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13/03/2014 | FRANCE | N°13/02228

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section b, 13 mars 2014, 13/02228


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION B



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ARRÊT DU : 13 MARS 2014

gtr

(Rédacteur : Elisabeth LARSABAL, Présidente)



PRUD'HOMMES



N° de rôle : 13/02228

















SA SNPE ANGOULEME



c/

Monsieur [D] [L]





















Nature de la décision : AU FOND







Notifié par

LRAR le :



LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :



La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d'huissier).



Certifié par le Greffier en Chef,



Grosse délivrée le :



à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 29 mars 2013...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION B

--------------------------

ARRÊT DU : 13 MARS 2014

gtr

(Rédacteur : Elisabeth LARSABAL, Présidente)

PRUD'HOMMES

N° de rôle : 13/02228

SA SNPE ANGOULEME

c/

Monsieur [D] [L]

Nature de la décision : AU FOND

Notifié par LRAR le :

LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :

La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d'huissier).

Certifié par le Greffier en Chef,

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 29 mars 2013 (R.G. n° F 11/295) par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage d'ANGOULEME, Section Industrie, suivant déclaration d'appel du 09 avril 2013,

APPELANTE :

SA SNPE ANGOULEME agissant en la personne de son Président MR [N] [I] domicilié en cette qualité au siège social,

[Adresse 1]

N° SIRET : 712 013 432

représentée par Me Bertrand MERVILLE de la SCP LA GARANDERIE ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉ :

Monsieur [D] [L]

né le [Date naissance 1] 1953 à [Localité 2]

de nationalité Française, demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Elisabeth LEROUX de la SCP TEISSONNIERE TOPALOFF LAFFORGUE, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 29 janvier 2014 en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Elisabeth LARSABAL, Présidente

Madame Catherine MAILHES, Conseillère

Madame Véronique LEBRETON, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Gwenael TRIDON DE REY,

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

EXPOSE DU LITIGE

La société SNPE a été créée le 8 mars 1971 et a repris les activités du service d'Etat des poudres; elle disposait de trois sites dont un à [Localité 1]. Dans le cadre de cette activité, elle utilisait des produits contenant de l'amiante.

La loi du 23 décembre 1998 a créé le mécanisme de l'ACAATA, allocation de cessation anticipée des travailleurs de l'amiante pour les salariés d'entreprises ayant utilisé de l'amiante mentionnées sur une liste établie par décret lorsque ces salariés atteignaient l'âge de 55 ans, mécanisme qui leur permet de percevoir, jusqu'à ce qu'ils puissent bénéficier d'une retraite à taux plein, une allocation égale à 65 % de la moyenne des salaires des12 derniers mois, sous réserve de démissionner de leur emploi.

L' établissement d'Angoulême de la société SNPE a été inscrit sur la liste des entreprises ouvrant droit à l'ACAATA par arrêté du 30 juin 2003 complété par arrêté du 6 février 2004, pour les années 1975 à 1999, à raison notamment de la fabrication d'explosifs et de propergols solides pour la propulsion d'agents balistiques.

Monsieur [D] [L] a été employé par la société SNPE du 14 juin 1976 au 30 septembre 2005 et a opté le 1er octobre 2005 pour le bénéfice de l'ACAATA. Il avait une ancienneté de 29 ans et était âgé de 52 ans à sa date de sortie des effectifs.

Le 29 septembre 2011, Monsieur [D] [L] a saisi le conseil de prud'hommes d'Angoulême aux fins de voir condamner la société SNPE lui verser des dommages intérêts au titre du préjudice d'anxiété (15000 €) et au titre du bouleversement dans les conditions d'existence (15000 €).

Par jugement rendu le 29 mars 2013 sous la présidence du juge départiteur 14 dossiers ou le 19 avril 2013 formation paritaire, le conseil de prud'hommes :

- a condamné la société SNPE à payer au salarié la somme de 15 000 € à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice résultant du bouleversement dans les conditions d'existence, lequel inclut le préjudice d'anxiété et 600 € en application de l'article 700 du code de procédure civile

- a rejeté le surplus des demandes

- a condamné la société SNPE aux dépens.

La société SNPE a régulièrement relevé appel de ce jugement. Monsieur [D] [L] forme appel incident.

Par conclusions déposées et reprises à l'audience, la société SNPE demande à la cour :

à titre principal

- de juger que l'existence d'une exposition à l'amiante n'étant pas établie, l'existence d'un préjudice d'anxiété subséquent n'est pas rapportée

- en conséquence de juger que la demande de réparation du préjudice d'anxiété est dépourvue de fondement et d'infirmer le jugement en ce qu'il a fait droit à la demande du requérant

à titre subsidiaire

de fixer une indemnisation individualisée du préjudice d'anxiété en fonction du risque d'exposition tel qu'il ressort des pièces versées au débats par l'intéressé et des éléments communiqués pour justifier de l'existence d'une anxiété.

Par conclusions déposées et reprises à l'audience, Monsieur [D] [L] demande à la cour :

- de constater que le demandeur qui a été exposé à l'inhalation de fibres d'amiante au sein de la société SNPE subit des préjudices qu'il convient de réparer

- de condamner la société SNPE à lui verser la somme de 30 000 € en réparation du préjudice d'anxiété comprenant l'inquiétude permanente et le bouleversement dans les conditions d'existence

- de condamner la société SNPE à lui payer la somme de 1000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens, et des prétentions et de l'argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures déposées, oralement reprises.

Il est précisé que la cour statue par vingt cinq arrêts distincts de ce jour sur des demandes similaires de salariés de la société SNPE.

La cour souligne qu'alors qu'il avait été établi pour ces vingt cinq dossiers le 11 juin 2013 un calendrier de procédure par le magistrat chargé de l'instruction aux termes duquel l'appelant devait conclure pour le 27 septembre 2013 et l'intimé pour le 29 novembre 2013, l'une et l'autre des parties se sont crues autorisées à ne remettre leurs conclusions qu'à l'audience.

MOTIFS

Le demandeur, qui avait initialement formé deux demandes distinctes de dommages intérêts au titre du préjudice d'anxiété d'une part et du bouleversement des conditions d'existence d'autre part, chacune à hauteur de 15 000 €, ne présente plus en appel, prenant acte de la position réaffirmée de la cour de cassation par arrêts du 25 septembre 2013, qu'une unique demande, au titre du préjudice d'anxiété englobant l'inquiétude permanente et le bouleversement dans les conditions d'existence, et ce à hauteur de 30 000 €.

Il est avéré que la société SNPE , si elle n'utilisait pas l'amiante comme matière première entrant dans la composition de ses fabrications, en utilisait de façon importante et systématique comme isolant, tant de ses locaux qui devaient être maintenus à température constante pour éviter les risques d'explosions, que des tuyauteries et de ses machines et notamment pour la fabrication du Durestos, et particulièrement pour les pales des malaxeurs à explosifs, isolées par des tresses d'amiante qui étaient ensuite enlevées avec des crochets et que les déchets d'amiante étaient ensuite brûlés sur place. La société SNPE ne justifie pas suffisamment par les pièces produites qu'elle ait mis en oeuvre des mesures de protection, notamment après le décret du 17 août 1977 spécifique à l'amiante.

Il n'est pas contesté par la société SNPE que l'intimé a été employé pendant de nombreuses années au cours de la période ouvrant droit au bénéfice de l'ACAATA, et bénéficie de cette allocation.

Il est suffisant de constater que le salarié a travaillé dans l'un des établissements mentionné à l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 et figurant sur une liste établie par arrêté ministériel pendant une période où y était traitée de l'amiante et qu'en conséquence, il se trouve, par le fait de l'employeur, dans une situation d'inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d'une telle maladie, sans qu'il ait à établir la preuve qu'il a été directement et personnellement exposé à l'amiante en raison de la nature de son activité salariée au sein de ladite entreprise, et qu'il se soumette ou non à des contrôles et examens médicaux, ce qui caractérise l'existence d'un préjudice d'anxiété, ouvrant droit à indemnisation par la juridiction prud'homale.

L'indemnisation accordée au titre du préjudice d'anxiété répare l'ensemble des troubles psychologiques, y compris ceux liés au bouleversement dans les conditions d'existence, résultant du risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante. Ce préjudice n'a rien de virtuel dès lors que la société SNPE reconnaît que trois de ses salariés sont décédés de pathologies liées à l'amiante, quand bien elle différencie leurs cas de celui du requérant et que les juridictions de sécurité sociale sont saisies de demande de reconnaissance de la faute inexcusable de cet employeur .

Surabondamment, c'est par des motifs complets et pertinents en fait et en droit qui ne sont pas remis en cause par les débats en appel et que la cour adopte que le premier juge a considéré que l'intimé justifiait de son exposition à l'amiante dans le cadre de son emploi à la société SNPE, entreprise inscrite sur la liste l'ACAATA, au regard de ses périodes d'emploi et au vu d'attestations de ses collègues de travail, particulièrement habiles à avoir constaté ses conditions de travail, et que rien ne permet de remettre en cause ; il est par ailleurs significatif que la société SNPE ait délivré au salarié pour toute la durée de sa période d'emploi une attestation d'exposition à l'amiante qui permet au salarié de bénéficier du mécanisme de suivi médical post professionnel sans avance de fais, sous la signature de son médecin du travail et de son directeur, mentionnant une exposition sur toute la période d'emploi, ce dont elle ne saurait a posteriori relativiser la portée, et qu'elle ait signé avec les syndicats un accord d'entreprise en date du 25 juillet 2003 majorant l'indemnité conventionnelle de départ des bénéficiaires de l'ACAATA.

Le jugement sera confirmé en son principe en ce qu'il a retenu le principe d'une indemnisation, mais amendé en ce qui concerne le libellé du dispositif, qui vise la réparation du préjudice résultant du bouleversement dans les conditions d'existence, lequel inclut le préjudice d'anxiété, alors qu'il convient de viser le préjudice d'anxiété comprenant l'inquiétude permanente et le bouleversement dans les conditions d'existence.

La cour estime par ailleurs devoir réduire à 12000 € le montant de l'indemnisation accordée, le salarié n'ayant pas à ce jour plusieurs années après son départ de la société SNPE déclaré de maladie professionnelle.

Le jugement sera réformé de ce chef.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

La société SNPE appelante dont les prétentions sont rejetées, supportera la charge des dépens et sera condamnée à payer à l'intimé, à qui il serait inéquitable de laisser la charge de ses frais irrépétibles, une somme de 800 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Réforme partiellement le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société SNPE à payer à Monsieur [D] [L] la somme de 15000 € à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice résultant du bouleversement dans les conditions d'existence, lequel inclut le préjudice d'anxiété ;

Statuant à nouveau de ce chef, condamne la société SNPE à payer à Monsieur [D] [L] la somme de 12000 € à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice d'anxiété comprenant l'inquiétude permanente et le bouleversement dans les conditions d'existence ;

Confirme pour le surplus le jugement déféré ;

Y ajoutant :

Condamne la société SNPE à payer à Monsieur [D] [L] la somme de 800€ en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société SNPE aux dépens d'appel.

Signé par Madame Elisabeth LARSABAL, Présidente, et par Gwenaël TRIDON DE REY, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

G. TRIDON DE REY Elisabeth LARSABAL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section b
Numéro d'arrêt : 13/02228
Date de la décision : 13/03/2014

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-03-13;13.02228 ?
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