COUR D'APPEL DE BORDEAUX
CHAMBRE SOCIALE - SECTION A
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ARRÊT DU : 03 DÉCEMBRE 2014
(Rédacteur : Monsieur Jean-François Sabard, Président)
PRUD'HOMMES
N° de rôle : 13/00975
Monsieur [L] [N]
c/
SA la Poste
Nature de la décision : AU FOND
Notifié par LRAR le :
LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :
La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par
voie de signification (acte d'huissier).
Certifié par le Greffier en Chef,
Grosse délivrée le :
à :
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 1er février 2013 (RG n° F 11/00332) par le Conseil de Prud'hommes - formation paritaire - de Libourne, section Commerce, suivant déclaration d'appel du 14 février 2013,
APPELANT :
Monsieur [L] [N], né le [Date naissance 1] 1964 à [Localité 1], de
nationalité française, profession facteur, demeurant [Adresse 2],
Représenté par Maître Valérie Vanduyse, avocat au barreau de Bordeaux,
INTIMÉE :
SA la Poste, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, [Adresse 1],
Représentée par Maître Nadia Hantali substituant Maître Christophe Biais de la SELARL Biais & Associés, avocats au barreau de Bordeaux,
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 octobre 2014 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Jean-François Sabard, Président, chargé d'instruire l'affaire,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Jean-François Sabard, Président,
Madame Marie-Luce Grandemange, Conseiller,
Monsieur Claude Berthommé, Conseiller,
Greffier lors des débats : Madame Anne-Marie Lacour-Rivière.
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :
Monsieur [L] [N] a été engagé en avril 1987 par la Poste en qualité d'agent contractuel.
Il a saisi le Conseil de Prud'hommes de Libourne selon une requête en date du 9 décembre 2011 aux fins de présenter diverses demandes indemnitaires et des dommages-intérêts notamment pour exécution déloyale du contrat de travail et discrimination.
Par jugement du Conseil de Prud'hommes de Libourne en date du 1er février 2013, cette juridiction s'est déclarée compétente pour statuer sur le fond du litige et a condamné la SA la Poste au paiement des sommes suivantes :
- 15,24 € au titre de la majoration des heures supplémentaires mentionnées sur le
bulletin de paie de novembre 2011.
- 1,52 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés.
- 12,70 € pour heures supplémentaires dues au titre de la distribution du 24 octobre 2011.
- 1,27 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés.
- 500,00 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Monsieur [L] [N] a été débouté du surplus de ses demandes et la SA la Poste a été condamnée aux dépens de l'instance.
Monsieur [L] [N] a régulièrement interjeté appel de cette décision par déclaration au greffe de la Cour en date du 14 février 2013.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Au soutien de son appel, il fait valoir que la juridiction prud'homale est compétente pour statuer au fond du litige et que son employeur devra être condamné à lui payer les sommes suivantes :
- 6.382,98 € à titre du solde du complément POSTE de février 2007 à septembre
2014.
- 638,30 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés.
- 465,00 € à titre de remboursement des frais d'entretien de l'habillement de
février 2007 au 22 septembre 2014 ainsi que des frais de nettoyage des
tenues professionnelles.
- 325,30 € au titre des heures supplémentaires relatives à la participation à des
réunions du CHSCT.
- 32,53 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés.
- 2.809,86 € au titre des heures supplémentaires de février 2007 à décembre 2011.
- 280,99 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés.
- 401,46 € au titre des heures supplémentaires effectuées d'octobre 2012 à avril 2014.
- 40,15 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés.
- 2.000,00 € à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.
- 4.000,00 € à titre de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de préserver la santé et la sécurité du salarié.
Il est demandé l'annulation de la mise à pied disciplinaire du 4 août 2014
et la condamnation de la SA la Poste à lui payer la somme de 1.500 € à titre de dommages-intérêts pour sanction injustifiée.
Il considère par ailleurs qu'il a été victime d'une discrimination et sollicite la condamnation de son employeur au paiement de la somme de 20.000 € à titre de dommages-intérêts pour discrimination ainsi que la somme de 1.500 € à titre de dommages-intérêts pour non justification de l'organisation des élections de délégués du personnel et des membres du comité d'entreprise d'être dispensé de les organiser.
Il demande, par ailleurs, la remise des documents sociaux sous astreinte et la condamnation de la SA la Poste au paiement de la somme de 2.000 € à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que la confirmation du jugement pour le surplus.
L'intimée conclut à l'incompétence ce des juridictions judiciaires et au sursis à statuer dans l'attente de la décision qui sera rendue par la juridiction adminis-trative et sur le fond de rejeter les prétentions de Monsieur [N] et d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société la Poste à lui verser des sommes au titre des majorations pour heures supplémentaires et congés payés afférents et sur le surplus de confirmer le jugement entrepris de jugement tout en condamnant l'appelant au paiement d'une somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
L'intimée expose que la demande relative au complément poste met en cause la légalité des décisions administratives qui ne relève pas des juridictions judiciaires et que le versement de ce complément est conforme aux accords salariaux monsieur [N] ne justifiant pas ne pas avoir bénéficié des mêmes droits que ceux d'un autre salarié de droit privé se trouvant dans une situation identique à la sienne et qu'il est tout aussi mal fondé en sa demande au titre du remboursement des frais d'entretien de l'habillement alors qu'il n'était nullement tenu de porter un uniforme ou des vêtements de la poste.
Elle précise, par ailleurs, qu'il n'y a pas non plus d'éléments permettant de caractériser une discrimination ou de justifier une demande relative à des heures supplémentaires alors que les heures de travail en dépassement ont bien été payées mais sans majoration dès lors que le cycle de travail n'a pas dépassé la moyenne des 35 heures.
Il convient pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties de se référer expressément à leurs conclusions écrites développées oralement à l'audience.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur la compétence des juridictions judiciaires :
Le litige portant sur le complément poste octroyé au salarié par son employeur suivant des accords salariaux notamment du 10 juillet 2001 prévoyant un processus de convergence permettant d'aboutir à une égalité de traitement entre les fonctionnaires et les agents contractuels sous contrat de travail à durée indéterminée ne peut relever des juridictions administratives dès lors que le différend opposant les parties trouve son origine dans un contrat de travail soumis aux dispositions du code du travail opposant un salarié sous contrat de droit privé à un employeur également de droit privé et que la question de la légalité du dispositif initialement mis en place par le conseil d'administration de la Poste ne se pose pas, seules les modalités de son application au moment où le complément poste devenait l'accessoire de la rémunération du salarié étant discutées en l'espèce ce dont il s'évince que la juridiction judiciaire est compétente pour statuer sur le litige entre les parties.
Sur le complément poste :
Si le principe de convergence doit présider à la mise en place des modalités du versement du complément poste entre les fonctionnaires bénéficiant du statut de la fonction publique d'une part et les salariés relevant du droit privé d'autre part et que l'égalité de traitement doit être assurée entre les agents de l'un ou l'autre sexe placés dans une situation identique sauf si des raisons objectifs et vérifiables justifiaient un écart ce qui est notamment le cas pour le travail de facteur qui doit être considéré comme égal ou de valeur égale entre un fonctionnaire et un agent contractuel mais dont l'application de ce principe n'exclut pas qu'il y ait des différences de rémunération pour un travail jugé équivalent lorsque les agents ne se trouvent pas dans une situation identique et ne relèvent pas du même statut juridique notamment au niveau de la sécurité de l'emploi bien que travaillant dans le même établissement et dont les uns sont soumis à un régime légal et les autres à un régime conventionnel.
Comme l'indique l'intimée, le complément poste va évoluer chaque année dans le cadre d'une négociation salariale avec pour objectif non seulement une convergence entre les différents statuts des agents de la poste mais aussi la recherche d'une égalité de traitement.
De plus l'appelant ne produit aux débats aucun élément de nature à justifier qu'il ne bénéficierait pas des mêmes droits qu'un salarié de droit privé se trouvant dans une situation identique à la sienne conformément aux accords salariaux conclus depuis 2001.
Le grief fait à l'intimée sur l'absence de production d'éléments qui pourraient être favorables au salarié est inopérant dans la mesure où il appartient à ce dernier de justifier de ses demandes alors que par ailleurs l'employeur établit qu'il existe une justification objective pertinente aux écarts constatés non pas entre les salariés de droit privé mais entre ces derniers et les agents relevant de la fonction publique.
Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté les préten-tions du salarié sur ce point.
Sur le remboursement des frais d'entretien de l'habillement :
Il résulte de l'article L.3121-3 du code du travail que lorsqu'une tenue de travail est imposée par des dispositions légales ou conventionnelles, un règlement intérieur ou le contrat de travail, des contreparties sont limitées au seul temps nécessaire aux opérations d'habillage et de déshabillage et que si le salarié justifie avoir exposé des frais d'entretien de l'habillement pour les besoins de son activité professionnelle et dans l'intérêt du son employeur lorsqu'une tenue vestimentaire est obligatoire, il résulte des pièces produites que seule le règlement intérieur en son article 17 traitant de la question de la tenue du personnel prévoit que le personnel en contact de la clientèle doit adopter une tenue correcte et que l'arrêté du 3 mai 2006 en son article 2 impose que l'agent soit porteur d'un signe distinctif permettant de l'identifier mais sans port obligatoire d'une tenue mise à sa disposition.
L'intimée rappelle qu'elle subventionne la libre acquisition de vêtements ou accessoires à raison de 156 € en moyenne par an et par agent lequel bénéficie automatiquement de cette subvention qu'il achète ou pas des vêtements et quel que soit le montant de ses achats de sorte que l'obligation du port d'une tenue de travail pour les facteurs n'est pas établie par l'appelant qui ne pourra qu'être débouté de sa demande par la cour qui confirmera le jugement entrepris sur ce point.
Sur le paiement des heures supplémentaires :
L'article L.3171-4 du code du travail énonce 'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable'.
S'il est exact que l'employeur ne peut être dispensé de communiquer les justificatifs des heures de travail effectivement réalisées par le salarié, il importe toutefois à ce dernier de fournir un décompte sur la base duquel la discussion peut s'engager entre les parties.
Or, le régime juridique du contrôle de la durée du travail des salariés varie en fonction de la qualification retenue entre horaires collectifs et horaires individualisés et que seule la qualification d'horaires individualisés oblige l'employeur à prévoir un contrôle quotidien hebdomadaire de la durée du travail des salariés ce qui n'est pas le cas en l'espèce où le travail est organisé suivant des horaires collectifs qui ont fait l'objet
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d'accords d'établissement signé en 2009 puis 2011 avec les partenaires sociaux et que par ailleurs il ne résulte pas de la communication des procès-verbaux du CHSCT dont le salarié est membre qu'il aurait effectué des heures supplémentaires au-delà de celles qui lui ont été réglées.
La Cour relève que si les heures effectuées par le salarié certaines semaines sont des heures dépassant la durée hebdomadaire planifiée, ces heures ne sont pas pour autant des heures supplémentaires mais des heures normales payées au taux non majoré dès lors que le cycle du salarié n'a pas dépassé la moyenne des 35 heures de sorte que la demande du salarié sur ce point est mal fondée et doit être rejetée.
Sur la demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail :
L'appelant n'établit pas que la société la poste aurait exécuté de mauvaise foi ou d'une manière déloyale le contrat de travail en tentant comme il le prétend d'échapper à une régularisation de sa situation et qu'il aurait été privé depuis février 2007 de son salaire intégral ce qui entraînerait pour lui une perte financière importante d'où il suit que sa demande sera rejetée par la Cour.
Sur la discrimination syndicale :
Monsieur [N] soutient qu'il rapporte la preuve de nombreux éléments permettant de faire présumer l'existence d'une discrimination syndicale en ce qu'il aurait été empêché par l'employeur d'exercer ses différents mandats par des oppositions régulières à ses demandes d'absence, en lui reprochant des fautes sous prétexte de ses absences et en bloquant son évolution de carrière au sein de l'entreprise.
Il fournit la copie des entretiens des évaluations professionnelles au titre des années 2008, 2009 et 2010 au terme desquelles contrairement à ce qu'il prétend, il a toujours été apprécié d'une manière satisfaisante par rapport aux exigences du poste et que ces absences au titre de ses différents mandats n'ont pas eu de conséquence sur son appréciation et sa note globale et sans justifier du moindre refus à ses demandes d'absence pour l'exercice de ses mandats ainsi que d'une différence de traitement avec d'autres salariés de la Poste alors que par ailleurs il est établi que sa fiche de candidature à une promotion a été retenue par la direction de l'établissement et transmise par la voie hiérarchique à la direction des ressources humaines au niveau national étant précisé que sur 295 candidatures, seules 13 ont été retenues de sorte que le salarié ne peut soutenir avoir été victime d'une quelconque discrimination au titre de son évolution de carrière.
Il s'en évince qu'aucun des éléments invoqués par le salarié n'est de nature à laisser présumer une quelconque discrimination syndicale de sorte qu'il sera débouté de ses prétentions sur ce point.
Sur l'absence d'élections de représentants des personnels :
C'est à juste titre que le conseil des prud'hommes a rejeté sa demande alors que Monsieur [N] fait partie des organes de la représentation collective du personnel dont celle-ci est régie par des dispositions propres à la société la Poste résultant de l'article 8 de la loi du 20 mai 2005 dont il ne peut ignorer le contenu.
Sur les autres demandes :
L'équité commande de rejeter les demandes présentées par Monsieur [N] sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile tant en première instance qu'en cause d'appel.
Il y a lieu en revanche d'allouer à la société la Poste une indemnité de 400 €qui sera mise à la charge de Monsieur [N] pour compenser les frais non compris dans les dépens exposés au cours de ces procédures, les dépens de première instance et d'appel étant laissés à la charge de l'appelant.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
Rejette l'exception d'incompétence des juridictions judiciaires soulevée par la société la Poste.
Déclare l'appel régulier, recevable mais mal fondé.
Confirme le jugement entrepris sauf sur les demandes relatives à la majoration des heures supplémentaires et aux indemnités de congés payés y afférents ainsi qu'à l'application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Le réformant sur ce point et y ajoutant :
Déboute Monsieur [L] [N] de ses demandes relatives au paiement des heures supplémentaires.
Le condamne à payer à la société la Poste une indemnité de procédure de 400 € (quatre cents euros) sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Déboute les parties du surplus de leurs demandes.
Condamne Monsieur [L] [N] aux dépens de première instance et d'appel.
Signé par Monsieur Jean-François Sabard, Président, et par Monsieur Gwenaël Tridon de Rey, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Gwenaël Tridon de Rey Jean-François Sabard