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17/12/2013 | FRANCE | N°12/01658

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 17 décembre 2013, 12/01658


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



--------------------------







ARRÊT DU : 17 DÉCEMBRE 2013



(Rédacteur : Madame Isabelle Lauqué, Conseiller)

(PH)



PRUD'HOMMES



N° de rôle : 12/01658











Madame [O] [I]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2012/006510 du 03/05/2012 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Bordeaux)



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SA Pny Technologies Europe


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Nature de la décision : AU FOND













Notifié par LRAR le :



LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :



La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par

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COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 17 DÉCEMBRE 2013

(Rédacteur : Madame Isabelle Lauqué, Conseiller)

(PH)

PRUD'HOMMES

N° de rôle : 12/01658

Madame [O] [I]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2012/006510 du 03/05/2012 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Bordeaux)

c/

SA Pny Technologies Europe

Nature de la décision : AU FOND

Notifié par LRAR le :

LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :

La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par

voie de signification (acte d'huissier).

Certifié par le Greffier en Chef,

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 28 février 2012 (RG n° 07/00811) par le Conseil de Prud'hommes - formation de départage - de Bordeaux, section Industrie, suivant déclaration d'appel du 20 mars 2012,

APPELANTE :

Madame [O] [I], née le [Date naissance 1] 1949 à [Localité 1], de

nationalité française, sans profession, demeurant [Adresse 1],

Représentée par Maître Monique Guédon, avocat au barreau de Bordeaux,

INTIMÉE :

SA Pny Technologies Europe, siret n° 394 790 430 00018, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, [Adresse 2],

Représentée par Maître Philippe Aurientis, avocat au barreau de Bordeaux,

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 28 octobre 2013 en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Maud Vignau, Président,

Monsieur Claude Berthommé, Conseiller,

Madame Isabelle Lauqué, Conseiller,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Anne-Marie Lacour-Rivière.

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

Madame [O] [I] a été embauchée à compter du 24 avril 1984 par la société Compagnie des Technologies de l'Electronique et du Contrôle (COTEC) en qualité d'opératrice, niveau I, échelon I coefficient 140 dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée à temps complet.

Entre 1984 et 1994, Mme [I] a connu une évolution de carrière constante passant en 10 ans du coefficient 140 au coefficient 170.

En fin d'année 1984, Mme [I] a été élue déléguée du personnel et membre du comité d'entreprise. Elle a également été investie des fonctions de déléguée syndicale CGT et ce jusqu'à sa retraite prise en 2007.

La société COTEC a été rachetée en 1994 par la SAS Pny Technologies Europe avec reprise du contrat de travail de Mme [I].

En 1994, Mme [I] qui avait accédé au coefficient 170 n'a plus connu aucune évolution de carrière jusqu'en 2007 date de son départ à la retraite.

Le 6 avril 2007, elle a saisi le Conseil de Prud'hommes de Bordeaux afin de voir juger qu'elle avait été victime de discrimination et solliciter l'indemnisation de son entier préjudice.

Par jugement de départage du 31 juillet 2009, le Conseil a ordonné une expertise aux fins de se voir fournir tous éléments permettant de déterminer une éventuelle discrimination en raison de l'age, du sexe, de l'appartenance syndicale de Mme [I] et d'évaluer son éventuel préjudice.

Monsieur [U] [G], expert, a déposé son rapport le 31 mai 2011.

Par jugement de départage du 28 février 2012, le Conseil a débouté Mme [I] de sa demande de production de pièces puis de ses demandes de dommages et intérêts pour discrimination.

En revanche, le Conseil a condamné la SAS Pny Technologies Europe à payer à Mme [I] la somme de 2.355,45 € à titre de rappel de salaires.

L'ensemble des autres demandes a été rejeté.

Mme [I] a interjeté appel de ce jugement.

Par conclusions régulièrement déposées et développées oralement à l'audience du 28 octobre 2013 et auxquelles la Cour se réfère expressément, Mme [I] a critiqué le rapport d'expertise de M. [G] ayant servi de fondement à la décision du Conseil de Prud'hommes et conclu à sa réformation sauf en ce qui concerne le rappel de salaire relatif aux primes.

Elle entend voir reconnaître qu'elle a été victime de discrimination de la part de son employeur entre 1994 et 2007 à raison de son appartenance syndicale et de son état de santé.

Mme [I] demande à la Cour, avant dire droit, d'ordonner à la SAS

Pny Technologies Europe de produire plus de 10 ans de bulletins de salaire concernant 8 salariés afin de permettre l'évaluation de son préjudice financier suite aux discriminations syndicales et pour motif de santé subies entre 1994 et 2007.

Elle demande en outre le paiement d'une somme de 15.000 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral et non-respect de la formation professionnelle continue outre une provision sur prime en attente du décompte définitif sur la base des documents demandés d'un montant de 2.355,45 €.

A titre subsidiaire, à défaut de production des bulletins de paie demandés, elle entend voir son préjudice financier évalué à la somme de 20.285 €.

Elle demande donc la condamnation de la SAS Pny Technologies Europe au paiement de cette somme outre 15.000 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral et non-respect de la formation professionnelle continue ainsi que 2.355,45 € à titre de provision sur les primes fixées par l'expert.

Enfin, elle demande à la Cour de juger que les sommes allouées produiront intérêts de droit à compter de la saisine du Conseil et que la SAS Pny Technologies Europe supportera les frais d'expertise ainsi que ses frais irrépétibles pour un montant de 6.000 €.

Par conclusions régulièrement déposées et développées oralement à l'audience du 28 octobre 2013 et auxquelles la Cour se réfère expressément, la SAS Pny Technologies Europe conclut à la confirmation du jugement attaqué.

Elle demande à la Cour de juger que Mme [I] n'a fait l'objet d'aucune discrimination et de rejeter l'ensemble de ses demandes.

A titre subsidiaire, elle entend voir limiter à la somme de 2.355,45 € le montant des dommages et intérêts et à titre reconventionnel, elle sollicite la paiement d'une somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

DISCUSSION :

Mme [I] conteste le panel de comparants retenus par l'expert.

Elle fait valoir que dans un premier temps l'expert avait retenu un panel de 18 comparants qui relevaient tous, entre 1994 et 1996, du coefficient 170 et occupaient le même poste d'opérateur.

Elle conteste le choix fait par l'expert de réduire ce panel aux 10 comparants en place en 1994 et d'exclure les comparants engagés après 1994 au motif erroné que les critères d'embauche avaient alors changé en considération de l'évolution de l'activité de l'entreprise.

Mme [I] demande à la Cour de se baser sur le premier panel basé sur les 18 comparants de même coefficient à la date du début de la discrimination soit en 1994/1996 et demande donc la production de leurs bulletins de salaire.

Mme [I] fait également valoir :

- qu'elle était la plus diplômée des 10 comparants retenus dans le panel de l'expert et que l'employeur ne justifie pas des diplômes des 8 autres comparants non retenus.

- que l'expert n'a pas comparé le salaire de Mme [I] avec celui des 8 autres comparants ignorés et qu'au surplus, la comparaison avec les autres s'est faite alors que certains d'entre eux avaient été licenciés avant la fin de la période de comparaison.

- que l'établissement du coefficient moyen en fin de période des 18 comparants permet de constater qu'il est supérieur au sien ce qui démontre la discrimination salariale.

- que son employeur n'a pas respecté ses obligations en matière de formation professionnelle alors qu'elle aurait du être prioritaire ainsi que le démontre l'expert qui n'a recensé que 4,5 heures de formation en 23 ans. Elle souligne que l'initiative de la formation incombe à l'employeur et qu'il ne peut être tiré argument de l'absence de demande du salarié sans inverser la charge de la preuve.

- que l'expert a bien relevé une discrimination en matière de primes au mérite justifié par l'employeur par des critères soit purement subjectifs soit discriminatoires (maladie, délégation syndicale)

- que son employeur ne lui a pas permis de bénéficier des entretiens individuels d'évaluation dont bénéficiait l'ensemble des autres salariés.

- qu'elle a fait l'objet de discrédit, d'insultes et de mise à l'écart comme en attestent trois anciens salariés.

- qu'elle a subi trois avertissements injustifiés qu'elle a dû contester.

- que son poste de travail a été modifié sans son accord en 2005 puisqu'elle a été affectée à la manutention alors que depuis 1994, elle avait un poste de câbleuse en électronique.

Sur le terrain de la preuve, Mme [I] demande la production des bulletins de salaires des 8 comparants non retenus par l'expert afin de procéder d'une part à une juste comparaison et afin d'autre part d'évaluer son exact préjudice.

Elle demande à la Cour de retenir dans son appréciation des faits les rapports établis par l'inspecteur du travail en 1997, 2005 et 2006 qui déjà mettaient en évidence la réalité de la discrimination dénoncée.

Elle relève, en outre, l'absence de justification donnée par la société Pny aux faits discriminatoires dénoncés.

La société Pny réplique que son activité a largement évolué depuis le rachat de COTEC glissant d'une activité de fabrication à une activité de négoce ce qui a eu pour conséquence le redéploiement du personnel sur de nouvelles taches de réception, d'approvisionnement ou d'expédition ne nécessitant aucune qualification.

Elle fait valoir que l'ancienneté dans un poste n'est pas un critère justifiant un changement de classification et expose qu'au dépôt, secteur d'affectation de Mme [I], 65 % de l'effectif est soit au coefficient 170 soit au coefficient 190.

Elle soutient que ce coefficient correspond à son poste de travail confor-mément à la convention collective et que d'autre part, les personnes ayant évolué justifiaient à la base d'une formation technique supérieure à celle de Mme [I].

Sur le terrain de la formation, la société Pny fait observer que ce n'est qu'en 2005 que Mme [I] a revendiqué une formation qui lui a été refusée à raison de son caractère très spécifique et sans lien avec son poste de travail.

Elle expose, d'autre part, que si l'inspecteur du travail avait relevé en 2005 des écarts significatifs entre le salaire de Mme [I] et le salaire moyen de base de son propre panel, il n'avait finalement donné aucune suite à ces constatations compte tenu des explications fournies.

La société Pny déclare de ne pas remettre en cause les constatations de l'expert qui a mis en évidence un écart de prime chiffré à 2.355,45 € mais elle conteste son caractère discriminatoire et explique qu'il était justifié par l'absence d'implication dans le travail.

Enfin, la société Pny conteste toute insulte, discrédit ou mise à l'écart de Mme [I] ainsi que la valeur probante des attestations versées en sa faveur largement contredites par celles de nombreux autres salariés.

S'agissant de la production des bulletins de salaires demandés, elle explique ne plus détenir les bulletins de plus de 5 ans et être tenue par la confidentialité des informations contenues vis à vis des salariés concernés.

En application de l'article L.1132-1 du code du travail, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet de mesure discriminatoire, directe ou indirecte notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L.3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses m'urs, de son orientation sexuelle, de son age, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille ou en raison de son état de santé ou de son handicap.

Constitue une discrimination directe la situation dans laquelle, sur le fondement de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une race, sa religion, ses convictions, ses opinions, son âge, son handicap, son orientation sexuelle ou son sexe, une personne est traitée de manière moins favorable qu'une autre ne l'est, ne l'a été ou ne l'aura été dans une situation comparable.

Lorsque le salarié qui se prétend victime d'une discrimination présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, il incombe à l'employeur de prouver que ces décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

En l'espèce, Mme [I] soutient qu'elle a été victime d'une discrimination en raison de son activité syndicale et de son état de santé révélée par un blocage de carrière, un déficit volontaire de formation professionnel, des écarts significatifs de compléments de rémunération et une mise à l'écart au sein de l'entreprise avec modification de son contrat de travail.

Elle ne soutient plus avoir été discriminée à raison de son sexe.

Dans le cadre d'une mesure d'instruction, il a été procédé à une comparaison entre la situation de Mme [I] et celle de plusieurs autres salariés.

L'expert a établi un panel de comparants en retenant dans un premier temps 18 salariés tous recrutés avant 1996, occupant un même poste et relevant du coefficient 170.

Il a, par la suite, ramené ce panel à 10 comparants justifiant ce choix par le fait qu'il était plus pertinent de ne retenir que des salariés présents dans l'entreprise en 1994 date du début de la discrimination dénoncée et parce que le personnel embauché après 1994 l'avait été sur d'autres critères.

L'établissement du panel est déterminant dans la mesure ou il doit permettre la mise en perspective d'une situation particulière vis à vis de la situation des salariés d'une même catégorie.

Il revenait, donc, à l'expert d'établir un panel de comparants permettant de mettre perspective l'évolution de la situation de Mme [I] avec celle d'autres salariés placés initialement dans une situation sinon identique mais à tout le moins équivalente.

En l'occurrence, l'expert a retenu 10 comparants ayant en commun leur présence dans l'entreprise en 1994 au coefficient de 170.

Il sera rappelé que la période de discrimination invoquée débute en 1994 soit dès le rachat de la société COTEC par la société Pny.

Aussi, en écartant les 8 comparants embauchés entre 1995 et 1996, l'expert a écarté des salariés recrutés par la société Pny sur des critères de sélection qui lui étaient propres pour ne retenir que les salariés recrutés par la COTEC dont le contrat de travail avait été transféré en 1994.

La Cour considère que les critères ainsi retenus par l'expert permettent d'établir un panel de comparants se trouvant dans une situation comparable à celle de Mme [I].

La vérification opérée par la Cour lui a permis en outre de vérifier que sur les 8 comparants exclus, 7 d'entre eux avaient été recrutés avec une qualification initiale supérieure à celle de Mme [I], ce qui en soit suffisait à expliquer une évolution de carrière différente.

En effet, alors que Mme [I] ne disposait à son embauche que d'un CEP (certificat d'étude primaire), d'un BEPC et d'un CAP de vente (et non d'un BEP comme indiqué dans les écritures) les 7 salariés sur 8 qui ont été embauchés par la société Pny disposaient au minimum d'un BEP voir pour certain d'un BAC PRO ou d'un BTS (dossiers de candidature).

En revanche, la moitié des salariés retenus dans le panel de l'expert disposait d'une qualification identique à celle de Mme [I] alors que l'autre moitié ne disposait d'aucune qualification.

Dès lors, les conditions d'embauche et de qualification des 8 autres salariés ne s'avérant pas comparables à celles de Mme [I], la Cour estime que le panel constitué par l'expert qui ne retient que les salariés présents dans l'entreprise en 1994 au coefficient 170 constitue un outil valable de comparaison.

Il n'est donc pas nécessaire d'avoir recours aux rapports de l'inspection du travail, qui en octobre 2005 évoque la situation de Mme [I] sans procéder à une quelconque démonstration et qui en février 2006 établit un rapport faisant état d'un panel de 20 salariés sans autre précision.

En conséquence, le moyen tiré de la critique du panel de comparants

établi par l'expert sera rejeté ainsi que la demande de production des bulletins de salaire des salariés n'y figurant pas.

Il résulte des éléments apportés par les opérations d'expertise qu'aucun des salariés retenus dans le panel de l'expert n'a atteint un coefficient supérieur à 190 et que 4 d'entre eux sont restés comme Mme [I] au coefficient 170.

Le très faible écart entre les deux coefficients affectant la totalité du panel rend la méthode du coefficient moyen peu pertinent dans le cas d'espèce.

La rupture de la relation de travail survenue antérieurement à 2007 et sans incidence sur la démonstration car il apparaît clairement qu'entre 1994 et 2007, l'évolution de carrière de l'ensemble des personnes constituant le panel a été quasi linéaire comme celle de Mme [I] en sorte qu'une discrimination à son encontre n'est pas établie sur ce plan.

Sur le terrain de la rémunération, l'expert a mis en évidence que si Mme [I] était la salariée la moins bien payée du panel entre 1994 et 1996 (différentiel d'environ 2,5 %), en 1998, l'employeur a procédé à un rattrapage portant à 7.000 francs le salaire de quasiment tous les salariés du panel.

En 2001, Mme [I] percevait une rémunération qui la plaçait en 5ème position dans l'ordre des salariés les mieux payés du panel étant précisé alors qu'elle percevait un salaire supérieur à celui de deux salariés bénéficiant d'un échelon de 190.

Suite au départ de trois salariés du panel, la comparaison permet de constater que Mme [I] faisait partie en 2005 des trois salariés les mieux payés sur les 7 restant du panel et qu'enfin en 2007, lors de son départ en retraite, elle percevait le même salaire que les deux autres salariés restant au coefficient 170 alors que les trois autres salariés au coefficient 190 ne percevaient qu'environ 15 € de plus.

Dans ces conditions, la Cour constate que l'activité syndicale de Mme [I] n'a pas eu d'incidence sur sa rémunération de base.

Concernant les primes au mérite, il est établi que Mme [I] a perçu des primes individuelles bien inférieures à celles de ses collègues.

L'employeur justifie cet écart par l'application des critères suivants : implication dans le travail, comportement général et absentéisme.

Ces justifications ont été portées à la connaissance de Mme [I] aux termes de divers courriers en 1999, en 2000, en 2002.

La Cour relève que l'employeur ne rapporte pas la preuve de faits précis caractérisant l'absence d'implication reprochée à Mme [I] et justifiant le refus de prime.

En revanche, il est établi que les absences de Mme [I] ont incontes-tablement été, au moins pour partie à l'origine de ce refus et Mme [I] justifie qu'en 2002, ces absences étaient justifiées par des arrêts maladie.

Relevant que ces primes n'étaient pas conventionnelles et qu'elles ne résultaient pas d'un usage caractérisé par la généralité, la constance et la fixité, la Cour considère qu'elles doivent s'analyser en une simple gratification susceptible d'être réduite, augmentée ou supprimée par l'employeur.

Toutefois, l'employeur ne peut réduire ou supprimer ces gratifications qu'en fonctions de critères objectifs exclusifs de toute discrimination.

Ainsi, l'exclusion du bénéfice des primes au mérite à raison de l'absen-téisme du salarié est un critère objectif à condition d'entraîner les mêmes conséquences quel que soit le motif de l'absence.

Ce n'est que dans l'hypothèse ou l'absence est prise en compte en raison de la maladie qu'est alors caractérisée la discrimination à raison de l'état de santé du salarié.

Dans le cas de Mme [I] les absences invoquées par l'employeur n'ont jamais été associées à l'état de santé de la salariée et il produit à l'appui de sa démonstration un tableau récapitulant les absences entre 1999 et 2007 démontrant effectivement un fort absentéisme sur l'ensemble de la période avec un pic en 2002.

Mme [I] démontre que les absences de 2002 sont en lien avec son état de santé.

Cependant, les absences des autres années (42 jours en 1999, 48 jours en 2000, 83 jours en 2001, 27 jours en 2004, 52 jours en 2005, 79 jours en 2006 et 104 jours en 2007) ne sont pas en lien avec son état de santé.

En 2003 et 2004, années de plus faible absentéisme, Mme [I] a perçu une prime ainsi qu'en 2005, année ou une prime de 200 € a été attribuée à tous les salariés sans distinction de mérite (pièce n° 38).

En conséquence, la Cour considère que si l'employeur ne justifie pas du manque d'implication dans le travail de Mme [I] compte tenu du caractère très subjectif de ce critère, il est en revanche établi que les absences constituaient un critère objectif appliqué par l'employeur.

Dans la mesure ou aucune distinction n'était faite selon l'origine de l'absence, ce critère n'avait pas de caractère discriminatoire et pouvait donc valablement justifier la modulation voir la suppression de la prime au mérite.

Dès lors, la Cour rejette d'une part le moyen tiré de la discrimination et, d'autre part, infirme la décision des premiers juges en ce qu'ils ont condamné l'employeur à payer à Mme [I] la somme de 2.355,45 € au titre d'un rappel de prime.

L'attribution des primes et les besoins en formation étaient des sujets abordés au cours d'entretiens individuels et Mme [I] se plaint d'avoir été écartée de cette procédure d'évaluation.

La Cour relève qu'à la lecture des échanges de correspondances, il s'avère que Mme [I] évoquait régulièrement ces thèmes avec son employeur mais qu'au surplus lors d'un entretien organisé par ce dernier, Mme [I] a manifesté son désintérêt en quittant son interlocuteur très rapidement.

Dans ces conditions, et alors que l'organisation de ce type d'entretien n'est pas une obligation pour l'employeur, Mme [I] ne saurait sérieusement lui reprocher de ne pas l'avoir régulièrement convoquée à de tels entretiens alors qu'il est démontré qu'elle avait refusé d'y participer.

En tout état de cause, ses différentes correspondances démontrent que l'évaluation de sa situation faisait l'objet d'échanges réguliers avec son employeur.

La mesure d'instruction ne permet pas à la Cour de vérifier si les autres salariés du panel ont pu bénéficier d'une formation professionnelle qui n'a pas été accordée à Mme [I].

A cet égard, l'expert relève que les données produites sont incomplètes, tous les salariés du panel paraissant n'avoir bénéficié que de quelques heures de formation à l'exception de Mme [D].

La Cour rappelle qu'en matière de formation professionnelle, l'employeur n'a pas une obligation annuelle de formation concernant chacun de ses salariés ; il a en revanche l'obligation de participer à son financement et d'autre part, il a l'obligation d'assurer l'adaptation de ses salariés à l'évolution de leur emploi.

Dès lors, contrairement aux affirmations de Mme [I], la société Pny n'avait pas l'obligation d'assurer régulièrement la formation de cette dernière en l'absence de toute modification de son emploi et de demandes de sa part.

En l'occurrence, le poste de Mme [I] n'a pas connu de transformation justifiant son adaptation par une formation et Mme [I] ne justifie que d'une demande de formation en informatique qui lui a été refusée.

Parallèlement, la Cour constate que Mme [L] également délégué syndicale a déclaré avoir pu bénéficier tous les ans d'une formation professionnelle.

En conséquence de ce qui précède, la Cour considère que l'absence de formation professionnelle de Mme [I] ne procède ni d'une violation des obligations de l'employeur ni d'une discrimination syndicale mais d'une absence de nécessité d'adaptation et d'une absence de demande adaptée de la salariée.

Enfin, Mme [I] produit aux débats trois attestations, la première émane de M. [W] qui a été recruté en contrat à durée déterminée du 3 juillet au 29 décembre 2006 et qui fait état du dénigrement dont était victime Mme [I] de la part de ses supérieurs hiérarchiques.

Mme [Y] atteste en 2001 du fait qu'il est 'de notoriété que Mme [I] n'as ni augmentations, ni primes depuis des années de part son étiquette syndicale ''

Enfin, il est produit une attestation de Mme [H] datant de 1997 (confirmée en 2013) établie dans le cadre d'une précédente instance aux termes de laquelle : 'Les faits reprochés à Mme [I] ne reposent sur rien de concret si ce n'est sont activité syndicale'.

La Cour relève que ces deux dernières attestations ne font pas état de faits dont leur auteur aurait eu personnellement connaissance mais traduisent un ressenti voir une rumeur. En cela, elles sont dépourvues de tout caractère probant.

La seule attestation faisant état de faits précis est celle de M. [W] : il relate que les responsables de l'encadrement direct de Mme [I] la traitaient d'hystérique et lui avaient clairement recommandé de faire le bon choix lors des élections des représentants du personnel.

Cette attestation est contredite par les six attestations des personnes mises en cause qui contestent toutes les propos qui leur ont été attribué.

Dans ces conditions, la Cour ne peut tirer de conséquence d'une seule attestation vivement contredite par d'autres attestations tout aussi crédibles pour caractériser une politique de dénigrement ou de mise à l'écart de Mme [I] par son employeur.

Il est enfin relevé que Mme [I] se prévaut d'une modification de son contrat de travail en 2005 avec son affectation dans un nouveau service ou elle était affectée à l'emballage et à l'expédition des produits traditionnels.

La Cour fait observer que le changement d'affectation d'un salarié ne constitue pas une modification de son contrat de travail dès lors que les taches qui lui sont confiées restent en adéquation avec sa classification et qu'il n'y a pas d'incidence sur sa rémunération.

En revanche, il entre dans le pouvoir de direction de l'employeur d'affecter un salarié sur poste de son choix en considération des besoins de l'entreprise.

En l'espèce, Mme [I] soulève ce moyen en quelques lignes en se fondant uniquement sur un courrier adressé à son employeur le 13 juillet 2005.

Ce changement d'affectation n'a eu aucune incidence sur la rémunération de Mme [I] et les taches qui lui étaient confiées correspondaient à celles attendues d'un salarié de coefficient 170.

Dès lors, ce changement d'affectation n'a pas entraîné de modification de son contrat de travail et la Cour ne saurait en tirer une quelconque conclusion sur le terrain de la discrimination.

Enfin, Mme [I] soutient qu'elle a subi en 1997, une mise à pied annulée par le Conseil des prud'hommes puis trois avertissements entre 1998 et 1999 qu'elle a fermement contesté.

Elle conclut à la réalité d'une discrimination du seul fait de l'existence de ces mesures.

La Cour relève que sur la mise à pied de 1997 qui avait trait à la détérioration de pièces a été annulée par le Conseil des prud'hommes pour défaut de preuve.

Les trois autres mesures sont des avertissements contestés par la salariée et qui témoignent incontestablement d'une tension certaine entre Mme [I] et son employeur.

Il ne peut être déduit de la seule existence de sanction disciplinaire à l'encontre d'un syndicaliste, la réalité d'une discrimination syndicale.

Il appartient alors au salarié de justifier à la Cour d'éléments susceptibles de faire présumer cette discrimination ce qui fait défaut en l'espèce.

Il résulte de ce qui précède :

- que l'évolution de carrière de Mme [I] a été comparable à celle des salariés travaillant déjà dans la société en 1994 au coefficient de 170 ;

- que sa rémunération de base a été en cohérence avec celle des salariés du panel ;

- que la différence de traitement quant à l'attribution des primes de rendement était réelle mais justifiée ;

- que le déficit de formation professionnelle ne procédait pas d'un manquement de l'employeur ;

- que les dénigrements et insultes ne sont pas prouvés ;

- que le changement d'affectation de Mme [I] en 2005 n'avait entraîné aucune modification de son contrat de travail ;

- qu'aucun élément ne permet de supposer que les sanctions disciplinaires étaient liées à l'activité syndicale de Mme [I].

Dès lors, la Cour considère que ces éléments pris dans leur ensemble ne caractérisent pas une discrimination de Mme [I] à raison de son activité syndicale ou de son état de santé.

Si les pièces du dossier et notamment des échanges de correspondances démontrent le caractère conflictuel des relations entre Mme [I] et son employeur, la Cour estime qu'il n'y a pas de lien entre cet état de fait et l'activité syndicale ou l'état de santé de la salariée.

En conséquence, le jugement du Conseil de Prud'hommes de Bordeaux du 28 février 2012 sera confirmé sauf en ce qu'il a condamné la société Pny à payer un rappel de salaire à Mme [I].

Mme [I] sera condamnée à payer à la société Pny la somme de 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

' Infirme le jugement attaqué en ce qu'il a condamné la société Pny à payer à Mme [I] un rappel de salaire de 2.355,45 € (deux mille trois cent cinquante cinq euros et quarante cinq centimes).

Y substituant :

' Déboute Mme [I] de sa demande au titre du rappel de prime.

' Confirme le jugement attaqué en toutes ses autres dispositions.

Y ajoutant :

' Condamne Mme [I] a payer à la société Pny la somme de 500 € (cinq cents euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

' Condamne Mme [I] aux entiers dépens.

Signé par Madame Maud Vignau, Président, et par Madame Anne-Marie Lacour-Rivière, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A-M Lacour-Rivière M. Vignau


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 12/01658
Date de la décision : 17/12/2013

Références :

Cour d'appel de Bordeaux 4A, arrêt n°12/01658 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-12-17;12.01658 ?
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