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17/12/2014 | FRANCE | N°13/03710

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 17 décembre 2014, 13/03710


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



--------------------------







ARRÊT DU : 17 DÉCEMBRE 2014



(Rédacteur : Monsieur Jean-François Sabard, Président)



PRUD'HOMMES



N° de rôle : 13/03710











SAS Constantin



c/



Madame [L] [B]

















Nature de la décision : AU FOND















Notifié par

LRAR le :



LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :



La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par

voie de signification (acte d'huissier).



Certifié par le Greffier en Chef,





Grosse délivrée le :



à :





Décision déférée à la Cour : jugement rendu le ...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 17 DÉCEMBRE 2014

(Rédacteur : Monsieur Jean-François Sabard, Président)

PRUD'HOMMES

N° de rôle : 13/03710

SAS Constantin

c/

Madame [L] [B]

Nature de la décision : AU FOND

Notifié par LRAR le :

LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :

La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par

voie de signification (acte d'huissier).

Certifié par le Greffier en Chef,

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 15 mai 2013 (RG n° F 12/00979) par le Conseil de Prud'hommes - formation paritaire - de Bordeaux, section Industrie, suivant déclaration d'appel du 17 juin 2013,

APPELANTE :

SAS Constantin, siret n° 350 118 501 00021, agissant en la personne de

son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, [Adresse 1],

Représentée par Maître Alain Guérin de la SARL Alain Guérin & Jérôme Delas, avocats au barreau de Bordeaux,

INTIMÉE :

Madame [L] [B], née le [Date naissance 1] 1967 à [Localité 2], de nationalité française, sans profession, demeurant [Localité 1],

Représentée par Maître Philippe Lafaye substituant Maître Doriane Dupuy, avocats au barreau de Bordeaux,

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 04 novembre 2014 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Jean-François Sabard, Président, chargé d'instruire l'affaire,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Jean-François Sabard, Président,

Madame Marie-Luce Grandemange, Conseiller,

Monsieur Claude Berthommé, Conseiller,

Greffier lors des débats : Monsieur Gwenaël Tridon de Rey.

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :

Madame [L] [B] a été engagée le 19 avril 2001 en qualité de secrétaire polyvalente par la SAS Constantin et a été élue en juin 2007 en qualité de membre suppléante au comité d'entreprise puis le 15 mai 2008 de membre titulaire ainsi que déléguée syndicale le 8 octobre 2009.

De nombreux incidents étant intervenus entre la salariée et l'employeur dans le cadre de l'exercice de ses mandats de représentation du personnel, elle a fait l'objet d'un arrêt de maladie à compter du 16 juillet 2010 puis par lettre recommandée du 12 mars 2012, Madame [L] [B] a remis sa démission à la société Constantin avec effet au 19 avril 2012.

Le 10 avril 2012, Madame [L] [B] a saisi le Conseil de Prud'hommes de Bordeaux afin de voir requalifier sa démission en une rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur et en paiement de divers dommages-intérêts et indemnités pour rupture abusive du contrat de travail et non-respect de son statut protecteur de représentation du personnel.

Par jugement du Conseil de Prud'hommes de Bordeaux en date du 15 mai 2013, il a été considéré que sa démission est une prise d'acte de rupture de contrat de travail aux torts de l'employeur devant s'analyser en un licenciement abusif rendant nulle le licenciement pour non respect du statut protecteur des représentants du personnel et a condamné l'employeur au paiement des sommes suivantes :

- 76.898,89 € à titre d'indemnité forfaitaire pour non respect du statut protecteur des

représentants du personnel.

- 10.000,00 € à titre de dommages intérêts pour rupture abusive du contrat de travail.

- 3.854,99 € à titre d'indemnité de licenciement.

- 1.644,31 € à titre de complément d'indemnité compensatrice de préavis.

- 164,43 € à titre d'indemnité de congés payés sur préavis.

- 4.446,88 € à titre de rappel de salaire.

- 444,68 € à titre d'indemnité de congés payés sur rappel de salaire.

- 800,00 € à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de

procédure civile.

Madame [L] [B] a été déboutée du surplus de ses demandes et les dépens ont été mis à la charge de la société Constantin.

La société Constantin a régulièrement interjeté appel de cette décision notifiée le 31 mai 2013 par déclaration au greffe de la Cour en date du 17 juin 2013.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

L'appelante conclut à la réformation du jugement entrepris en toutes ses dispositions, au rejet des prétentions de Madame [L] [B] et à sa condamnation au paiement de la somme de 6.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens de l'instance.

Au soutien de son appel, l'appelante fait valoir qu'elle réfute tout acte de discrimination syndicale et de harcèlement moral envers Madame [L] [B] dont la prise d'acte de rupture du contrat de travail doit s'analyser en une démission dès lors qu'aucun des manquements imputés à son employeur n'est établi et que les allégations de la salariée concernant les entraves de l'employeur à l'exercice de ses mandats de représentation du personnel ne sont étayées par aucun élément alors que dans le cadre des fonctions administratives qu'elle a exercées, l'attribution d'un téléphone n'était pas nécessaire, qu'elle disposait des moyens informatiques adéquats au même titre que les autres salariés et qu'elle a pu prendre toutes les heures de délégation qu'elle souhaitait pendant la durée de ses mandats et suivre librement pendant le temps de travail les formations organisées par son organisation syndicale, les difficultés rencontrées concernant la rémunération de ces formations ayant été rapidement résolues.

L'intimée, Madame [L] [B] conclut à la confirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions et y ajoutant, demande à la Cour de préciser que la somme de 4.446,88 € au titre de rappel de salaire donnera lieu au paiement d'une somme de 4.129,48 € net afin de tenir compte de la prime de transport et de condamner l'appelante au paiement d'une somme de 2.000 € à titre d'indemnité complémentaire sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens de l'instance.

L'intimée expose que l'exercice de ses mandats de représentante du personnel a été rendu difficile par suite de l'attitude d'obstruction systématique de l'employeur et de l'insuffisance des moyens matériels et informatiques mis à sa disposition pour exercer ses fonctions de représentation alors qu'il lui a été imposé une modulation des horaires de travail défavorable par rapport aux autres salariés et une diminution de ses tâches ainsi qu'une rémunération non conforme à son statut notamment pour les formations prises sur le temps de travail organisées par son syndicat ce qui a justifié de sa part une prise acte de rupture du contrat de travail dont le Conseil de Prud'hommes a considéré qu'elle devait s'analyser en un licenciement abusif rendu nul par son statut protecteur de représentant du personnel.

Il convient pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties de se référer expressément à leurs conclusions écrites développées oralement à l'audience.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur la prise d'acte de rupture du contrat de travail :

La lettre de démission en date du 12 mars 2012 envoyée par la salariée à son employeur était rédigée de la manière suivante :

'- Ne supportant plus :

- le harcèlement que je subis depuis trop longtemps de votre part,

- la discrimination,

- les humiliations,

- les tâches professionnelles qui me sont enlevées,

- le logiciel avec des versions bien antérieures à tous ceux de mes collègues qui

m'empêchent d'ouvrir les fichiers dont j'ai besoin afin de mener à bien mon travail de facturation,

- les e-mails qui me sont coupés,

- les violations de liberté d'expression et exercice de mes mandats,

- les salaires qui constamment ne me sont pas rémunérés dans l'intégralité du travail fourni.

Je me vois contrainte de vous formuler ma démission et vous informe qu'à compter du 19 avril 2012 au soir, je ne ferai plus parti du personnel de votre société.'

Comme l'a relevé le Conseil de Prud'hommes, cette démission de la salariée ne reflète pas sa volonté claire et non équivoque de démissionner mais fait état des manquements imputables à son employeur qu'il lui appartient d'établir.

Sur le harcèlement moral et la discrimination :

Au terme des dispositions de l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Aux termes de l'article L.1132-1 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire directe ou indirecte notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification et de mutation notamment en raison de ses activités syndicales.

Or, il est reconnu par l'employeur que certaines tâches administratives effectuées par la salariée lui avaient été retirées dans l'intérêt de l'entreprise sans être en mesure de justifier par des éléments précis le caractère objectif de cette décision qui ne pouvait être liée à des actes de discrimination et de harcèlement moral alors qu'en réalité les agissements de l'employeur étaient en rapport avec les heures de délégation de la salariée et que par ailleurs les formations dispensées par son organisation syndicale prises sur le temps de travail qu'elle avait demandé à suivre ne lui ont pas été rémunérées conformément à la loi même si une rectification de son bulletin de paye est intervenue par la suite de même que la non attribution d'une ligne téléphonique, le filtrage de ses courriers électroniques, le blocage de sa messagerie et les difficultés mises en place par l'employeur pour faire obstruction à l'exercice de ses mandats de représentation du personnel ou encore la fixation de la date de réunion du comité d'entreprise les jours ou elle ne pouvait y participer ou lorsque le quorum ne pouvait être atteint en raison des congés des autres membres élus de même que le comportement discourtois et verbalement agressif de l'employeur à son égard comme l'atteste une ancienne salariée elle-même représentante du personnel, Madame [L] Mazat-

.../...

[I] s'étant plainte auprès des services de police d'avoir été enfermée dans son bureau par l'employeur le 16 juillet 2010 alors qu'elle venait de faire l'objet d'injures de la part de ce dernier à la suite d'un différend portant sur un document syndical mettant en évidence la discrimination dont elle faisait l'objet.

Il s'évince de l'ensemble de ces faits ayant rendu nécessaire plusieurs interventions de l'inspection du travail qui ont dénoncé le comportement de l'employeur, des actes de discrimination en lien avec les fonctions syndicales et de représentation du personnel de la salariée ainsi que des actes de harcèlement moral répétés entraînant une dégradation importante de ses conditions de travail et portant atteinte à ses droits et à sa santé (arrêt de travail et congés maladie prolongés) de sorte que la prise d'acte de rupture du contrat de travail doit s'analyser en un licenciement abusif rendu nul en application des articles L.2411-1 et suivants du code du travail dès lors que les agissements de l'employeur ont fait entrave à l'exercice des fonctions syndicales, de déléguée du personnel et de secrétaire du comité d'entreprise de Madame [L] [B], la rupture du contrat de travail d'un salarié protégé ayant rendu nécessaire une autorisation préalable de l'inspection du travail.

Sur les conséquences indemnitaires de la nullité du licenciement :

Le Conseil de Prud'hommes a relevé à bon droit que lorsque le licen-ciement est nul pour non-respect du statut protecteur du salarié, lorsque ce dernier ne demande pas sa réintégration, il a droit à une indemnité forfaitaire outre les dommages et intérêts en réparation du caractère illicite de la rupture du contrat de travail et sans préjudice des indemnités de licenciement et de préavis de sorte que le jugement déféré ne pourra qu'être confirmé en ce qu'il a retenu une somme de 76.898,89 € à titre d'indemnité forfaitaire sur la base d'un salaire moyen perçu au cours des 12 derniers mois de 1.644,31 € pour non-respect du statut protecteur des lors que les mandats de la salariée et la protection légale ne pouvaient prendre fin que le 6 mars 2016 soit pendant une période totale de trois ans, 10 mois et 23 jours après la date de la prise d'acte de rupture du contrat de travail par Madame [L] [B].

Madame [L] [B] est également fondée à obtenir une somme de 10.000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de la rupture illicite du contrat de travail par suite d'actes de discrimination syndicale et de harcèlement moral.

L'indemnité de licenciement a été exactement calculée par le Conseil de Prud'hommes à la somme de 3.854,99 € et l'indemnité compensatrice de préavis à la somme de 1.644,31 € outre 164,43 € à titre d'indemnité de congés payés y afférents.

Sur la demande de rappel de salaire :

L'employeur a prétendu qu'il pouvait rémunérer la salariée sur une base mensualisée de 151,67 heures et les heures supplémentaires en fonction du travail réellement effectué par semaine. Or, le contrat de travail de la salariée prévoyait 39 heures hebdomadaires et son salaire mensuel ne pouvait être constitué que d'une base de 151,67 heures normales et de 17,33 heures majorées à 25 % correspondant à une base mensuelle de 169 heures conformément aux termes de son contrat de travail lequel n'a jamais fait l'objet d'un avenant ce dont il résulte que la salariée est en droit de prétendre au paiement de la somme de 4.446,88 € brut à titre de rappel de salaire soit en réalité la somme de 4.129,48 € net afin de tenir compte de la prime de transport et de 444,68 € à titre d'indemnité de congés payés y afférents.

Sur les autres demandes :

Le jugement entrepris sera confirmé par la cour pour des considérations d'équité sur l'indemnité allouée de 800 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Il y a lieu d'allouer à l'intimée qui a été contrainte d'engager en cause d'appel des frais non compris dans les dépens, une indemnité de procédure de 2.000 € sur le même fondement, la société Constantin étant déboutée de sa demande sur le même chef dès lors qu'elle supportera les dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Déclare l'appel régulier, recevable mais mal fondé.

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions.

Y ajoutant :

Dit cependant que la somme de 4.446,88 € (quatre mille quatre cent quarante six euros et quatre vingt huit centimes) brut due à titre de rappel de salaire donnera lieu au paiement d'une somme de 4.129,48 € (quatre mille cent vingt neuf euros et quarante huit centimes) par la société Constantin.

Condamne la société Constantin à payer à Madame [L] [B] la somme de 2.000 € (deux mille euros) à titre d'indemnité de procédure complémentaire sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Déboute les parties du surplus de leurs demandes.

Condamne la société Constantin aux dépens de première instance et d'appel.

Signé par Monsieur Jean-François Sabard, Président, et par Monsieur Gwenaël Tridon de Rey, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Gwenaël Tridon de Rey Jean-François Sabard


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 13/03710
Date de la décision : 17/12/2014

Références :

Cour d'appel de Bordeaux 4A, arrêt n°13/03710 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-12-17;13.03710 ?
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