011, Monsieur [Z] a fait l'objet d'un avertissement qu'il contestait auprès de son employeur par courrier du 30 juin 2011.

Le 9 septembre 2011, il lui était proposé une modification de son contrat de travail signé de la directrice des ressources humaines aux termes duquel il exercerait les fonctions de 'directeur recherche, audit et conseil viticulteurs' à compter du 14 septembre 2011 pour une rémunération brute annuelle de 80.000 euros et une diminution de l'indemnité au titre de la clause de non-concurrence. Le salarié formulait alors diverses demandes dont une augmentation de salaire, des précisions quant à ses responsabilités et le maintien de son indemnité au titre de la clause de non concurrence.

La Société Jas Hennessy & Co a considéré que Monsieur [Z] refusait la proposition de modification contractuelle et lui a signifié un changement de ses conditions de travail à compter du 14 septembre 2011 lui indiquant qu'il était nommé 'directeur recherche, audit § conseil viticulteur' avec deux personnes supplémentaires placées sous sa supervision, lui précisant qu'il n'y avait pas d'augmentation de sa charge de travail du fait de la création d'une équipe dédiée au savoir faire eaux-de-vie et qu'il reportait au directeur amont.

Le 11 octobre 2011, Monsieur [Z] a indiqué à la Société Jas Hennessy & Co que :

il lui rappelait ne pas avoir reçu de réponse au sujet de son avertissement,

il n'avait pas refusé le contrat de travail mais seulement demandé des éclaircissements auxquels il n'avait pas été répondu,

il souhaitait une proposition de contrat précisant clairement son poste et sa mission suite aux différentes réorganisations annoncées,

il réclamait une proposition de salaire en harmonie avec la modification du poste et l'accroissement des responsabilités.

Monsieur [Z] a alors été convoqué à un entretien préalable à licenciement prévu le 26 octobre 2011. Il a été licencié le 7 novembre 2011 pour avoir refusé le changement des conditions de travail, refus réitéré pendant son entretien du 26 octobre et constituant un manquement aux obligations contractuelles s'assimilant à un refus de travail.

Le 8 février 2012, Monsieur [Z] a saisi le conseil des prud'hommes d'Angoulême pour contester son licenciement, sa qualité de cadre-dirigeant et obtenir des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, outre le paiement de sommes aux titres d'heures supplémentaires et congés payés afférents, de repos compensateurs et dommages et intérêts pour non respect des règles sur le repos hebdomadaire.

Par jugement en date du 2 décembre 2013, le conseil des prud'hommes d'Angoulême a :

dit que le licenciement de Monsieur [Z] repose sur une cause réelle et sérieuse,

dit que Monsieur [Z] est cadre dirigeant,

débouté Monsieur [Z] de ses demandes et les parties de leurs demandes respectives au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

condamné Monsieur [Z] aux entiers dépens.

Le conseil de prud'hommes a considéré d'une part que les modifications du contrat de travail correspondaient à de simples aménagements des conditions de travail du salarié et que le refus de Monsieur [Z] constituait une violation de ses obligations contractuelles et d'autre part qu'il était investi d'importantes responsabilités en sa qualité de directeur recherche et qu'il bénéficiait d'une large autonomie pour une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés de la convention collective nationale traduisant son statut de cadre dirigeant.

Par déclaration au greffe de son avocat le 23 décembre 2013 , Monsieur [Z] a régulièrement relevé appel de ce jugement.

Par conclusions déposées le 22 octobre 2014, développées oralement et auxquelles il est expressément fait référence, Monsieur [Z] conclut à la réformation de la décision dont appel et demande à la Cour de :

constater que la Société Jas Hennessy & Co lui a imposé une modification de son contrat de travail et n'a pas respecté son obligation d'exécution de bonne foi du contrat de travail, en conséquence,

déclarer son licenciement sans cause réelle et sérieuse,

condamner la Société Jas Hennessy & Co à lui payer la somme de 190.250,40 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

constater qu'il n'a pas la qualité de cadre dirigeant, en conséquence

condamner la Société Jas Hennessy & Co au paiement des sommes suivantes :

313.371,91 euros au titre des rappels d'heures supplémentaires et des congés payés afférents,

166.101,54 euros au titre de l'indemnité de repos compensateurs et des congés payés afférents,

30.000 euros au titre des dommages et intérêts pour non respect des règles sur le repos hebdomadaire,

10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

condamner la Société Jas Hennessy & Co aux entiers dépens.

Au soutien de son appel, Monsieur [Z] fait valoir que :

la modification opérée constitue une modification du contrat de travail et non des conditions de travail car elle entraînait une modification de ses fonctions, de ses responsabilités et de ses tâches ; en l'occurrence, il se voyait confier la responsabilité de la SODEPA qui a en charge les espaces verts, outre l'exploitation du domaine viticole de la Bataille et la vinification des vins issus de ce vignoble et de deux personnes supplémentaires dont l'un n'avait qu'un niveau d'agent de maîtrise et non de cadre et il devait reporter au directeur amont qui n'est autre qu'un salarié ayant un âge et des compétences similaires aux siens ; ce changement de fonction induisait une charge de travail supplémentaire importante ;

il n'a jamais refusé la proposition de modification du contrat de travail mais a sollicité des éclaircissements de la part de son employeur considérant la dite proposition comme imprécise ; en ne répondant pas aux interrogations de son salarié tout en lui imposant une modification de son contrat de travail , la Société Jas Hennessy & Co a fait preuve d'une légèreté blâmable rendant son licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

la Société Jas Hennessy & Co a fait preuve de mauvaise foi dans l'exécution du contrat de travail en mettant tout en oeuvre pour l'évincer progressivement ;

sa nomination en qualité de directeur recherche et équipe le 1er juillet 2006 au statut de cadre dirigeant avait pour but de le faire échapper à la réglementation en matière de durée du travail en application des dispositions de l'article L 3111-2 du code du travail ; il considère avoir la simple qualité de cadre supérieur, soumis à la réglementation sur le temps de travail dès lors qu'il ne participait pas à la direction de l'entreprise comme n'étant pas mandataire social titulaire d'un contrat de travail ou membre de l'équipe dirigeante ; en l'espèce le conseil de prud'hommes n'a pas caractérisé sa participation à la direction de la Société Jas Hennessy & Co ;

la convention de forfait issue du contrat de travail initial contrevient au dispositions conventionnelles en ce qu'il était prévu qu'il devait travailler 217 jours par an alors que la convention collective nationale prévoit un maximum de 214 jours travaillés par an et que l'employeur ne rapporte pas la preuve d'avoir effectivement contrôler les heures et journées de travail de son salarié par un document faisant apparaître conformément aux dispositions conventionnelles le nombre et la date des journées ou demi-journées travaillées, la qualification des jours de repos en repos hebdomadaires, congés payés , congés conventionnels ou jours de repos au titre de la réduction du temps de travail ;

il a effectué 918 heures supplémentaires pour 2007, 726 pour 2008, 948 pour 2009, 820 en 2010 et 578 en 2011 lui donnant droit à un rappel de salaire outre au paiement d'une indemnité de repos compensateurs;

il a travaillé 6 dimanches au cours de la période 2009/2010.

Par conclusions déposées le 26 septembre 2014 développées oralement et auxquelles il est expressément fait référence, la Société Jas Hennessy & Co conclut à la confirmation du jugement entrepris et demande à la cour de :

à titre principal,

débouter Monsieur [Z] de l'ensemble de ses demandes,

à titre subsidiaire,

cantonner l'indemnité susceptible d'être allouée à Monsieur [Z] sur le fondement de l'article L 1235-3 du code du travail à la somme de 38.728 €,

cantonner le rappel de salaire susceptible de lui être attribué au titre des heures supplémentaires à la somme de 4.088,72 €,

le débouter du surplus,

en tout état de cause,

condamner Monsieur [Z] au paiement d'une indemnité de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

le condamner aux dépens de l'instance.

La Société Jas Hennessy & Co considère que :

la réorganisation du département des Eaux-de-Vie impliquait la modification des conditions de travail de M. [Z], à savoir : la supervision de deux personnes supplémentaires, l'une ayant en charge l'audit viticole et l'autre la gestion de la filiale espaces verts Sodepa et la modification corrélative de l'intitulé du poste mais que ces éléments n'étaient pas de nature à entraîner une modification profonde de ses responsabilités et encore moins un accroissement de travail dès lors que cette supervision nouvelle était compensée par la création d'une équipe dédiée au savoir faire Eaux-de-vie, que cette supervision entrait dans le champ des compétences de Monsieur [Z] et était conforme à sa qualification, et que son degré d'autonomie, le niveau de ses responsabilités et la nature de ses fonctions demeuraient inchangés ; le salarié s'est vu confié une mission en adéquation avec sa qualification, qui entrait pleinement dans les attributions techniques d'un cadre de ce niveau au regard de l'étendue et de la nature des actions à réaliser ;

Monsieur [Z] avait un statut de cadre dirigeant dès lors que conformément aux dispositions de l'article L 3111-2 du code du travail, il était investi d'importantes responsabilités puisque directeur Recherches, qu'il bénéficiait d'une large autonomie et qu'il percevait une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans l'entreprise comme disposant d'un coefficient 600 le positionnant parmi les cadres de positions supérieures tels que définis par la convention collective nationale ; il participait effectivement à la direction de l'entreprise ;

si le statut de cadre dirigeant ne lui était pas reconnu, le salarié était placé sous le statut des cadres autonomes bénéficiant d'une convention de forfait jours résultant de son contrat de travail initial et qu'en l'occurrence l'examen de ses agendas permet d'établir qu'il n'a jamais travaillé plus que le forfait de 218 jours défini au contrat ; la convention de forfait a été établie en application d'un accord d'entreprise du 10 mars 2000 certes antérieur à l'accord de branche du 19 avril 2001 que ce dernier n'a pas remis en cause puisqu'il précise en son article 6 que 'le présent accord ne remet pas en cause les accord d'entreprise ou d'établissement ayant le même objet et existant antérieurement à sa date de signature' ; ainsi la convention de forfait signée le 3 septembre 2001 est licite et régulière et a vocation à s'appliquer à la situation de Monsieur [Z] au cas où le statut de cadre dirigeant devait lui être refusé.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties il est fait expressément référence au jugement entrepris et aux conclusions des parties sus-visées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la rupture du contrat de travail

Il est certain que dans un premier temps, la Société Jas Hennessy & Co avait proposé une modification du contrat de travail de Monsieur [Z] portant sur des éléments essentiels du contrat à savoir la rémunération et la clause de non concurrence, projet de contrat qui lui avait été remis le 9 septembre 2011. Le 21 septembre 2011, Monsieur [Z] a fait savoir à la DRH par courriel qu'il considérait que l'augmentation de salaire n'était pas proportionnelle, qu'il contestait la réduction de moitié de la compensation de la clause de non-concurrence et qu'il souhaitait que soient indiquées dans le contrat les nouvelles responsabilités lui incombant. Il est clair qu'il n'acceptait pas les propositions de modifications contractuelles qui lui étaient faites portant sur le salaire et la clause de non-concurrence et ne saurait en conséquence soutenir qu'il ne faisait que demander des explications. C'est donc à juste titre que la Société Jas Hennessy & Co a considéré dans son courrier du 4 octobre 2011 qu'il refusait à la fois l'augmentation de salaire et la nouvelle rédaction de la clause de non-concurrence, sans qu'il puisse lui être opposé l'existence d'une quelconque légèreté blâmable pour ne pas avoir répondu à ses interrogations.

Aux termes de ce courrier du 4 octobre 2011, Monsieur [Z] qui exerçait jusqu'alors les fonctions de 'directeur recherche et Hennessy Training& promotion' s'est vu affecté, en raison de la nouvelle organisation de la Direction des Eaux-de-vie à compter de septembre 2011, au poste de 'Directeur recherche, audit et conseil viticulteurs', sans modification de sa rémunération et de la clause de non-concurrence.

Selon la fiche de poste versée aux débats par la Société Jas Hennessy & Co et qui n'est pas contestée par Monsieur [Z], le 'directeur recherche' a pour missions de :

assurer et développer la qualité globale des produits Hennessy tout au long du processus de fabrication et tout en préservant les normes relatives à la réglementation nationale et internationale concernant le commerce des spiritueux,

accomplir une mission d'ambassadeur Hennessy dans le cadre de prestations 'oenologue sur les marchés et en France' tout en garantissant la cohérence du discours produit et la promotion de la marque.

En tant que membre du Comité de dégustation dirigé par le maître de chai, participe au choix des eaux-de-vie dans un souci d'amélioration constante de la qualité des cognacs élaborés.

Dans l'organisation interne de la société le 'directeur recherche' est placé directement sous les ordres du directeur des Eaux-de-vie (directeur général) à qui il reporte et il a sous sa responsabilité le laboratoire avec 5 personnes sous sa responsabilité.

Selon la nouvelle organisation, il était prévu que nouveau poste de 'directeur recherche, audit et conseil viticulteurs' comprenne outre les fonctions précédentes de directeur de recherche, la responsabilité du conseil à la viticulture et la responsabilité de la Sodepa, qui est la société d'exploitation des propriétés agricoles qui entretient les espaces verts Hennessy et qui exploite les vignobles Hennessy. Dans le cadre de ces nouvelles attributions deux personnes supplémentaires devaient lui rendre compte: Monsieur [U] et Monsieur [B]. Il était également ajouté un niveau hiérarchique intermédiaire puisqu'il devait rendre compte au 'Directeur Amont' et non plus directement au directeur des Eaux'de-vie.

La nouvelle organisation se présentait ainsi :

Directeur des Eaux-de-vie

président

conseiller du président

|

DirectionAmont

Direction administration et productionDirection des distilleries et de la communication savoir faire Eaux-de-vie

Sous le directeur Amont étaient placés : le directeur du développement viticole, le responsable des relations viticoles et le directeur recherche-audit et conseil viticulteurs.

Monsieur [Z] n'était pas le seul directeur à se voir imposer la création d'un échelon intermédiaire entre lui et le directeur des Eaux-de-vie. Ainsi cette création participait d'une réorganisation complète de la direction.

Il est constant que l'une des nouvelles personnes devant dorénavant rendre compte à Monsieur [Z] n'était pas un cadre. Néanmoins, il ne perdait pas ses équipes et l'adjonction d'un seul salarié non cadre devant lui reporter n'est pas de nature à modifier la structure hiérarchique de ses fonctions et la nature de son lien de subordination.

La nouvelle organisation telle qu'elle était présentée et résultait des documents internes entraînait de nouvelles tâches et responsabilités de Monsieur [Z], puisqu'il devait avoir en charge la supervision de la Sodepa qui est chargée de l'exploitation du domaine viticole, de la vinification des vins et de l'entretien des espaces verts.

Néanmoins, ses nouvelles tâches s'inscrivaient dans son domaine de compétence professionnelle puis qu'il est oenologue et qu'il bénéficie d'une expertise en matière de viticulture. Elles n'affectaient pas la nature même de ses fonctions dès lors que la charge directe de l'exploitation de la Sodepa sur le terrain était confiée aux personnes devant lui rendre compte et que corrélativement il était créé une équipe dédiée au Savoir-faire Eaux-de-vie qui lui aurait permis de dégager du temps et d'alléger son emploi du temps.

En conséquence, la modification faite par l'employeur dans son courrier du 4 octobre 2011 qui avait pour effet de changer à la marge les fonctions de Monsieur [Z] n'affectait pas la nature de celles-ci et caractérise une simple modification de ses conditions de travail rentrant dans le pouvoir de direction de l'employeur et non une modification d'un élément essentiel du contrat de travail.

En conséquence, en continuant à polémiquer et à solliciter une proposition de contrat précisant son poste et sa mission ainsi qu'une proposition de salaire en harmonie avec la modification du poste et l'accroissement de ses responsabilités, alors même que la Société Jas Hennessy & Co lui avait clairement indiqué aux termes du courrier du 4 octobre 2011, abandonner la proposition de modification du contrat tout en le nommant 'directeur recherche, audit&conseil viticulture', Monsieur [Z] s'est manifestement opposé à une modification de ses conditions de travail, caractérisant un manquement à ses obligations contractuelles.

La mauvaise foi alléguée de la société en ce qu'elle aurait tout mis en oeuvre pour évincer progressivement Monsieur [Z], étant précisé que ce dernier n'allègue pas le harcèlement moral, ne saurait pas ailleurs ôter au manquement de Monsieur [Z] son caractère fautif. En conséquence, le licenciement de Monsieur [Z] repose sur une cause réelle et sérieuse.

C'est donc à bon droit que les premiers juges ont considéré que le licenciement de Monsieur [Z] était justifié par une cause réelle et sérieuse et l'ont débouté de ses demandes subséquentes.

Sur l'exécution du contrat de travail

Sur la qualité de cadre-dirigeant

Selon les dispositions de l'article L 3111-2 du code du travail, sont considérés comme cadres dirigeants les cadres auxquels sont confiés des responsabilités dont l'importance implique une grande indépendance dans l'organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement.

Ces critères cumulatifs impliquent que seuls relèvent de cette catégorie les cadres participant à la direction de l'entreprise.

En l'espèce, il est avéré que Monsieur [Z] se voyait confier des responsabilités dont l'importance impliquait une grande indépendance dans l'organisation de son emploi du temps, qu'il était habilité à prendre des décisions de façon largement autonome et qu'il percevait une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans son entreprise. Or il convient de remarquer que les premiers juges n'ont pas recherché si Monsieur [Z] participait à la direction de l'entreprise.

Il est constant que Monsieur [Z] ne faisait pas partie du comité de direction. D'ailleurs, dans la nouvelle organisation de l'entreprise, le Comité Stratégique Eaux-de-vie constituant le premier cercle du pouvoir concentrique entourant le chef d'entreprise est constitué du conseiller du président, et des trois directeurs (Amont, Administration et production, Distillerie et communication savoir-faire) corroborant l'absence de participation de Monsieur [Z] à la direction de l'entreprise. Ainsi Monsieur [Z] ne remplissait pas les conditions pour bénéficier du statut de cadre-dirigeant et la clause issue de l'avenant du 26 juin 2006 lui appliquant ce statut de cadre-dirigeant est privée d'effet.

C'est à tort que les premiers juges ont dit que Monsieur [Z] était effectivement cadre dirigeant et le jugement entrepris sera infirmé sur ce chef.

Sur le forfait-jour

L'inopposabilité à Monsieur [Z] de la clause issue de l'avenant du 26 juin 2006 lui appliquant ce statut de cadre-dirigeant n'a pas pour effet de laisser les parties sans contrat de travail mais a pour effet de revenir à la convention de forfait jours signée selon contrat du 9 août 2001, prévoyant des appointements annuels forfaitaires correspondant à 217 jours de travail par an.

Monsieur [Z] ne saurait alors alléguer l'absence de consentement.

Si l'accord du 19 avril 2001 relatif aux forfaits jours attaché à la convention collective nationale des vins, spiritueux et liqueurs de France du 13 février 1969 prévoit en son article 4 que le contrat de travail fixera le nombre de jours effectivement travaillés qui ne pourra excéder 214 jours par an soit un nombre supérieur au forfait jours retenu aux termes de la convention de forfait conclue entre Monsieur [Z] et la Société Jas Hennessy & Co, il n'en demeure pas moins que cet accord a prévu en son article 6 qu'il ne remettait pas en cause les accords d'entreprise ou d'établissement ayant le même objet et existant antérieurement à sa date de signature.

En l'espèce, la Société Jas Hennessy & Co avait signé le 10 mars 2000 avec ses organisations syndicales, un protocole d'accord relatif à l'aménagement et la réduction du temps de travail pour l'encadrement fixant le forfait annuel à 217 jours travaillés dans l'année.

C'est en application de cet accord d'entreprise du 10 mars 2000 qui n'avait pas été remis en cause par les dispositions de l'accord national du 19 avril 2001 et qui est conforme aux dispositions de l'article L 3121-44 du code du travail selon lesquelles le nombre de jours travaillés dans l'année fixé par l'accord collectif prévu à l'article L 3121-39 ne peut excéder 218 jours, que la convention de forfait a été conclue. En conséquence, le moyen selon lequel la convention de forfait est nulle en raison du dépassement du nombre de jours prévus par la convention collective est inopérant.

Les plannings des années 2008 à 2011 versés aux débats font apparaître les rendez-vous de Monsieur [Z], ses congés et ses déplacements à l'étranger. Il en ressort qu'il a travaillé 197 jours en 2008, 208 jours en 2009 et 179 jours en 2011, soit un nombre de jours inférieur au forfait annuel de 217 jours.

Par ailleurs, en raison de l'imputation de la journée de solidarité, les 218 jours travaillés en 2010 ne sont pas significatifs d'un dépassement du forfait jour conventionnel. Ainsi le moyen selon lequel l'employeur n'a pas contrôlé le nombre de journées travaillées sera rejeté.

Il ne ressort aucunement de ces plannings que Monsieur [Z] commençait tous les jours de la semaine, sa journée de travail à 8H05. Ses seules assertions qui ne sont corroborées par aucune des pièces produites alors qu'il disposait d'une grande autonomie pour organiser son temps de travail sont insuffisantes pour remettre en cause le début de sa journée de travail tel que mentionné aux plannings.

Monsieur [Z] ne travaillait ni le samedi ni le dimanche, si ce n'est de manière exceptionnelle pour un dîner un samedi. Il pouvait parfois avoir un dîner le soir de façon exceptionnelle.

S'il était amené à se déplacer à l'étranger ce n'était pas de manière régulière. Ainsi, il est parti en 2009, 16 jours d'affilés du 15 au 30 juin 2009 en mission en Corée, Chine, Vietnam et Malaisie; en 2010 deux jours du 26 au 27 avril 2010, puis 10 jours du 24 mai au 2 juin 2010, 12 jours du 15 août au 26 août 2010, à la suite desquels il a bénéficié de jours de repos.

Pour l'année 2011 il est parti 4 jours en Asie du 18 au 24 avril 2011 puis 7 jours du 9 au 15 mai 2011. A son retour de voyage le dimanche 15 mai, Monsieur [Z] a sollicité deux jours de congés (les lundi et mardi) qui lui ont été refusés et a enchaîné sur quatre jours de travail des lundi au jeudi étant noté que sa charge de travail des mercredi et jeudi restait limitée à l'après-midi, à 3/4 d'heures de pot et une heure de réunion.

Il ne peut être déduit de la mise en place du statut de cadre dirigeant et du seul incident relatif au refus de la prise de deux jours de repos dans la suite immédiate du retour de voyage d'Asie le 15 mai 2011 alors même qu'il ressort des plannings versés aux débats que le nombre d'heures effectué par mois ne dépassait pas 151,67 heures, que l'employeur ne contrôlait pas le rythme de travail de Monsieur [Z].

En définitive, la convention de forfait a été valablement appliquée par la Société Jas Hennessy & Co de sorte que Monsieur [Z] sera débouté de ses demandes au titre des heures supplémentaires et repos compensateurs qui y sont liés.

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté Monsieur [Z] de ces demandes par substitution de motifs.

Sur le repos du dimanche

Il est avéré par les plannings produits aux débats qu'à l'occasion de voyages à l'étranger ci-dessus précisés, Monsieur [Z] a travaillé lors de 6 dimanches entre 2009 et 2010.

Selon les dispositions de l'article L 3132-27 du code du travail, chaque salarié privé de repos dominical perçoit une rémunération au mois égale au double de la rémunération normalement due pour une durée équivalente, ainsi qu'un repos compensateur équivalent en temps.

Il ressort des plannings que Monsieur [Z] a bénéficié de deux jours de repos en suite de son retour de mission le 30 juin 2009, de trois jours de repos à son retour de mission le 25 août 2009, de deux jours de repos les 3 et 4 juin 2010 à son retour de mission de sorte qu'il est avéré qu'il n'est pas habile à solliciter une indemnisation au titre de repos compensateurs non pris pour ces quatre dimanches travaillés.

Si au retour de son voyage du 15 au 26 août 2010, il avait des rendez-vous dès le vendredi 27 août 2010 à 14 heures, il ressort de ses plannings que Monsieur [Z] n'a pas travaillé pendant 52 jours soit plus que les 43 jours de repos et fériés auquel il avait droit, de sorte qu'il est avéré qu'il a pris l'intégralité de ses repos compensateurs sur l'année 2010 et qu'il ne saurait donc venir réclamer une quelconque indemnisation à ce titre. Monsieur [Z] sera en conséquence débouté de sa demande au titre des repos compensateurs pour travail le dimanche.

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté Monsieur [Z] de cette demande par substitution de motifs.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Monsieur [Z] succombant sera condamné aux entiers dépens de l'appel. Il sera débouté de sa demande d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

L'équité commande néanmoins de dire qu'il n'y a pas lieu à application de ces mêmes dispositions au bénéfice de la Société Jas Hennessy & Co qui sera débouté de sa demande d'indemnité à ce titre.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a dit que Monsieur [Z] était effectivement cadre dirigeant ;

Statuant à nouveau dans cette limite,

Dit que Monsieur [Z] ne remplit pas les conditions pour bénéficier du statut de cadre-dirigeant ;

Dit que la clause de l'avenant du 26 juin 2006 appliquant à Monsieur [Z] le statut de cadre-dirigeant est privée d'effet ;

Confirme le jugement entrepris sur le surplus ;

Y ajoutant,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

Condamne Monsieur [Z] aux entiers dépens de l'instance.

Signé par Madame Elisabeth LARSABAL, Présidente, et par Gwenaël TRIDON DE REY, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

G. TRIDON DE REY Elisabeth LARSABAL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section b
Numéro d'arrêt : 13/07570
Date de la décision : 18/12/2014

Références :

Cour d'appel de Bordeaux 4B, arrêt n°13/07570 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-12-18;13.07570 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award