La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

25/02/2014 | FRANCE | N°12/06949

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 25 février 2014, 12/06949


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



--------------------------







ARRÊT DU : 25 FÉVRIER 2014



(Rédacteur : Madame Maud Vignau, Président)

(PH)



PRUD'HOMMES



N° de rôle : 12/06949











SARL Aquitaine Spécialités



c/



Madame [B] [Q]













Nature de la décision : AU FOND













Notifié par LRAR le :r>


LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :



La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par

voie de signification (acte d'huissier).



Certifié par le Greffier en Chef,





Grosse délivrée le :



à :



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 12...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 25 FÉVRIER 2014

(Rédacteur : Madame Maud Vignau, Président)

(PH)

PRUD'HOMMES

N° de rôle : 12/06949

SARL Aquitaine Spécialités

c/

Madame [B] [Q]

Nature de la décision : AU FOND

Notifié par LRAR le :

LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :

La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par

voie de signification (acte d'huissier).

Certifié par le Greffier en Chef,

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 12 novembre 2012 (RG n° F 09/03595) par le Conseil de Prud'hommes - formation de départage - de Bordeaux, section Encadrement, suivant déclaration d'appel du 14 décembre 2012,

APPELANTE & INTIMÉE :

SARL Aquitaine Spécialités, siret n° 390 703 395 00017, prise en la

personne de son gérant domicilié en cette qualité au siège social, [Adresse 2],

Représentée par Maître Hélène Janoueix, avocat au barreau de Libourne,

INTIMÉE & APPELANTE : suivant déclaration d'appel du 14 décembre 2012,

Madame [B] [Q], née le [Date naissance 1] 1960 à [Localité 1] (Madagascar), de nationalité française, profession manager département, demeurant [Adresse 1],

Représentée par Maître Philippe Ravisy, avocat au barreau de Paris,

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 07 octobre 2013 en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Maud Vignau, Président,

Madame Marie-Luce Grandemange, Conseiller,

Monsieur Claude Berthommé, Conseiller,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Anne-Marie Lacour-Rivière.

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

Madame [Q] a été engagée le 27 janvier 2003 par contrat à durée indéterminée par la SARL Aquitaine Spécialités en qualité de chef de partie, responsable qualité - coef 250 de la convention collective de la boulangerie patisserie industrielle.

Elle était nommée cadre à compter du 1er juillet 2007. Au moment de la rupture de son contrat de travail, elle percevait un salaire moyen mensuel de

4.058,75 €.

Madame [Q] a pris acte de la rupture de son contrat de travail, aux torts exclusifs de l'employeur par lettre recommandée avec accusé de reception du 9 décembre 2009 à compter du 6 janvier 2010.

Madame [Q] a saisi le Conseil de Prud'hommes de Bordeaux le 19 décembre 2009 aux fins de dire que sa prise d'acte produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, et demander le paiement de diverses sommes.

Par jugement de départage du 12 novembre 2012 le Conseil de Prud'hommes de Bordeaux a dit que le contrat de Madame [Q] produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, a condamné la SARL Aquitaine Spécialités à payer à la salariée : 56.260,54 € au titre des heures supplémentaires, 28.073,26 € au titre des repos compensateurs, 702,88 € au titre de rappel de salaire sur préavis, 70,29 € au titre des congés payés afférents, 10.485,10 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, 26.000 € au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse a accordé la capitalisatisation des intérêts, 1.800 € en application des dispsoitions de l'article 700 du code de procédure civile.

La SARL Aquitaine Spécialités a régulièrement interjeté appel de cette

décision.

Par conclusions déposées au greffe, développées oralement et auxquelles il est expressément fait référence, la SARL Aquitaine Spécialités demande à la Cour, à titre principal, de débouter purement et simplement la salariée de toutes ses

demandes ; à titre subsidiaire de limiter le montant des condamnations au titre des heures supplémentaires et du repos compensateur à la somme de 69.251€, de confirmer la décision attaquée en ce qui concerne l'indemnité conventionnelle de licenciement et les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de débouter la salariée du surplus de ses demandes.

Par conclusions déposées au greffe, développées oralement et auxquelles il est expressément fait référence, Madame [Q] demande à la Cour de réformer le jugement attaqué en ce qui concerne le montant des heures supplémen-taires, et des repos compensateurs alloués, 20.000 € à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral, entre 37.435,98 € et 24.352,50 € pour travail dissimulé, 13.072,59 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 1.307,25 € à titre de congés payés afférents, 16.072,51 € à titre d'indemnité de licenciement, 137.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'assortir les condamnations d'intérêts au taux légal, et de prononcer la capitalisation des intérêts, condamner l'employeur à verser 6.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour plus ample exposé des circonstances de fait, de la procédure et des prétentions des parties, il convient de se référer au jugement déféré et aux conclusions des parties.

Sur ce, la Cour :

Sur les heures supplémentaires

La durée légale du travail effectif prévue à l'article L.3121-10 du code du travail constitue le seuil de déclenchement des heures supplémentaires payées à un taux

majoré dans les conditions de l'article 3121-22 du même code.

Aux termes de l'article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif

à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au

juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ;

le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'ins-truction qu'il estime utiles.

Si la preuve des horaires de travail effectués n'incombe ainsi spécialement à aucune des parties et si l'employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande.

En l'espèce, Madame [Q] expose avoir effectué des heures supplémen-taires entre 2004 et 2009, soit 758 heures en 2005, 735 heures en 2006, 809 heures en 2007, 558 heures en 2008, 485 heures en 2009. Elle réclame la somme de

109.548,68 € en paiement de ces heures supplémentaires et 104.530,64 € à titre de

repos compensateurs.

Pour étayer ses dires, Madame [Q] produit principalement un tableau excel établi pour les besoins de la cause, quatre attestations d'anciens salariés, quelques e-mails, (mais elle ne produit ni agendas papiers ni agenda électronique ni blocs notes datant des périodes où ces heures supplémentaires ont été réalisées).

La salariée produit des éléments préalables susceptibles d'étayer sa

demande qui peuvent être discutés par l'employeur.

L'employeur tout en reconnaissant l'implication certaine de Madame

[Q] dans le developpement de la Société Aquitaine spécialités, conteste que la salariée ait effectué le nombre d'heures supplémentaires réclamées.

Un certain nombre d'incohérences peuvent ,en effet, être relevées dans

les planings fournis par la salariée. C'est ainsi qu'elle dit avoir effectué dix heures de travail par jour dont 10 heures 30 de nuit les semaines 30, 31, 32 de 2006, et 10 heures par jours les semaines 12, 34, 35 de 2007 alors qu'elle était en congé. De même, elle indique être présente sur son lieu de travail (10 heures) alors qu'elle était en formation les 22, 23, 24 janvier 2008 et les 4, 5, 8 novembre 2008, au vu des pièces produites par l'employeur.

A compter du 1er juillet 2007 la salariée a bénéficié du statut cadre et a,

à partir de cette date, bénéficié d'une progression de son salaire constante dans des proportions conséquentes qui ont permis au juge départiteur de relever, par des motifs que la Cour adopte, qu'au vu de la progression de salaire de Madame [Q] il avait visiblement été tenu compte pour les années 2008, 2009 des dépassements d'horaires effectués, conformément aux dispositions de l'article 3 de l'annexe V de la convention applicable.

Il en résulte, qu'au vu des éléments produits de part et d'autre, la Cour a la conviction que Madame [Q] a, certes, effectué des heures supplémentaires mais en nombre beaucoup moins important que celui réclamé par la salariée, la Cour dispose d'éléments suffisants sans qu'il soit besoin d'une mesure d'instruction pour évaluer le montant des heures supplémentaires non rémunérées à Madame [Q] à la somme de 47.168 € congés payés compris et à 23.584 € d'indemnité compensatrice au titre des repos compensateurs non pris.

Le jugement est donc partiellement infirmé sur le montant des sommes allouées à ce titre.

Sur le harcèlement moral

Aux termes de l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une

dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa

dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir profes- sionnel.

Selon l'article L.1152-2 du code du travail, aucun salarié ne peut être

sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de

qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral et pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés. L'article L.1154-1 du même code prévoit qu'en cas de litige, le salarié concerné établit

des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et il incombe alors à

l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En l'espèce, Madame [Q] invoque avoir été engagée en 2003 sur une qualification d'agent de maîtrise et un salaire inférieurs à ses diplomes et à son expérience professionnelle, en avril 2003 d'avoir fait l'objet de menaces et d'injures de la part d'un ouvrier de la production auquel elle avait demandé de suivre les recommandations en matière d'hygiène, mais elle reproche principalement à l'entreprise d'avoir fait l'objet de contrôle de la DCCRF puis de la CRAM et de ne pas avoir appliqué leurs préconisations en matière d'hygiène et de sécurité, d'avoir commercialisé des pâtisseries décongelées et perdu la certification Iso 2000.

Pour étayer ses affirmations, Madame [Q] produit

certes de nombreuses pièces établissant la réalité de ces contrôles et les contraintes rencontrées dans la mise en oeuvre des procédures en matière d'hygiène et de sécurité sans pour autant que ses explications et les pièces fournies permettent de laisser supposer l'existence d'un harcèlement moral, comme l'a justement relevé le juge départiteur par des motifs que la Cour adopte. En conséquence, la Cour confirme la décision attaquée sur ce point.

Sur la prise d'acte de la rupture

En cas de prise d'acte de la rupture du contrat de travail par le salarié, cette rupture produit, soit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, si les faits

invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission.

Il appartient au salarié d'établir les faits qu'il allègue à l'encontre de l'employeur.

L'écrit par lequel le salarié prend acte de la rupture du contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur ne fixe pas les limites du litige ; le juge est tenu d'examiner les manquements de l'employeur invoqués devant lui par le salarié, même si celui-ci ne les a pas mentionnés dans cet écrit.

Il résulte de la combinaison des articles L.1231-1, L.1237-2 et L.1235-1 du code du travail que la prise d'acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de l'employeur qui empêche la poursuite du contrat de travail.

En l'espèce, Madame [Q] reproche notamment à la SARL Aquitaine Spécialités de lui avoir fait accomplir un grand nombre d'heures supplémentaires qui n'ont pas été rémunérées et de l'avoir privée de repos compen-sateurs.

Il résulte, en effet, de ce qui précède que l'employeur a manqué à ses obligations, en ne rémunérant pas la salariée pour toutes les heures supplémentaires accomplies, et en la privant de repos compensateurs, ce manquement justifie à lui seul la rupture du contrat de travail à ses torts exclusifs, sans qu'il soit en effet nécessaire d'examiner les autres griefs. En conséquence, la Cour ne trouve pas motif à réformer la décision attaquée qui a par de justes motifs que la Cour adopte dit que cette rupture produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur les conséquences de la rupture sans cause réelle et sérieuse

La Cour ne trouve pas motif à modifier le montant de l'indemnité compensatrice de préavis, allouée en première instance dans la mesure où la salariée a été embauchée par un autre employeur, aussitôt sa prise d'acte de la rupture soit dès le 15 janvier 2010 (pièce 30 de la salariée) ni celui de l'indemnité de licenciement calculé conformément à la convention collective applicable à la date de la rupture du contrat de

.../...

travail, enfin, Madame [Q], qui a retrouvé un emploi mieux rémunéré dès sa prise d'acte de la rupture, ne justifie pas non plus avoir subi un préjudice supérieur, à celui qui a été équitablement évalué pour rupture sans cause réelle et sérieuse en première instance, conformément à l'article L.1235-3 du code du travail, en conséquence, la Cour confirme la décision attaquée sur ces points.

Sur la demande fondée sur l'indemnisation forfaitaire prévue à l'article L.8223-1 du code du travail

La Cour ne trouve pas non plus motif à réformer la décision attaquée qui a rejeté cette demande, dans la mesure où la dissimulation d'emploi salarié n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle. Or, en l'espèce, Madame [Q] indique elle-même n'avoir jamais réclamé au cours de la relation professionnelle le paiement d'aucune heure supplémentaire, tout en bénéficiant de la plus grande autonomie, étant le seul cadre de l'entreprise.

Dès lors, l'intention de dissimulation d'emploi salarié de l'employeur ne

parait pas rapportée.

L'équité et les circonstances de la cause commandent l'employeur succombant partiellement en cause d'appel de condamner la SARL Aquitaine Spécialités à prendre en charge une partie des frais irrépétibles engagés par Madame [Q], condamne, en conséquence, la SARL Aquitaine Spécialités à verser à Madame [Q] 1.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La Cour confirme la capitalisation des intérêts.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

' Confirme la décisions attaquée dans toutes ses dispositions, sauf en ce qui concerne le montant des sommes allouées à Madame [Q] au titre des heures supplémentaires et de l'indemnité de privation de repos compensateurs.

' Réforme de ces chefs.

' Condamne la SARL Aquitaine Spécialités à verser à Madame [Q] à la somme de 47.168 € (quarante sept mille cent soixante huit euros) au titre des heures supplémentaires, congés payés compris et 23.584 € (vingt trois mille cinq cent quatre vingt quatre euros) d'indemnité compensatrice au titre des repos compensateurs non pris.

' Confirme la décision attaquée pour le surplus.

' Accorde la capitalisation des intérêts.

Y ajoutant :

' Condamne la SARL Aquitaine Spécialités à verser à Madame [Q] la somme de 1.000 € (mille euros) en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Signé par Madame Maud Vignau, Président, et par Madame Anne-Marie Lacour-Rivière, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A-M Lacour-Rivière M. Vignau


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 12/06949
Date de la décision : 25/02/2014

Références :

Cour d'appel de Bordeaux 4A, arrêt n°12/06949 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-02-25;12.06949 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award