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25/02/2014 | FRANCE | N°13/01380

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 25 février 2014, 13/01380


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



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ARRÊT DU : 25 FEVRIER 2014



(Rédacteur : Madame Myriam Laloubère, Conseiller faisant fonction de Président)

(PH)



PRUD'HOMMES



N° de rôle : 13/01380









Madame [O] [V]



c/



Association L'ADAPT















Nature de la décision : AU FOND












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Notifié par LRAR le :



LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :



La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par

voie de signification (acte d'huissier).



Certifié par le Greffier en Chef,





Grosse délivrée le :



à :





Décision déférée...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 25 FEVRIER 2014

(Rédacteur : Madame Myriam Laloubère, Conseiller faisant fonction de Président)

(PH)

PRUD'HOMMES

N° de rôle : 13/01380

Madame [O] [V]

c/

Association L'ADAPT

Nature de la décision : AU FOND

Notifié par LRAR le :

LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :

La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par

voie de signification (acte d'huissier).

Certifié par le Greffier en Chef,

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 20 février 2013 (RG n° F 11/03474) par le Conseil de Prud'hommes - formation paritaire - de Bordeaux, section Encadrement, suivant déclaration d'appel du 1er mars 2013,

APPELANTE :

Madame [O] [V], née le [Date naissance 1] 1968 à [Localité 1]

(33220), de nationalité française, profession adjointe de direction, demeurant [Adresse 2],

Représentée par Maître Philippe Lafaye, avocat au barreau de Bordeaux,

INTIMÉE :

Association L'ADAPT, siret n° 775 693 385 00764, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, [Adresse 1],

Représentée par Maître Maxence Ducellier substituant Maître Daniel Lasserre de la SELAS Exème Action, avocats au barreau de Bordeaux,

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 janvier 2014 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Myriam Laloubère, Conseiller faisant fonction de Président, chargé d'instruire l'affaire,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Myriam Laloubère, Conseiller faisant fonction de Président,

Madame Marie-Luce Grandemange, Conseiller,

Monsieur Claude Berthommé, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Anne-Marie Lacour-Rivière.

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

EXPOSE DU LITIGE

L'ADAPT, association pour l'insertion sociale et professionnelle des personnes handicapées, accueille des personnes rencontrant des handicaps de toutes natures, notamment au sein de l'ESAT Gaillan Richelieu de FLOIRAC, établissement et service d'aide par le travail.

Mme [O] [V] a été embauchée par l'association ADAPT le 1er mars 2004 pour occuper un emploi de responsable d'atelier à l'ESA, selon contrat à durée indéterminée à temps complet, coefficient 481 (puis 491 du 1er juillet suivant) de la convention collective applicable.

Le 1er mars 2010, Mme [V] est devenue Chef de service de l'ESAT, directement rattachée au directeur de l'ADAPT.

Par avenant au contrat initial en date du 1er juillet 2010, Mme [V] a accédé aux fonctions d'adjointe de direction, coefficient 590.

Par lettre de remise en main propre le 5 septembre 2011, Mme [O] [V] a été convoquée en vue d'un entretien préalable à un licenciement pour faute grave pour le 12 septembre 2011, la convocation étant assortie d'une mesure de mise à pied conservatoire.

Par courrier recommandé en date du 16 septembre 2011, Mme [O] [V] a été licenciée pour faute grave.

Le 28 octobre 2011, Mme [O] [V] a saisi le Conseil des Prud'hommes de BORDEAUX pour contester son licenciement et pour réclamer diverses sommes au titre de cette rupture, outre le paiement d'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par décision en date du 20 février 2013, le Conseil des Prud'hommes de BORDEAUX

- a débouté Mme [O] [V] de l'ensemble de ses demandes

- a débouté l'association ADAPT de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le 1er mars 2013, Mme [O] [V] a régulièrement relevé appel de cette décision.

Par conclusions déposées le 9 juillet 2013, développées oralement et auxquelles il est expressément fait référence, Mme [O] [V] conclut à la réformation de la décision dont appel, demande à la Cour de dire que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse.

Elle demande la condamnation de l'association ADAPT à lui payer à les sommes suivantes:

- 60.000€ de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 1841,64€ à titre de rappel de salaire pour la période du 5 au 20 septembre 2011 outre les congés payés au prorata,

- 13.832,64€ à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents,

- 25.648,02€ d'indemnité conventionnelle de licenciement

- 2000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions déposées le 20 janvier 2014 développées oralement et auxquelles il est expressément fait référence, l'association ADAPT GIRONDE demande la confirmation du jugement entrepris, les fautes reprochées à Mme [V] relevant de la faute grave et la condamnation de celle'ci à lui payer la somme de 2000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

* Sur la rupture du contrat de travail

La lettre de licenciement du 16 septembre 2011 dont les motifs énoncés fixent les limites du litige est motivée comme suit:

' Cette mesure est notamment motivée par l'utilisation que vous avez faite des moyens matériels et humains de l'établissement à des fins personnelles.

effet, du jeudi 25 août au vendredi 26 août 2011 inclus, puis du mardi 30 août au jeudi 1er septembre 2011 inclus, vous avez utilisé, en urgence et toutes affaires cessantes, les services du moniteur de l'ESAT en charge de l'activité 'rénovation' et une équipe de plusieurs travailleurs handicapés, pour réaliser pour vous-même et à votre demande, à votre domicile, un déménagement-réaménagement, ainsi que travaux divers d'installation et de réparation. Ceci sans qu'aucune demande d'autorisation ne m'ait été faite de votre part, malgré le caractère évidemment problématique en termes de déontologie de la prestation en question.

Je tiens à préciser, en outre que cette utilisation est intervenue alors que l'ESAT reprenait son activité après la période de vacances estivale, et que des travaux de mise en conformité prévus de longue date pour améliorer l'environnement des patients du Pavillon thérapeutiques du CMPR L'ADAPT Château Rauzé et garantir leur sécurité avaient été fixés pour être effectués par l'équipe 'rénovation' de l'ESAT avant le 1er septembre, en prévision de la visite de certification de l'HAS programmée du 13 au 15 septembre 2011.

L'intervention en urgence pour votre déménagement a imposé de décaler ces travaux, lesquels au lieu d'être effectués à la reprise ont dû être réalisés au dernier moment, les tous derniers jours précédant la visite de certification HAS. Par ailleurs, d'autres prestations étaient programmées sur cette période, notamment l'une auprès d'un client durant la semaine du 5 septembre.

De plus, vous n'avez pas respecté les procédures en vigueur dans l'association et plus particulièrement à l'ESAT:

- Vous avez demandé au moniteur d'atelier un devis estimatif qui ne portait que sur une journée d'intervention que vous n'avez pas régularisé, sans respecter les procédures existantes concernant devis et bon de commande;

- Vous avez utilisé des véhicules de l'établissement pour des activités personnelles, sans autorisation et sans m'en référer;

- Vous n'avez pas respecté les règles d'activité des personnes handicapées, notamment en matière de temps de travail et de pénibilité, en leur imposant des conditions de travail anormales.

Vous avez abusé de votre position hiérarchique pour imposer ces contraintes, tant aux personnes handicapées que nous faisons travailler, qu'au moniteur d'atelier.

Par ailleurs, pendant cette période, vous vous êtes vous-même absentée de votre poste de travail, sans autorisation, et sans en référer à votre direction.

J'ai pu par ailleurs constater au cours des derniers jours que ces situations n'étaient pas nouvelles et qu'à l'insu de votre direction:

- A plusieurs reprises déjà, vous aviez utilisé les véhicules de service et des moyens techniques de l'association pour des activités personnelles alors que leur usage privé est interdit et qu'il vous appartenait en tant que chef de service de faire respecter cette consigne.

- Vous avez déjà fait réaliser des prestations personnelles conséquentes, au sein de l'ESAT ou à votre domicile en 2009 et 2010, sans établissement de devis, sans facturation et sans règlement de votre part. Il s'est agi notamment du montage et de l'installation d'une cabane de jardin et d'espaces verts.

Cette utilisation abusive et non autorisée des moyens de l'établissement pour vos besoins personnels met en cause la bonne marche du service, alors qu'en tant que chef de service de l'ESAT vous en êtes la garante.

Enfin, j'ai pu également constater que:

- Vous êtes fréquemment absente et ne respectez pas vos horaires de travail

- Vous dénigrez votre direction auprès du personnel et de certains partenaires

- Vous n'aviez pas mis en oeuvre depuis plusieurs mois les consignes données en matière de démarche d'évaluation des risques professionnelles (DUERP), de qualité et gestion des risques, de formation, de planification des travaux de maintenance et de sécurité.

Au cours de notre entretien, vous n'avez pu apporter d'explications à l'ensemble de ces griefs.

Compte tenu de la gravité des fautes reprochées et de leurs conséquences sur le fonctionnement de l'établissement, votre maintien dans l'entreprise s'avère impossible'.

Aux termes de l'article L 1235-1 du code du travail, il appartient au juge d'apprécier le caractère réel et sérieux des griefs invoqués et de former sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, le doute profitant au salarié.

Toutefois, la charge de la preuve de la gravité de la faute privative des indemnités de préavis et de licenciement incombe à l'employeur et tel est le cas d'espèce.

La Cour rappelle également que la faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis.

Mme [V] a accédé aux fonctions d'adjointe de direction le 1er juillet 2010, après avoir été chef de production de l'ESAT pendant 6 ans; elle occupait, en fait, ce poste d'adjointe de direction depuis le deuxième semestre 2008 et n'avait été reclassée qu'après avoir validé en juillet 2010 son master 2 en management des organisations sanitaires et sociales

Le reproche majeur fait à Mme [V] est celui de l'utilisation des moyens matériels et humains de l'établissement à des fins personnelles, notamment à travers son déménagement effectué fin août 2011, qui plus est au détriment d'autres travaux plus urgents pour l'Association.

Il est également reproché à Mme [V] des absences injustifiées et le non-respect des horaires de travail, le dénigrement de la direction auprès du personnel et de certains partenaires et du défaut de mise en oeuvre des consignes données en matière de démarche d'évaluation des risques professionnels, de qualité et gestion des risques, de formation, de planification des travaux de maintenance et de sécurité.

La Cour souligne tout d'abord que Mme [J], qui a fait une attestation très circonstanciée et critique sur Mme [V], était présente au côté de M. [P] lors de l'entretien préalable au licenciement de Mme [V] et que depuis le licenciement de celle-ci, elle occupe, entre autres, ses fonctions.

Enfin, l'employeur verse aux débats la note datée du 27 janvier 2011 rédigée par Mme [J] sur le management de l'équipe de l'ESAT par Mme [V], note qui a donné lieu à un entretien du 28 janvier 2011 entre le directeur, M. [P], et M. [V]: dans sa note du 27 janvier 2011, Mme [J] soulignait avec force que l'équipe se sent 'abandonnée', sans pilote et s'interrogeait sur les activités et les comportements de [O] Mme [J], listant les manquements qu'elle avait elle-même constatés:

....................

- aucun investissement dans le comité de pilotage DUERP

..............................

- utilisation d'un véhicule de service à titre personnel, sans autorisation préalable

- des arrivées tardives

...........................

- des propos très critiques devant l'équipe

Or, le 31 janvier 2011, lors de l'entretien entre M. [P] et Mesdames [J] et [V], s'il est question de réduction des activités extérieures de Mme [V], d'organisation de réunions d'équipe, de points fréquents entre les deux directions ou avec M. [P], aucun reproche n'est formalisé à l'encontre de Mme [V].

Par ailleurs, Mme [V] a fait son premier entretien d'évaluation le 27 avril 2011, entretien au cours duquel le directeur, M. [P], a pointé l'importante évolution de l'ESAT (extension de capacité, ouverture de l'ESAT Hors les Murs et engagement de l'ESAT dans la SEPH) en félicitant la salariée pour avoir conduit ces évolutions, d'avoir tissé un réseau partenarial important, permettant à l'ESAT de se positionner comme un interlocuteur crédible des pouvoirs publics et des entreprises pour l'accompagnement des travailleurs handicapés cerébrolésés

Le directeur note toutefois, lors de cet entretien, une certaine dégradation du climat social, une partie de l'équipe des moniteurs a fait état d'une difficulté de communication et d'un manque de disponibilité de la chef de service et d'une charge de travail trop importante, du fait de l'attente du recrutement d'un moniteur coordinateur de production (une tentative interne à cette fonction n'ayant pas été une réussite). M. [P] renouvelle cependant sa confiance et son soutien à Mme [V], tout en lui demandant de se recentrer pour l'année 2011 sur les enjeux d'organisation interne de l'ESAT, de prendre des mesures pour restaurer un climat de confiance, en validant par ailleurs la décision de recruter en externe un nouveau moniteur, avec mission de coordination de la production.

Mme [V] a enfin évoqué, lors de cet entretien, certaines difficultés avec Mme [J], adjointe de direction RH-Qualité et a souhaité des clarifications sur les rôles de chacune, M. [P] s'y engageant, soulignant cependant que Mme [J] s'était de son côté plainte d'un manque de disponibilité de Mme [V] et souhaitant retrouver par des rencontres régulières de travail, un mode de communication satisfaisant.

La Cour se doit maintenant, dans ce contexte rappelé, d'examiner les griefs allégués à l'encontre de Mme [O] [V], en soulignant préalablement que les attestations des salariés de l'association ADAPT doivent être examinés avec précaution tant au regard de leur lien de subordination avec l'employeur que du climat social difficile qui régnait à l'ESAT à cette époque pour des causes multiples(évolution importante vers l'extérieur de l'ESAT, activité de production très soutenue, absence maladie ou démotivation de certains moniteurs, attente du recrutement d'un moniteur coordinateur, attributions respectives discutées des adjointes de direction....) qui ne sont pas toutes imputables à Mme [V].

Les premiers juges se sont contentés, quant à eux, d'affirmer que les faits reprochés à la salariée sont suffisamment réels et sérieux, caractérisent une violation de l'obligation de loyauté et rendent impossible le maintien de celle-ci dans l'association.

Les griefs sont les suivants:

- Vous êtes fréquemment absente et ne respectez pas vos horaires de travail.

Au regard des pièces contractuelles, qui prévoient une durée hebdomadaire de travail sans aucun horaire de travail, et des tâches de Mme [V], qui, compte tenu de ses fonctions qui impliquaient la prospection de nouveaux clients, devait assurer de nombreux rendez-vous extérieurs, en dehors de tout horaire, ce grief, soutenu par de simples attestations de certains salariés (moniteurs d'ateliers et Mme [J]) ne parait pas sérieux: Mme [V] adjointe de direction, organisait librement son emploi du temps et n'a par ailleurs jamais bénéficié du paiement d'heures supplémentaires.

L'employeur n'a jamais adressé un quelconque reproche sur de prétendues absences à Mme [V], et ce même si la note du 27 janvier 2011 de Mme [J] faisait état d'arrivées tardives et même si lors de son entretien d'évaluation du 27 avril 2011, M. [P] demandait à la salariée d'être plus présente en interne sur le site propre de l'ESA.

- Vous dénigrez votre direction auprès du personnel et de certains partenaires

L'employeur ne produit aucune pièce convaincante à l'appui de ses dires, hormis les attestations vagues et imprécises d'autres salariés de l'Association.

Ce grief n'est non plus retenu par la Cour.

- Vous n'aviez pas mis en oeuvre depuis plusieurs mois les consignes données en matière de démarche d'évaluation des risques professionnelles (DUERP), de qualité et gestion des risques, de formation, de planification des travaux de maintenance et de sécurité.

Là encore, l'employeur se réfère aux attestations de deux autre salariées, dont celle de Mme [J], alors que Mme [V] verse aux débats copie de son agenda sur lequel apparaissent, selon elle, les nombreuses réunions qu'elle y a consacrées.

La preuve de ce grief n'est donc nullement rapportée par l'employeur, d'autant que dés janvier 2011, Mme [J] se plaignait auprès de M. [P] du manque d'investissement de Mme [V] à ce propos, sans que l'employeur ne réagisse et ne justifie d'avoir ensuite donné des consignes précises à sa salariée sur cette démarche DUERP.

- Reste le dernier et principal grief, l'utilisation abusive et non autorisée des moyens de l'établissement pour vos besoins personnels qui met en cause la bonne marche du service, alors qu'en tant que chef de service de l'ESAT vous en êtes la garante.

Hormis le déménagement d'août 2011 sur lequel la Cour reviendra plus loin, l'employeur reproche à Mme [V] d'autres utilisations des véhicules de service et des moyens techniques de l'association pour des activités personnelles et la réalisation d'autres prestations personnelles conséquentes, au sein de l'ESAT ou à son domicile en 2009 et 2010, sans établissement de devis, sans facturation et sans règlement de sa part (montage et de l'installation d'une cabane de jardin et espaces verts).

Or, dés janvier 2011, l'employeur avait été alerté par la note de Mme [J] sur d'éventuels manquements de Mme [V] quant à l'utilisation d'un véhicule de service à titre personnel, sans autorisation préalable et il n'est pas intervenu: ce grief est donc prescrit.

Quant aux prestations personnelles réalisées au domicile ou pour le compte de Mme [V]:

. Un moniteur d'atelier, M. [Q], affirme être intervenu pour des travaux d'espaces verts chez Mme [V], sans autre précision que cette vague affirmation, l'employeur ne justifiant pas de la date à laquelle il a eu connaissance de cette éventuelle intervention.

. Plusieurs autres salariés de l'ESAT évoquent le montage d'une cabane de jardin appartenant à Mme [V] dans les ateliers de l'ESAT, en octobre 2009, puis de son installation au domicile du chef de service au printemps 2010: là encore, la Cour ne peut que constater que l'employeur ne justifie pas de la date à laquelle il a eu connaissance de ces faits, Mme [V] soutenant que l'abri de jardin se trouvait au vu et au su de tout le monde, et donc de M. [P], régulièrement présent dans l'établissement et que c'est un moniteur d'atelier, M. [U], qui avait proposé ses services, atelier ludique et pratique pour les usagers en dehors des moments de production (attestation de M. [G], il est vrai licencié de l'ESAT depuis).

Ces griefs sont donc soit prescrits, soit trop imprécis pour être retenus.

Au final, le seul grief pertinent invoqué par l'employeur reste le déménagement personnel de Mme [V], effectué par le personnel de l'ESAT, fin août 2011, au pied levé et dans une certaine précipitation puisque ce déménagement programmé sur une journée pour un simple montant de 240€ (mise à disposition d'un fourgon et d'une équipe de 6 ouvriers + un encadrant, avec déménagement + démontage et remontage des meubles) selon devis du jeudi 25 août 2008, d'ailleurs non accepté par Mme [V], s'est étalé finalement sur plus de trois jours (mardi et mercredi 30 et 31 août 2011 et jeudi 1er septembre pour le déménagement proprement dit, avec une journée de travaux préparatoires du jeudi 25 août midi au vendredi 26 août midi), a mobilisé plusieurs véhicules de l'ESAT et a décalé d'autres interventions programmées et parfois urgentes (ainsi, la visite de certification de l'HAS au CMPR Château Rauzé, programmé du 13 au 15 septembre 2011).

Quelles que soient les explications d'ailleurs embarrassées de Mme [V] à ce propos, il est incontestable que la salariée a utilisé de manière trop désinvolte les services de l'association pour réaliser son propre déménagement, les autres salariés ayant fait appel à l'ESAT ayant planifié de manière plus rigoureuse les prestations demandées.

En conclusion, si la Cour estime que le licenciement de Mme [O] [V] a bien une cause réelle et sérieuse, le seul grief retenu, dans le contexte longuement développé qui l'a entouré, ne repose pas sur une faute grave.

Or, en application des dispositions de la convention collective nationale de l'hospitalisation privée à but non lucratif,

Sauf en cas de faute grave, il ne pourra y avoir de mesure de licenciement à l'égard d'un salarié, si ce dernier n'a pas fait l'objet précédemment d'au moins deux sanctions citées ci-dessus (observation, avertissement, mise à pied disciplinaire. (article 05.03.2).

Dés lors, en l'absence de faute grave retenue contre la salariée, la Cour infirme la décision des premiers juges et considère le licenciement de Mme [O] [V] sans cause réelle et sérieuse.

Il convient ainsi de faire droit aux demandes d'indemnité de rupture sollicitées par Mme [O] [V], dont les montants ne sont pas critiqués mêmes subsidiairement par l'Association ADAPT, à savoir la somme de 13.832,64€ à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents et la somme de 25.648,02€ d'indemnité conventionnelle de licenciement.

Mme [V] recevra également la somme de 1841,64€ outre les congés payés afférents au titre du rappel de salaire du 5 au 20 septembre 2011, pour sa mise à pied conservatoire.

Au vu de l'ancienneté de Mme [V] et du préjudice subi par elle, la Cour, sur la base d'un salaire moyen brut de 3458,16€, alloue à la salariée la somme de 30.000€ de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Conformément aux articles L 1235-4 et L 1235-5 du Code du travail, la Cour ordonne le remboursement par l'employeur aux organismes sociaux concernés des indemnités de chômage qui ont dû être exposées pour le compte de Mme [O] [V] à concurrence de deux mois.

* Sur les autres demandes

L'équité et les circonstances de la cause commandent de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de Mme [O] [V] qui se verra allouer la somme de 1500€ à ce titre.

L'association ADAPT supportera les dépens de la procédure.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

REFORME le jugement déféré en toutes ses dispositions

Et statuant à nouveau

DIT QUE le licenciement de Mme [O] [V] est sans cause réelle et sérieuse.

CONDAMNE l'association ADAPT à verser à Mme [O] [V] les sommes suivantes

- 1841,64€ à titre de rappel de salaire pour la période du 5 au 20 septembre 2011 outre les congés payés au prorata (184,16€)

- 13.832,64€ à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents (1383,26€)

- 25.648,02€ d'indemnité conventionnelle de licenciement

- 30.000€ de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

ORDONNE le remboursement par l'employeur aux organismes sociaux concernés des indemnités de chômage qui ont dû être exposées pour le compte de Mme [O] [V] à concurrence de deux mois

DIT QUE conformément aux dispositions de l'article R 1235-2 du code du travail, le Greffe transmettra copie de la présente décision à la Direction Générale de Pôle Emploi [Adresse 3]

CONDAMNE l'association ADAPT à verser à Mme [O] [V] la somme de 1500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile

CONDAMNE l'association ADAPT aux dépens de la procédure de première instance et d'appel

Signé par Mme Myriam LALOUBERE Faisant Fonction de Président et par Mme Anne-Marie LACOUR-RIVIERE Greffier.

La Greffière La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 13/01380
Date de la décision : 25/02/2014

Références :

Cour d'appel de Bordeaux 4A, arrêt n°13/01380 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-02-25;13.01380 ?
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