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23/10/2014 | FRANCE | N°13/01558

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section b, 23 octobre 2014, 13/01558


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION B



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ARRÊT DU : 23 OCTOBRE 2014

gtr

(Rédacteur : Madame Véronique LEBRETON, Conseiller)



PRUD'HOMMES



N° de rôle : 13/01558

















Monsieur [C] [A]



c/



Société EARL PLANTEBELLE





















Nature de la décision : AU FOND



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Notifié par LRAR le :



LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :



La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d'huissier).



Certifié par le Greffier en Chef,



Grosse délivrée le :



à :

Décision déférée à la Cour : jugement re...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION B

--------------------------

ARRÊT DU : 23 OCTOBRE 2014

gtr

(Rédacteur : Madame Véronique LEBRETON, Conseiller)

PRUD'HOMMES

N° de rôle : 13/01558

Monsieur [C] [A]

c/

Société EARL PLANTEBELLE

Nature de la décision : AU FOND

Notifié par LRAR le :

LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :

La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d'huissier).

Certifié par le Greffier en Chef,

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 20 février 2013 (R.G. n°12/00019) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ANGOULEME, Section Agriculture, suivant déclaration d'appel du 12 mars 2013,

APPELANT :

Monsieur [C] [A]

né le [Date naissance 1] 1954 à [Localité 2]

de nationalité Française

Ouvrier agricole, demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Frédéric BAUSSET, avocat au barreau de CHARENTE

INTIMÉE :

Société EARL PLANTEBELLE, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social,

Exploitante agricole, demeurant [Adresse 1]

N° SIRET : 502 100 951 00016

représentée par Me Jean-Philippe POUSSET de la SCP LAVALETTE AVOCATS CONSEILS, avocat au barreau de CHARENTE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 18 septembre 2014 en audience publique, devant Madame Véronique LEBRETON, Conseillère chargée d'instruire l'affaire, qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Elisabeth LARSABAL, Présidente

Madame Catherine MAILHES, Conseillère

Madame Véronique LEBRETON, Conseillère

Greffier lors des débats : Gwenaël TRIDON DE REY,

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

EXPOSE DU LITIGE

Le 1er janvier 1996, M. [C] [A] a été engagé par l'EARL Plantebelle en qualité d'ouvrier agricole. Mme [A] [G] épouse [A] est la gérante de l'EARL Plantebelle, qui exploite 34 ha de vignes, 70 ha de céréales et 10 ha de prairies et peupliers.

Mme [G] a déposé une requête en divorce le 20 septembre 2010 et une ordonnance de non conciliation a été rendue le 12 mai 2011.

M. [C] [A] a été licencié pour faute grave par lettre du 19 octobre 2011.

Le 2 février 2012, M. [C] [A] a saisi le conseil de prud'hommes d'Angoulême pour contester la cause de son licenciement et obtenir notamment le paiement de rappel de salaire et d'heures supplémentaire et l'indemnisation du préjudice résultant du licenciement.

Par jugement rendu le 20 février 2013, le conseil de prud'hommes d'Angoulême a dit que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse et a condamné l'EARL Plantebelle à lui payer 4.422,68 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 442,27 euros au titre des congés payés afférents, 100 euros à titre de dommages et intérêts au titre de l'irrégularité de la procédure de licenciement et 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Le conseil des prud'hommes a débouté M. [C] [A] du surplus de ses demandes.

M. [C] [A] a relevé appel de ce jugement dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas critiquables.

Par arrêt du 23 novembre 2013, la cour, constatant que le litige relatif au contrat de travail s'inscrivait dans un litige conjugal existant entre les époux [A] qui ont été d'accord à l'audience sur la proposition de médiation, a ordonné une mesure de médiation confiée à Maître [P] [S], avocat au barreau de [Localité 1], qui a fait connaître à la cour par courrier du 12 février 2012 que sa mission ne pouvait être mise en 'uvre, Mme [G] épouse [A] ayant fait défaut à deux reprises et se sentant incapable de supporter physiquement et psychologiquement la réunion de médiation.

L'affaire a donc été fixée à l'audience du 18 septembre 2014.

Par conclusions en date du 12 novembre 2013 soutenues à l'audience M. [C] [A] sollicite de la cour la réformation du jugement déféré et la condamnation de l'EARL Plantebelle à lui payer à titre principal les sommes de : 37 221 euros brut au titre du rappel de salaire du travail à temps plein, 2977, 68 euros brut et 4019, 87 euros au titre de la prime d'ancienneté et les congés payés y afférents, 1029 euros net en reste à devoir, 26 670 euros brut au titre des heures supplémentaires sur distillation, 2376, 60 euros brut et 3204, 36 euros au titre de la prime d'ancienneté et les congés payés y afférents, 2211, 34 euros net au titre des dommages-intérêts pour vice de procédure, 53072 euros net au titre des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 13269, 64 euros net pour travail dissimulé, 6634, 82 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et 663, 40 euros au titre des congés payés y afférents, 8722, 26 euros au titre de l'indemnité de licenciement, 2211, 34 euros au titre de l'annulation de la mise à pied conservatoire, 2500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Il sollicite également la régularisation des cotisations retraites depuis le 1er janvier 1996, la rectification de bulletins de paie de juillet et août 2011, la rectification de l'attestation pôle emploi sous astreinte, et le bénéfice de l'exécution provisoire.

Subsidiairement il forme les mêmes demandes recalculées pour un salaire d'ouvrier agricole à l'exclusion du rappel indiciaire et des sommes y afférentes.

Il fait valoir les moyens suivants :

il a été déclaré fiscalement à temps partiel sans signer de contrat de travail mais a depuis toujours travaillé à temps plein, l'employeur ne démontrant pas qu'un horaire à temps partiel avait été conclu entre les parties et le salarié étant à la disposition permanente de l'employeur; il a assuré seul la distillation jusqu'à mi janvier voire fin janvier depuis décembre 1997, a encadré le personnel, a été l'interlocuteur des douanes et des fournisseurs, les tâches qui lui étaient dévolues et qu'il effectuait relevant de la qualification de technicien niveau 1 échelon 2,

la lettre de licenciement lui a été adressé à une ancienne adresse et ne mentionnait pas l'adresse de la mairie pour obtenir la liste des conseillers extérieurs ; la plainte pour vol de chèques à été classée sans suite par le parquet ; le premier grief n'est pas fondé et a été invoqué trop tard contre lui ; le second et le troisième griefs ne sont pas davantage établis.

Par conclusions du 12 août 2014 soutenues à l'audience, l'EARL [Y] sollicite la confirmation du jugement sauf en ce qui concerne le licenciement qui est fondé sur une faute grave et sollicite de la cour qu'elle déboute M. [C] [A] de l'ensemble de ses demandes, sauf en ce qui concerne les dommages-intérêts pour irrégularité de la procédure dont elle demande la réduction ;

Elle fait valoir les moyens suivants :

M. [C] [A] a bénéficié d'un contrat de travail à temps partiel jusqu'au mois de juillet 2010 où il est passé à temps complet du fait du départ de l'autre salarié ; il ne peut prétendre bénéficier de la qualité de technicien niveau 1 échelon 2 puisqu'il n'en a pas la qualification ni les compétences ; il ne peut donc prétendre à un rappel de salaires, à des heures supplémentaires et à une indemnité pour travail dissimulé,

les griefs mentionnés dans la lettre de licenciement et tenant pour l'essentiel à un vol de chèques et à un détournement de fond sont établis et caractérisent une faute grave ; la lettre de convocation a bien été adressée à une mauvaise adresse rendant la procédure irrégulière.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens, et des prétentions et de l'argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures déposées, oralement reprises.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la qualification de l'emploi,

L'avenant du 1er janvier 2010 de convention collective départementale du 7 juin 1990 des entreprise agricoles de polyculture, élevage, viticulture, horticulture, pépinières, des entreprises agricoles et de CUMA, que les parties s'accordent à retenir en référence, indique que le technicien niveau 1, échelon 2, dispose, outre des compétences du technicien échelon 1 (assure l'organisation et l'exécution des tâches et missions qui lui sont confiées dont il maîtrise les aspects techniques et d'analyses, participe à des missions complémentaires directement liées à son activité sous la responsabilité d'un supérieur hiérarchique telles que relations avec des fournisseurs et clients, enregistrements et traitement de données sur informatique) d'une expérience professionnelle qui lui permet une complète autonomie et d'anticiper certaines réactions ou résultats dont il maîtrise tous les aspects, et que ce niveau d'emploi correspond aux référentiels des diplômes agricoles de niveau III (tels que correspondant au référentiel BTS agricole).

En l'espèce, il est constant que M. [C] [A] a été salarié de l'EARL Plantebelle en qualité d'ouvrier agricole depuis son embauche au mois de février 1996 jusqu'à son licenciement en octobre 2011, au niveau 4 coefficient 402 en l'état de sa dernière classification.

Or il ne démontre être titulaire du brevet de technicien supérieur agricole, option analyse et conduite de systèmes d'exploitation, que depuis le 4 décembre 2013, celui-ci lui ayant été attribué à la suite d'un processus de validation d'acquis de l'expérience, lequel peut du reste inclure ou pas la participation à des actions de formation ce que M. [C] [A] se garde de préciser.

Il produit les attestations de M. [R], M. et Mme [Z], et M. [O], qui font l'inventaire des tâches de M. [C] [A] et de celles auxquelles il participait de manière générale sans autres précisions temporelles ou qualitatives, néanmoins ces attestations sont contredites par celles de MM. [D], [L], [I], [J], [K] et [F] et de Mme [F] dont la force probante est identique à celles que M. [C] [A] produit malgré les commentaires manuscrits qu'il livre à la cour et qui relatent l'absence de compétences techniques de M. [C] [A] de sorte que les pièces qu'il produit ne sont pas suffisantes à apporter la preuve de ce tout au long de l'exécution du contrat de travail il a exercé les tâches relevant de la compétence d'un technicien de niveau 1 avec la complète autonomie et la maîtrise de tous les aspects de ses fonctions pour pouvoir prétendre au surplus à l'échelon 2.

La cour, estimant que sa demande de reclassification et sa demande subséquente de rappel de salaire sont infondées, confirme le jugement déféré de ces chef.

Sur la qualification du contrat de travail, et le rappel de salaire

En application des articles L3123-1 et 3123-14 du code du travail est considéré comme salarié à temps partiel celui dont la durée du travail est inférieure à la durée du travail d'un salarié à temps plein parce que la durée de son travail est inférieure à la durée légale hebdomadaire de 35 heures ou inférieure à la durée du travail fixée par accord collectif ou applicable dans l'établissement, le contrat de travail de ce salarié devant être écrit et comporter des mentions relatives à la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue, la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois, les cas dans lesquels une modification éventuelle de cette répartition peut intervenir ainsi que la nature de cette modification, les modalités selon lesquelles les horaires de travail pour chaque journée travaillée sont communiqués par écrit au salarié et les limites dans lesquelles peuvent être accomplies des heures complémentaires. En l'absence d'écrit mentionnant la durée du travail et sa répartition il est présumé que l'emploi est à temps complet sauf si l'employeur rapporte la preuve de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue et celle du fait que le salarié n'était pas constamment à sa disposition.

En l'espèce l'EARL Plantebelle produit en original le registre des heures de travail comportant le relevé journalier des heures travaillées et des jours de congés pour chaque salarié signé mensuellement par chacun d'eux. Ce registre, signé par M. [C] [A] jusqu'au mois de mai 2010 et révélant un temps de travail de 85 heures mensuelles réparties généralement sur 4 heures journalières, est cohérent avec les bulletins de salaire établis jusqu'au 1er juillet 2010, dont il n'est pas contesté qu'il l'ont été par M. [C] [A] lui même jusqu'au 1er mai 2010.

Par ailleurs il résulte de ce registre et des attestations sus visées produites par l'EARL Plantebelle que l'exploitation agricole était dirigée par l'épouse de M. [C] [A] avant et après la création de l'EARL Plantebelle dont elle est la gérante, que cette exploitation a fait travailler en moyenne trois ou quatre salariés sur toute la période d'exécution du contrat de travail de M. [C] [A] jusqu'au mois de mai 2010, et qu'enfin ce dernier a été payé à temps complet à partir du 1er juillet 2010 ceci étant compatible avec la structure des emplois dans l'exploitation à l'époque, ce qui démontre à contrario qu'auparavant l'activité ne justifiait pas qu'il travaille à temps plein, de sorte qu'il est établi qu'il n'était pas à la disposition de l'employeur.

Les attestations du salarié sus énoncés et les décomptes qu'il a lui même établis, et pas davantage le fait non pertinent restant au demeurant au stade de l'allégation que son temps de travail a été sous évalué pour des raisons fiscales, ne sont pas de nature à contredire les pièces produites par l'employeur qui suffisent à renverser la présomption de travail à temps complet en l'absence d'écrit.

Dans ces conditions la cour, estimant que M. [C] [A] a exercé jusqu'au 1er juillet 2010 un emploi à temps partiel et qu'il ne peut prétendre ni à la requalification de son contrat de travail ni à un rappel de salaire, confirme le jugement déféré de ces chefs.

Sur les heures supplémentaires

Aux termes de l'article L 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Toutefois, il appartient au salarié qui demande le paiement d'heures supplémentaires de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande, suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments. Cette demande se prescrit par cinq ans à compter de la date d'exigibilité des salaires en application de l'article L3245-1 du code du travail.

Or il est constant que le salarié n'étaye pas sa demande lorsqu'il produit seulement un décompte récapitulatif établi mois par mois du nombre d'heures qu'il affirme avoir réalisées et un tableau ne laissant pas apparaître pour chaque jour précis, de chaque semaine précise, les horaires de travail accomplies.

En l'espèce, M. [C] [A] produit un décompte manuscrit reconstituant le nombre d'heures supplémentaires qu'il prétend avoir effectué pour la distillation à concurrence de 44 heures sur une période de deux à trois mois. Ce décompte est étayé par le cahier de distillation de l'EARL Plantebelle, qui comporte mention des heures de chauffe et d'intervention mais dont l'auteur n'est pas identifié et qu'il est d'ailleurs surprenant de retrouver dans les pièces du salarié licencié, et par les attestations de M. et Mme [Z], et M. [O] qui indiquent qu'il s'occupait de la distillation. Cependant compte tenu des motifs qui précédent relativement au temps du travail de M. [C] [A] outre les attestations de Mmes [T] et [Q] qui précisent que l'épouse de M. [C] [A] réalisait la distillation et celles de Mme [F], MM. [L] et [I] qui précisent en tant que professionnels que le temps de travail que M. [C] [A] prétend avoir consacré à la distillation n'est pas réaliste au vu de la quantité d'alcool distillé et de la technicité des installations de l'EARL Plantebelle, il convient de considérer que l'employeur apporte la preuve que de la réalité du temps de travail effectué par le salarié et de l'absence d'heures supplémentaires.

Dans ces conditions la cour confirme le jugement déféré sur ce point.

Sur le travail dissimulé

L'article L 8221-2 du code du travail prohibe le travail totalement ou partiellement dissimulé défini par l'article L 8221-3 du même code relatif à la dissimulation d'activité ou exercé dans les conditions de l'article L 8221-5 du même code relatif à la dissimulation d'emploi salarié. Aux termes de l'article L 8223-1 du code du travail, le salarié auquel l'employeur a recours dans les conditions de l'article L 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L 8221-5 du même code relatifs au travail dissimulé a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire. Toutefois la dissimulation d'emploi salarié prévue par ces textes n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle.

En l'espèce, il résulte des motifs qui précédent que M. [C] [A] ne rapporte pas la preuve qu'il a effectué un travail intentionnellement dissimulé par l'employeur de sorte que sa demande de ce chef n'est pas fondée.

Le jugement doit donc être confirmé sur ce point.

Sur le licenciement

Sur la procédure, les parties s'accordent sur l'irrégularité de la procédure menée par l'EARL Plantebelle qui n'a pas mentionné dans la lettre de convocation à l'entretien préalable la bonne commune de référence pour que M. [C] [A] puisse faire usage de son droit d'être assisté lors de l'entretien par des conseillers extérieurs de sa commune de résidence. Ce manquement aux dispositions de l'article L 1232-4 du code du travail causant nécessairement un grief au salarié convoqué pour une sanction disciplinaire, la cour confirme le jugement déféré de ce chef, les premiers juges ayant fait une juste appréciation du préjudice en résultant.

Sur le fond, il résulte des dispositions des articles L 1232-1 et L 1235-1 du code du travail que tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse, et qu'en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

Ainsi l'administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties, l'employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables et la lettre de licenciement fixant les limites du litige.

Toutefois, la faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'un importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, l'employeur devant en rapporter la preuve s'il l'invoque pour licencier, les dispositions des articles L 1234-1 et L 1234-9 du code du travail prévoyant que lorsque le licenciement est motivé par une faute grave, le salarié n'a droit ni à un préavis ni à une indemnité de licenciement.

En l'espèce la lettre de licenciement pour faute grave du 19 octobre 201, qui fait état du vol de trois formules de chèque et leurs talons et d'un tampon encreur au nom de l'EARL, mentionne les motifs suivants :

« (..) Dès lors, je ne peux plus maintenir en l'état le contrat de travail qui t'unit à l'EARL Plantebelle au vu :

du fait que tu t'es auto-attribué une rémunération au titre du salaire d'avril 2011 dont tu n'avais pas droit et ce alors même que tu as bénéficié dans le même temps du paiement de ton salaire d'avril 2011 déduction faite des sommes antérieurement perçues indûment;

du fait que tu as dérobé trois formules de chèques en arrachant la souche afin de cacher ton forfait, une de ces trois formules ayant été utilisée par toi même. (..) ».

L'EARL [Y] produit copie de la procédure pénale diligentée suite au dépôt de plainte de sa gérante le 1er septembre 2011, le relevé des opérations du mois de mai 2011 pour le compte qu'elle détient au Crédit agricole, l'attestation de Mme [B], secrétaire comptable, le bulletin de paie de M. [C] [A] pour le mois d'avril 2011 et la copie du chèque litigieux recto verso dont il ressort que :

la plainte pour vol a été classée sans suite par la parquet d'Angoulême, l'infraction n'étant pas suffisamment caractérisée,

M. [C] [A] a admis s'être délivré un chèque à lui même le 17 mai 2011, représentant selon lui son plein salaire du mois d'avril 2011, alors qu'il détenait encore une procuration qui lui a été retirée le 21 septembre 2011, sur le compte de l'EARL Plantebelle,

ce fait n'a été relevé de manière certaine et a été rapproché de la disparition des trois formules de chèques qu'au début du mois de septembre 2011 et l'identité du bénéficiaire du d'un de ces chèques débité au mois de mai 2011 sur ce compte n'a été connue avec certitude qu'au cours du mois de septembre 2011, ainsi qu'en attestent le témoignage de la secrétaire comptable qui précise que le 1er septembre 2011 malgré la demande qu'elle avait formulée à la banque elle ne connaissait toujours pas l'identité du bénéficiaire, et la date du 26 septembre 2011 de la télécopie adressée par la banque en pièce 5 de la communication de l'EARL Plantebelle,

pour le mois d'avril 2011 M. [C] [A] avait encaissé la somme de 655, 25 euros au titre de son salaire déduction faite des congés pris.

Il résulte de ces éléments que si le grief de vol n'est pas établi à l'encontre de M. [C] [A], en revanche tel n'est pas le cas de celui tenant à l'usage abusif de la procuration dont il bénéficiait encore sur le compte de la société, ce fait dont il établi qu'il ne pouvait pas être invoqué à son encontre par l'employeur avant le mois de septembre 2011, n'étant pas atteint pas la prescription de l'article l'article 1332-4 du code du travail.

M. [C] [A] a usé de sa procuration alors qu'il n'est pas contesté qu'il ne lui appartenait plus depuis un an de réaliser ces propres bulletins de paie et de se délivrer des chèques de salaire et qu'il avait été réglé du salaire que son employeur estimait lui devoir, le contentieux les opposant sur ce point ne justifiant pas que M. [C] [A] fasse usage d'un mandat qui lui avait été donné à d'autres fins estimant ainsi se faire justice à lui même.

Ce manquement est de nature à rendre impossible le maintien du salarié dans l'exploitation compte tenu de la rupture grave de confiance qu'il suscite dans les rapports salarié-employeur, même s'il s'inscrit dans un contexte familial conflictuel puisque l'ordonnance de non conciliation date du 12 mai 2011 alors que M. [C] [A] s'opposait à la procédure de divorce initiée par son épouse, le conflit conjugal ne pouvant pas justifier un tel agissement.

Dans ces conditions, la cour, estimant que le licenciement est fondé sur une faute grave, réforme le jugement déféré de ce chef et statuant à nouveau en ce sens déboute M. [C] [A] de l'ensemble de ses demandes au titre de ce licenciement.

Sur les autres demandes

M. [C] [A] succombant à l'instance il supportera la charge des dépens de première instance et d'appel. Il sera également débouté de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

Nonobstant l'issue de l'appel, l'équité et les circonstances économiques commandent de ne pas faire droit à la demande formée par l'EARL [Y] en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Il convient de taxer la mesure de médiation à la somme de 400 euros et d'en mettre la charge pour moitié à chacune des parties qui avaient accepté cette mesure quand bien même celle-ci a échoué.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Confirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a dit le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse, a condamné l'EARL Plantebelle à lui payer 4.422,68 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 442,27 euros au titre des congés payés afférents, et 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et a condamné l'EARL Plantebelle aux dépens,

Statuant à nouveau,

Dit que le licenciement de M. [C] [A] repose sur une faute grave,

Déboute M. [C] [A] du surplus de ses demandes,

Déboute l'EARL Plantebelle de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Taxe la mesure de médiation à 400 euros et dit que chaque partie supportera la charge du coût de la mesure par moitié,

Condamne M. [C] [A] aux dépens de première instance et d'appel.

Signé par Madame Elisabeth LARSABAL, Présidente, et par Gwenaël TRIDON DE REY, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

G. TRIDON DE REY Elisabeth LARSABAL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section b
Numéro d'arrêt : 13/01558
Date de la décision : 23/10/2014

Références :

Cour d'appel de Bordeaux 4B, arrêt n°13/01558 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-10-23;13.01558 ?
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