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20/11/2014 | FRANCE | N°13/03716

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section b, 20 novembre 2014, 13/03716


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION B



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ARRÊT DU : 20 NOVEMBRE 2014

gtr

(Rédacteur : Madame Catherine MAILHES , Conseiller)



PRUD'HOMMES



N° de rôle : 13/03716

















SNC LIDL



c/



Madame [E] [F]





















Nature de la décision : AU FOND







Notifi

é par LRAR le :



LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :



La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d'huissier).



Certifié par le Greffier en Chef,



Grosse délivrée le :



à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 27 mai 201...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION B

--------------------------

ARRÊT DU : 20 NOVEMBRE 2014

gtr

(Rédacteur : Madame Catherine MAILHES , Conseiller)

PRUD'HOMMES

N° de rôle : 13/03716

SNC LIDL

c/

Madame [E] [F]

Nature de la décision : AU FOND

Notifié par LRAR le :

LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :

La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d'huissier).

Certifié par le Greffier en Chef,

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 27 mai 2013 (R.G. n° F 10/03510) par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de BORDEAUX, Section Commerce, suivant déclaration d'appel du 17 juin 2013,

APPELANTE :

SNC LIDL agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social

[Adresse 2]

N° SIRET : 343 262 622

représentée par Me Jean-Baptiste ROBERT-DESPOUY de la SELARL ORACLE AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX,

INTIMÉE :

Madame [E] [F]

de nationalité Française

Sans profession, demeurant [Adresse 1]

représentée par M. [Y] [D], délégué syndical de l'UNSA, muni d'un pouvoir régulier

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 15 octobre 2014 en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Elisabeth LARSABAL, Présidente

Madame Catherine MAILHES, Conseillère

Madame Véronique LEBRETON, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Gwenaël TRIDON DE REY,

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

EXPOSE DU LITIGE

Madame [E] [F] a été engagée par la société SNC Lidl suivant contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel du 20 juin 1996 en qualité de caissière employée libre-service (ELS), niveau 2, au magasin de [Localité 2], selon la convention collective nationale de commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire.

À la suite d'un accident du travail en date du 16 janvier 2008, Madame [F] a été en arrêt de travail.

Lors de la visite de reprise en date du 2 janvier 2009, le médecin du travail a déclaré Madame [F] inapte à son poste avec contre-indications médicales.

Lors de la seconde visite de reprise le 19 janvier 2009, le médecin du travail a déclarée la salariée inapte en ces termes : 'inaptitude médicale au poste de travail occupé par contre indication médicale à la position debout prolongée, aux manutentions répétitives, aux mouvements de torsion et flexion du thorax, au port de charges supérieures à 10 kgs'.

À l'occasion d'un entretien de reclassement en date du 4 mars 2009, 6 postes lui ont été proposés dont trois au siège de la société à [Localité 4].

Par courrier du 5 mars 2009, la SNC Lidl a proposé à Mme [F] des reclassements à [Localité 4] et [Localité 1], sur différents postes de travail, postes qu'elle a refusés.

Par courrier du 9 mars 2009, Mme [F] a notifié à son employeur qu'elle refusait tous les postes proposés car elle n'était pas mobile géographiquement.

Par courrier du 13 mars 2009, Mme [F] a été convoquée à un entretien préalable au licenciement fixé au 1er avril 2009.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 6 avril 2009, Mme [F] a été licenciée pour inaptitude avec impossibilité de reclassement.

Contestant cette décision, Mme [F] a saisi le conseil de Prud'hommes de Bordeaux (section commerce) le 30 décembre 2010 aux fins d'obtenir une indemnité pour non respect de l'article L 5213-5 du code du travail, une indemnité pour non-respect des articles L 3121-2 et L 3121-33 du code du travail (ainsi que les congés payés afférents) et une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par jugement du 27 mai 2013, le conseil de Prud'hommes de Bordeaux, sous la présidence du juge départiteur, a condamné la société SNC Lidl à payer à Mme [F] les sommes de 24.000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 2.000 € pour non-respect des dispositions de l'article L 5213-5 du code du travail, 2.300 € à titre de dommages et intérêts pour non-respect des dispositions des articles L 3121-2 et L3121-33 du code du travail relatives au temps de pause, ces sommes étant majorées des intérêts légaux à compter de la décision sans application des dispositions de l'article 1154 du code civil.

Le conseil de Prud'hommes a débouté les parties du surplus de leurs demandes et a condamné la société SNC Lidl aux dépens et à payer à Madame [F] la somme de 1.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le juge départiteur a considéré que la SNC Lidl devait étendre ses recherches à l'intérieur du groupe auquel elle appartient sans pouvoir les limiter au siège de [Localité 4] et aux directions régionales, qu'elle n'a accompli aucune démarche au niveau local afin de proposer un éventuel poste de reclassement dans un magasin sur la base des préconisations écrites sollicitées auprès du médecin du travail en matière d'adaptation de poste sur les lieux de vente et qu'elle avait ainsi refusé de procéder à une recherche de reclassement sérieuse et loyale en limitant délibérément ses recherches aux services administratifs de manière à rester conforme à son modèle d'organisation commerciale reposant sur une faible variété des postes existants en magasin et une forte polyvalence impliquant des manutentions de charges et que cette organisation ne saurait légitimer la non- application de la loi.

Il a considéré que Madame [F] qui a été reconnue travailleur handicapée pendant le temps d'exécution de son contrat de travail devait bénéficier du dispositif relatif au ré-entraînement au travail et que l'employeur n'a pas sollicité d'avis médical en temps utile pour la mise en oeuvre de ce dispositif.

Sur le temps de pause, il a considéré que les accords d'entreprise de la SNC Lidl n'étaient pas conformes à l'article L 3121-33 du code du travail, que l'employeur a qui il incombe de rapporter la preuve qu'il respecte les seuils et plafonds doit démontrer qu'il respecte les temps de pause prévus à l'article L 3121-33 du code du travail et qu'en l'occurrence, il ne justifie pas des plannings de Madame [F] alors même qu'il ressort d'une note interne du 28 juin 2010 que les salariés travaillaient au-delà de six heures dans la période précédente.

Il a aussi estimé que l'employeur, en appliquant l'accord d'entreprise, ne respectait pas le temps de pause de 3 minutes par heure issu des dispositions de la convention collective nationale.

La société SNC Lidl a régulièrement interjeté appel de ce jugement le 17 juin 2013. Madame [F] forme un appel incident pour une demande nouvelle relative au droit individuel à la formation.

Par conclusions récapitulatives et responsives déposées au greffe le 11 septembre 2014 et développées oralement à l'audience, la SNC Lidl sollicite de la Cour qu'elle :

- réforme dans sa totalité le jugement du conseil de Prud'hommes de Bordeaux en date du 27 mai 2013,

- juge que la SNC Lidl a pleinement rempli son obligation de recherche de reclassement,

- juge que le licenciement de Mme [F] pour inaptitude physique à son poste de travail, refus des 6 postes de reclassement proposés et impossibilité de proposer un autre poste de reclassement repose bien sur une cause réelle et sérieuse,

- juge que l'article L.3121-33 du code du travail n'est pas applicable à la SNC Lidl dans la mesure où Mme [F] ne travaillait pas 6 heures en continu et a toujours bénéficié de 7 minutes de pause par demi-journée,

- juge que la demande de Mme [F] au titre de son droit individuel à la formation n'est pas fondée,

- déboute Mme [F] de l'intégralité de ses demandes,

- fasse droit à la demande reconventionnelle formulé par la SNC Lidl et condamne Mme [F] au paiement d'une somme de 1.500 € à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

La SNC Lidl fait valoir les moyens suivants :

* La manutention existe à tous les niveaux chez les préparateurs de commande et ces postes ne sont pas en adéquation avec les exigences requises par le médecin du travail ; dès lors, il ne reste que des postes administratifs à proposer à Mme [F], ceux-ci étant plus rares au sein de la structure ; or, la société lui a proposé des postes avec la possibilité de suivre une formation, postes qu'elle a refusés pour des motifs géographiques et également car elle tentait de se réorienter dans un autre domaine ; en ce qui concerne le périmètre de reclassement, l'entreprise n'a pas la structure sociale d'un groupe et en outre Madame [F] avait expressément indiqué qu'elle ne souhaitait pas de poste en dehors de la région Aquitaine ;

* jamais les salariés ne sont contraints de travailler 6 heures ininterrompues dès lors qu'ils bénéficient d'une pause de 7 minutes attribuée pour chaque demi-journée de travail de sorte que les dispositions légales ne sont pas applicables ; Madame [F] ne rapporte pas la preuve de ce qu'elle n'a pas bénéficié des 7 minutes de pauses par demie-journée ; elle était rémunérée pour les 30 minutes de pauses prises chaque semaine ; de plus, elle incorpore tous ses jours d'absence dans le calcul de ses temps de pause, ce qui démontre le caractère infondé de sa demande ;

* aucun avis médical n'a préconisé une obligation d'assurer le ré-entraînement au travail de Madame [F] et/ou une rééducation professionnelle ; il n'est pas établi que l'employeur avait connaissance de la déclaration de travailleur handicapé et la salarié ne démontre aucun préjudice spécifique de telle sorte que la demande sur le fondement de l'article L.5213-5 du code du travail ne saurait prospérer ;

* sur la demande nouvelle de dommages et intérêts pour non respect du droit individuel à la formation, Mme [F] a toujours la possibilité d'exercer son crédit d'heures dans le cadre du transfert de ses droits et qu'elle chiffre sa demande de manière erronée.

Par conclusions déposées au greffe le 8 septembre 2014 et développées oralement à l'audience, Mme [F] forme un appel incident et sollicite de la Cour qu'elle :

- confirme le jugement du conseil de Prud'hommes en son intégralité,

- condamne la SNC Lidl au versement d'une somme de 1.320 € en raison du non-paiement de son droit individuel à la formation, (demande nouvelle)

- condamne la SNC Lidl à lui verser la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamne la SNC Lidl aux entiers dépens.

Madame [F] fait valoir que :

* l'employeur n'a pas fait de recherches de reclassement à l'intérieur du groupe auquel il appartient alors qu'il est de jurisprudence établie que constituent un groupe de reclassement les entreprises dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel et que l'absence de rapport de filiation ou de pouvoir d'ingérence ne sont pas de nature à exclure la permutabilité des salariés entre les différentes société concernées ; en l'occurrence la SNC Lidl a lors du déménagement d'une partie de son siège sur [Localité 3] proposé à ses salariés des postes à l'étranger établissant ainsi l'existence d'une permutabilité ;

* l'employeur a informé les délégués du personnel mais ne les a pas consultés ;

* l'employeur n'a fait aucune recherche de reclassement au sein des magasins, lui a proposé des postes qui ne correspondaient pas à sa qualification, ce qui a entraîné ses refus ;

* les journées où elle travaillait plus de 6 heures étaient nombreuses et elle n'a jamais pu bénéficier de son temps de pause de 20 minutes conformément aux dispositions légales;

* l'accord collectif d'entreprise qui prévoit que les salariés à temps partiel en magasin bénéficient d'une pause payée prise fixée à 7 minutes par demi-journée de travail est moins favorable que la convention collective nationale qui prévoit que le temps de pause doit être pris à hauteur de 5% du temps de travail ce qui représente 3 minutes par heure travaillée et que les salariés à temps partiel bénéficient des droits et avantages accordés aux salariés à temps complet; en l'occurrence, il lui manque 124 minutes de temps de pause par mois ; c'est à l'employeur de prouver qu'il respecte les seuils et plafonds prévus par le droit de l'Union Européenne et en l'espèce l'employeur se dispense de justifier des plannings et des contrôles du temps, arguant en outre de ce que les temps de pause ne font pas l'objet d'un contrôle ou d'un enregistrement au sein de l'entreprise et de ce que le déficit de temps de pause a eu une incidence sur son état de santé ;

* l'employeur ne l'a pas informée dans la lettre de licenciement de son droit individuel à la formation.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens, et des prétentions et de l'argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures déposées, oralement reprises.

DISCUSSION

Sur le licenciement

Selon les dispositions de l'article L 1226-10 du code du travail, lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités. Cette proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise...L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de poste ou aménagement du temps de travail.

Sur la consultation des délégués du personnel

Si le procès-verbal de réunion des délégués du personnel du 27 février 2009 mentionne une 'information' des délégués du personnel relative au cas de Madame [F], indiquant les motifs de l'avis médical d'inaptitude et la recherche de reclassement sur des postes de type administratif auprès des directions régionales, il a été précisé que les délégués n'apportaient pas de commentaires sur la procédure de sorte qu'il est établi malgré l'emploi impropre du mot 'informe', qu'ils ont été consultés. Aucune disposition légalement n'empêche par ailleurs cette consultation dans le cadre de la réunion mensuelle des délégués du personnel. Ainsi aucun manquement de l'employeur à son obligation de consulter les délégués du personnel ne saurait alors lui être reproché.

Sur l'obligation de reclassement

Madame [F] a été engagée comme caissière Employée Libre Service (ELS). Elle a été promue chef caissière en 1997 et a demandé en 1999 à retrouver un poste de caissière ELS, poste qu'elle occupait au moment de son licenciement.

Lors de la seconde visite de reprise le 19 janvier 2009, Madame [F] a été déclarée inapte par le médecin du travail au poste de travail occupé 'par contre indication médicale à la position debout prolongée, aux manutentions répétitives, aux mouvements de torsion et flexion du thorax, au port de charges supérieures à 10 kgs'.

Il ressort des pièces versées aux débats que l'employeur a procédé à une recherche de postes au sein de l'ensemble des directions régionales et au siège de l'entreprise à [Localité 4] en l'orientant sur des postes de type administratif. Ainsi lors de l'entretien de reclassement le 4 mars 2009, trois postes au siège à [Localité 4] (assistant paie, assistant logistique et assistant service contrôle de gestion) et trois autres postes à la Direction régionale de [Localité 1] (secrétaire technique- préparateur de commande-employé administratif) ont été proposés à la salariée.

Au sein de la SNC Lidl, l'organisation du travail est fondée sur une structure bâtie sur trois échelons hiérarchiques au niveau d'un magasin ainsi que sur la polyvalence des personnels amenant ceux-ci, tant le chef de magasin que les chefs caissières ou les caissières employées libre-service, à effectuer des tâches de port de charges et de magasinage.

Le mode d'organisation du travail dépend du seul pouvoir de gestion, direction et contrôle du chef d'entreprise, le juge ne pouvant que vérifier si l'employeur a mis en oeuvre de manière loyale et sérieuse son obligation de reclassement et notamment par une mesure d'aménagement de poste.

Or en l'espèce, les restrictions médicales mentionnées dans l'avis d'inaptitude s'avéraient en réalité si importantes que les mesures d'aménagement de poste au regard de la polyvalence des postes et de la répartition sur l'ensemble des postes des tâches de port de charges et de magasinages étaient impossibles et empêchaient Madame [F] d'occuper tout poste en magasin. En conséquence il ne saurait être fait grief à la SNC Lidl d'avoir orienté ses recherches sur des postes administratifs en excluant les postes en magasin.

Lors de l'entretien de reclassement du 4 mars 2009 et dans le courrier de la SNC Lidl du 5 mars 2009, les six postes sus-visés proposés à Madame [F] l'ont été dans des termes précis mentionnant les tâches, les exigences de formation, les qualités recherchées, la nature du contrat, le temps de travail et le salaire brut mensuel ; peu importe la rapidité du temps de réponse des différentes directions régionales.

Par courrier du 9 mars 2009, Madame [F] a fait valoir à la SNC Lidl qu'elle refusait ces postes au motif qu'elle n'avait pas le niveau de compétence requis et qu'elle n'était pas mobile géographiquement pour des raisons familiales.

L'information expresse ainsi donnée par la salariée à l'employeur en cours de recherche de reclassement sur son absence de mobilité géographique, a délié celui-ci de son obligation de rechercher un poste à l'intérieur du groupe, étant précisé que la SNC Lidl fait partie d'un groupe de reclassement, peu important l'absence de rapport de filiation sociale dès lors qu'il est établi par les pièces versées aux débats et notamment par l'information et la consultation du comité d'entreprise sur le projet de licenciement collectif pour motif économique et de plan de sauvegarde de l'emploi du 03/06 ( pièce 10 B) que l'entreprise Lidl France et les sociétés implantées à l'étranger ont des activités et une organisation permettant d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel, moyennant de la part du salarié une mise à niveau linguistique.

En conséquence, la SNC Lidl a rempli de manière loyale et sérieuse son obligation de reclassement de sorte que Madame [F] sera déboutée de sa demande tendant à dire son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ainsi que de ses demandes subséquentes. Il sera dit que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a condamné la SNC Lidl à verser à Madame [F] une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur les demandes au titre du temps pause

1/ Sur la demande de dommages et intérêts pour absence de respect des dispositions de l'article L 3121-33 du code du travail

Selon les dispositions de l'article L 3121-33 du code du travail, dès que le temps de travail quotidien atteint six heures, le salarié bénéficie d'un temps de pause d'une durée minimale de 20 minutes. Des dispositions conventionnelles plus favorables peuvent fixer un temps de pause supérieur.

Ce texte constitue la transcription en droit interne de la directive européenne 93/104 du 23 novembre 1993 relative à l'aménagement du temps de travail à laquelle s'est substituée sur ce point la directive 2003/88 du 4 novembre 2003 laquelle dans son article 4 fait obligation aux Etats membres d'adopter les mesures nécessaires pour que tout travailleur bénéficie, au cas où le temps de travail journalier est supérieur à six heures d'un temps de pause dont les modalités, et notamment la durée et les conditions d'octroi, sont fixées par des conventions collectives ou accord conclus entre partenaires sociaux ou à défaut par la législation nationale.

S'agissant de la mise en oeuvre de la réglementation européenne en matière de seuils et plafonds en matière de temps de pause poursuivant une finalité protectrice destinée à assurer à tout salarié la protection de sa sécurité et de sa santé au travail et renvoyant à l'obligation de sécurité de résultat de l'employeur, il appartient à ce dernier de justifier avoir satisfait à son obligation. Le manquement de l'employeur à cette obligation donne lieu à dommages et intérêts et les sommes accordées alors ne présentent aucun caractère salarial.

Le paiement d'une pause n'est pas assimilable à la prise effective de la pause.

En l'espèce, s'il existe un accord d'entreprise octroyant à chaque salarié une pause de 7 minutes par chaque demi-journée de travail, il n'en demeure pas moins que l'employeur ne produit aucun élément factuel de contrôle horaire permettant de déterminer que Madame [F] prenait effectivement une pause avant le seuil légal de déclenchement du droit à pause légal de 6 heures de travail, alors même qu'il ressort d'une note interne à la SNC Lidl du 28 juin 2010, postérieure à la rupture du contrat de travail de Madame [F], que de nouvelles règles d'organisation du travail en magasin étaient instaurées et qu'à compter des plannings de septembre 2010, les chef-caissières et les caissières employées-libre service ne feraient plus de journées continues de 6 heures ou plus et qu'il fallait les planifier au maximum à 5,75 heures en continu par demi-journée, induisant nécessairement que Madame [F] pouvait être amenée à faire des journées de 6 heures au moins, en sorte que ne justifiant aucunement de la prise effective d'une pause de 7 minutes avant le déclenchement du seuil de l'article L 3121-33 du code du travail, l'employeur ne peut prétendre que les seuils prévus par les dispositions de l'article L 3121-33 du code du travail n'étaient pas atteints et que ces dispositions ne lui sont pas applicables.

À défaut pour la SNC Lidl de justifier qu'elle a satisfait à son obligation résultant des dispositions de l'article L 3121-33 du code du travail, la demande de dommages et intérêts de Madame [F] ne peut qu'être accueillie et les premiers juges ont exactement apprécié l'étendue du préjudice en résultant à hauteur de 1.500 euros de dommages et intérêts .

2/ Sur la demande d'indemnité pour non-respect du temps de pause résultant de la convention collective nationale

La convention collective nationale prévoit que tout travail consécutif de quatre heures doit être coupé par une pause prise avant la réalisation de la 5ème heure, cette pause payée est attribuée à raison de 5% du temps du temps de travail effectif. Ainsi le temps de pause doit être pris à hauteur de 5% du temps de travail, ce qui représente trois minutes de pause par heure travaillée. Il est également prévu que les salariés à temps partiel bénéficient des droits et avantages accordés aux salariés à temps complet.

L'accord d'entreprise du 3 août 1999 en vigueur au sein de la SNC Lidl avant la rupture du contrat de travail de Madame [F] prévoit pour les salariés à temps partiel en magasin une pause payée prise fixée à 6 minutes par demi-journée de travail à prendre à l'intérieur de l'amplitude de travail, étant précisé que toute amplitude de travail supérieure à 6 heures est considérée comme comptant pour deux demi-journées et donne droit à 12 minutes de pause payée à prendre.

Le principe de faveur s'applique également entre les accords nationaux et les accords d'entreprise.

Cet accord d'entreprise qui prévoit un temps de pause prise et payée de 6 minutes par demi-journée de 6 heures de travail est moins favorable que la convention collective nationale dès lors que le temps de travail journalier continu est de plus de deux heures.

Madame [F] avait un contrat de 121H35 mensuelles de sorte qu'elle travaillait plus que deux heures par jour et qu'elle justifie ainsi que l'accord d'entreprise appliqué lui était moins favorable que la convention collective nationale.

Comme l'a exactement indiqué le conseil de prud'hommes pris en sa composition de départage, l'application de l'accord d'entreprise a généré pour Madame [F] un déficit de temps de pause constitutif d'un préjudice résultant du manque à gagner, lequel a été exactement apprécié à la somme de 800 € compte tenu de la détention par la SNC Lidl de l'ensemble des éléments concernant l'organisation du temps de travail.

Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a condamné la SNC Lidl à verser la somme de 2.300 € de dommages et intérêts au titre du non-respect des dispositions légales et conventionnelles relatives au droit de pause.

Sur la demande au titre de l'obligation de ré-entraînement au travail et à la rééducation

L'article L 5213-5 du code du travail dispose que tout établissement ou groupe d'établissements appartenant à une même activité professionnelle de plus de cinq mille salariés assure, après avis médical, le ré-entraînement au travail et la ré-éducation professionnelle de ses salariés malades et blessés.

Madame [F] a été reconnue en qualité de travailleur handicapé selon décision du 8 décembre 2006 pour la période du 1er novembre 2006 au 1er novembre 2011.

Contrairement à ce que prétend l'employeur, il ressort des pièces versées aux débats qu'il été informé du statut de travailleur handicapé de Madame [F] avant l'accident du travail du 16 janvier 2008, de sorte qu'il lui incombait de mettre en oeuvre ce dispositif de ré-entraînement au travail et de ré-éducation professionnelle, en sollicitant en premier lieu un avis médical. A défaut d'avoir sollicité un avis médical avant l'accident du travail du 16 janvier 2008 à la suite duquel Madame [F] n'a jamais repris le travail, l'employeur a manqué à son obligation de ré-entraînement et de ré-adaptation au travail. Ce manquement cause nécessairement un préjudice au salarié bénéficiant du statut de travailleur handicapé qui a subi un accident du travail avant la mise en oeuvre du dispositif.

Les premiers juges ont donc à bon droit considéré qu'il incombait à l'employeur de solliciter en temps utile, pour sa mise en oeuvre, un avis médical, ce qu'il n'a pas fait, sans qu'il puisse pour s'exonérer se contenter d'invoquer l'absence d'un tel certificat, et en ont tiré toutes conséquences de droit en condamnant la SNC Lidl à verser à Madame [F] la somme de 2.000 euros en réparation du préjudice résultant de ce manquement.

Le jugement entrepris sera confirmé en ces dispositions.

Sur la demande de dommages et intérêts au titre du droit individuel à la formation

La lettre de licenciement ne porte pas mention de l'information de la salariée relative à son droit individuel à la formation en violation des dispositions de l'article L 6323-19 du code du travail. Ce défaut d'information cause nécessairement un préjudice à Madame [F] qui sera réparé par la somme de 200 euros de dommages et intérêts.

Ce chef de condamnation sera ajouté au jugement.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

La SNC Lidl succombant même partiellement sera condamnée aux entiers dépens de l'appel. L'équité commande de faire bénéficier Madame [F] des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et de condamner en conséquence la SNC Lidl à lui verser une indemnité de 1.500 euros à ce titre. La SNC Lidl sera déboutée de sa demande d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La Cour,

Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la SNC Lidl à payer à Madame [F] la somme de 24.000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Statuant à nouveau dans cette limite,

Dit que le licenciement de Madame [F] est fondé sur une cause réelle et sérieuse ;

Déboute Madame [F] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Confirme le jugement entrepris sur le surplus ;

Y ajoutant,

Condamne la SNC Lidl à verser à Madame [F] la somme de 200 euros de dommages et intérêts au titre du manquement de l'employeur à son obligation d'information relative à son droit individuel à la formation ;

Condamne la SNC Lidl à verser à Madame [F] une indemnité de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les parties de toutes autres demandes ;

Condamne la SNC Lidl aux entiers dépens de l'appel.

Signé par Madame Elisabeth LARSABAL, Présidente, et par Gwenaël TRIDON DE REY, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

G. TRIDON DE REY Elisabeth LARSABAL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section b
Numéro d'arrêt : 13/03716
Date de la décision : 20/11/2014

Références :

Cour d'appel de Bordeaux 4B, arrêt n°13/03716 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-11-20;13.03716 ?
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