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03/12/2014 | FRANCE | N°13/00848

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, CinquiÈme chambre civile, 03 décembre 2014, 13/00848


CINQUIÈME CHAMBRE CIVILE
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ARRÊT DU : 03 décembre 2014

(Rédacteur : Madame Henriette FILHOUSE, Président,)
No de rôle : 13/ 848

Société PROTEWIN

c/
Société PROTIFAST

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocatsDécision déférée à la Cour : jugement rendu le 17 janvier 2013 par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX (RG 11/ 04788) suivant déclaration d'appel du 11 février 2013
APPELANTE :
Société PROTEWIN-société de droit belge, est une SPRL (sociét

é de personnes à responsabilité limitée-agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège soc...

CINQUIÈME CHAMBRE CIVILE
--------------------------

ARRÊT DU : 03 décembre 2014

(Rédacteur : Madame Henriette FILHOUSE, Président,)
No de rôle : 13/ 848

Société PROTEWIN

c/
Société PROTIFAST

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocatsDécision déférée à la Cour : jugement rendu le 17 janvier 2013 par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX (RG 11/ 04788) suivant déclaration d'appel du 11 février 2013
APPELANTE :
Société PROTEWIN-société de droit belge, est une SPRL (société de personnes à responsabilité limitée-agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social Avenue Château Jaco-1 à 1410 WATERLOO-BELGIQUE,
représentée par Maître Fabienne LACOSTE, avocat postulant au barreau de BORDEAUX, et assistée de Maître Sandy FORTEMPS substituant Maître Daniel D'ATH, avocat plaidant au barreau de BRUXELLES,
INTIMÉE :
Société PROTIFAST, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social ZA Les Pins Verts 6 allée de Migelane-33650 SAUCATS,
représentée par Maître MILLON de la SELARL TRASSARD et ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX,
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 22 octobre 2014 en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Henriette FILHOUSE, Président, Monsieur Bernard ORS, Conseiller, Madame Béatrice SALLABERRY, Conseiller, qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Sylvie HAYET
ARRÊT :
- contradictoire-prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

La SPRL PROTEWIN anciennement dénommée EURODIET BENELUX, société de droit belge a conclu en Belgique avec la SAS PROTIFAST un contrat de concession de vente avec la S. A. S PROTIFAST anciennement dénommée PROTIDIET qui a concédé l'exclusivité de la vente en Belgique des aliments diététiques qu'elle distribuait pour le compte d'un fabricant canadien.

Par exploit de citation en date du 25 février 2000, la S. P. R. L. PROTEWIN a assigné la SAS PROTIFAST devant le Tribunal de Commerce de Bruxelles en vue d'obtenir l'indemnisation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait du non-respect de ce contrat.

Le 05. 03. 2001, le Tribunal de Commerce de Bruxelles a retenu la responsabilité contractuelle de la SAS PROTIFAST, l'a condamnée à payer à la SPRL PROTEWIN, la somme de 1FB provisionnel et avant dire droit sur le surplus a désigné un expert.
Le 08. 03. 2005, la Cour d'Appel de Bruxelles a confirmé cette décision non sans avoir amendé la mission d'expertise.
En mars et début avril 2005, les parties se sont accordées pour recourir à une expertise amiable.
Sur déclaration de cessation de paiement du 22. 04. 2005, le Tribunal de Commerce de Bordeaux, par jugement du 27. 04. 2005 a constaté la cessation de paiements de la S. A. S PROTIFAST et ouvert une procédure de redressement judiciaire.
Le 31. 05. 2006, la SPRL PROTEWIN a adressé après l'échéance du délai de relevé de forclusion sa déclaration de créance à Me X..., administrateur judiciaire puis l'a régularisée le 16. 10. 2006, après du représentant des créanciers, la S. C. P SILVESTRI-BAUJET, après avoir été informée que sa déclaration auprès de l'administrateur n'était pas recevable.

Le 22. 11. 2006, le Tribunal de Commerce de Bordeaux a arrêté un plan de redressement au bénéfice de la société PROTIFAST dans lequel deux options ont été offertes aux créanciers :- un paiement immédiat de 50 % de la dette-un paiement de 100 % de la dette en 6 pactes annuels égaux.

Le 29. 09. 2008, le Tribunal de Commerce de Bruxelles saisi en fixation de la créance de la SPRL PROTEWIN a condamné la S. A. S PROTIFAST au paiement de la somme de 64. 142, 67 ¿ augmentée des intérêts légaux de retard calculés à titre provisionnel du 14. 02. 2006 au 26. 04. 2005 et a rouvert les débats sur la question de la suspension de plein droit des intérêts. Le 19. 10. 2009, il a condamné la S. A. S PROTIFAST à payer les intérêts à compter du 14. 02. 2000 jusqu'à complet paiement avec capitalisation à la date du 16. 05. 2006 puis à leur tour à compter du 09. 01. 2009.

Le 03. 04. 2009, le président du Tribunal de Grande Instance de Bordeaux a ordonné l'exequatur du jugement du Tribunal de Commerce de Bruxelles du 29 septembre 2008, ordonnance qui sera révoquée par arrêt de la Cour d'Appel de Bordeaux le 03. 01. 2011 au motif que faute de relevé de forclusion, la créance de la concluante à l'égard de la PROTIFAST était éteinte.

Le 14. 04. 2011, la SPRL PROTEWIN a assigné la S. A. S PROTIFAST, le représentant des créanciers et l'administrateur judiciaire, au visa de l'article 1382 du code civil, de l'article 40 du règlement 1346/ 2000 et de l'article L 62145 et R 662-3 du code de commerce afin de voir reconnaître la fraude commise à son encontre et la voir condamner à lui payer des dommages et intérêts en réparation du préjudice qu'elle a subi à hauteur de sa créance de 126. 010, 57 euros.

Le 17. 01. 2013, le Tribunal de Grande Instance de Bordeaux a-rejeté la demande de la SPRL PROTEWIN-condamné la SPRL PROTEWIN à payer à Maître X... et à la S. C. P SILVESTRI-BAUJET la somme de 1. 000 ¿ chacun sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en faveur de la société PROTIFAST,- rejeté toutes les autres demandes des parties,- condamné la SPRL PROTEWIN aux dépens,- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire du présent jugement.

La SPRL PROTEWIN a relevé appel de cette décision à l'encontre de la S. A. S PROTIFAST.
L'instruction de l'affaire a été clôturée le 08. 10. 2014.
En ses dernières écritures déposées et notifiées le 05. 09. 2014, auxquelles il sera référé pour plus ample exposé, la SPRL PROTEWIN à conclu, au visa des articles 455 et 458 du Code de Procédure Civile, de l'article 1382 du code civil, in limine litis-à l'annulation du jugement déféré en ce qu'il présente un défaut de motivation sur le fond-au dire que la SAS PROTIFAST a commis une fraude en omettant intentionnellement de déclarer la créance de la société PROTEWIN,- au dire qu'elle a de ce fait engagé sa responsabilité civile et que les conditions de cette responsabilité sont réunies,- à la condamnation de la SAS PROTIFAST à indemniser la société PROTEWIN de son préjudice et à payer à la concluante la somme de 69. 932, 13 ¿ à titre de dommages et intérêts détaillés comme suit : 64. 142, 67 ¿ à titre de principal et 5. 789, 46 ¿ au titre des frais.- au dire que cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 27 avril 2005, date de commission de la fraude pour la somme de 64. 142, 67 ¿ et à compter de l'arrêt à intervenir pour le solde-à la condamnation de la SAS PROTIFAST à payer à la concluante la somme de 4. 000 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à tous les dépens, si, par extraordinaire, la cour considère que le jugement est régulier en sa forme, à la réformation du jugement déféré en toutes ses dispositions et statuant à nouveau-au dire que la SAS PROTIFAST a commis une fraude en omettant intentionnellement de déclarer la créance de la société PROTEWIN,- au dire qu'elle a de ce fait engagé sa responsabilité civile et que les conditions de cette responsabilité sont réunies,- à la condamnation de la SAS PROTIFAST à indemniser la société PROTEWIN de son préjudice et à payer à la concluante la somme de 69. 932, 13 ¿ à titre de dommages et intérêts détaillés comme suit : 64. 142, 67 ¿ à titre de principal et 5. 789, 46 ¿ au titre des frais.- au dire que cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 27 avril 2005, date de commission de la fraude pour la somme de 64. 142, 67 ¿ et à compter de l'arrêt à intervenir pour le solde-à la condamnation de la SAS PROTIFAST à payer à la concluante la somme de 4. 000 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à tous les dépens.

Sur la demande en annulation, il est reproché-d'une part, un défaut de motivation pour ne s'être fondé que sur la décision du 05. 03. 2001 sans examiner les autres décisions belges produites et sans analyser la décision de 05. 03. 2001,- d'autre part, une contradiction de motifs en énonçant ce qui suit : « En l'espèce, il n'est pas établi que la société PROTIFAST ait intentionnellement omis de déclarer la créance de la société PROTEWIN comme elle en avait l'obligation. En effet aucune liste des créanciers n'a été remise au mandataire de justice de sorte que la société PROTEWIN n'était pas spécifiquement évincée par la société débitrice. De plus, il ressort de la liste des créances communiquées par le mandataire judiciaire qu'une centaine de créances (¿) ».

Sur le fond, il est exposé-que la S. A. S PROTIFAST avait pleinement conscience de l'existence de la créance de la SPRL PROTEWIN et de son obligation de la référencer sur la liste des créanciers conformément à l'article L621-45 du Code de commerce,- qu'une telle liste a été communiquée au mandataire de justice et que seule la créance de la concluante n'y est pas mentionnée,- que la S. A. S PROTIFAST avait conscience de l'existence de la créance de la SPRL PROTEWIN reconnue par la décision de 2001 confirmée le 08. 03. 2005 et de ce qu'elle était certaine, liquide et exigible dès avant la procédure de redressement judiciaire, alors même que le 04. 04. 2005, 15 jours avant de déposer son bilan, elle acceptait le recours à une expertise amiable en lieu et place de l'expertise judiciaire et alors même qu'elle connaissait les prétentions de la SPRL PROTEWIN,- que la S. A. S PROTIFAST avait l'obligation de déclarer à titre provisionnel la créance de la société PROTEWIN, même si celle-ci n'était pas fixée de manière définitive,- que la S. A. S PROTIFAST avait tout intérêt à ne pas déclarer la créance de la SPRL PROTEWIN telle que revendiquée, en ce qu'elle aurait largement obéré sa situation et remis en cause la recevabilité du plan de redressement présenté, alors que ce sont les créances des sociétés étrangères PROANIMO et DISTRIDIET qui sont à l'origine du redressement judiciaire,- que la S. A. S PROTIFAST a frauduleusement dissimulé la procédure de redressement judiciaire à la SPRL PROTEWIN, la lettre du 18. 04. 2006 étant déloyale et trompeuse car tardive au regard du terme du délai de forclusion (27. 04. 2006), n'invitant pas à déclarer la créance et volontairement imprécise en mentionnant un " règlement judiciaire " ainsi qu'aux tribunaux belges, lesquels n'ont été informés qu'après expiration des délais de recours.

Le dommage, selon elle, est constitué, sachant que si elle avait produit, elle aurait pu
choisir entre deux options (un paiement immédiat de 50 % de la créance dans les trois mois du jugement arrêtant le plan ou un paiement de 100 % de la dette en 6 pactes annuels égaux, le premier intervenant à la date anniversaire du jugement arrêtant le plan), elle aurait pu prétendre à l'époque au paiement de la totalité de sa créance soit 64 142, 67 euros, soit à la somme de 69. 932, 13 ¿ augmentée des intérêts sur 64. 142, 67 ¿ à compter du 27 avril 2005 et pour le solde à compter de l'arrêt à intervenir.
En ses dernières écritures déposées et notifiées le 03. 10. 2014, auxquelles il sera référé pour plus ample développement, la S. A. S PROTIFAST a conclu, au principal, à la confirmation de la décision déférée et subsidiairement,- au rejet des demandes d'allocation d'intérêts sur la somme principale portant sur la période antérieure à la première demande de paiement du 14 avril 2011- au rejet des demandes indemnitaires suivantes en ce qu'elles ne correspondent pas à un préjudice lié à la faute alléguée de la SAS PROTIFAST par un lien de causalité : * Intérêts sur principal postérieurs au 27 avril 2005 * Indemnité de procédure sur jugement du 29 septembre 2008 : 3000 ¿ * Dépens du jugement du 19 octobre 2009 : 355, 13 ¿ * Signification du 21 janvier 2009 : 378, 67 ¿ * Attestation du 26 janvier 2009 : 50 ¿ * Signification du 09 juillet 2009 : 344, 37 ¿ * Signification du 15 décembre 2009 : 320, 29 ¿ * Attestation du 17 décembre 2009 : 50 ¿ * Emoluments avoué FOURNIER : 1543, 63 ¿ * Emoluments avoué S. C. P RIVEL COMBEAUD : 1747, 31 ¿ * Condamnation article 700 du 03 janvier 2011 : 1000 ¿ en tout état de cause,- à la condamnation de la société PROTEWIN à verser à la SAS PROTIFAST la somme de 5000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile outre les dépens.

Elle a opposé à la demande en annulation de la décision déférée-que le simple défaut de mention, dans le corps du jugement, d'une pièce versée au débat ne peut être assimilé à un défaut d'analyse, même sommaire, d'un élément de preuve sur lequel le Tribunal aurait fondé sa décision,- qu'il n'y a pas contradiction de motifs alors que le tribunal a constaté que le mandataire judiciaire avait versé au débat, non pas une liste certifiée des créanciers qui aurait finalement été dressée par PROTIFAST, mais une liste, établie par le mandataire.

Elle a fait valoir sur le fond,- qu'elle ne conteste pas ne pas avoir inscrit la société de droit belge PROTEWIN sur la liste des créanciers connus qui doit être établie conformément aux dispositions de l'article L 621-45 du Code de commerce alors en vigueur, mais soutient n'avoir eu aucune conscience de cette omission, qu'il ne pesait sur elle aucune obligation d'informer directement ses créanciers, ce qu'elle a cependant fait le 18. 04. 2006, 10 jours avant la fin du délai pour demander un relevé de forclusion, qu'elle a déclaré deux sociétés étrangères ayant sur elle d'importantes créances, qu'enfin la créance pour être certaine n'était pas encore liquide,- que sur le dommage, si la société PROTEWIN avait été en situation de déclarer sa créance au 27 avril 2005, elle n'aurait pu le faire que pour un montant de 64142, 67 ¿ en principal et une somme à déterminer au titre des intérêts arrêtés au 27 avril 2005,- que les intérêts ne sont dus que du jour de la sommation de payer représentée par l'assignation du 14. 04. 2011,- qu'enfin elle n'est pas comptable de l'échec de l'action judiciaire engagée à mauvais escient par la société PROTEWIN.

SUR QUOI

Sur la demande en annulation de la décision déférée pour absence de motivation et contradiction de motifs
Aux termes des articles 455 et 458 du Code de Procédure Civile, le jugement doit être motivé à peine de nullité.
Le premier grief invoqué réside dans le fait que le tribunal ne motive sa décision qu'en référence à la décision du Tribunal de Commerce de Bruxelles du 05. 03. 2001, sans l'analyser et sans analyser les autres décisions produites. Or cette décision, dont l'essentiel a été repris dans les faits constants du jugement critiqué, se suffit en elle-même dès lors qu'elle a été confirmée sur le fond par l'arrêt de la Cour d'Appel de Bruxelles, laquelle n'avait pas plus que le Tribunal de Commerce statué sur le montant de la créance dont l'appréciation était soumise avant dire droit à une expertise. Indépendamment de la valeur de sa motivation, le tribunal ne s'est pas fondé sur l'absence de décision postérieure au 05. 03. 2001 pour écarter l'intention frauduleuse, ni sur l'absence de certitude de la créance qui ne se discute plus depuis l'arrêt de la Cour d'Appel de Bruxelles mais sur son absence de liquidité. Quant aux deux autres décisions belges, elles permettent essentiellement d'apprécier l'éventuel préjudice de la société demanderesse. La décision concernant le principal de la créance a été reprise en fait constant et donc en fait non discuté et discutable. Le tribunal ayant rejeté la demande, il n'y avait, dès lors, plus lieu à les analyser.

L'appelante fait, en second lieu, grief au tribunal d'avoir statué par contradiction de motif. Or, force est de constater qu'il n'existe aucune contradiction à relever d'une part, même s'il est soutenu que le tribunal a commis ce faisant une erreur d'appréciation, question qui relève du fond du litige, qu'il n'a été remis aucune liste des créanciers au mandataire et d'autre part qu'il ressort de la liste des créances communiquées par le mandataire judiciaire... dès lors que le tribunal, ce faisant ne fait pas référence à une liste unique mais bien d'une part à la liste que la société PROTIFAST aurait dû remettre en vertu de l'article L 621-45 du code de commerce (et qu'elle a, en effet, remise non certifiée en mai 2005 sous forme de disquette informatique) et d'autre part, la liste des créances établie par le mandataire dans le cadre de sa mission. En conséquence, la SPRL PROTEWIN sera déboutée de sa demande en annulation. Sur le fond

Les parties s'accordent sur le fait-que la société PROTEWIN faute d'avoir déclaré sa créance dans les temps et saisi le juge commissaire dans le délai d'un an à compter de la date du jugement ouvrant la procédure collective s'est retrouvée forclose, perdant ainsi son droit de poursuite individuel,- qu'elle peut retrouver ce droit de poursuite individuel en cas de fraude à l'égard des créanciers pour obtenir réparation du dommage causé par cette fraude, sur le fondement de l'article 1382 du code civil-que pour ce faire, elle doit établir l'existence d'une faute en lien direct avec le préjudice invoqué et commise avec l'intention de dissimuler sa créance afin d'évincer son créancier.

La S. A. R. L PROTIFAST veut bien concéder avoir commis une faute en omettant de mentionner la SPRL PROTEWIN dans la liste des créanciers remise sous forme de disquette (pièce 10 de la société PROTEWIN) mais dénie toute intention frauduleuse plaidant n'avoir eu aucune conscience de cette omission.
Les pièces produites par les parties établissent-que deux juridictions belges ont consacré la certitude de la créance de PROTEWIN sur PROTIFAST antérieurement à l'ouverture de la procédure collective, la dernière en mars 2005- que les sociétés PROTEWIN et PROTIFAST se sont entendues entre elles pour ne pas mettre en oeuvre l'expertise judiciaire et recourir à leurs experts respectifs dans le cadre d'une expertise commune amiable, début avril 2005 (pièce 6 de la SPRL PROTEWIN) et donc, dans un temps suffisamment proche de la date du dépôt de bilan et de la décision de placement en redressement judiciaire, pour ne pas être sortie de l'esprit de la S. A. R. L PROTIFAST lors de l'établissement de la liste de ses créanciers en mai 2005, peu importe que cette liste n'ait pas pris la forme d'une liste certifiée.

A la date de l'ouverture de la procédure collective le 27. 04. 2005, alors que le montant final de la créance tel qu'il a été arbitré par le Tribunal de Commerce de Bruxelles en 2008 puis 2009 n'était pas connu, n'était connue que la condamnation provisionnelle à 1 FB et les prétentions de la SPRL PROTEWIN qui s'élevaient à 1. 425. 000 ¿. Il n'est point douteux que la SPRL PROTEWIN n'aurait pas manqué, dans l'attente de la fixation de sa créance après expertise amiable, de déclarer sa créance à cette hauteur dans les deux mois suivant la date du jugement prononçant le redressement judiciaire ou en cas de dépassement du délai dans l'année.

La S. A. R. L PROTIFAST ne peut pas prétendre ne pas avoir eu conscience de l'éventuel impact sur la décision du Tribunal de Commerce, d'une telle déclaration venant se rajouter à la déclaration de créances des deux autres sociétés étrangères, globalement pour près de 3. 500. 000 ¿, l'une d'elle étant à l'origine du dépôt de bilan. En l'espèce, la discussion sur le fait qu'un associé de la S. A. R. L PROTIFAST était aussi associé dans l'une d'entre elles est totalement inopérante. Est tout aussi inopérant,- l'argument selon lequel le passif a finalement fondu en 2006, grâce notamment à l'abandon par les deux plus importants créanciers et par un apport fait par ces mêmes créanciers dès lors que pour apprécier l'existence d'une intention frauduleuse, il convient de se placer à la date à laquelle la SPRL PROTEWIN aurait déclaré sa créance si elle avait eu connaissance du placement en redressement judiciaire ce qui n'aurait pas manqué d'être fait si cette créance avait été déclarée au représentant des créanciers,- l'argument selon lequel la S. A. R. L PROTIFAST n'était tenue à aucune obligation d'informer personnellement ses créanciers, alors même qu'elle a rendu impossible l'information par le représentant des créanciers à la SPRL PROTEWIN.

Il résulte de ce qui précède que la S. A. R. L PROTIFAST a volontairement et dans l'intention d'évincer la SPRL PROTEWIN omis de déclarer au représentant des créanciers la créance de la SPRL PROTEWIN, qu'en cela, elle a engagé sa responsabilité et qu'elle doit réparer l'entier dommage.
La S. A. R. L PROTIFAST ne saurait se réfugier derrière sa lettre du 18 avril 2006, opportunément adressée quelques jours avant la fin du délai pour réclamer son relevé de forclusion et totalement trompeuse, sa rédaction suggérant que la procédure collective est récente. Il est en effet fait mention d'un courrier du 27 mars 2006 auquel le conseil n'a pu répondre du fait d'une indisposition et de ce que " dans l'intervalle " le conseil de la société PROTEWIN est informé de ce que PROTIDIET (PROTIFAST) est en règlement judiciaire. Pour corroborer le caractère récent de cet événement, il est précisé que l'on va s'enquérir de l'identité du syndic, alors que les organes de la procédure ont été désignés par jugement du 27. 04. 2005 ! La lettre du 11 mai 2006 ne peut valoir preuve de la connaissance par la SPRL PROTEWIN du placement en redressement judiciaire depuis plus d'un an, alors même que cette lettre est rédigée dans le cadre de la procédure qui a été reprise devant le Tribunal de Commerce de Bruxelles, instance à laquelle Maître X... est intervenu. Il est par ailleurs établi que dès réception de la lettre datée du 18 avril 2006, le conseil de la SPRL PROTEWIN s'est immédiatement mis en quête d'informations.

Sur le préjudice :

Les décisions de justice rendues en 2008 et 2009 à la suite de l'expertise amiable organisée entre les parties permettent de fixer le préjudice direct et certain à la somme de (64. 142, 67 ¿ à titre de principal et 5. 789, 46 ¿ au titre des intérêts jusqu'à la date d'ouverture de la procédure collective, le 27. 04. 2005) 69. 932, 13 ¿.
La procédure collective arrêtant le cours des intérêts, la SPRL PROTEWIN est donc irrecevable dans sa demande en paiement des intérêts à compter du 27. 04. 2005.
En vertu des dispositions de l'article 1153 du code civil lequel stipule que les intérêts ne sont dus qu'à partir du jour de la sommation de payer, la somme de 69. 932, 13 ¿ ne pourra porter intérêts qu'à compter du 14. 04. 2011, la date de l'assignation, valant mise en demeure de payer.
Les frais de justice en lien soit avec la décision du Tribunal de Commerce de Bruxelles du 19. 10. 2009, soit avec la procédure d'exequatur n'ont pas de lien direct avec le fait d'avoir omis de déclarer un créancier et avoir ainsi caché la procédure collective qui était connue lors de la poursuite des actions ou leur introduction
Sur les demandes annexes :
L'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile à hauteur de 4. 000 ¿.
Les dépens seront mis à la charge de la S. A. R. L PROTIFAST qui succombe en ses demandes.

PAR CES MOTIFS La cour

Déboute la SPRL PROTEWIN de sa demande en annulation de la décision déférée.
Infirme la décision déférée.
Statuant à nouveau
Dit que la S. A. R. L PROTIFAST a engagé sa responsabilité pleine et entière en omettant frauduleusement de faire figurer sur la liste des créanciers remise au représentant des créanciers la SPRL PROTEWIN
Condamne la S. A. R. L PROTIFAST à réparer l'entier dommage.
Fixe le préjudice subi par la SPRL PROTEWIN à la somme de 69. 932, 13 ¿.
Condamne la S. A. R. L PROTIFAST à payer à la SPRL PROTEWIN la somme de 69. 932, 13 ¿.
Dit que cette somme produira intérêts au taux légal à compter du 11. 04. 2011, date de l'assignation valant mise en demeure.
Déboute la SPRL PROTEWIN du surplus de ses demandes
Déboute la S. A. R. L PROTIFAST de ses demandes.
Condamne la S. A. R. L PROTIFAST à payer à la SPRL PROTEWIN la somme de 4. 000 ¿ sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Condamne la S. A. R. L PROTIFAST à payer à la SPRL PROTEWIN aux entiers dépens en ce compris les dépens de première instance.

Le présent arrêt a été signé par Henriette Filhouse, Présidente, et par Sylvie Hayet, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier Le Président

S. Hayet H. Filhouse


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : CinquiÈme chambre civile
Numéro d'arrêt : 13/00848
Date de la décision : 03/12/2014
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.bordeaux;arret;2014-12-03;13.00848 ?
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