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10/12/2014 | FRANCE | N°12/07094

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 10 décembre 2014, 12/07094


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



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ARRÊT DU : 10 DECEMBRE 2014



(Rédacteur : Monsieur Claude Berthommé, Conseiller)



PRUD'HOMMES



N° de rôle : 12/07094











Monsieur [T] [G]



c/



SAS Smurfit Kappa















Nature de la décision : AU FOND













Notifié par LRAR le :
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LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :



La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par

voie de signification (acte d'huissier).



Certifié par le Greffier en Chef,





Grosse délivrée le :



à :



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 10 d...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 10 DECEMBRE 2014

(Rédacteur : Monsieur Claude Berthommé, Conseiller)

PRUD'HOMMES

N° de rôle : 12/07094

Monsieur [T] [G]

c/

SAS Smurfit Kappa

Nature de la décision : AU FOND

Notifié par LRAR le :

LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :

La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par

voie de signification (acte d'huissier).

Certifié par le Greffier en Chef,

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 10 décembre 2012 (RG n° F 10/00237) par le Conseil de Prud'hommes - formation de départage - de Libourne, section Industrie, suivant déclaration d'appel du 20 décembre 2012,

APPELANT :

Monsieur [T] [G], né le [Date naissance 1] 1974 à [Localité 1],

de nationalité française, ouvrier, demeurant [Adresse 2],

Représenté par Maître Caroline Dupuy, avocat au barreau de Bordeaux,

INTIMÉE :

SAS Smurfit Kappa, siret n° 493 254 908, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, [Adresse 1],

Représentée par Maître Véronique Tuffal-Nerson de la SCP Véronique Tuffal-Nerson - Rémy Douarre & Associés, avocats au barreau de Paris,

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 30 juin 2014 en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Maud Vignau, Président,

Madame Marie-Luce Grandemange, Conseiller,

Monsieur Claude Berthommé, Conseiller,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Anne-Marie Lacour-Rivière.

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

FAITS ET PROCÉDURE

La relation de travail

Au 31 août 1992, la S.A. SOCAR, devenue ultérieurement la S.A.S. SMURFIT KAPPA FRANCE, ci-après la S.A.S., a engagé au service Production de son usine de cartonnerie de [Localité 2], Monsieur [T] [G], alors âgé de 18 ans, en qualité d'ouvrier spécialisé par contrat à durée déterminée dit 'CDD scolaire', pour quatre semaines du 31 août au 26 septembre 1992.

Entre le 12 octobre 1992 et le 17 février 1995, Monsieur [T] [G] a ensuite effectué plusieurs missions de travail temporaire en qualité d'ouvrier spécialisé posté au sein de la même usine de cartonnerie de [Localité 2] appartenant à la S.A. SOCAR, devenue ultérieurement la S.A.S. SMURFIT KAPPA FRANCE.

Enfin, selon contrat de travail écrit à durée indéterminée à temps plein du 31 janvier 1996, Monsieur [T] [G] a été directement engagé par la S.A. SOCAR, devenue ultérieurement la S.A.S. SMURFIT KAPPA FRANCE, ci-après la S.A.S., en qualité de Ramasseur, niveau 1, échelon 2, au sein de la même usine de cartonnerie de [Localité 2].

Selon avenant à effet du 1er janvier 2004, Monsieur [T] [G] a occupé le poste de Conducteur Transformation Avec Impression, Niveau 2, Échelon 3, coefficient 160.

Le vendredi 24 avril 2009 et le lundi 27 avril 2009, Monsieur [T] [G] a été absent à son poste de travail en raison d'un arrêt médical de travail pour maladie adressé à son employeur par lettre recommandée du lundi 27 avril 2009.

Par lettre recommandée de recadrage du 28 Avril 2009, la S.A.S. lui a fait reproche de n'avoir pas prévenu plus tôt, par téléphone, dès le vendredi 24 avril 2009.

***

Le 31 mars 2010, vers 18 heures ou 18 heures 30, au lieu de son travail, Monsieur [T] [G] a été victime d'un accident dont il a d'abord pensé qu'il ne présentait aucune conséquence pour lui. Il a donc terminé sa faction de travail sans le signaler.

Le soir et le lendemain, il avait de telles douleurs dans l'épaule et le bras qu'il ne pouvait plus bouger son bras et qu'il a été obligé de consulter un médecin et de cesser son travail pour raison médicale sous le régime d'un accident du travail, reconnu par la Caisse Primaire d'Assurance Maladie.

L'employeur lui reprochait de :

- n'avoir pas immédiatement signalé à son supérieur hiérarchique, ni à l'infirmerie l'accident du travail du 31 mars 2010 vers 18 heures ou 18 heures 30,

- d'avoir effectué et terminé en totalité sa faction de travail de 13 h jusqu'à 21 h le 31 mars 2010, pensant que sa douleur à l'épaule passerait,

- d'avoir subi des séquelles consécutives ayant rendu nécessaire un arrêt de travail ultérieur de sept jours,

après un entretien préalable tenu le 06 mai 2010, la S.A.S. lui a notifié par lettre recommandée du 20 mai 2010 un avertissement pour non respect le 31 mars 2010 de l'article 4-6 du règlement intérieur de l'entreprise imposant de signaler aussitôt un accident du travail.

Le 08 juillet 2010 à 15 heures 30, Monsieur [T] [G] a enlevé ses chaussures de sécurité pendant sa faction de travail d'après-midi.

Le jour même, à 16 heures, il a été reçu et entendu en entretien informel par le Directeur Général Régional présent sur le site qui lui a notifié verbalement sa mise à pied à titre conservatoire à 16 heures 15.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 09 juillet 2010, Monsieur [T] [G] a reçu notification :

- d'une confirmation de sa mise à pied à titre conservatoire verbalement notifiée le 08 juillet 2010 à 16 heures 15,

- d'une convocation à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé et tenu au 20 juillet 2010.

La S.A.S. employeur a notifié à Monsieur [T] [G], par lettre recommandée avec accusé de réception du 23 juillet 2010, son licenciement pour faute grave pour avoir travaillé pieds nus, sans ses chaussures de sécurité et pour n'avoir pas, de façon réitérée, respecté les consignes de sécurité.

Contestant cette sanction et estimant que son licenciement ne reposait pas sur une cause réelle et sérieuse, Monsieur [T] [G], a saisi le 26 octobre 2010 le conseil de prud'hommes de LIBOURNE (section industrie) d'une demande tendant à obtenir un rappel de salaire pour la période de mise à pied conservatoire (1.138 €), une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (78.000 €), une indemnité compensatrice de préavis (3.846,12 €), une indemnité compensatrice de congés payés sur préavis (385 €), une indemnité de licenciement (13.483,80 €), un rappel de prime d'ancienneté (3.066 €) des congés payés sur cette prime d'ancienneté (306 €), le paiement de RTT (pour mémoire), outre une indemnité de procédure au titre de l'article 700 du code de procédure civile (2.000 €) et la remise de documents de rupture rectifiés.

Le 24 janvier 2012, le conseil de prud'hommes s'est déclaré en partage de voix.

À l'audience de départage, Monsieur [T] [G] a ainsi modifié le montant de ses demandes présentées au conseil de prud'hommes en sa formation de départage :

- indemnité compensatrice de préavis : 3.822,86 €,

- congés payés sur préavis: 382,29 €,

- rappel de salaire de mise à pied: 1.223,32 €,

- congés payés sur mise à pied: 122,33 €,

- dommages-intérêts pour licenciement

dépourvu de cause réelle et sérieuse : 45.874,32 €,

- indemnité conventionnelle de licenciement : 6.928,94 €,

- rappel de prime d'ancienneté : 2.294,19 €,

- congés payés sur ce rappel: 229,42 €,

- indemnité compensatrice de RTT: 1.096,94 €,

- indemnité de procédure sur le fondement de

l'article 700 du code de procédure civile : 1.500,00 €.

Le salarié a demandé l'exécution provisoire.

Reconventionnellement, la S.A.S. employeur a demandé, à titre principal, le rejet de toutes les demandes principales du salarié et sa condamnation à lui verser la somme de 500 € par application de l'article 700 du code de procédure civile et, à titre subsidiaire, la diminution des prétentions du salarié.

Par jugement contradictoire du 10 décembre 2012, le conseil de prud'hommes de LIBOURNE, dans sa formation présidée par le juge départiteur, a :

- dit et jugé que le licenciement notifié le 23 juillet 2010 par la S.A.S. SMURFIT KAPPA FRANCE à Monsieur [T] [G] se fonde sur une faute grave,

- débouté Monsieur [T] [G] de l'ensemble de ses demandes,

- rejeté les demandes plus amples ou contraires,

- condamné Monsieur [T] [G] aux dépens de l'instance.

L'appel

Monsieur [T] [G] a régulièrement relevé appel contre ce jugement.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Le salarié appelant

Par ses dernières conclusions écrites déposées au greffe de la cour au jour de l'audience, le 30 juin 2014, oralement développées à la barre par son avocat et auxquelles il est expressément fait référence, Monsieur [T] [G] demande à la cour de :

- réformer en tout point le jugement attaqué,

- constater le caractère abusif du licenciement et de la mise à pied à titre conservatoire,

- condamner la société SMURFIT KAPPA à lui verser :

* à titre d'indemnité compensatrice de préavis : 3.822,86 €,

* à titre de congés payés sur préavis: 382,29 €,

* à titre de rappel de salaire au titre de la mise à

pied conservatoire (du 08 au 24 juillet 2010): 1.223,32 €,

* au titre des congés payés y afférents: 122,33 €,

* à titre de dommages-intérêts pour

licenciement dépourvu de cause réelle et

sérieuse (article L1235-3 du code du travail) : 45.874,32 € (soit 24 mois x

1.911,43 €), montant net de toute cotisation

sociale,

* à titre d'indemnité conventionnelle de

licenciement, selon calcul révisé en cause

d'appel : 7.706,12 €

pour une ancienneté totale remontant à 1992, ou 7.048,39 € pour une

ancienneté à compter de 1996,

- constater ses créances salariales et condamner la société SMURFIT KAPPA à lui verser :

* pour rappel de prime d'ancienneté: 2.294,19 €,

* pour les congés payés y afférents: 229,42 €,

* pour indemnité compensatrice de RTT: 1.096,94 €,

- condamner la société SMURFIT KAPPA à lui verser la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la première instance et pour l'appel.

Bien que non reprise au dispositif des conclusions écrites, est en outre présentée, dans le corps de leur motivation, une autre demande du salarié en requalification des différents contrats de missions temporaires d'intérim à durée déterminée en contrat unique à durée indéterminée entre Monsieur [T] [G] et la S.A.S. depuis le 31 août 1992, date du premier contrat à durée déterminée, dit 'CDD scolaire'.

La S.A.S. intimée au principal, incidemment appelante

Par ses conclusions écrites, déposées le 30 juin 2014 lors de l'audience, oralement développées à la barre par son avocat et auxquelles il est expressément fait référence, la S.A.S. demande à la cour de :

à titre principal,

- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de LIBOURNE du 10 décembre 2012 en ce qu'il a débouté Monsieur [T] [G] de l'ensemble de ses demandes,

- infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de LIBOURNE du 10 décembre 2012 en ce qu'il l'a déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Monsieur [T] [G] à lui payer la somme de 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- le condamner aux dépens,

à titre subsidiaire,

- limiter le montant des dommages-intérêts à 9.920,58 € faute pour Monsieur [T] [G] de rapporter le preuve d'un préjudice supérieur,

- constater que l'indemnité compensatrice de préavis de Monsieur [T] [G] s'élèverait à 3.769,82 € et l'indemnité compensatrice de congés payés afférents à

376,98 €,

- limiter le montant de l'indemnité conventionnelle de licenciement de Monsieur [T] [G] à la somme de 7.048,39 €.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et de l'argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures déposées, oralement reprises.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la convention collective applicable

Le contrat de travail à durée indéterminée du 31 janvier 1996 (pièce n° 01 du salarié) et tous les bulletins de paie (pièce n° 14 du salarié) mentionnent expressément comme convention collective applicable la convention collective nationale du personnel non-Cadre de la transformation des Papiers Cartons et Celluloses.

Est donc applicable en l'espèce la convention collective des Papiers, Cartons et Celluloses (transformation) pour les ouvriers, dessinateurs et ETAM, signée le 16 février 1988 et étendue par arrêté interministériel du 06 mars 1989 (J.O. du 17 mars 1989) identifiée sous le numéro IDCC 1495.

La convention collective des Papiers, Cartons et Celluloses (fabrication) signée le 20 janvier 1988, également étendue par arrêté du 06 mars 1989 (J.O. du 17 mars 1989), identifiée sous le numéro IDCC 1492, à tort mentionnée en page 02 des conclusions écrites de la S.A.S. n'est pas applicable en l'espèce.

Sur la demande de requalification en contrat à durée indéterminée avec la S.A.S. depuis le 31 août 1992 des relations entre les parties depuis cette date jusqu'au 17 février 1995

Par ses conclusions, aussi bien pour sa demande principale en matière de calcul d'indemnité conventionnelle de licenciement que pour sa demande de calcul du taux de la prime d'ancienneté, le salarié considère comme acquise la requalification en contrat unique à durée indéterminée conclu directement avec la S.A.S. depuis le 31 août 1992 pour une période continue incluant l'ensemble des contrats suivants le concernant :

- un contrat à durée déterminée 'scolaire' du 31 août au 25 septembre 1992 directement conclu avec la S.A. SOCAR, devenue la S.A.S. (pièces n° 04, n°19 et n° 20 du salarié),

- une série de 104 contrats de missions temporaires conclus avec l'entreprise de travail temporaire ECCO (devenue ADECCO), pour des missions d'intérim échelonnées du 12 octobre 1992 au 17 février 1995, au sein de l'usine de [Localité 2] de la S.A. SOCAR, devenue la S.A.S. (pièce n° 12 du salarié),

- suivis 11 mois et 11 jours plus tard, du seul contrat à durée indéterminée directement conclu avec la S.A. SOCAR, devenue la S.A.S., à effet du 1er février 1996 (pièce n° 01 du salarié) rompu par le licenciement litigieux notifié pour faute grave le 23 juillet 2010.

Or, se contentant du seul énoncé de la chronologie des contrats ainsi énumérés, le salarié ne fournit ni ne propose à la cour aucune démonstration que la conclusion de l'unique contrat direct de travail à durée déterminée du 31 août 1992 suivie de celle des 104 contrats de missions temporaires d'intérim confiées par la société ECCO aurait eu pour objet ou pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise de cartonnerie exploitée par la S.A.S., dès lors :

- qu'une période de 03 semaines sépare le premier contrat à durée déterminée 'scolaire' de la première mission temporaire d'intérim,

- qu'entre certaines missions d'intérim successives confiées par la société ECCO, s'observent, à l'examen minutieux des 104 documents versés par le salarié aux débats, des périodes d'interruption de quelques jours et jusqu'à 08 jours et même, à une ou deux reprises, jusqu'à 02 ou 03 semaines entre la fin de certaines missions et la mission suivante,

- que les missions d'intérim à durée déterminée sont motivées par des accroissements temporaires d'activité ou par des remplacements de salariés titulaires expressément nommés, absents pour maladie ou pour congés,

- qu'une période de 11 mois et 11 jours sépare la dernière mission d'intérim confiée par la société ECCO (devenue ADECCO) terminée le 17 février 1995 et le contrat à durée indéterminée conclu directement avec la S.A. SOCAR, devenu la S.A.S., prenant effet le 1er février 1996.

Le salarié ne démontre nullement et même ne soutient ni n'allègue nullement que les contrats de missions temporaires à durée déterminée ne seraient pas conformes aux règles légales fixant les motifs autorisés de recours aux contrats à durée déterminée.

L'interruption de près d'un an - exactement onze mois et onze jours - entre la fin du dernier contrat de mission temporaire et la date d'effet de l'unique contrat à durée indéterminée interdit de retenir que les contrats à durée déterminée de monsieur [T] [G] ont eu pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise exploitée par la S.A.S.

Au contraire, dans l'usine de cartonnerie de la S.A.S., le travail posté est un travail continu réparti en trois factions de huit heures du lundi au vendredi qui ne s'interrompt pas.

En conséquence, la cour rejette la demande de requalification des contrats à durée déterminée conclus entre le 31 août 1992 et le 17 février 1995, l'un directement par la S.A. SOCAR devenue la S.A.S., les autres pour des missions temporaires d'intérim au sein de la S.A. SOCAR devenue la S.A.S., missions confiées par l'entreprise de travail temporaire ECCO (devenue ADECCO).

Sur l'ancienneté du salarié

En raison de l'interruption de onze mois et onze jours entre la date du 17 février 1995, date de fin de la dernière mission temporaire d'intérim confiée à Monsieur [T] [G] et la date du 1er février 1996, date d'effet de son embauche directe par contrat à durée indéterminée conclu entre la S.A.S. et lui, la cour retient que l'ancienneté du salarié titulaire n'a débuté qu'au 1er février 1996.

En effet, l'article 24 de la convention collective nationale applicable assimile au temps de présence continue dans l'entreprise pour le calcul de l'ancienneté du salarié, la durée des missions effectuées par un travailleur temporaire au cours des trois mois précédant l'embauchage.

À la date de son embauche du 1er février 1996 par la S.A.S. en contrat de travail à durée indéterminée, les missions temporaires de Monsieur [T] [G] terminées au 17 février 1995 ont plus de trois mois d'ancienneté et leur durée ne peut donc être assimilée à un temps de présence continue dans l'entreprise pour le calcul de son ancienneté sur le fondement de l'article 24 de la convention collective nationale applicable, comme le salarié le sollicite à tort.

En conséquence, la cour retient la date du 1er février 1996 comme origine de l'ancienneté du temps de présence continue de Monsieur [T] [G] dans l'entreprise.

Sur les motifs énoncés par la S.A.S. lors de la notification du licenciement au salarié le 23 juillet 2010

Selon l'article L 1232-6 du code du travail, lorsque l'employeur décide de licencier un salarié, il lui notifie sa décision par lettre recommandée avec avis de réception.

Cette lettre comporte l'énoncé du ou des motifs invoqués par l'employeur.

Elle ne peut être expédiée moins de deux jours ouvrables après la date prévue pour l'entretien préalable au licenciement auquel le salarié a été convoqué.

Conformément à l'article L 1232-6 du code du travail, la lettre de notification du licenciement pour faute grave énonce les motifs invoqués par l'employeur.

Cette lettre fixe les limites du litige et l'employeur ne peut invoquer un autre motif que ceux qu'il a notifiés au salarié.

En l'espèce, la lettre du 23 juillet 2010, notifiant au salarié son licenciement, est ainsi libellée :

'Par lettre recommandée avec accusé de réception du 09 juillet 2010, nous vous avons convoqué à un entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement pour faute et vous avons confirmé dans cette lettre votre mise à pied à titre conservatoire qui vous avait été notifiée verbalement en date du 08 juillet 2010 par Monsieur [A], Directeur Général Régional et ce durant le temps nécessaire à la procédure et à notre prise de décision.

Le jour de l'entretien, soit le 20 juillet 2010, vous vous êtes présenté accompagné de Monsieur [D] [P], salarié de notre entreprise. Lors de cet entretien, nous vous avons fait part des griefs à votre encontre et nous vous avons exposé les faits suivants :

- Le 08 juillet 2010 à 15 h 30 (soit 2h 1/2 après votre prise de poste) votre supérieur hiérarchique, Monsieur [S] [J] constate que vous êtes pieds nus assis sur le repos-fesses et les pieds sur la rambarde au margeur de la bobst 203, localisation de votre poste de travail. Il vous fait signe de remettre vos chaussures de sécurité. Vous vous exécutez, puis, de nouveau devant lui, vous ressortez vos pieds des chaussures de sécurité pour les reposer sur la rambarde en faisant signe à Monsieur [J] que vos pieds gonflent. Monsieur [A], Directeur Général Régional présent sur le site, est informé de votre comportement et décide de vous recevoir immédiatement dans son bureau accompagné de Madame [O], Directeur de Production, Messieurs [W] et [H], ouvriers sur le site, Monsieur [J], votre supérieur hiérarchique et Monsieur [E] [Y], en qualité de délégué du personnel. Lors de cet entretien, les faits sont bien avérés et d'ailleurs, vous ne les contestez pas, expliquant que vous 'pensiez ne rien faire de mal', que vos pieds gonflaient, que vous 'chiniez (taquiniez)' votre supérieur et qu'il n'y avait 'pas de risque car vous ne travailliez pas'. Par ailleurs, vous confirmez à Monsieur [A] avoir eu le même comportement le 07/07/2010 au soir (retrait des chaussures de sécurité au poste de travail). Compte tenu de ce qui précède, Monsieur [A] décide de vous mettre immédiatement à pied à titre conservatoire face à votre non respect flagrant et réitéré des règles élémentaires de sécurité pouvant entraîner en fonction de circonstances imprévisibles, des conséquences graves pour votre propre sécurité et celle des autres.

- Lors de l'entretien préalable du 20 juillet 2010, après vous avoir rappelé les faits ci-dessus énoncés, je vous ai aussi rappelé que nous avions déjà été confrontés, vous concernant, à un manquement de cette nature puisque je vous avais reçu un mois plus tôt pour, par la suite, vous sanctionner par un avertissement (lettre du 20/05/2010) suite au non respect d'une règle de base de notre règlement intérieur.

Il vous avait été précisé à cette occasion que, si un nouveau manquement se présentait, nous serions amenés à prendre une sanction plus grave. Or les manquements des 07 et 08 juillet 2010 indiqués ci-dessus et reconnus par vous lors de l'entretien avec Monsieur [A], caractérisent des manquements graves aux règles élémentaires de sécurité reprises dans notre règlement intérieur dans son article 02 faisant lui-même référence à l'article L 4122-1 du code du travail. Du fait de votre ancienneté (16 ans) dans l'entreprise et des consignes reçues au travers de la définition du poste de conducteur transformation avec impression, notre règlement intérieur et notes de service associées, vous saviez parfaitement que le fait d'enlever vos chaussures de sécurité alors que vous êtes à votre poste de travail sur la machine peut vous exposer, ainsi que vos collègues, à tout moment sur un site industriel, à une situation de danger qui plus est lorsque ce comportement s'est reproduit par deux fois démontrant ainsi votre complète insouciance et votre inconséquence face à un éventuel risque concernant votre santé et votre détermination à vous en affranchir.

Ce comportement délibéré et provocateur de non respect des règles impératives de port d'un équipement individuel de protection et cette inconséquence sont d'autant plus surprenants que, comme vous le savez, vous avez déjà été victime à plusieurs reprises d'accidents du travail. Dans ces conditions, vous devriez être normalement encore plus sensibilisé aux règles impératives de protection individuelle pour votre propre sécurité ainsi que celle de vos collègues et donc sensibilisé sur les conséquences éventuelles d'un accident suite au non respect du port des équipements de protection dans une activité de production industrielle telle que la nôtre.

Lors de notre entretien, vous avez d'ailleurs reconnu les faits, expliquant que les chaussures de sécurité sont difficiles à porter lorsqu'il fait chaud et que vos pieds gonflaient. Par ailleurs, vous nous avez précisé qu'au moment où vous aviez retiré vos chaussures de sécurité, vous étiez assis car la commande 'passait bien', vous permettant ainsi de 'souffler'.

Concernant vos chaussures de sécurité, je vous ai demandé si elles vous convenaient et vous avez répondu par l'affirmative. De même, concernant la chaleur, je vous ai demandé si vous aviez pris connaissance de la note affichée des bonnes pratiques en la matière ; là encore, vous avez répondu par l'affirmative.

Enfin, nous ne pouvons qu'être stupéfaits quant à votre explication sur l'absence de risque du fait que la commande 'passait bien'. La machine sur laquelle vous travailliez a une longueur d'environ 40 mètres et son équipage est composé de deux personnes, l'une à l'entrée (en l'occurrence vous ce jour-là) et l'autre à la sortie, donc 40 mètres plus loin. La situation dans laquelle vous étiez, assis sur le repose-fesses, pieds nus sur la rambarde, rendait potentiellement impossible toute intervention spontanée et rapide en cas de situation d'urgence tant en terme de production (bourrage par exemple) qu'en terme de sécurité au cas où votre collègue aurait eu un problème quelconque nécessitant un arrêt immédiat de la machine ; ceci est d'autant plus inadmissible que vous êtes conducteur transformation avec impression.

Force est de constater que les explications recueillies auprès de vous au cours de notre entretien du 20 juillet 2010 ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation à ce sujet.

En conséquence, nous vous informons que nous avons décidé de vous licencier pour fautes graves caractérisées par le non respect délibéré et provocateur à deux reprises des règles élémentaires de sécurité applicables sur notre site et en particulier à votre poste de travail (port des chaussures de sécurité) dont vous aviez parfaitement connaissance, vous exposant ainsi, sur un site industriel, à une situation de danger grave si un incident était intervenu et, potentiellement, vos collègues du fait que vous vous étiez mis dans une situation rendant impossible toute intervention immédiate de votre part.

Compte tenu de la gravité de celles-ci, votre maintien dans l'entreprise s'avère impossible. Le licenciement prendra donc effet immédiatement à la date d'envoi de cette lettre sans indemnité de préavis ni de licenciement. La période non travaillée du 08 juillet 2010 à 16 heures 15 à la date présumée ci-dessus, nécessaire pour effectuer la procédure de licenciement, ne sera pas rémunérée.

Par ailleurs, nous vous informons que vous avez acquis 114 heures au titre du droit individuel à la formation.

Enfin, dans le cadre de la nouvelle loi de modernisation, vous pouvez bénéficier de la portabilité du contrat mutuelle et prévoyance pendant une durée maximale de 09 mois à compter de votre départ effectif de notre entreprise. Nous joignons à la présente un bulletin d'adhésion ainsi qu'une notice explicative. Dans tous les cas, vous voudrez bien nous retourner ledit bulletin complété selon votre choix sous 10 jours.

Nous vous ferons parvenir votre solde de tout compte avec votre dernier bulletin de salaire ainsi que votre certificat de travail et votre attestation ASSEDIC.'

Sur les règles applicables au licenciement pour faute grave

La faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien de ce salarié dans l'entreprise.

La faute grave du salarié entraîne la perte du droit aux indemnités de préavis et de licenciement.

L'employeur qui allègue une faute grave du salarié a la charge de la preuve.

L'employeur ne peut pas se prévaloir d'une faute grave s'il a toléré les faits sans y puiser un motif de sanction ou si le salarié, mis en demeure de faire cesser son comportement, a obtempéré.

Sur la cause de licenciement notifié et sur la gravité des fautes relevées

En l'espèce, les motifs du licenciement pour faute grave sont ainsi définis par la S.A.S. : 'nous vous informons que nous avons décidé de vous licencier pour fautes graves caractérisées par le non respect délibéré et provocateur à deux reprises des règles élémentaires de sécurité applicables sur notre site et en particulier à votre poste de travail (port des chaussures de sécurité) dont vous aviez parfaitement connaissance, vous exposant ainsi, sur un site industriel, à une situation de danger grave si un incident était intervenu' .

L'employeur retient ici comme fautes graves à l'encontre du salarié :

- le non respect de la règle de sécurité lui imposant le port de chaussures de sécurité à son poste de travail pendant la faction de travail,

- la réitération à deux reprises de ce non respect,

- le comportement délibéré et provocateur déduit de cette réitération.

Le salarié reprend dans le débat judiciaire sa contestation de toute réitération du fait unique de retrait de ses chaussures de sécurité pendant une faction de travail le jeudi 08 juillet 2010 à 15 heures 30, telle qu'exprimée par sa lettre du 11 août 2010 :

- il a retiré ses chaussures de sécurité pendant la faction de travail à une seule reprise le 08 juillet 2010 vers 15 h 30, journée de canicule où il a fait particulièrement chaud et où la température relevée dans les ateliers était très élevée, pour soulager ses pieds qui enflaient,

- il a immédiatement obtempéré aux signes de son supérieur hiérarchique Monsieur [S] [J] lui intimant l'ordre de remettre ses chaussures de sécurité et il ne les a jamais retirées une deuxième fois aussitôt après comme le prétend à tort la S.A.S.,

- lors de l'entretien du 08 juillet 2010 tenu avec le Directeur Général Régional, Monsieur [A], il a parlé de la journée de la veille, 07 juillet 2010, mais uniquement pour signaler que la veille avait déjà été une journée très chaude et qu'il avait été soulagé de pourvoir retirer ses chaussures de sécurité le soir du 07 juillet 2010 après 21 heures, à la fin de sa faction de travail, et non pendant sa faction de travail comme le retranscrit à tort l'employeur dans la lettre de licenciement.

Contestant ainsi toute réitération d'un fait unique de retrait des chaussures de sécurité pendant le temps de la faction de travail, le salarié conteste formellement toute réitération et tout caractère délibéré et provocateur de son comportement uniquement dû à l'inconfort des chaussures de sécurité par temps de très forte chaleur caniculaire faisant enfler ses pieds.

La S.A.S. ayant retenu comme motifs de licenciement des fautes graves de son salarié a la charge de la preuve de telles fautes qu'elle lui impute (le non respect des règles de sécurité imposant le port de chaussures de sécurité, sa réitération à deux reprises, le comportement délibéré et provocateur déduit de cette réitération).

Le fait unique de non respect de la règle de sécurité est établi par l'aveu écrit du salarié dans sa lettre du 11 août 2010, aveu réitéré par ses conclusions écrites, qu'il a retiré ses chaussures de sécurité une seule fois pendant sa faction de travail le 08 juillet 2010 à 15 heures 30 en raison de la chaleur caniculaire et qu'il les a immédiatement remises sur injonction de son supérieur hiérarchique Monsieur [S] [J].

Pour tenter d'apporter la preuve de la réitération et du comportement délibéré et provocateur du salarié auteur d'une telle réitération, le S.A.S. ne produit qu'une seule pièce : le courriel du 08 juillet 2010 à 16 heures 23 rédigé par son Directeur Général Régional Monsieur [C] [A] (Pièce n° 08 de la S.A.S.) et adressé au Directeur Régional des Ressources Humaines, Monsieur [U] [R], avec copie pour Monsieur [N] [V] (dont la fonction n'est pas précisée) et pour le Directeur de Production, Madame [K] [X].

Ce courriel rapporte par ouïe-dire :

- les constatations de Monsieur [S] [J], supérieur hiérarchique direct de Monsieur [T] [G] qui a constaté à 15 heures 30 que ce salarié avait retiré ses chaussures de sécurité, qui lui a demandé de les remettre et qui a obtenu qu'il les remette,

- les déclarations faites par deux ouvriers de production Messieurs [L] et [H] lors d'un entretien à 16 heures provoqué par le Directeur Général Régional, attestant que Monsieur [T] [G] avait bien enlevé ses chaussures de sécurité et qu'il était pieds nus,

- les déclarations de Monsieur [T] [G] pensant n'avoir rien fait de mal ni de grave,

- l'accusation du Directeur Général Régional 'ayant entendu dire' (sans autre précision) que Monsieur [T] [G] aurait eu la même attitude la veille,

- la réponse de Monsieur [T] [G] qui 'avoue avoir aussi fait cela hier soir'.

Ce courriel se conclut sur l'exercice par son auteur de son pouvoir disciplinaire en ces termes : 'Donc mise à pied conservatoire, car, en temps que patron, je ne peux pas prendre le risque de garder quelqu'un qui n'applique pas les règles de sécurité'

Or l'auteur est le Directeur Général Régional, présent sur le site le jeudi 08 juillet 2010 celui qui a immédiatement exercé verbalement son pouvoir disciplinaire 'en temps que patron' et mis en oeuvre la mise à pied conservatoire du salarié critiqué le jour même à 16 h 15.

Alors que le courriel du 08 juillet 2010 cite deux ouvriers, Messieurs [L] et [H] comme témoins du fait de non respect de la règle de sécurité par Monsieur [T] [G] qui a le jour même enlevé ses chaussures de sécurité, la S.A.S. n'a pas même produit aux débats judiciaires une quelconque attestation de l'un de ces deux témoins.

La S.A.S. ne pouvant s'établir à elle-même une preuve judiciaire, ne peut ici se prévaloir pour établir la faute grave qu'elle allègue à l'encontre du salarié licencié d'un document émanant de son Directeur Général Régional titulaire du pouvoir disciplinaire qu'il a exercé contre le salarié concerné.

La réitération alléguée ici par la S.A.S. n'est donc nullement établie, non plus que le comportement délibéré et provocateur qui en a été déduit.

Il en résulte qu'aucune preuve n'est ici rapportée que Monsieur [T] [G] aurait affiché de manière délibérée et provocatrice par sa réitération à deux reprises un comportement de complète insouciance et inconséquence vis-à-vis des règles de sécurité en retirant le 08 juillet 2010 ses chaussures de sécurité.

De plus, dès lors que le salarié, mis en demeure de faire cesser son comportement contraire aux règles de sécurité, a immédiatement obtempéré et remis les chaussures de sécurité à la demande de son supérieur hiérarchique Monsieur [S] [J], la faute grave rendant impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ne peut être retenue.

En conséquence, réformant de ce chef le jugement, la cour rejette comme non établie la faute grave alléguée.

Sur la cause réelle et sérieuse de licenciement

En l'absence de preuve d'une faute grave du salarié licencié, il appartient au juge de vérifier s'il existe une cause réelle et sérieuse au licenciement.

Pour écarter toute cause réelle et sérieuse de licenciement, le salarié qui reconnaît avoir retiré ses chaussures de sécurité le 08 juillet 2010 à 15 heures 30 en raison de la canicule constatée ce jour-là, soutient :

- que les règles de sécurité à son poste de travail résultant de la fiche de sécurité de son poste de travail à la machine BOBST 203 (pièce n° 32 de la S.A.S.), si elles contiennent l'obligation de porter d'autres équipements de protection individuelle (gants, lunettes de sécurité, masque éventuel, protections auditives,...), ne mentionnent pas d'obligation de porter des chaussures de sécurité,

- que le règlement intérieur qui fait obligation de porter les équipements de protection individuelle, ne précise pas que les chaussures de sécurité y sont incluses.

Mais en réalité, il s'évince de plusieurs documents versés aux débats que l'employeur impose depuis plusieurs années à tous les postes de travail de l'atelier et même à tout employé de l'entreprise dès lors qu'il circule dans l'atelier, de porter des chaussures de sécurité :

- le document non daté intitulé '12 must haves' (pièce n° 16 de la S.A.S.) le rappelle expressément en son point n° 06,

- les 104 contrats de missions temporaires effectuées de 1992 à 1995 par Monsieur [T] [G] (sa pièce n° 02) portent tous la mention expresse 'chaussure de sécurité',

- les check lists d'accueil de sécurité de Monsieur [T] [G] visées par lui les 08 avril et 30 avril 2010 précisent 'Protection individuelle : valider le port de chaussures de sécurité' (pièce n° 01 de la S.A.S.).

Cette règle de sécurité était d'autant mieux connue, admise, acceptée et régulièrement appliquée par Monsieur [T] [G] lui-même qu'il a immédiatement obtempéré le 08 juillet 2010 lorsque son supérieur hiérarchique lui a intimé l'ordre de remettre ses chaussures de sécurité retirées en raison de la chaleur caniculaire de cette journée.

Il ne peut donc être déduit aucune exception au port des chaussures de sécurité dans l'atelier faute de mention précise expresse énumérant de façon exhaustive tous les équipements de protection individuelle imposés par le règlement intérieur comme le suggère le salarié.

Monsieur [T] [G], en retirant ses chaussures de sécurité pendant sa faction de travail d'après-midi le 08 juillet 2010 à 15 heures 30, au prétexte de la canicule et de la chaleur régnant alors dans l'atelier, a enfreint une règle de sécurité, ce qui constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement.

En conséquence, réformant de ce chef le jugement, la cour dit que le licenciement notifié le 23 juillet 2010 à Monsieur [T] [G] repose non sur une faute grave, mais sur une cause réelle et sérieuse.

En l'espèce, le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse, ce qui prive de fondement juridique la demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse présentée par le salarié.

Confirmant de ce chef le jugement, la cour rejette la demande de dommages-intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Sur la demande de paiement des salaires (1.223,32 €) et des congés payés

(122,33 €) pour la période de mise à pied

Seul le licenciement fondé sur une faute grave ou lourde dispense l'employeur du paiement du salaire afférent à la période de mise à pied conservatoire mise en oeuvre pour la durée de la procédure de licenciement.

En l'espèce, en l'absence de faute grave imputable au salarié, le salaire retenu du 08 au 24 juillet 2010 doit lui être payé.

En conséquence, réformant de ce chef le jugement, la cour condamne la S.A.S. à payer à Monsieur [T] [G] la somme de 1.223,32 € à titre de salaire et celle de 122,33 € au titre des congés payés afférents.

Sur la demande d'indemnité compensatrice de préavis (3.822,86 €) et d'indemnité pour congés payés sur préavis (382,29 €)

Selon l'article L 1234-1 du code du travail, lorsque le licenciement n'est pas motivé par une faute grave, le salarié a droit, s'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus d'au moins deux ans, à un préavis de deux mois.

En l'espèce, le salaire brut mensuel de Monsieur [T] [G] était 1.911,43 €. L'indemnité compensatrice de préavis représente 3.822,86 € ; l'indemnité de congés payés sur préavis est de 382,28 €.

En conséquence, réformant de ce chef le jugement, la cour condamne la S.A.S. à payer à Monsieur [T] [G] la somme de 3.822,86 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis et celle de 382,28 € au titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis.

Sur la demande subsidiaire d'indemnité conventionnelle de licenciement

(7.048,39 €)

Selon l'article L 1234-9 du code du travail, le salarié titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée, licencié alors qu'il compte une année d'ancienneté ininterrompue au service du même employeur, a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement.

Selon le IV de l'annexe III de la convention collective nationale (pièce n° 23 du salarié), à tout ouvrier licencié avant soixante-cinq ans sans faute grave de sa part et comptant une ancienneté d'au moins deux ans, sera accordée une indemnité de licenciement distincte de l'indemnité de préavis et calculée sur la base de :

- entre deux et cinq ans d'ancienneté, un huitième de mois par année de présence à compter de la date d'entrée dans l'établissement ;

- à partir de cinq ans d'ancienneté, un quart de mois par année de présence à compter de la date d'entrée dans l'établissement.

Pour les ouvriers ayant plus de quinze ans d'ancienneté, il sera ajouté au chiffre précédent un dixième de mois par année de présence au-delà de quinze ans.

Lorsque l'ancienneté du salarié comprendra un certain nombre de mois en sus du nombre d'années complètes, il en sera tenu compte pour le calcul de l'indemnité : le chiffre obtenu en application des dispositions indiquées ci-dessus sera majoré d'autant de douzièmes de l'indemnité différentielle correspondant à une année supplémentaire que l'ancienneté du salarié comprendra de mois en sus du nombre d'années complètes.

Pour ce calcul, il sera tenu compte de la période de préavis, que le préavis soit ou non travaillé.

Pour une ancienneté de 14,75 ans du 1er février 1996 au 23 septembre 2010 (fin du préavis de deux mois), pour un salaire brut mensuel de 1.911,43 €, l'indemnité conventionnelle de licenciement est donc 7.048,39 €.

En conséquence, réformant de ce chef le jugement, la cour condamne la S.A.S. à payer à Monsieur [T] [G] la somme de 7.048,39 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement.

Sur la demande de rappel de primes d'ancienneté (2.294,19 €) et de rappel de congés payés y afférents (229,42 €)

Pour l'application de l'article 38 de la convention collective, le salarié revendique une ancienneté partant du 31 août 1992, date de son premier contrat à durée déterminée.

La cour a rejeté ci-avant cette prétention et a fixé au 1er février 1996, date de son embauche en contrat à durée indéterminée plus de onze mois après son dernier contrat à durée déterminée, le point de départ de son ancienneté de salarié titulaire dans l'entreprise.

Aussi n'a-t-il atteint neuf ans d'ancienneté et le droit à une prime d'ancienneté de 9 % qu'au 1er février 2005, puis douze ans d'ancienneté et le droit à une prime d'ancienneté de 12 % qu'au 1er février 2008.

En raison du licenciement, il n'a jamais atteint quinze ans d'ancienneté ni le droit à 15 % de prime d'ancienneté.

Ainsi, le minimum conventionnel dû au titre des primes d'ancienneté a été de 9 % du salaire de base jusqu'au mois de janvier 2005 inclus et de 12 % à compter du mois de février 2008 jusqu'à la rupture du contrat de travail par le licenciement et la fin du préavis.

Il résulte :

- du tableau des primes d'ancienneté mensuellement payées, établi par le salarié en pages 23 et 24 de ses dernières conclusions écrites,

- des bulletins de salaire (pièce n° 14 du salarié),

que, pendant la relation de travail, les sommes effectivement payées à Monsieur [T] [G] par la S.A.S. ont respecté la convention collective et le taux de 9 % puis le taux de 12 % à bonne date selon les règles ci-avant rappelées, étant même observé que les primes d'ancienneté octroyées ont été légèrement supérieures au minimum conventionnel.

En conséquence, confirmant de ce chef le jugement, la cour rejette la demande de paiement d'un rappel de primes d'ancienneté et d'un rappel de congés payés y afférents.

Sur la demande de paiement de jours de Réduction du Temps de Travail non pris (1.096,94 €)

Estimant, en application de l'accord d'entreprise du 28 juin 2001 sur la réduction du temps de travail, avoir eu droit à un nombre prédéterminé de 19 jours de RTT par an, soit au total 76 jours de RTT pour la période des quatre dernières années pleines de service continu 2006, 2007, 2008 et 2009, Monsieur [T] [G] fait grief à la S.A.S. de ne lui en avoir accordé seulement que 63 et il sollicite sa condamnation à lui payer une somme de 1.096,94 € représentant 13 jours, selon lui manquants, d'une valeur unitaire de 84,38 €.

La S.A.S. rétorque que l'accord d'entreprise du 28 juin 2001, s'il a prévu un nombre théorique prédéterminé de 19 jours de repos RTT par an, contient également une règle de réduction de ce nombre en raison des arrêts de travail et de leur durée au cours de la période de référence.

Elle expose qu'en application de cette dernière règle de réduction, le droit à un nombre théorique prédéterminé de Monsieur [T] [G] à 76 jours a été ramené au droit à 63 jours de RTT pour la période de l'année 2006 à l'année 2009 incluse ; ce salarié a donc, selon la S.A.S., été intégralement empli de ses droits à ce titre.

L'examen de l'accord d'entreprise du 28 juin 2001 portant sur la réduction et l'aménagement du temps de travail (pièce n° 10 de la S.A.S.) montre que :

- l'accord est applicable à tous les salariés de la société SMURFIT SOCAR SA devenue la S.A.S. à l'exception des pré-retraités et des V.R.P. (article I.2 Bénéficiaires, page 07/43),

- conformément aux usages en vigueur au sein des papeteries de la société, il est précisé que la durée totale de la faction est considérée comme du temps de travail effectif pour le personnel posté continu, indépendamment des modalités de prise des pauses définies à l'article III.13. a. (article I.3 Temps de travail effectif alinéa 03, page 07/43),

- le nombre de samedis matins obligatoires est plafonné à 02 par an et par personne. Chaque samedi matin travaillé, dans le cadre d'une semaine de 06 jours travaillés, donne droit automatiquement à un jour de récupération intégré dans la programmation du ou des salariés concernés. Un salarié ayant travaillé 02 samedis matins bénéficiera dans sa programmation de l'équivalent de 17 Jours de Réduction de Travail auxquels s'ajouteront 02 repos de récupération des samedis matins travaillés, soit un équivalent total de 19 repos (article III.3.D alinéas premier, 02 et 03, page 11/43),

- la période d'arrêt de travail n'est pas assimilée à du temps de travail effectif. Le nombre théorique de Jours de Réduction de Travail, prédéterminé en début de période de référence sur la base d'un calcul annuel théorique, sera réduit en raison des arrêt s de travail en fonction de leur durée, selon les conditions définies dans un règlement Société. Celui-ci sera mis en pratique pour les 06 premiers mois d'application du présent accord puis sera examiné par les parties signataires au cours du mois de janvier 2002, (Chapitre V Absences alinéa 03 pages 35/43 et 36/43).

Aucune partie n'a versé aux débats le 'règlement Société' prévu au chapitre V de l'accord.

Toutefois, selon un document synthétique établi le 14 février 2011, versé aux débats par la S.A.S. (sa pièce n° 11), ont été mentionnés, pour chacune des quatre années pleines 2006, 2007, 2008 et 2009 :

- les périodes d'arrêt de travail de Monsieur [T] [G],

- les abattements applicables en au nombre théorique prédéterminé de 19 Jours de Réduction du Temps de Travail (JRT) calculés à :

- 3,5 JRT pour 2006,

- 5 JRT pour 2007,

- 1,5 JRT pour 2008,

- 3 JRT pour 2009,

soit au total 13 jours.

Monsieur [T] [G] n'a pas contesté les périodes d'absence relevées qui sont corroborées par ses bulletins de paie.

Il n'a pas contesté le mode de calcul des abattements appliqués au nombre théorique prédéterminée de 19 jours de RTT par an ici appliquée.

La cour juge conforme à l'accord d'entreprise du 28 juin 2001 la réduction du droit théorique de Monsieur [T] [G] à 76 jours de RTT pour la période à seulement 63 jours (= 76 jours - 13 jours) de RTT au total en raison de ses absences relevées et récapitulées.

En conséquence, confirmant le jugement de ce chef, la cour rejette le demande de Monsieur [T] [G] en paiement d'une indemnité compensatrice de 13 jours de RTT.

Sur les autres chefs de demande

La S.A.S. succombe en appel. Elle sera donc déboutée de sa demande présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La cour condamne la S.A.S. à payer à Monsieur [T] [G] une somme de MILLE CINQ CENTS EUROS (1.500 €) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La cour condamne la S.A.S. aux entiers dépens d'instance et d'appel qui comprendront les éventuels frais d'exécution.

PAR CES MOTIFS

La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

En la forme,

Déclare recevables l'appel principal et l'appel incident,

Au fond,

Confirme le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de LIBOURNE (section industrie) en sa formation présidée par le juge départiteur le 10 décembre 2012 en ce qu'il a :

- fait application de la convention collective nationale des Papiers, Cartons et Celluloses (transformation) signée le 16 février 1988, étendue par arrêté interministériel du 06 mars 1989 (IDCC 1495),

- écarté la requalification en contrat à durée indéterminée du contrat direct à durée déterminée de 1992 et des contrats de missions temporaires d'intérim échelonnées de 1992 à 1995,

- débouté Monsieur [T] [G] de ses demandes :

* en dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* en rappel au titre de la prime d'ancienneté

* en rappel de congés payés afférents à ce rappel de prime d'ancienneté,

* en indemnité compensatrice de 13 jours de RTT,

- débouté la S.A.S. SMURFIT KAPPA FRANCE de sa demande d'indemnité de procédure fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,

Infirmant pour le surplus,

Dit que le licenciement notifié le 23 juillet 2010 à Monsieur [T] [G] ne repose pas sur une faute grave,

Dit que ce licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse,

Condamne la S.A.S. SMURFIT KAPPA FRANCE à payer à Monsieur [T] [G] les sommes de :

- MILLE DEUX CENT VINGT TROIS EUROS ET TRENTE DEUX CENTIMES (1.223,32 €) au titre du salaire dû pour la période de mise à pied,

- CENT VINGT DEUX EUROS ET TRENTE TROIS CENTIMES (122,33 €) au titre des congés payés y afférents,

- TROIS MILLE HUIT CENT VINGT DEUX EUROS ET QUATRE VINGT SIX CENTIMES (3.822,86 €) à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- TROIS CENT QUATRE VINGT DEUX EUROS ET VINGT HUIT CENTIMES (382,28 €) à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,

- SEPT MILLE QUARANTE HUIT EUROS ET TRENTE NEUF CENTIMES (7.048,39 €) à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

Dit que les sommes ci-dessus ayant la nature de créances de salaires et d'accessoires aux salaires, sont productives d'intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes, soit le 25 octobre 2010,

Condamne en outre la S.A.S. SMURFIT KAPPA FRANCE à payer à Monsieur [T] [G] la somme de MILLE CINQ CENT EUROS (1.500 €) à titre d'indemnité de procédure en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette tout autre chef de demande des parties, plus ample ou contraire au présent arrêt,

Condamne la S.A.S. SMURFIT KAPPA FRANCE aux entiers dépens d'instance et d'appel qui comprendront les éventuels frais d'exécution.

Signé par Madame Maud Vignau, Président, et par Monsieur Gwenaël Tridon de Rey, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Gwenaël Tridon de Rey Maud Vignau


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 12/07094
Date de la décision : 10/12/2014

Références :

Cour d'appel de Bordeaux 4A, arrêt n°12/07094 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-12-10;12.07094 ?
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