La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/10/2014 | FRANCE | N°13/05850

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 15 octobre 2014, 13/05850


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



--------------------------







ARRÊT DU : 15 OCTOBRE 2014



(Rédacteur : Madame Marie-Luce Grandemange, Conseiller)



PRUD'HOMMES



N° de rôle : 13/05850









Madame [N] [C]



c/



SARL Art et Technique du Cinéma (ARTEC)

















Nature de la décision : AU FOND













Notifi

é par LRAR le :



LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :



La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par

voie de signification (acte d'huissier).



Certifié par le Greffier en Chef,





Grosse délivrée le :



à :





Décision déférée à la Cour...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 15 OCTOBRE 2014

(Rédacteur : Madame Marie-Luce Grandemange, Conseiller)

PRUD'HOMMES

N° de rôle : 13/05850

Madame [N] [C]

c/

SARL Art et Technique du Cinéma (ARTEC)

Nature de la décision : AU FOND

Notifié par LRAR le :

LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :

La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par

voie de signification (acte d'huissier).

Certifié par le Greffier en Chef,

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 20 septembre 2013 (RG n° F 12/01386) par le Conseil de Prud'hommes - formation paritaire - de Bordeaux, section Activités Diverses, suivant déclaration d'appel du 04 octobre 2013,

APPELANTE :

Madame [N] [C], née le [Date naissance 1] 1971, de nationalité française, sans

profession, demeurant [Adresse 1],

Représentée par Maître Hugo Tahar Jalain, avocat au barreau de Bordeaux,

INTIMÉE :

SARL Art et Technique du Cinéma (ARTEC), siret n° 330 698 747 00087, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, [Adresse 2],

Représentée par Maître Hervé Maire, avocat au barreau de Bordeaux,

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 09 septembre 2014 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marie-Luce Grandemange, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour,

composée de :

Madame Maud Vignau, Président,

Madame Marie-Luce Grandemange, Conseiller,

Madame Isabelle Lauqué, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Anne-Marie Lacour-Rivière.

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Mme [N] [J] épouse [C] a été embauchée par la SARL Art et Technique du Cinéma 'ARTEC' par contrat de travail à temps partiel à durée indéterminée en date du 14 février 2003 en qualité de caissier agent d'accueil au cinéma de [Localité 1] (33) pour une durée de travail de 16 heures 30 par semaine, soit 71 heures 30 par mois, pour une rémunération horaire brute de 6,92 €.

Par lettre datée du 13 décembre 2011 la société ARTEC informait Mme [C] de la modification de ses horaires à compter du 2 janvier 2012 la durée hebdomadaire du travail étant alors fixée à 22 heures en période scolaire et à 25 heures 30 pendant les périodes de vacances scolaires réparties différemment sur les jours de la semaine.

Par lettre datée du 20 décembre 2011 Mme [C] refusait cette modification en se prévalant de l'emploi du temps et du planning respecté au cours de l'année 2011.

Par lettre recommandée datée du 5 janvier 2012 la société ARTEC proposait à Mme [C] une modification de son contrat de travail pour motif économique.

Par lettre du 19 janvier 2012 Mme [C] refusait la modification de son contrat de travail.

Par lettre recommandée datée du 26 janvier 2012 la société ARTEC convoquait Mme [C] à un entretien préalable à son éventuel licenciement le 7 février 2012 ; suite à l'absence de la salariée la société la re-convoquait à un nouvel entretien le 20 février 2012 puis le 16 avril 2012. Mme [C] faisait l'objet d'un arrêt maladie à compter du 17 février 2012.

Par lettre recommandée avec accusé de réception datée du 25 avril 2012 la société ARTEC licenciait Mme [C] pour motif économique.

Le 13 juin 2012, Mme [C] a saisi le Conseil de Prud'hommes de Bordeaux en requalification de son contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein, en paiement d'un rappel de salaires et des congés payés afférents de diverses créances salariales et de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par décision en date du 20 septembre 2013, le Conseil de Prud'hommes a dit le licenciement de Mme [C] fondé sur une cause réelle et sérieuse et l'a déboutée de ses demandes subséquentes et a condamné la SARL ARTEC à payer à Mme [C] les sommes de :

- 5.760,17 € au titre de la majoration des heures complémentaires,

- 576,02 € au titre des congés payés afférents,

- 159,23 € au titre du solde de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 800,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

et a ordonné la remise des bulletins de paie des documents de fin de contrat rectifiés sous astreinte de 50 € par jour de retard dans les deux mois suivant la notification de la décision.

Le 4 octobre 2013, Mme [C] a interjeté appel de cette décision.

Par conclusions déposées le 24 janvier 2014, développées oralement et auxquelles il est expressément fait référence, Mme [C] conclut à la réformation du jugement entrepris.

Elle demande à la Cour de requalifier son contrat en contrat de travail à temps plein et de dire son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse elle forme, dès lors, les demandes en paiement des sommes suivantes à l'encontre de SARL ARTEC :

- 34.069,66 € à titre de rappel de salaires sur temps plein au regard des sommes déjà

versées en exécution de la décision de première instance,

- 3.406,96 € au titre des congés payés afférents,

- 3.982,98 € au titre des congés payés sur rappel de salaires à temps plein,

- 1.349,61 € à titre de reliquats sur l'indemnité de licenciement déduction déjà faite

de la somme de 159,23 €,

- 284,43 € de rappel de salaire sur congés payés,

- 28,44 € de congés payés afférents,

- 18.000,00 € de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 2.500,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Avec capitalisation des intérêts sur lesdites sommes elle sollicite, en outre, la condam-nation de la société à lui remettre des bulletins de salaire et une attestation Pôle Emploi rectifiés sous astreinte de 100 € par jour de retard.

Par conclusions déposées le 21 juillet 2014 développées oralement et auxquelles il est expressément fait référence, la SARL ARTEC demande la réforrmation partielle du jugement entrepris le débouté total de Mme [C] et sa condamnation à lui payer la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIVATION

* Sur la requalification du contrat de travail en contrat à temps plein :

En application des dispositions de l'article L.3123-14 du code du travail

le contrat de travail à temps partiel est un contrat écrit qui mentionne la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue et la répartition de la durée du travail entre les jours

.../...

de la semaine et/ou les semaines du mois. L'absence de ces mentions fait présumer que l'emploi de la salariée est à temps complet, il incombe, dès lors, à l'employeur qui conteste cette présomption de rapporter la preuve contraire.

En l'espèce le contrat initial est un contrat à temps partiel qui comporte toutes les mentions légalement exigées.

Mme [C] affirme toutefois que tant la durée de travail que la répartition de celle-ci entre les jours de la semaine ou entre les semaines du mois ont évolué sans qu'aucun avenant contractuel ne soit signé entre les parties.

Si cette affirmation s'avère exacte il résulte des propres écrits de la salariée qu'à son retour de congés maternité en août 2007 l'employeur a souhaité porter la durée mensuelle de travail à 77 heures ce qu'elle a accepté, Elle reconnaît donc que le contrat de travail était toujours un contrat à temps partiel.

Enfin, c'est sans aucune ambiguïté, que dans la lettre qu'elle a envoyée à la SARL ARTEC le 20 décembre 2011, Mme [C] précise que c'est à sa demande que la répartition des jours travaillés dans le mois a été modifiée à compter de janvier 2011 pour concilier son emploi avec sa vie familiale. Ne souhaitant plus travailler quatre fins de semaine par mois comme prévu dans son contrat de travail en date du 14 janvier 2003, Mme [C] a obtenu l'accord de son employeur pour ne plus travailler qu'une fin de semaine sur deux. En contrepartie elle remplaçait l'autre caissière certains soirs de l'une des deux semaines, ce qui a nécessairement entraîné un déséquilibre entre les semaines, Mme [C] travaillait en alternance 26 heures et 8 heures par semaine.

Dans ce même document écrit Mme [C] exprimait très clairement son souhait et sa volonté de voir la durée de travail et la répartition de celle-ci sur les jours de la semaine adoptées en 2011maintenues, elle revendiquait le statu quo, s'opposant au fait de travailler toutes les fins de semaine.

Par ailleurs, il résulte des pièces versées aux débats, notamment de courriels produits auxquels étaient joints les plannings et de l'attestation de M. [Z], que si Mme [C] a été amenée à faire des heures complémentaires elle a eu connaissance dans un délai raisonnable de ses horaires de travail, lesquels fluctuaient essentiellement selon le calendrier scolaire et le nombre de séances de projection de films pendant ces périodes, mais ce de façon répétitive et anticipée, la programmation cinématographique supposant nécessairement une anticipation. Les pièces produites de part et d'autre ne permettent pas de conclure à la réalité d'une violation du délai de prévenance conventionnellement prévu.

Les éléments versés aux débats tant par l'employeur que par la salariée démontrent que cette dernière ne travaillait pas à temps plein mais à temps partiel, qu'elle n'était pas tenue de rester à la disposition de son employeur et que la durée mensuelle de son temps de travail n'a jamais atteint la durée légale du travail ainsi qu'établi par son propre décompte.

En conséquence, il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a rejeté la demande de requalification formulée mais également en ce qu'il a condamné l'employeur au paiement des heures complémentaires non rémunérées par la SARL ARTEC ainsi qu'au paiement d'un solde d'indemnité de licenciement, ce au regard des plannings versés aux débats par la salariée qui ne sont pas contredits.

* Sur le licenciement pour motif économique :

Aux termes de l'article L.1233-3 du code du travail constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou d'une transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques.

La lettre de licenciement datée du 25 avril 2012 dont les motifs énoncés fixent les limites du litige est motivée comme suit :

'Celui-ci est justifié par les éléments suivants : la structure du ciné [Localité 1] a affiché une perte de 16.000 € sur l'exercice 2011. Suite à ce résultat et à l'évolution technologique amenée par le numérique, nous souhaitions que la seule caissière expérimentée soit présente les jours de forte affluence. Nous vous avons donc proposé dans notre courrier du 5 janvier 2012, une modification de votre contrat de travail avec cette nouvelle répartition avec réponse sous un délai d'un mois. Vous nous avez répondu par courrier en date du 19 janvier 2012 que vous refusiez la modification de votre contrat de travail.'

Il est incontestable que Mme [C] a refusé la modification de la durée de son travail et de la répartition de celui-ci sur les jours de la semaine telle que proposée par son employeur le 05 janvier 2012.

Cependant, d'une part la SARL ARTEC ne justifie pas que l'exercice 2011 s'est soldé par un déficit. Mme [C] justifie qu'au 30 septembre 2011 le résultat net de la société s'élevait à 46.100 €. Et la SARL ARTEC produit un compte rendu de l'expert-comptable daté du 12 décembre 2012 selon lequel le résultat net de la société au 30 septembre 2012 a été déficitaire à hauteur de 2.279 €.

D'autre part, l'évocation d'une mutation technologique apparaît totalement fallacieuse pour tenter d'imposer à la salariée de travailler toutes les fins de semaine ; le prétexte tiré de la modification du contrat de travail du projectionniste vers un emploi d'animateur en raison de l'adoption du ' tout numérique' apparaît totalement fantaisiste.

Outre le fait qu'il résulte des propres pièces de l'employeur que ce dernier voulait modifier le lieu de travail du projectionniste affecté dans la salle de cinéma de la [Localité 1], la SARL ARTEC reconnaît qu'elle a abandonné son projet de modifier le contrat de travail de ce dernier. Et l'on cherche en vain dans ses écritures et dans ses pièces la justification du lien entre les horaires de travail de la caissière, Mme [C], et l'adoption de projecteurs numériques.

Aucune cause économique de nature à justifier la modification du contrat de travail proposé à Mme [C] n'étant établie il convient de réformer le jugement entrepris et de dire le licenciement de celle-ci dépourvu de cause réelle et sérieuse.

* Sur l'indemnisation de la salariée :

En application des dispositions de l'article L.1235-3 du code du travail, Mme [C] qui ne sollicite pas sa réintégration dans l'entreprise a droit à une indemnité qui ne peut-être inférieure aux salaires des six derniers mois ; en l'espèce, la salariée

.../...

percevait un salaire moyen mensuel brut de 970 € (intégrant les heures complémen-taires) avait une ancienneté de plus de neuf ans, trois enfants à charge. En revanche elle ne justifie pas de sa situation après son licenciement. La SARL ARTEC sera donc condamnée à lui payer la somme de 12.000 € à titre de dommages intérêts avec intérêts courant au taux légal à compter du présent arrêt.

* Sur les autres demandes :

La décision entreprise sera confirmée en ce qu'elle a ordonné à l'em-ployeur de remettre à la salariée des bulletins de salaire et des documents de rupture rectifiés sous peine d'astreinte sauf à préciser que cette remise devra intervenir dans le délai d'un mois suivant la notification de la présente décision.

La SARL ARTEC qui succombe conservera la charge de ses frais irrépétibles et sera condamnée aux dépens de la procédure.

L'équité et les circonstances de la cause commandent de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de Mme [C] qui se verra allouer la somme de 1.200 € à ce titre.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

' Réforme le jugement déféré en ce qu'il a dit le licenciement de Mme [C] fondé sur une cause réelle et sérieuse et l'a déboutée de sa demande en paiement de dommages-intérêts à ce titre ainsi qu'en ce qui concerne le délai de remise des documents rectifiés.

Et, statuant de nouveau :

' Dit que le licenciement de Mme [C] dépourvu de cause réelle et sérieuse.

' Condamne la SARL ARTEC à verser à Mme [C] la somme de 12.000 € (douze mille euros) à titre de dommages-intérêts avec intérêts courant au taux légal à compter de ce jour.

' Dit que la remise des bulletins de salaire et document de rupture rectifiés devra intervenir dans le mois suivant la notification de la présente décision, ce, sous astreinte provisoire de 50 € (cinquante euros) par jour de retard.

' Confirme le jugement déféré pour le surplus.

Y ajoutant :

' Condamne la SARL ARTEC à verser à Mme [C] la somme de 1.200 € (mille deux cents euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

' Condamne la SARL ARTEC aux dépens de la procédure d'appel.

Signé par Madame Maud Vignau, Président, et par Madame Anne-Marie Lacour-Rivière, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A-M Lacour-Rivière M. Vignau


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 13/05850
Date de la décision : 15/10/2014

Références :

Cour d'appel de Bordeaux 4A, arrêt n°13/05850 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-10-15;13.05850 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award