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19/12/2013 | FRANCE | N°13/03337

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section b, 19 décembre 2013, 13/03337


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION B



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ARRÊT DU : 19 DECEMBRE 2013

gtr

(Rédacteur : Madame Myriam LALOUBERE, Conseiller)



SÉCURITÉ SOCIALE



N° de rôle : 13/03337





















Monsieur [L] [N]



c/



CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA GIRONDE















Nature de la décision

: AU FOND







Notifié par LRAR le :



LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :



La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d'huissier).



Certifié par le Greffier en Chef,



Grosse délivrée le :



à :

Décision dé...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION B

--------------------------

ARRÊT DU : 19 DECEMBRE 2013

gtr

(Rédacteur : Madame Myriam LALOUBERE, Conseiller)

SÉCURITÉ SOCIALE

N° de rôle : 13/03337

Monsieur [L] [N]

c/

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA GIRONDE

Nature de la décision : AU FOND

Notifié par LRAR le :

LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :

La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d'huissier).

Certifié par le Greffier en Chef,

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 19 avril 2013 (R.G. n°2011/1538) par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de GIRONDE, suivant déclaration d'appel du 27 mai 2013,

APPELANT :

Monsieur [L] [N]

demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Régis BACQUEY de la SCP BACQUEY - HUI BON HOA, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉE :

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA GIRONDE, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social,

[Adresse 2]

représentée par Me Sophie PARRENO, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 14 novembre 2013, en audience publique, devant Madame Myriam LALOUBERE, Conseiller chargé d'instruire l'affaire, qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Myriam LALOUBERE, Conseiller faisant fonction de Président,

Monsieur Benoît MORNET, Conseiller,

Madame Catherine MAILHES, Conseiller,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : M. Gwenael TRIDON DE REY,

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

EXPOSE DU LITIGE

M. [L] [N] a été embauché, le 10 décembre 1992, en contrat à durée déterminée puis à durée indéterminée à compter du 24 juin 1993, par le Service Médical de la Région de [Localité 1] de la CAISSE NATIONALE d'ASSURANCE MALADIE dont il a été nommé responsable informatique à compter du 1er septembre 1998.

Le 19 novembre 2009, M. [N] a été convoqué à un entretien préalable à une mesure de licenciement assortie d'une mise à pied conservatoire, suite à des événements survenus le 13 novembre 2009.

Le 28 décembre 2009, M. [N] a été licencié pour faute grave, alors que le conseil de discipline saisi des mêmes faits a estimé sa saisine disproportionnée aux faits qui lui étaient été soumis.

Le 9 avril 2010, M. [N] a adressé à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la GIRONDE (la CPAM) une déclaration d'accident du travail mentionnant un accident survenu le 13 novembre 2009, ainsi libellée: « suite à un différend avec mon supérieur hiérarchique, j'ai ressenti un état de stress et connu un état de dépression réactionnel et un état de souffrance paroxystique sur mon lieu de travail.'

Le certificat initial complété le 18 janvier 2010 par le Docteur [P] mentionne 'un état de stress et dépression réactionnelle à un état de souffrance paroxystique sur le lieu de travail ' .

La CPAM a diligenté une enquête administrative.

Après instruction du dossier, la CPAM de la GIRONDE a notifié à M. [N] un refus de prise en charge de l'accident au titre de la législation professionnelle, par courrier du 17 novembre 2010, à la suite de quoi M. [N] a saisi la Commission de Recours Amiable de la CPAM (la CRA).

Le 3 mai 2011, la CRA a débouté M. [N] de son recours et confirmé la décision de refus de prise en charge.

Le 29 juin 2011, M. [N] a saisi le Tribunal des Affaires de Sécurité sociale de la GIRONDE (le TASS) d'une contestation de cette décision.

Par jugement rendu le 19 avril 2013, le TASS a ordonné la jonction des procédures n° 20111538 et 20111296, débouté M. [N] de son recours et confirmé la décision de la Commission de Recours Amiable de la CPAM du 3 mai 2011, notifiée le 11 mai 2011.

M. [N] a régulièrement relevé appel de cette décision, le 27 mai 2013.

Par conclusions développées oralement à l'audience, M. [N] demande à la Cour de juger l'appel recevable et bien fondé, d'infirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré et de déclarer que la réunion du 13 novembre 2009 constitue un accident du travail au sens de l'article L 411-1 du code de la sécurité sociale et que l'état dépressif réactionnel qu'il a développé doit, en conséquence, être pris en charge au titre de la législation sur les risques professionnels.

M. [N] sollicite de la cour qu'elle condamne la CPAM à lui régler la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions développées oralement à l'audience, la CPAM demande à la Cour de confirmer le jugement entrepris, de débouter M. [N] de ses demandes et de le condamner à lui régler 200 euros au titre des frais irrépétibles.

MOTIFS DE LA DECISION

* Sur la qualification d'accident du travail des faits survenus le 19 novembre 2009

Il résulte de l'article L.411-1 Code de la Sécurité sociale que

« Est considéré comme accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise ».

M. [N] fait valoir qu'il a travaillé pendant 17 ans au sein du Service Médical de la Région de [Localité 1], sans qu'un reproche ne lui soit fait quant à la qualité de son travail, que le vendredi 13 novembre 2009, il a assisté à une réunion à laquelle le Docteur [Q], médecin conseil et son supérieur hiérarchique, était présents, ainsi que son assistante Mme [X] [K] et qu'une altercation a eu lieu.

M. [N] soutient qu'il a quitté la réunion brusquement dans un état de tension nerveuse qu'il n'est pas parvenu à apaiser, qu'il a été en arrêt de travail à compter du lundi 16 novembre 2009 sans cesse prolongé jusqu'au 1er avril 2012, date à laquelle il a été reconnu invalide.

Il ajoute que, suite à cet événement, il a fait l'objet d'un licenciement pour faute grave, malgré l'avis du Conseil de discipline du 22 décembre 2009 qui a estimé que ' sa saisine était disproportionnée aux faits qui lui étaient soumis', qu'il a contesté devant le Conseil de Prud'hommes.

M. [N] expose qu'il a développé des troubles psychologiques, suite à la réunion du 13 novembre 2009 avec son supérieur hiérarchique, après avoir exprimé un avis technique au sujet de l'achat et du renouvellement du matériel informatique qui allait lui créer une charge supplémentaire de travail qu'il ne pouvait absorber, étant déjà privé d'un collaborateur en arrêt de travail depuis deux mois, et que son avis n'a pas été entendu, qu'il a été blessé par l'attitude méprisante dont il fait l'objet et qui a provoqué un état de tension nerveuse ayant nécessité un arrêt de travail qui a été prolongé jusqu'à ce qu'il soit reconnu invalide, et que dés lors la preuve de l'apparition de douleurs psychiques en rapport avec l'événement du 13 novembre 2009 est rapportée, autant que son caractère soudain.

La CPAM soutient qu'en cas de lésion psychologique, le fait accidentel doit revêtir un caractère d'anormalité marquant une rupture avec le cours habituel des choses qui doit être apprécié in concreto, à l'occasion duquel doit se produire une manifestation immédiate des signes d'altération d'ordre psychologique, qui doit être constatée médicalement dans un temps voisin.

La CPAM fait valoir que la charge de la preuve de l'accident du travail revient à celui qui s'en prétend victime, qu'aucun témoignage n'est venu corroborer les déclarations de la victime, et que dés lors, une divergence d'opinion sur un achat informatique ne peut constituer un événement anormal, que la déclaration d'accident établie cinq mois après les faits contredit la notion d'immédiateté et de soudaineté et que la notion d'anormalité constitue l'un des éléments permettant d'établir le lien de causalité directe entre les faits et la lésion.

La CPAM expose que la présomption d'imputabilité édictée par le code du travail ne vaut que si la lésion intervient dans un temps voisin du fait accidentel, que les pièces produites attestent d'une dégradation progressive de l'état émotionnel de M. [N] qui évoque lui-même des problèmes personnels.

Au visa de l'article L. 411-1 précité, l'accident du travail est légalement caractérisé par la survenance d'un fait accidentel soudain au temps et au lieu du travail, et par l'apparition d'une lésion en relation avec ce fait accidentel.

Une enquête a été réalisée par les services de la CPAM par Mme [J] [D] agent assermenté.

Il ressort de ce rapport que le 13 novembre 2009 en début d'après-midi, alors que M. [N], responsable informatique, était en réunion avec son supérieur hiérarchique le docteur [Q], médecin conseil, et de Mme [K], assistante du docteur [Q].

Une divergence d'opinion est apparue entre les deux hommes et le ton de l'entretien est monté .

Le contenu et les conséquences de cet entretien sur la santé de M.[N] restent à démontrer par ce dernier.

Selon l'audition de M. [N] contenue dans le rapport de la CPAM, M. [N] ne parvenant pas à faire entendre son point de vue, a quitté rapidement le bureau de M. [Q] pour regagner le sien tout proche dont il a claqué la porte puis ayant décidé de partir sur le champ, il a attrapé vivement son sac à dos posé par terre et en le relevant, il a malencontreusement fait tomber un lampadaire halogène dont l'abat-jour s'est brisé et a quitté l'organisme sans débadger.

M. [Q] et Mme [K] ont refusé d'être entendus dans le cadre de l'enquête diligentée par la CPAM.

Le rapport des faits écrit par M. [Q] le 16 novembre 2009 est toutefois produit aux débats.

Le docteur [Q] précise que l'objet de la réunion est l'achat de matériel informatique ' en arrivant à l'achat du Netbook de [W] [Y] conseiller technique en appareillage, afin qu'elle puisse consulter la LPP chez les fournisseurs, M. [N] a déclaré ne pas vouloir acheter ce matériel et a remis en cause son utilité. Je lui ai fait remarquer que cette décision avait été prise par la direction lors du COPIL SI du 12 octobre 2009. Il a monté le ton en disant que cette décision avait été ' prise n'importe comment' . Je lui ai fait remarquer que cette décision devait toutefois être suivie d'effet et qu'on ne pouvait remettre en cause les commandes de la direction . Il s'est levé brutalement en disant que si on faisait une telle chose , il ne s'en occuperait pas . Je lui ai rappelé que ceci était dans ses attributions. Il est parti dans une colère violente et est rentré dans son bureau . Nous avons entendu des bruits de verre et d'impact , sa porte a claqué fortement accompagné par les interjections de M. [N] ' boîte de M...'. Il est ressorti du bureau proférant des menaces envers la Direction ' [S] [R] et sa clique ' et moi-même. Il est de nouveau entré dans mon bureau, a relevé le porte-manteau et fermé le store puis a quitté le bâtiment. Il était environ 15h20 ' .

M. [N] a été placé en arrêt de travail à compter du lundi 16 novembre 2009 par son médecin traitant, qui a été sans cesse prolongé jusqu'au 1er avril 2012.

Il ressort du rapport d'enquête de la CPAM que ' l'arrêt de travail prescrit par le médecin traitant le 16 novembre 2009 n'avait rien d'un arrêt de complaisance mais était rendu nécessaire par l'état psychologique détérioré de l'assuré .'

Les pièces produites aux débats et notamment l'enquête de la CPAM ont donc permis d'établir la réalité et le déroulement des faits du le 13 novembre 2009, à savoir la survenance d'un fait accidentel et son caractère soudain dans le cadre professionnel.

A la suite de cet événement dont le caractère de lésion est établi au regard de ce qui précède, M. [N] a été immédiatement placé en arrêt de travail motivé par des troubles anxio-dépressifs et n'a pas repris son travail.

Il s'ensuit que la preuve d'un événement soudain, identifié dans le temps et survenu à l'occasion du travail est rapportée ainsi que celle d'une lésion en lien avec cet événement qu'un délai de cinq mois écoulé entre le fait accidentel et sa déclaration ne peut remettre en cause.

Le jugement entrepris est donc infirmé en toutes ses dispositions, les conditions d'application de la présomption prévue à l'article L 411- 1 du code de la sécurité sociale étant réunies.

La lésion de M. [N] résultant d'un accident du travail doit en conséquence être prise en charge au titre de la législation professionnelle.

* Sur les autres demandes

L'équité et les circonstances de la cause commandent de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de M. [N] qui se verra allouer la somme de 1.500 € à ce titre, somme à régler par la CPAM.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

INFIRME le jugement du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de la GIRONDE en date du 19 avril 2013, en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau

DIT QUE la réunion du 13 novembre 2009 constitue un accident du travail au sens de l'article L 411-1 du code de la sécurité sociale dont les conséquences doivent être prises en charge au titre de la législation sur les risques professionnels.

DIT QUE la CPAM de la GIRONDE devra payer à M. [N] la somme de 1500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Signé par Monsieur Benoît MORNET, Conseiller, faisant fonction de Président, et par Gwenaël TRIDON DE REY , greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

G. TRIDON DE REY Benoît MORNET,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section b
Numéro d'arrêt : 13/03337
Date de la décision : 19/12/2013

Références :

Cour d'appel de Bordeaux 4B, arrêt n°13/03337 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-12-19;13.03337 ?
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