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18/12/2014 | FRANCE | N°13/04474

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section b, 18 décembre 2014, 13/04474


COUR D'APPEL DE [Localité 1]



CHAMBRE SOCIALE - SECTION B



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ARRÊT DU : 18 DECEMBRE 2014

gtr

(Rédacteur : Madame Véronique LEBRETON, Conseiller)



PRUD'HOMMES



N° de rôle : 13/04474

















Madame [C] [F] [Q]

SARL EURE K PROPRETE SERVICES



c/



SELARL MANDON

CGEA DE [Localité 1] mandataire de l'AGS du SUD OUEST













Nature de la décision : AU FOND







Notifié par LRAR le :



LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :



La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d'huissier).



Certifié par le Greffier en Chef...

COUR D'APPEL DE [Localité 1]

CHAMBRE SOCIALE - SECTION B

--------------------------

ARRÊT DU : 18 DECEMBRE 2014

gtr

(Rédacteur : Madame Véronique LEBRETON, Conseiller)

PRUD'HOMMES

N° de rôle : 13/04474

Madame [C] [F] [Q]

SARL EURE K PROPRETE SERVICES

c/

SELARL MANDON

CGEA DE [Localité 1] mandataire de l'AGS du SUD OUEST

Nature de la décision : AU FOND

Notifié par LRAR le :

LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :

La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d'huissier).

Certifié par le Greffier en Chef,

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 20 juin 2013 (R.G. n°F 12/01124) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BORDEAUX, Section Commerce, suivant déclaration d'appel du 12 juillet 2013,

APPELANTES :

Madame [C] [F] [Q]

née le [Date naissance 1] 1983 à [Localité 2] (BURKINA FASO)

de nationalité Française

Femme de chambre, demeurant [Adresse 3]

représentée par Me LEYER loco Me Monique GUEDON, avocat au barreau de BORDEAUX

SARL EURE K PROPRETE SERVICES, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social

[Adresse 2]

N° SIRET : B 4 93. 290 .944

représentée par Me Philippe DUPRAT de la SCP DUPRAT - AUFORT - GABORIAU, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉES :

SELARL MANDON, Mandataire Liquidateur judiciaire de la SARL HYGIENE SERVICE NETTOYAGE, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social

[Adresse 1]

représentée par Me MOURGUES loco Me Philippe AURIENTIS de la SCP AURIENTIS & ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX

CGEA DE [Localité 1] Mandataire de l'AGS du Sud Ouest, pris en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social

[Adresse 4]

représenté par Me Philippe DUPRAT de la SCP DUPRAT - AUFORT - GABORIAU, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 12 novembre 2014 en audience publique, devant Madame Catherine MAILHES, Conseillère faisant fonction de Présidente et Madame Véronique LEBRETON, Conseillère, chargées d'instruire l'affaire, qui ont entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés,

Ces magistrat ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Elisabeth LARSABAL Présidente,

Madame Catherine MAILHES, Conseillère,

Madame Véronique LEBRETON, Conseillère,

Greffier lors des débats : Gwenaël TRIDON DE REY,

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

*

***

EXPOSE DU LITIGE

Mme [F] [Q] a été engagée par la société Hygiène Service Nettoyage à compter du 20 mai 2010 dans le cadre d'un contrat de travail à durée déterminée en qualité de femme de chambre à temps partiel à hauteur de 10 heures hebdomadaires.

La convention collective applicable est la convention collective nationale des entreprises de propreté du 1er juillet 1994.

Au terme de ce premier contrat, prévu le 17 juin 2010, un nouveau contrat de travail à durée déterminée a été régularisé entre les parties, avec un terme fixé au 17 juillet 2010.

À l'issue de ce deuxième contrat, la relation de travail s'est poursuivie en contrat de travail à durée indéterminée.

Au dernier état de la relation de travail, elle percevait une rémunération mensuelle brute de 674,04 €.

Le 9 décembre 2011, la supérieure hiérarchique de Mme [Q] lui a interdit l'accès à l'hôtel auquel elle était affectée en lui indiquant qu'elle allait faire l'objet d'un licenciement.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 12 décembre 2011, la société Hygiène Service Nettoyage l'a convoquée à un entretien préalable au licenciement fixé au 19 décembre 2011 avec mise à pied à titre conservatoire.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 19 décembre 2011, Mme [Q] a été convoquée à un entretien préalable au licenciement fixé au 29 décembre 2011, son employeur lui indiquant avoir perdu le contrat commercial qui le liait au [1] de [Localité 1] et qu'il transférait son dossier à l'entreprise repreneur, la société Eure K.

Le contrat de Mme [Q] avait été suspendu dans le cadre d'un arrêt maladie du 20 décembre 2011 au 23 janvier 2012.

Par courrier, Mme [Q] a dénoncé à son employeur le traitement dont elle avait fait l'objet sur le site et celui-ci lui a répondu que son contrat de travail allait être transféré.

Le 24 janvier 2012, Mme [Q] a récupéré ses documents de fin de contrat.

Le 1er janvier 2012, date de la reprise du chantier du [1] de [Localité 1], Mme [Q] est restée sans nouvelle de la société Eure K Propreté Services.

Par courrier du 2 février 2012, Mme [Q] a pris acte de la rupture de son contrat de travail.

La société Eure K, de son côté, a reproché à la salariée de ne pas s'être présentée sur son lieu de travail à la fin de son arrêt maladie le 24 janvier 2012.

Contestant cette situation, Mme [Q] a saisi le conseil de Prud'hommes de Bordeaux (section commerce) le 3 mai 2012 aux fins de dire que la prise d'acte était justifiée et d'obtenir la requalification de son contrat de travail, un rappel de salaire (ainsi que les congés payés afférents), une indemnité compensatrice de préavis (ainsi que les congés payés afférents), une indemnité légale de licenciement, des dommages et intérêts pour licenciement abusif et des dommages et intérêts pour perte du DIF.

La SARL Hygiène Service Nettoyage était une entreprise de propreté qui fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire depuis le 30 mai 2012.

Par jugement du 20 juin 2013, le conseil de Prud'hommes de Bordeaux a :

prononcé la requalification du contrat à durée déterminée en date du 20 mai 2010 en un contrat à durée indéterminée,

jugé que la prise d'acte de la rupture en date du 2 février 2012 est justifiée par les manquements de la SARL Eure K Propreté Services et doit s'analyser en un licenciement abusif,

fixe au passif de la liquidation judiciaire de la SARL Hygiène Service Nettoyage la somme de 399,50 € à titre d'indemnité de requalification,

condamné la SARL Eure K Propreté Services au paiement des sommes de :

719,16 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

71,91 € au titre des congés payés afférents,

194,93 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

276,60 € à titre de dommages et intérêts pour perte du droit individuel à la formation,

4.200 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,

800 € à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

débouté Mme [Q] du surplus de ses demandes,

débouté la SARL Eure K Propreté Services de sa demande reconventionnelle,

rendu le jugement opposable à la SELARL Christophe Mandon, ès-qualité de mandataire-liquidateur de la SARL Hygiène Service Nettoyage ainsi qu'au CGEA de [Localité 1] dans la limite légale de sa garantie,

condamné la SARL Eure K Propreté Services aux entiers dépens.

Mme [Q] a régulièrement interjeté appel de cette décision le 12 juillet 2013 et la SARL Eure K Propreté Services a également interjeté appel le 17 juillet 2013.les deux dossiers ont été joints par mention au dossier sous le numéro 13/04474.

Par conclusions déposées au greffe le 7 mars 2014 et développées oralement à l'audience, Mme [Q] sollicite de la Cour qu'elle :

ordonne la jonction des instances enrôlées sous les numéros 13/4474 et 13/4885,

dise recevable mais mal fondé l'appel interjeté le 17 juillet 2013 par la SARL Eure K Propreté Services à l'encontre du jugement rendu le 20 juin 2013 par le conseil de Prud'hommes de Bordeaux,

confirme le jugement entrepris en ce qu'il a prononcé la requalification du contrat à durée déterminée en date du 20 mai 2010 et fixé au passif de la liquidation judiciaire de la SARL Hygiène Service Nettoyage la somme de 399,50 € à titre d'indemnité de requalification,

confirme le jugement entrepris en ce qu'il a dit que la prise d'acte en date du 2 février 2012 est justifiée par les manquements de la SARL Eure K Propreté Services et doit produire les effets d'un licenciement abusif,

réforme le jugement entrepris en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de requalification à temps complet du contrat de travail à compter du 20 mai 2010,

prononce la requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet à compter du 20 mai 2010,

fixe au passif de la liquidation judiciaire de la SARL Hygiène Service Nettoyage les sommes suivantes :

10.453,41 € à titre de rappel de salaire à temps complet du 20 mai au 9 décembre 2010,

1.045,34 € au titre de l'indemnité de congés payés afférents,

dise que la requalification à temps complet de son contrat de travail à compter du 20 mai 2010 est opposable à la SARL Eure K Propreté Services en application de l'accord du 29 mars 1990 fixant les conditions d'une garantie d'emploi et de la continuité du travail du personnel en cas de changement de prestataire,

confirme le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la SARL Eure K Propreté Services à lui verser les sommes de :

indemnité compensatrice de préavis, sauf à en porter le montant à la somme de 1.398,40 €,

indemnité dé congés payés afférents, sauf à en porter le montant à la somme de 139,84 €,

indemnité légale de licenciement, sauf à en porter le montant à la somme de 466,13 €,

4.200 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,

276,60 € à titre de dommages et intérêts pour perte du droit individuel à la formation,

condamne la société Eure K Propreté Services à verser à la SCP Guedon - Meyer la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991,

dise que cette créance devra également apparaître au passif de la liquidation judiciaire de la SARL Hygiène Service Nettoyage, laquelle sera tenue in solidum,

déclare l'arrêt opposable au CGEA de [Localité 1],

statue ce que de droit sur les dépens.

Mme [Q] fait valoir les moyens suivants :

* l'employeur n'a jamais justifié la réalité d'un accroissement temporaire d'activité justifiant un contrat de travail à durée déterminée, elle sollicite donc la requalification de son contrat de travail à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée,

* son contrat de travail ne prévoyant pas la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine elle est bien fondée à se prévaloir de la présomption simple d'un contrat à temps complet; de plus elle se tenait à disposition permanente de l'employeur, les plannings étant modifiés le jour même et ses horaires étant variables; dès lors, l'employeur n'apportant aucun élément de preuve concret de la répartition des heures de travail des salariées et n'étant pas en mesure de renverser la présomption, il convient de requalifier son contrat de travail à temps partiel, en un contrat de travail à temps complet,

* à compter du 1er janvier 2012, elle n'a reçu aucune directive de son nouvel employeur, la société Eure K et a perçu les documents de fin de contrat de la société Hygiène Service Nettoyage ; dès lors, son nouvel employeur ayant connaissance de son arrêt maladie et de sa date de reprise, il aurait dû lui proposer un chantier pour son retour au travail, ce qu'il n'a pas fait, elle a donc pris acte de la rupture de son contrat de travail qui doit produire les effets d'un licenciement abusif et elle sollicite les indemnités afférentes à ce titre.

Par conclusions déposées au greffe le 6 novembre 2014 et développées oralement à l'audience, la société Eure K Propreté Services sollicite de la Cour qu'elle :

confirme le jugement en ce qu'il a débouté Mme [Q] de sa demande de requalification de temps partiel contractuel en temps plein,

réforme le jugement en ce qu'il a jugé que la rupture notifiée le 7 février 2012 s'assimilait à un licenciement imputable à la société Eure K Propreté Services et abusif,

juge que Mme [Q] est démissionnaire au 7 février 2012,

déboute Mme [Q] de ses demandes à l'égard de la société Eure K Propreté Services qui a repris le marché du [1] le 1er janvier 2012,

déboute Mme [Q] de sa demande au titre du DIF,

fasse droit aux contestations subsidiaires de la société Eure K Propreté Services,

condamne Mme [Q] à payer à la société Eure K Propreté Services la somme de 1.800 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens dont la contribution de 35 €.

La société Eure K Propreté Services fait valoir les moyens suivants :

* la société sortante a produit le contrat de travail de Mme [Q] qui mentionnait un temps de travail à temps partiel de 10 heures, elle n'était donc pas à temps complet au moment du transfert, de plus les femmes de ménage ayant une amplitude horaire de six heures par jour au sein de l'hôtel pour travailler, l'employeur prévoit les plannings en fonction du taux prévisionnel d'occupation fournit par le client, de sorte que les salariée ne sont pas en permanence à disposition; ainsi Mme [Q] n'est pas fondée à solliciter l'octroi d'un contrat à temps complet, sachant que Mme [Q] étant étudiante, la société ne pouvait la faire travailler compte tenu de ses disponibilités au maximum 18 heures par semaine,

* la prise d'acte de la rupture n'étant justifiée par aucun grief suffisamment grave à l'encontre de l'employeur, elle ne peut être requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse, au contraire la société Eure K Propreté Services avait prévu un avenant au contrat de travail de Mme [Q] qu'elle n'a pas pu lui faire signer au 4 janvier 2012, cette dernière étant en arrêt maladie, par la suite, la société Eure K s'est comportée comme l'employeur de Mme [Q] et, devant l'absence de celle-ci à son poste de travail à la fin de son arrêt maladie, elle a sollicité son retour au travail, ce que Mme [Q] n'a pas fait, prétextant qu'elle était intransférable, dès lors, la rupture du contrat de travail est due à un abandon de poste et reste à l'initiative du salariée,

* Mme [Q] ne justifie pas d'un quelconque préjudice sur l'absence de droit individuel à la formation et elle doit donc être déboutée de sa demande à ce titre, subsidairement ses demandes indemnitaires doivent être réduites.

Par conclusions déposées au greffe le 7 novembre 2014 et développées oralement à l'audience, le CGEA de [Localité 1] et la SELARL Christophe Mandon, ès qualités de mandataire liquidateur de la SARL Hygiène Service Nettoyage sollicitent de la Cour qu'elle :

statue ce que de droit quand aux demandes de Mme [Q] et aux dépens qui, en aucun cas, ne pourront être laissés à la charge de l'AGS,

juge que l'arrêt à intervenir ne sera opposable à l'AGS que dans la limite légale de sa garantie, laquelle exclut l'indemnité allouée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le CGEA de [Localité 1] et la SELARL Christophe Mandon, ès qualités de mandataire liquidateur de la SARL Hygiène Service Nettoyage font valoir les moyens suivants :

* Mme [Q] ne peut solliciter l'octroi d'une indemnité de requalification pour un temps complet, n'apportant pas la preuve d'avoir effectué de tels horaires et la société, quant à elle, produisant des éléments démontrant qu'elle prenait en compte les horaires étudiants de Mme [Q] en la faisant travailler 4 jours par semaine et en lui accordant des pauses au moment de ses examens universitaires; ainsi, les bulletins de salaire démontrent qu'elle effectuait en moyenne 70 heures de travail par mois et elle ne peut dès lors solliciter la requalification de son contrat à temps partiel en un contrat à temps complet,

* La société Hygiène Service Nettoyage a rempli l'ensemble de ses obligations concernant le transfert du contrat de travail, Mme [Q] ayant été informée de son transfert et la société Eure K Propreté Services s'étant vue remettre l'intégralité des documents afférents au contrat de travail de Mme [Q], dès lors, Mme [Q] devra être déboutée de ses demandes au titre de la rupture de son contrat de travail à l'encontre de la société Hygiène Service Nettoyage, celle-ci ayant rempli toutes ses obligations légales.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens, et des prétentions et de l'argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures déposées, oralement reprises.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la requalification du contrat de travail

Sur la requalification du contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée

Selon les dispositions de l'article L 1242-1 du code du travail un contrat de travail à durée déterminée,quelque soit son motif, ne peut avoir pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise.

En l'espèce, bien qu'un seul contrat soit produit aux débats, il est constant que Mme [F] [Q] a été embauchée par la société Hygiène Service Propreté par contrats de travail à durée déterminée successifs des 20 mai 2010 pour la période du 20 mai au 17 juin 2010, puis du 17 juin 2010 pour la période du 17 Juin au 17 juillet 2010, dans le cadre d'un accroissement temporaire d'activité, et qu'ensuite la relation de travail s'est poursuivie dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée du 17 juillet 2010, d'abord avec la société Hygiène Service Propreté, puis suite à la reprise du 1er janvier 2012, avec la société Eure K jusqu'à la prise d'acte de la rupture du contrat par Mme [F] [Q] réceptionnée le 7 février 2012 par la société Eure K.

Or la SELARL Christophe Mandon en qualité de mandataire liquidateur de la SARL Hygiène Service Nettoyage ne produit aucune pièce de nature à justifier que le motif mentionné dans le premier contrat de travail à durée déterminée correspondait à la réalité de l'entreprise au moment de l'embauche de la salariée, de sorte que la requalification en contrat de travail à durée indéterminée s'impose à compter du 20 mai 2010.

Dans ces conditions, la cour confirme le jugement déféré sur ce point ainsi que sur le montant de l'indemnité de requalification en application des dispositions de l'article L1245-2 du code du travail.

Sur la requalification du contrat à temps partiel en contrat à temps complet

En application de l'article L3123-14 du code du travail le contrat de travail à temps partiel doit porter plusieurs mentions obligatoires dont la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue et la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois, et à défaut le salarié bénéficie d'une présomption de travail à temps complet sauf à l'employeur de prouver d'une part la durée exacte mensuelle ou hebdomadaire convenue et sa répartition sur la semaine ou le mois, et d'autre part le fait que le salarié n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'avait pas à se tenir constamment à la disposition de l'employeur.

En l'espèce, que le seul contrat de travail produit par Mme [F] [Q] ne mentionne pas la répartition du travail entre les jours de la semaine, le paragraphe intitulé « durée du travail » (6 du contrat) prévoyant une durée de travail de 10 heures hebdomadaires, soit 43,33 heures par mois, la société se réservant le droit de modifier la répartition hebdomadaire du salarié de jour comme de nuit et/ou le dimanche comme les jours fériés, sous réserve de respecter un préavis de 7 jours. Dès lors Mme [F] [Q] est fondée à invoquer le bénéfice de la présomption de travail à temps complet.

Toutefois la production de pièces de Mme [F] [Q] elle même comprend un courrier du 21 décembre 2011 qui a été adressé à Mme [F] [Q] par la société Hygiène Service Propreté à la suite d'un entretien préalable du 19 décembre 2011 et qui mentionne : «  (..) nous vous confirmons ce que nous vous avons dit lors de cet entretien, à savoir que nous vous informons que vous conservez votre poste de femme de chambre, et que nous avons noté vos jours de disponibilité, à savoir les mercredis, vendredis, samedis et dimanches. (..) ». Cette lettre, dont il ressort à contrario que Mme [F] [Q] était indisponible les lundis, mardis et jeudis, établit que la salariée ne pouvait pas être à la disposition permanente de l'employeur qui en avait pris acte, compte tenu de son statut d'étudiante, qui n'est pas sérieusement contesté par Mme [F] [Q] dont l'adresse sur le domaine universitaire l'atteste par ailleurs.

Ceci suffit à renverser la présomption de travail à temps complet démonstration étant faite par cette seule pièce que le temps de travail convenu était réparti sur 4 jours de la semaine et que Mme [F] [Q] ne pouvait être à la disposition de son employeur qui prenait en considération ses contraintes universitaires.

Dans ces conditions le jugement du conseil des prud'hommes doit être réformé de ce chef et Mme [F] [Q] doit être déboutée de sa demande de requalification du contrat à temps partiel pour un contrat à temps complet.

Sur la rupture du contrat de travail

Il résulte de la combinaison des articles L.1231-1, L.1237-2 et L.1235-1 du code du travail que la prise d'acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de l'employeur qui empêche la poursuite du contrat de travail.

Il appartient au salarié d'établir les faits qu'il allègue à l'encontre de l'employeur, sachant que l'écrit par lequel le salarié prend acte de la rupture du contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur ne fixe pas les limites du litige, le juge étant alors tenu d'examiner les manquements de l'employeur invoqués devant lui par le salarié, même si celui-ci ne les a pas mentionnés dans cet écrit.

En l'espèce, le courrier par lequel Mme [F] [Q] a pris acte de la rupture du contrat de travail qui la liait à la société Eure K à la suite du transfert du marché du nettoyage du [1] de [Localité 1] auquel elle était affectée est ainsi libellé : « (..) par le présent courrier, je prends acte de la rupture de mon contrat de travail depuis le transfert au 1er janvier 2012. Depuis cette date, vous ne m'avez pas adressé de contrat de travail. J'étais en arrêt maladie jusqu'au 23 janvier 2012. La société hygiène service a dû vous adresser les éléments nécessaires pour le transfert de mon contrat de travail depuis au moins décembre 2011. Je vous demande de m'adresser l'indemnité compensatrice de préavis et l'indemnité de licenciement. (..) ».

Il résulte l'avis d'arrêt de travail produit aux débats que Mme [F] [Q] était en arrêt de travail pour maladie au moment de la reprise du marché par la société Eure K puisqu'au moment du transfert le 1er janvier 2012, son contrat était en cours mais suspendu depuis le 20 décembre 2011, et ce jusqu'au 23 janvier 2012.

Il est établi par la production des pièces de la salariée elle même qu'elle a été néanmoins informée du transfert de son contrat par la société Hygiène Service Propreté qui lui a adressé un courrier le 3 janvier 2012, suite à l'entretien préalable du 29 décembre 2011, par lequel son employeur l'informait de la perte du contrat commercial avec l'hôtel, de la transmission de son contrat de travail à l'entreprise entrante dont elle donnait le nom et les coordonnées à la salariée.

Celle-ci répondait par courrier recommandé avec accusé de réception signé le 13 janvier 2011 qu'elle n'était pas « transférable » et qu'elle était dans l'incapacité de reprendre un quelconque travail ou ses études compte tenu de son état de santé généré par une situation de harcèlement et de son évincement par la responsable du site, la société Hygiène Service Propreté lui répondant à nouveau par courrier du 13 janvier 2012 que, son absence ne datant pas de plus de douze semaines, son contrat avait été transféré à la société Eure K avec laquelle il lui était conseillé de prendre contact.

Or Mme [F] [Q] ne démontre pas l'avoir fait, et ne le soutient du reste pas, avant d'adresser sa lettre de prise d'acte, dont l'exemplaire de la société Eure K ne comporte pas de date alors que celle de Mme [F] [Q] porte celle du 2 février 2012, mais dont il est prouvé par l'accusé de réception qu'elle a été postée le 6 février 2012 et reçue le 7 février par la société Eure K. Celle-ci a adressé de son côté une lettre datée du 2 février 2012, reçue le 14 février suivant par la salariée, par laquelle elle met cette dernière en demeure de réintégrer son poste ou de fournir un justificatif d'absence puisqu'elle ne s'était pas présentée à l'issue de son arrêt de travail le 24 janvier 2012, ce que Mme [F] [Q] ne conteste pas davantage tout comme elle ne s'est pas présentée à l'entretien préalable auquel elle était convoquée pour abandon de poste le 10 mars 2010.

Il ressort de ces éléments que Mme [F] [Q] est mal fondée à reprocher à la société Eure K l'absence de signature du contrat de travail puisqu'alors qu'elle était informée d'une part de la reprise du chantier et de son contrat de travail par son précédent employeur et d'autre part des coordonnées du nouvel employeur, elle ne s'est pas présentée à la fin de son arrêt de travail à son poste de femme de chambre sur le chantier et n'a pris aucun contact, tout en y étant pourtant invitée, avec la société Eure K pour régulariser un avenant à son contrat dont le transfert s'imposait à elle comme à l'entreprise entrante.

Ainsi à défaut pour elle d'établir que la procédure de transfert du contrat de travail entre l'entreprise sortante et l'entreprise entrante a été irrégulière et de soutenir un autre grief que le défaut de signature de l'avenant dont la responsabilité n'incombe pas à la société Eure K eu égard à sa propre négligence, elle doit être déboutée de sa demande de requalification de la prise d'acte en licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Dans ces conditions la cour réformera le jugement déféré, statuera en ce sens et rejettera toutes ses demandes en paiement subséquentes.

Sur les autres demandes

Il convient de mettre à la charge de la salariée qui succombe au principal les dépens de première d'appel. Elle doit être déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et nonobstant l'issue de l'appel, l'équité et les circonstances économiques commandent de ne pas faire droit à la demande formée par la société Eure K 'employeur sur le même fondement.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a requalifié le contrat de travail à

durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée et a fixé au passif de la société Hygiène Service Propreté une indemnité de requalification,

Le réforme pour le surplus,

Déboute Mme [F] [Q] de l'intégralité de ses autres demandes,

Déboute la société Eure K de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Mme [F] [Q] aux dépens.

Signé par Madame Elisabeth LARSABAL, Présidente, et par Gwenaël TRIDON DE REY, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

G. TRIDON DE REY Elisabeth LARSABAL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section b
Numéro d'arrêt : 13/04474
Date de la décision : 18/12/2014

Références :

Cour d'appel de Bordeaux 4B, arrêt n°13/04474 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-12-18;13.04474 ?
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