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27/02/2014 | FRANCE | N°13/04617

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section b, 27 février 2014, 13/04617


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION B



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ARRÊT DU : 27 FEVRIER 2014

gtr

(Rédacteur : Madame Véronique LEBRETON, Conseillère)



PRUD'HOMMES



N° de rôle : 13/04617

















Madame [U] [N]



c/

SARL LA CINQUIEME AGENCE





















Nature de la décision : AU FOND







Notifié par LRAR le :



LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :



La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d'huissier).



Certifié par le Greffier en Chef,



Grosse délivrée le :



à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION B

--------------------------

ARRÊT DU : 27 FEVRIER 2014

gtr

(Rédacteur : Madame Véronique LEBRETON, Conseillère)

PRUD'HOMMES

N° de rôle : 13/04617

Madame [U] [N]

c/

SARL LA CINQUIEME AGENCE

Nature de la décision : AU FOND

Notifié par LRAR le :

LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :

La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d'huissier).

Certifié par le Greffier en Chef,

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 04 juillet 2013 (R.G. n° 12/02781) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BORDEAUX, Section Commerce, suivant déclaration d'appel du 18 juillet 2013,

APPELANTE :

Madame [U] [N]

née le [Date naissance 1] 1957 à [Localité 1] (Guinée) (99)

de nationalité Française

Sans profession, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Aurélie NOEL, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉE :

SARL LA CINQUIEME AGENCE, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social,

[Adresse 1]

N° SIRET : 480 339 456

représenté par Me Mathieu ETIVANT, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 15 janvier 2014 en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Elisabeth LARSABAL Présidente,

Madame Catherine MAILHES, Conseiller,

Madame Véronique LEBRETON, Conseiller,

Greffier lors des débats : Gwenaël TRIDON DE REY,

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

EXPOSE DU LITIGE

Mme [U] [N] a été embauchée à compter du 1er décembre 2010 en qualité de télévendeur (employé niveau 1, coefficient 120) dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée, pour un salaire brut mensuel de 1365, 03 euros, par la SARL La Cinquième agence, société de télémarketing.

Les relations de travail étaient régies par la convention collective des prestataires de services dans le domaine du secteur tertiaire.

Par courrier en date du 25 juillet 2011, l'employeur a délivré un avertissement à Mme [U] [N] en raison de son absence les 14 et 15 juillet, alors que sa demande de congé avait été refusé, et en raison des retards et absences injustifiés au cours du mois de juin.

Par courrier en date du 31 octobre 2011, un second avertissement lui était délivré en raison de la répétition des retards depuis le mois d'août 2011.

Le 24 novembre 2011 l'employeur lui confirmait sa convocation à un entretien préalable et lui notifiait sa mise à pied conservatoire. L'entretien s'est déroulé le 1er décembre 2011.

Le 6 décembre 2011, un licenciement pour faute grave lui était signifié, les motifs invoqués étant les retards répétés, des comportements d'indiscipline et d'insubordination.

Le 26 janvier 2012, puis le 28 novembre 2012 après radiation, Mme [U] [N] a saisi le conseil de prud'hommes de Bordeaux pour contester son licenciement.

Par jugement en date du 4 juillet 2013 et le conseil de prud'hommes de Bordeaux (section commerce) :

- a jugé le licenciement de Mme [U] [N] fondé sur une cause grave et sérieuse mais non sur une faute grave et a annulé la mise à pied conservatoire,

- a condamné la SARL La Cinquième agence à lui payer les sommes de :

- 273, 01 euros à titre d'indemnité de licenciement,

- 2730, 06 euros au titre de l'indemnité de préavis,

- 273 euros au titre des congés payés y afférents,

- 800 euros à titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- a débouté Mme [U] [N] du surplus de ses demandes.

Mme [U] [N] a interjeté appel de cette décision le 18 juillet 2013.

La SARL La Cinquième agence a formé une appel incident dans ses écritures du 14 janvier 2014.

Mme [U] [N] sollicite aux termes de ses écritures développées à l'audience :

- l'infirmation du jugement et qu'il soit dit que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse et irrégulier,

- l'octroi des sommes suivantes :

- 2730, 06 euros au titre de l'indemnité de préavis, outre les congés payés y afférents,

- 273, 01 euros à titre d'indemnité de licenciement,

- 516, 79 euros à titre de remboursement pour la mise à pied outre les congés payés y afférents,

- 500 euros à titre de dommages-intérêts pour non-mention du droit individuel à la formation

- 20000 euros à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat,

- 1365, 03 euros à titre d'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement,

- 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir ainsi les moyens suivants:

- l'employeur ne rapporte pas la preuve qui lui appartient d'une part des manquements et d'autre part de leur gravité rendant impossible le maintien de la salariée dans l'entreprise, ainsi en l'absence de pointeuse le décompte des retards n'est pas probant car effectué 'à la tête du client'et la signature des feuilles de retard ne s'imposant pas à elle, enfin elle n'a commis aucun acte d'insubordination car elle n'a pas déchiré la feuille de retard le 24 novembre 2011,

- le délai entre la convocation et la date d'entretien préalable n'a pas été conforme aux dispositions de l'article L 1232- 2 du code du travail,

- elle avait acquis au titre du droit individuel à la formation 20 heures dont il n'a pas été fait mention dans la lettre de licenciement, son ancienneté devant être calculée sans déduction des temps d'arrêt de travail pour maladie,

La SARL La Cinquième agence, par ses écritures déposée le 14 janvier 2014 soutenues oralement, forme appel incident et sollicite :

- l'infirmation du jugement en ce qu'il a estimé que le licenciement était fondé sur une cause réelle et sérieuse et non sur une faute grave,

- le rejet de toutes le demandes de Mme [U] [N].

Elle expose les moyens suivants :

- Mme [U] [N] a bien commis tous les manquements mentionnés dans la lettre de licenciement soit multiples retards et absences, refus de signer les feuilles de retard, destruction de la feuille de retard le 24 novembre 2011, ce qui constitue une violation des obligations contractuelles et des obligations liées aux relations de travail qui rend impossible son maintien dans l'entreprise, malgré les aménagements et rappels à l'ordre, elle a maintenu son attitude devant ses collègues,

- le délai de cinq jours ouvrables a bien été respecté entre la convocation et la date de l'entretien préalable, la procédure est régulière,

- la salariée n'avait pas un an d'ancienneté compte tenu de ses absences injustifiées au moment du licenciement, elle ne pouvait prétendre au DIF.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens, et des prétentions et de l'argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures déposées, oralement reprises.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le licenciement

L'article L 1232-2 du code du travail dispose que l'entretien préalable ne peut avoir lieu moins de cinq jours ouvrables après la présentation de la lettre recommandée ou la remise n mains propre de la lettre de convocation.

En l'espèce, la lettre de convocation a été remise en main propre le 24 novembre 2011 pour un entretien le 1er décembre 2011. Entre ces deux dates se sont écoulés cinq jours ouvrables pleins et un dimanche, de sorte que la procédure a été respectée par l'employeur.

La cour confirmera donc le jugement de première instance sur ce point.

Il résulte des dispositions des articles L 1232-1 et L 1235-1 du code du travail que tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse, et qu'en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits vérifiables, précis et matériellement imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'un importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, l'employeur devant en rapporter la preuve s'il l'invoque pour licencier, les dispositions des articles L 1234-1 et L 1234-9 du code du travail prévoyant que lorsque le licenciement est motivé par une faute grave, le salarié n'a droit ni à un préavis ni à une indemnité de licenciement.

En l'espèce il résulte de la lecture et de l'analyse de la lettre de licenciement notifiée à Mme [U] [N] le 6 décembre 2011, que le licenciement est motivé par :

- des retards et des absences depuis le début du contrat de travail, qui avaient été sanctionnés par deux avertissements en date du 25 juillet 2011 et du 31 octobre 2011 et ont généré des entretiens avec les managers, la direction et la chargée des ressources humaines, sans apporter de changement au comportement de la salariée, lequel s'est au contraire dégradé car les retards sont devenus quasi quotidiens entre le 11 octobre 2011 et le 17 novembre 2011 et justifiés a posteriori par un problème de transport, un rendez-vous médical, et de la fatigue,

- le refus de signer les feuilles de retard depuis le 16 novembre 2011 en y apposant des dessins,

- un acte d'indiscipline et d'insubordination le 24 novembre 2011, date à laquelle elle a refusé de signer une feuille de retard, l'a déchirée, l'a jetée au visage du manager tout en vociférant contre l'entreprise et les managers devant les collègues de travail.

Il résulte des pièces produites aux débats et notamment des feuilles de décompte des heures travaillées par semaine signées par Mme [U] [N] jusqu'au 18 novembre 2011, corroborées par les attestations de M. [R], Mme [G], Melle [O], M. [I] et Melle [Z] produites par l'employeur, que la salariée arrivait fréquemment et régulièrement en retard à son poste de travail, soit le matin, soit après la pause, à l'embauche. Sur la période visée par la lettre de licenciement, treize retards peuvent être décomptés.

Il en résulte également, notamment des attestations de Melle [O] et de M. [R], qu'en fin d'exécution du contrat de travail elle refusait de signer les feuilles d'absence ou de retard et apposait des dessins à la place de la signature.

Enfin le témoignage de Mme [G], corroboré par la production du bulletin déchiré, établit que le 24 novembre 2011, elle a déchiré le bulletin que le témoin lui proposait à la signature et a jeté les morceaux dans sa direction; l'attestation de Melle [Q], qui n'a pas été témoin direct des faits, n'est pas de nature à valablement contredire ce témoignage dont la crédibilité n'est pas sérieusement discutée.

Le contrat de travail signé par Mme [U] [N] stipule : article 4 (durée du travail), que le temps de travail est de 7 heures par jour du lundi au vendredi, les horaires de travail et leur aménagement pouvant être modifiés en fonction des impératifs de production; article 6 (obligations professionnelles), que la salariée s'engage à effectuer le nombre d'heures requis pour les besoins de la société et respecter les instructions et recommandations qui lui seront données par ses supérieurs hiérarchiques ainsi que de façon générale par la direction de la société, la ponctualité dans sa mission étant notée comme capitale, toute absence autre que médicale ou cas de force majeure étant considérée comme une faute grave.

Les bulletins produits par Mme [U] [N] elle même démontrent qu'au moins jusqu'à la fin du mois de septembre 2011, elle a signé les bulletins d'absence contresignés par un manager.

Elle est par conséquent mal fondée à soutenir que le règlement intérieur ne prévoit pas que ces bulletins ont un caractère obligatoire, alors qu'ils doivent être associés aux feuilles de décompte hebdomadaire des heures travaillées signées par les salariés, et caractérisent manifestement la méthode de comptage du temps de travail par salarié choisie par l'employeur et qui a été acceptée jusqu'à la fin du mois d'octobre 2011 par Mme [U] [N] qui les a elle même signées.

L'attestation de Mme [X] comporte des commentaires remettant en question l'équité du système de comptage du temps de travail entre les salariés dans l'entreprise, mais elle n'est pas de nature à contredire que la méthode était celle acceptée puis refusée sans motif par Mme [U] [N], permettant de caractériser son insubordination aux consignes de l'employeur en ce sens.

Ainsi la réalité des faits de retards réitérés, d'indiscipline et d'insubordination sur la période postérieure au 31 octobre 2011 est avéré.

Ces faits ont été précédés de deux sanctions disciplinaires pour des faits pour partie identiques, puisque les deux avertissements des 25 juillet et 31 octobre 2011 sont fondés sur un acte d'insubordination et des retards et absences injustifiés depuis le mois de juin 2011.

La réitération des faits fautifs, voire leur aggravation, malgré deux sanctions rapprochées dans le temps et qui ne sont pas judiciairement contestées, alors que Mme [U] [N] travaille sur une plate-forme en présence d'autres salariés soumis aux mêmes contraintes qu'elle, a rendu impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.

La cour considère par conséquent que le licenciement est fondé sur une faute grave de la salariée.

Le jugement du conseil de prud'hommes de Bordeaux sera donc réformé sur ce point et sur les conséquences de la faute grave.

Ainsi Mme [U] [N] sera déboutée de ses demandes au titre : des indemnités de licenciement, de préavis et congés payés afférents, de remboursement de salaire pour la période de mise à pied et congés payées y afférents, et des dommages- intérêts pour procédure abusive et non-respect de la procédure de licenciement.

Sur le droit individuel à la formation

Il résulte des articles L 6323-1 et L 6323-18 du code du travail que tout salarié justifiant d'une ancienneté d'un an peut prétendre à un droit individuel à la formation de 20 heures par mois, l'employeur devant dans sa lettre de licenciement informer dans ce cas le salarié de ses droits en la matière.

L'article L 6323- 2 du code du travail dispose quant à lui que pour le calcul des droits , la période d'absence du salarié pour congé de maternité, d'adoption, de présence parentale, de soutien familial ou de congé parental d'éducation est intégralement prise en compte.

En l'espèce la lettre de licenciement ne porte aucune mention en ce sens.

Néanmoins, il ressort, d'une part , de la lettre d'avertissement du 25 juillet 2011, dont les termes ne sont pas contestés par Mme [U] [N], qu'elle a été absente sans autorisation et justification six jours au mois de juin et juillet 2011, et d'autre part, des bulletins de salaires, que sur la période d'emploi elle a eu un jour d'absence non rémunéré au mois de septembre 2011, ainsi que des jours d'absence en arrêt maladie ( 5 jours en février, 2 jours en avril, 3 jours en octobre et 3 jours en novembre), qui doivent être déduits pour le calcul de l'ancienneté pour le droit individuel de formation comme ne répondant pas aux critères prévus par la loi pour être intégrés.

Par conséquent la salariée n'avait pas un an d'ancienneté révolue et ne pouvait prétendre au bénéfice du droit individuel à la formation.

La cour confirmera donc le jugement de première instance sur ce point et Mme [U] [N] sera déboutée de sa demande de ce chef.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Mme [U] [N] succombant au principal, elle supportera les dépens de la présente instance et sera déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

N'apparaissant pas inéquitable que la SARL La Cinquième agence supporte la charge de ses propres frais de procédure, elle sera déboutée de sa demande du même chef.

PAR CES MOTIFS

La COUR

Infirme le jugement déféré en ce qu'il a dit le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse et condamné la SARL La Cinquième agence à payer à Mme [U] [N] l'indemnité de licenciement, l'indemnité de préavis, et les congés payés y afférents,

Statuant à nouveau,

Dit que le licenciement de Mme [U] [N] par la SARL La Cinquième agence est fondé sur une faute grave,

Déboute en conséquence Mme [U] [N] de ses demandes au titre de

l'indemnité de préavis, des congés payés y afférents, de l'indemnité de licenciement, du remboursement du salaire pour la période de mise à pied, des congés payés y afférents, de dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat,

Confirme pour le surplus le jugement déféré,

Déboute les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Mme [U] [N] aux dépens.

Signé par Madame Elisabeth LARSABAL, Présidente, et par Gwenaël TRIDON DE REY, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

G. TRIDON DE REY Elisabeth LARSABAL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section b
Numéro d'arrêt : 13/04617
Date de la décision : 27/02/2014

Références :

Cour d'appel de Bordeaux 4B, arrêt n°13/04617 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-02-27;13.04617 ?
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