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19/11/2014 | FRANCE | N°12/03276

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 19 novembre 2014, 12/03276


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



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ARRÊT DU : 19 NOVEMBRE 2014



(Rédacteur : Madame Isabelle Lauqué, Conseiller)



PRUD'HOMMES



N° de rôle : 12/03276











SAS Ufifrance Patrimoine



c/



Monsieur [F] [Y]















Nature de la décision : AU FOND











Notifié par LRAR le :

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LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :



La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par

voie de signification (acte d'huissier).



Certifié par le Greffier en Chef,





Grosse délivrée le :



à :



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 21...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 19 NOVEMBRE 2014

(Rédacteur : Madame Isabelle Lauqué, Conseiller)

PRUD'HOMMES

N° de rôle : 12/03276

SAS Ufifrance Patrimoine

c/

Monsieur [F] [Y]

Nature de la décision : AU FOND

Notifié par LRAR le :

LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :

La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par

voie de signification (acte d'huissier).

Certifié par le Greffier en Chef,

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 21 mai 2012 (RG n° F 12/00043) par le Conseil de Prud'hommes - formation paritaire - de Périgueux, section Commerce, suivant déclaration d'appel du 04 juin 2012,

APPELANTE :

SAS Ufifrance Patrimoine, siret n° 776 042 210 00646, agissant en la

personne de son président domicilié en cette qualité au siège social, [Adresse 2],

Représentée par Maître Alain Froger, avocat au barreau de Paris,

INTIMÉ :

Monsieur [F] [Y], né le [Date naissance 1] 1959 à [Localité 1],

de nationalité française, demeurant [Adresse 1],

Représenté par Maître Bruno Scardina, avocat au barreau d'Angers,

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 22 septembre 2014 en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Maud Vignau, Président,

Madame Marie-Luce Grandemange, Conseiller,

Madame Isabelle Lauqué, Conseiller,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Anne-Marie Lacour-Rivière.

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

Monsieur [Y] a été embauché par la SAS Ufifrance Patrimoine en qualité de démarcheur dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée en date du 14 avril 1995.

Un nouveau contrat de travail a été signé le 3 mars 2003 afin d'intégrer les dispositions de l'accord d'entreprise du 28 février 2003.

Par courrier du 10 août 2010, M. [Y] a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de son employeur en contestant la validité de la clause d'intégration de ses frais professionnels qui le pénalisait financièrement.

Le 13 février 2012, M. [Y] a saisi le Conseil de Prud'hommes de Limoges de diverses demandes qui, par jugement du 5 décembre 2011 s'est déclaré incompétent.

Le 13 février 2012, il a saisi le Conseil de Prud'hommes de Périgueux et a tout d'abord formé une demande de rappel de salaire revendiquant l'application de la convention collective du courtage d'assurance et le salaire conventionnel de la classe E de cette convention.

Il a, d'autre part, demandé l'annulation de la clause d'intégration de ses frais professionnels dans les commissions dans son contrat de travail du 14 avril 1995, puis l'annulation de la clause 2.3 d'intégration des frais à hauteur de 10 % dans son contrat du 3 mars 2003 et a formé une demande en remboursement de ses frais professionnels engagés depuis 1998 et une demande de dommages et intérêts pour préjudice matériel et moral.

M. [Y] a également demandé au Conseil de juger que sa prise d'acte de rupture était imputable à son employeur et a formé diverses demandes indemnitaires au titre de cette rupture.

Enfin, il a sollicité l'annulation de la clause de non concurrence et le paiement d'une indemnité fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 21 mai 2012, le Conseil de Prud'hommes de Périgueux a jugé :

- que la convention collective du courtage d'assurance devait s'appliquer à la relation de travail,

- que M. [Y] relevait de la classe E de cette convention collective,

- que les clauses 2.2 , 2.3 et 2.4 du contrat de travail de M. [Y] étaient nulles,

- que la clause 4.4 du contrat de travail était nulle,

- que sa prise d'acte de rupture était imputable à la SAS Ufifrance Patrimoine et devait produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le Conseil a condamné la SAS Ufifrance Patrimoine à payer à M. [Y] les sommes suivantes :

- 8.600,94 € à titre de rappel de salaire afférents à la classe E,

- 2.138,78 € à titre de rappel de salaire,

- 87.023,00 € au titre du remboursement des frais professionnels,

- 20.000,00 € de dommages et intérêts pour préjudice matériel et moral en vertu de

l'article L.1235-3 du code du travail,

- 3.416,30 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 6.037,55 € au titre de l'indemnité de licenciement,

- 1.500,00 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile .

Les parties ont été déboutées de leurs autres demandes.

La SAS Ufifrance Patrimoine a interjeté appel de ce jugement.

Par conclusions régulièrement déposées et développées oralement à l'audience du 22 septembre 2014 auxquelles la Cour se réfère expressément, elle conclut à la réformation du jugement attaqué et demande à la Cour de juger que la convention collective du courtage d'assurance n'est pas applicable au contrat de travail, que le système de défraiement est valable et opposable à M. [Y] et que sa prise d'acte de rupture doit produire les effets d'une démission.

Elle demande, en conséquence, à la Cour de débouter M. [Y] de ses demandes mais forme des subsidiaires concernant les remboursement de frais et les dommages et intérêts pour licenciement abusif tendant à réduire le montant d'une éventuelle condamnation.

Enfin, à titre reconventionnel, la SAS Ufifrance Patrimoine demande à la Cour de condamner M. [Y] à lui payer la somme de 3.416,30 € à titre de dommages et intérêts pour brusque rupture outre 3.985 € pour exécution fautive du contrat de travail et 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions régulièrement déposées et développées oralement à l'audience du 22 septembre 2014 auxquelles la Cour se réfère expressément, M. [Y] conclut à la confirmation du jugement attaqué sauf en ce qu'il a rejeté sa demande de rappel de salaire d'un montant de 2.138,73 € correspondant à la différence entre le salaire perçu et le S.M.I.C. compte tenu de la retenue pour frais professionnels.

Il réclame également le paiement d'une somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts pour maintien abusif de la clause de non concurrence nulle et de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

DISCUSSION :

- Sur l'application de la convention collective nationale des entreprises de courtage d'assurance et la demande de rappel de salaire fondée sur la revendication de la classe E de ladite convention :

En application de l'article L.2261-2 du code du travail, la convention collective applicable est celle dont relève l'activité principale exercée par l'employeur et en cas de pluralité d'activités rendant incertaine l'application de ce critère pour le rattachement d'une entreprise à un champ conventionnel, les conventions collectives et les accords collectifs peuvent, par des clauses réciproques et de nature identique, prévoir les conditions dans lesquelles l'entreprises détermine les conventions et accords qui lui sont applicables.

L'activité principale d'une société appartenant à un groupe s'apprécie au niveau de cette société et non de celle de la société mère.

Les dispositions de la convention collective nationale des entreprises de courtage d'assurances et/ou de réassurances en date du 18 janvier 2002, étendue par arrêté du 14 octobre 2002, sont obligatoires pour tous les employeurs entrant dans son champ d'application professionnel.

Or, l'article 1 de ladite convention spécifie qu'elle s'applique d'une part aux « employeurs compris dans la nomenclature de l'INSEE sous le code NAF 67. 2Z, et inscrits au registre du commerce avec la mention courtage d'assurances et/ou de réassurances » d'autre part aux groupements d'intérêt économique (GIE), constitués exclusivement d'entreprises visées ci-dessus, ou contrôlées par elles, et ayant pour objet de faciliter, par la mise en oeuvre de moyens techniques ou humains, l'exercice des activités de courtage d'assurances et/ou de réassurances que ces entreprises pratiquent.

L'extrait Kbis de la SAS Ufifrance Patrimoine mentionne au titre de son activité :

'La diffusion de tous produits financiers et de placement pour le compte de l'Union Financière de France ou de tout autre établissement de crédit, notamment le démarchage en matière de valeurs mobilières, transactions immobilières, opérations de courtage et notamment le courtage d'assurance .

Conseil en investissements financiers dont la fourniture de conseils aux entreprises en matière de structure de capital, de stratégie industrielle.'

La SAS Ufifrance Patrimoine est d'autre part immatriculée comme courtier au registre des intermédiaires en assurance.

Toutefois, la Cour observe que l'activité déclarée de la SAS Ufifrance Patrimoine est la diffusion de tous produits financiers et de placement et le conseil en investissement.

Si les opérations de courtage et notamment le courtage d'assurance figure au titre de son activité, elles le sont au même titre que les transactions immobilières et le démarchage en matière de valeurs mobilières.

Pour ces opérations de courtage d'assurance, la SAS Ufifrance doit être régulièrement immatriculée et disposer des habilitations nécessaires.

Le seul fait d'être en règle au regard de cette partie de son activité ne suffit pas à en déduire qu'il s'agit de l'activité principale de l'entreprise.

D'autre part , les éléments d'appréciation de l'activité tirés de la répartition du chiffre d'affaire selon les produits commercialisés par la maison mère UFF Banque ne sont pas des éléments opérants pour apprécier l'activité de la filiale Ufifrance Patrimoine, cette appréciation de l'activité principale devant s'effectuer au niveau de cette dernière.

En revanche, il résulte de l'annexe 1 de son contrat de travail du 14 avril 1995 que les types d'investissements proposés par M. [Y] aux clients qu'il devait démarcher étaient variés et que les produits de type 'assurance' étaient minoritaires.

D'autre part, la Cour observe que M. [Y] avait la qualité de conseiller en Gestion de Patrimoine et qu'à ce titre, il lui appartenait de proposer les produits les mieux adaptés.

En conséquence de ce qui précède, il apparaît que la SAS Ufifrance Patrimoine exerce une activité de conseil en patrimoine et commercialise dans ce cadre divers supports d'investissements de nature différente.

Dans ces condition, réformant la décision des premiers juges, la Cour juge que la SAS Ufifrance Patrimoine ne relève pas de la convention collective nationale des sociétés de courtage d'assurance et déboute, en conséquence, M. [Y] de sa demande tendant à voir reconnaître qu'il relevait de la classe E de ladite convention.

- Sur la demande de rappel de salaire au titre du non-respect du S.M.I.C. du fait des retenues sur commissions :

M. [Y] prétend que le système de rémunération mis en place par l'employeur qui consiste à imputer sur ses commissions les avances versées le ou les mois précédents tout en laissant à sa charge ses frais professionnels aboutissait à le priver certain mois d'un salaire égal au SMIC.

Il réclame à ce titre la somme de 2.138,73 € correspondant aux périodes courues entre mai et juin 2008, entre août et septembre 2009 et entre novembre et décembre 2009.

La Cour observe que sur les périodes correspondantes, les retenues sur commissions dont le paiement est réclamé n'ont pas ramené le salaire de M. [Y] à un montant inférieur au SMIC et il ne justifie pas pour cette période de frais profes-sionnels qui auraient abouti également à une telle situation.

Sa demande sera donc rejetée.

- Sur la demande en annulation de la clause d'intégration des frais dans les commissions figurant dans le contrat du 14 avril 1995 et la demande en rembour-sement des frais professionnels :

La SAS Ufifrance Patrimoine soutient que ces demandes sont prescrites et M. [Y] réplique que la prescription n'avait pu courir contre lui dès lors qu'il avait été maintenu dans l'ignorance de ses droits et qu'en outre cette prescription avait été interrompue par la signature du contrat de travail de mars 2003.

L'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par cinq ans conformément à l'article 2224 du code civil.

Cette prescrition s'applique aux sommes constituant des salaires ou payables par années ou à des termes périodiques plus courts.

La demande en remboursement des frais professionnels est donc soumis à cette prescrition quinquénale.

La prescription n'est interrompue que par une citation en justice,un commandement ou une saisie, signifié par la reconnaissance que le débiteur fait du droit de celui qui veut empêcher de prescrire et d'autre par la reconnaissance que le débiteur fait du droit de celui contre lequel il prescrivait.

L'ignorance du droit ne fait pas obstacle à la prescription contrairement à l'ignorance du fait qui le génère.

En l'espèce, M. [Y] a saisi le Conseil de Prud'hommes de Périgueux le 11 octobre 2010.

Il forme une demande d'annulation d'une clause contractuelle insérée dans son contrat de travail d'avril 1995 et des demandes en remboursement de frais profes-sionnels pour une période comprise entre 1998 et 2010.

Il ne peut valablement exciper de son ignorance du droit alors qu'il avait parfaitement connaissance de la situation contractuelle qu'il conteste aujourd'hui.

D'autre part, en l'absence de disposition spéciale, la signature du contrat de travail du 3 mars 2003 qui tend à appliquer individuellement l'accord d'entreprise du 28 février 2003, ne constitue nullement une reconnaissance par l'employeur des droits antérieurs du salarié.

Si la clause 1.3.1.4 du contrat de travail du 14 avril 1995 précisant que 'les traitements fixes et commissions versées couvrent tous les frais, avances et débours que le signataire pourrait être amené à exposer' est nulle au motif que les frais qu'un salarié justifie avoir exposés pour les besoins de son activité et dans l'intérêt de l'employeur doivent lui être rembourser sans pouvoir être imputé sur la rémunération qui lui est due en revanche, la demande en paiement qui découle de cette nullité est prescrite faute d'avoir été introduite dans le délai de 5 ans.

La Cour relève que M. [Y] ne justifie d'aucun acte intérruptif de la prescription et juge en conséquence que sa demande en remboursement des frais antérieurs au 11 octobre 2005 est prescrite.

- Sur l'inopposabilité de la clause 2.2 et 2.3 du contrat de travail du 3 mars 2003 :

M. [Y] soutient que ces clauses lui sont inopposables au motif

d'une part que la convention collective de courtage d'assurance dont il revendique l'application ne prévoit aucune disposition tendant au remboursement forfaitaire des frais professionnels et d'autre part au motif que les forfaits contractuellement prévus sont disproportionnés aux frais réellement engagés.

La SAS Ufifrance Patrimoine réplique que la convention collective du courtage ne s'applique pas et que d'autre part les clauses litigieuses ont été jugées valides par la Cour de cassation.

La Cour rappelle qu'elle a jugé que la convention de courtage d'assurance ne s'appliquait pas à la relation de travail entre M. [Y] et Ufifrance Patrimoine.

Le premier moyen de M. [Y] sera donc rejeté.

Les frais professionnels engagés par le salarié doivent être supportés par l'employeur sans qu'il puissent être imputés sur la rémunération qui lui est due à moins qu'il n'ait été contractuellement prévu qu'il en conserverait la charge moyennant le versement d'une somme fixée à l'avance de manière forfaitaire et à la condition que la rémunération proprement dite reste au moins égale au SMIC.

En l'espèce, la clause 2.2 du contrat de travail du 3 mars 2003 prévoyait que la partie fixe du salaire de M. [Y] était constituée d'un salaire de base égal au SMIC mensuel , majoré d'une indemnité brute de 10% au titre des congés payés et de la somme brute de 230 € correspondant au remboursement forfaitaire des frais profes-sionnels.

L'article 2.3 prévoyait d'autre part que les versements au titre variable incluaient une indemnité de 10% correspondant à un complément de remboursement forfaitaire des frais professionnels et une indemnité de 10 % au titre des congés payés.

La prise en charge des frais professionnels de M. [Y] dans le cadre d'un forfait de 230 € et d'un complément de forfait de 10 % des commissions ne lui permet donc pas de réclamer le paiement de ses frais professionnels réels mais lui permet en revanche de réclamer un complément de salaire dès lors qu'il pourra établir que ces frais professionels réels ont été supérieur au forfait contractuel au point de réduire sa rémunération en deça du montant du SMIC.

M. [Y] a, expressément, accepté les conditions de prise en charge de ses frais professionnels, conditions régulières et licites qui s'imposaient donc aux parties contractantes, il ne peut, dès lors, solliciter le remboursement de ses frais réels profes-sionnels.

En conséquence, sa demande d'inopposabilité des clauses 2.2 et 2.3 de son contrat de travail sera rejetée et la Cour juge que c'est à tort que le Conseil a admis la demande de M. [Y] en paiement de ses frais professionnels réels alors que les parties avait contractuellement prévus une prise en charge forfaitaire licite.

La demande de M. [Y] en remboursment de ses frais professionnels réels doit donc être rejetée.

M. [Y] n'a, par ailleurs, formé aucune demande de rappel de salaire fondé sur la diminution de son salaire en deçà du SMIC du fait de l'insuffisance du forfait frais professionnels.

- Sur la demande de dommages et intérêts pour préjudice matériel et moral du fait du non remboursement des frais professionnels :

En 2003, M. [Y] a, expressément, accepté de se soumettre à un forfait contractuel jugé régulier et licite.

La Cour n'a fait droit à aucune de ses demandes en paiement.

En conséquence, il sera débouté de sa demande de dommages et intérêts, aucun manquement contractuel imputable à son employeur n'étant démontré.

- Sur la prise d'acte de rupture :

Lorsque le salarié démissionne en raison de faits ou manquements qu'il reproche à son employeur, cette rupture constitue une prise d'acte et produit les effets soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit d'une démission dans le cas contraire.

Les manquements susceptibles de justifier la prise d'acte de la rupture par le salarié aux torts de l'employeur doivent être réels, récents et suffisamment graves pour pouvoir justifier la rupture immédiate du contrat de travail.

M. [Y] fait état de plusieurs griefs.

Il reproche à son employeur de ne pas lui avoir remboursé ses frais professionnels réels et ce, tout au long de la relation contractuelle.

La Cour observe que si le maintien fautif d'une clause nulle dans le contrat du 14 avril 1995 jusqu'en 2003 constitue un manquement aux obligations contractuelles de l'employeur, ce manquement ne saurait justifier la prise d'acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur dès lors que la relation de travail s'est poursuivie jusqu'en 2010 soit pendant plus de 7 ans.

Pour la période postérieure, il a été jugé que le non paiement par la SAS Ufifrance Patrimoine des frais réels engagés par M. [Y] au titre des frais professionnels était justifié par l'application des clauses contractuelles de forfait jugées régulières et licites.

D'autre part , M. [Y] ne démontre pas que sa rémunération avait pu être inférieure au SMIC à cause de ses frais professionnels.

Dès lors, M. [Y] ne peut prétendre que son employeur a manqué de loyauté en s'abstenant de lui payer ses frais professionnels réels.

Enfin, M. [Y] soutient que son employeur a calculé le montant des commissions déduction faite de l'indemnité complémentaire de 10 % ce que censure la Cour de Cassation.

M. [Y] étaye son argument par des calculs complexes portant sur des périodes comprises entre 2006 et 2007, de même il soutient avoir travaillé sans que ses heures soient décomptée entre 1988 et 2003.

Mais rappelant que la prise d'acte ne peut être fondée que sur des faits récents empêchant le maintien de la relation de travail, la Cour estime que ces faits sont trop anciens pour justifier une rupture immédiate de la relation de travail.

Le non respect de la convention collective de courtage ne peut constituer un manquement de l'employeur, la Cour ayant jugé que la relation de travail n'y était pas soumise.

Le fait que le contrat de travail ait pu contenir une clause de non concurrence illicite ne peut servir de fondement à une prise d'acte de rupture dans la mesure ou cette clause litigieuse n'avait vocation à s'appliquer qu'après la rupture du contrat de travail et n'avait aucune incidence sur l'exécution du contrat de travail.

Enfin, contrairement à ce qu'affirme M. [Y], la SAS Ufifrance Patrimoine a respecté son obligation de sécurité en organisant la visite médicale annuelle en 2009 à l'issue de laquelle M. [Y] a été déclaré apte à son emploi ce dont il est justifié aux débats par la production de sa convocation devant la médecine du travail et de sa déclaration d'aptitude.

En conséquence de ce qui précède, réformant la décision des premiers juges, la Cour considère que M. [Y] ne justifie pas de manquements sérieux et récents empêchant la poursuite de la relation de travail et que dès lors la prise d'acte de rupture du 10 août 2010 s'analyse en une démission.

Il sera, en conséquence, débouté de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, de sa demande d'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés y afférents et de sa demande d'indemnité de licenciement.

- Sur l'annulation de la clause de non concurrence :

La clause de non concurrence en ce qu'elle constitue une entrave à la liberté de travail du salarié doit, à peine de nullité, être limitée dans le temps et dans l'espace, reposer sur la nécessité de protéger les intérêts légitimes de l'entreprise et prévoir une contre partie financière proportionnée.

La contrepartie financière de la clause de non concurrence prévue par la convention collective s'applique si le contrat de travail ne contient pas de dispositions plus favorables.

En l'espèce, la clause de non concurrence insérée au contrat de travail de M. [Y] du 3 mars 2003 est nulle car elle ne prévoit aucune contre partie financière.

La stipulation d'une clause de non concurrence illicite cause néces-sairement un préjudice au salarié qui s'y croit astreint.

M. [Y] a été délié de cette clause par courrier du 26 aout 2010 soit 15 jours après avoir notifié sa prise d'acte de rupture à son employeur.

Dès lors, son préjudice doit être justement évalué à la somme de 500 €.

- Sur les autres demandes :

M. [Y] sera condamné à payer à la SAS Ufifrance Patrimoine la somme de 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

' Infirme en toutes ses dispositions le jugement attaqué sauf en ce qu'il a annulé la clause de non concurrence insérée au contrat de travail du 3 mars 2003.

Y substituant :

'

Juge que les demandes en remboursement de frais professionnels antérieurs au 10 octobre 2005 sont prescrites.

' Déboute M. [Y] de toutes ses autres demandes.

Y ajoutant :

'

Condamne la SAS Ufifrance Patrimoine à payer à M. [Y] la somme de 500 € (cinq cents euros) à titre de dommages et intérêts pour nullité de la clause de non concurrence.

'

Condamne M. [Y] à payer à la SAS Ufifrance Patrimoine la somme de

500 € (cinq cents euros) sur le fondement de l'article 700 du code.

' Condamne M. [Y] aux dépens.

Signé par Madame Maud Vignau, Président, et par Monsieur Gwenaël Tridon de Rey, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Gwenaël Tridon de Rey Maud Vignau


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 12/03276
Date de la décision : 19/11/2014

Références :

Cour d'appel de Bordeaux 4A, arrêt n°12/03276 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-11-19;12.03276 ?
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