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21/11/2013 | FRANCE | N°12/06560

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section b, 21 novembre 2013, 12/06560


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION B



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ARRÊT DU : 21 NOVEMBRE 2013

gtr

(Rédacteur :Madame C. MAILHES, Conseiller)



PRUD'HOMMES



N° de rôle : 12/06560

















Monsieur [O] [B]



c/



SARL BRACHER CAROSSERIE





















Nature de la décision : AU FOND






r>Notifié par LRAR le :



LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :



La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d'huissier).



Certifié par le Greffier en Chef,



Grosse délivrée le :



à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 13...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION B

--------------------------

ARRÊT DU : 21 NOVEMBRE 2013

gtr

(Rédacteur :Madame C. MAILHES, Conseiller)

PRUD'HOMMES

N° de rôle : 12/06560

Monsieur [O] [B]

c/

SARL BRACHER CAROSSERIE

Nature de la décision : AU FOND

Notifié par LRAR le :

LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :

La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d'huissier).

Certifié par le Greffier en Chef,

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 13 novembre 2012 (R.G. n°F 12/725) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BORDEAUX, Section Commerce, suivant déclaration d'appel du 26 novembre 2012,

APPELANT :

Monsieur [O] [B]

né le [Date naissance 1] 1959 à [Localité 4]

de nationalité Française, demeurant Chez M. [W] [B] - [Adresse 2]

représenté par Me Caroline DUPUY, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉE :

SARL BRACHER CAROSSERIE

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social,

[Adresse 1]

représentée par Me MOURGUES loco Me Philippe AURIENTIS de la SCP AURIENTIS & ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 09 octobre 2013 en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Benoît MORNET, Conseiller faisant fonction de président

Monsieur Claude BERTHOMME, Conseiller

Madame Catherine MAILHES, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Gwenaël TRIDON DE REY ,

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [O] [B] a été embauché par la SARL Brachet carrosserie selon contrat à durée indéterminée à temps complet à compter du 10 juillet 2006 en qualité de responsable d'atelier, agent de maîtrise moyennant un salaire de 2.129,15 euros pour une durée de travail de 169 heures. Il avait déjà travaillé dans cette entreprise de janvier 2000 à avril 2006.

Monsieur [O] [B] a été en arrêt maladie pour dépression en avril 2010 et après sa reprise le 30 avril 2010, il a été victime d'un infarctus sur son lieu de travail le 30 juin 2010.

Le 19 janvier 2011, Monsieur [O] [B] a demandé à son employeur de lui payer des heures supplémentaires non réglées et lui a dénoncé des comportements injustes qu'il a dit subir sur son lieu de travail.

A la suite des deux visites médicales des 6 et 21 avril 2011 concluant à l'existence d'un danger à son poste de travail, Monsieur [O] [B] a été déclaré inapte à son poste de travail dans les conditions antérieures.

Le 5 mai 2011, Monsieur [O] [B] a été convoqué à un entretien préalable en vue d'un licenciement qui lui a été notifié par lettre recommandée avec accusé de réception du 17 mai 2011.

Le 15 mars 2012, Monsieur [O] [B] a saisi le Conseil des Prud'hommes de BORDEAUX pour contester son licenciement l'estimant nul subsidiairement dépourvu de toute cause réelle et sérieuse et obtenir des indemnités de rupture et des dommages et intérêts, outre le paiement de diverses sommes aux titres d'heures supplémentaires, congés payés et au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par décision en date du, le Conseil des Prud'hommes de BORDEAUX a dit que le licenciement de Monsieur [O] [B] était régulier autant sur la forme que sur le fond, a débouté Monsieur [O] [B] de la totalité de ses demandes, débouté la SARL Brachet carrosserie de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile et condamné Monsieur [O] [B] aux entiers dépens.

Le 26 novembre 2012, Monsieur [O] [B] représenté par son avocat a régulièrement relevé appel de cette décision.

Par conclusions déposées le 9 octobre 2013, développées oralement et auxquelles il est expressément fait référence, Monsieur [O] [B] conclut à la réformation de la décision dont appel et demande à la Cour de :

dire qu'il a été victime de harcèlement moral,

dire en toute hypothèse que le licenciement est abusif, l'inaptitude prononcée étant consécutive à une exécution déloyale par l'employeur du contrat de travail (article L 1222-1 du code du travail) et l'employeur ayant violé l'obligation de reclassement à laquelle il se trouait tenu, en conséquence,

condamner la SARL Brachet carrosserie au versement des sommes suivantes :

47.952,52 euros au titre du rappel d'heures supplémentaires,

4.795,25 euros au titre de congés payés au prorata de ce rappel d'heures supplémentaires,

45.918,18 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul et partant dépourvu de cause réelle et sérieuse (articles L 1122-1 et L 1235-3 du code du travail),

15.312 euros à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé (article L 8821-5 du code du travail)

ordonner la remise des bulletins de paie rectifiés mentionnant les heures supplémentaires réalisées sous astreinte de 300 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir,

se réserver la compétence pour une liquidation éventuelle de cette astreinte,

condamner enfin la SARL Brachet carrosserie au versement d'une indemnité de 1500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens y compris ceux d'exécution.

Par conclusions déposées le 8 octobre 2013 développées oralement et auxquelles il est expressément fait référence, la SARL Brachet carrosserie demande la confirmation du jugement entrepris et la condamnation de Monsieur [O] [B] outre les entiers dépens à lui verser la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. .

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur les heures supplémentaires

Monsieur [O] [B] soutient avoir fait des heures supplémentaires dès lors qu'il embauchait à 7H00 tous les matins et travaillait jusqu'à 19H30 le soir en ne s'accordant qu'une courte pause de 20 minutes le midi, soit 3,50 heures par jour ou 74 heures supplémentaires par mois que la refusait de lui régler et qu'à compter de septembre 2009, il a réduit le nombre d'heures supplémentaires à une heure par jour. Il soutient que l'employeur ne rapporte pas le moindre élément justifiant des horaires de travail effectifs de Monsieur [O] [B].

La SARL Brachet carrosserie conteste les horaires avancés par Monsieur [O] [B] en faisant valoir que ses décomptes sont incohérents et que les attestations qu'il produit n'ont pas de valeur probante de sorte que les éléments qu'il apporte sont insuffisants pour être pris en considération, étant précisé qu'il confond heures de présence et heures de travail effectif et qu'il n'a jamais rempli les carnets d'horaire comme ses autres collègues.

S'il résulte de l'article L 3171-4 du code du travail que la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties et que l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge les éléments de nature à étayer sa demande.

Au décompte d'heures supplémentaires qu'il produit Monsieur [O] [B] ajoute des attestations de clients ou anciens du garage (Madame [C], Monsieur [U], Monsieur [N], Monsieur [V]) qui ne sont pas utilement contestées par la SARL Brachet carrosserie desquelles il ressort qu'il se trouvait au garage de 7 heures à 19 heures voire 19 heures 30. Si Monsieur [J], qui est préparateur peintre au sein de l'entreprise est revenu sur l'attestation qu'il avait délivré à Monsieur [O] [B] en indiquant qu'il avait recopié la lettre de Monsieur [O] [B] sans avoir lu son contenu et qu'il ne pouvait certifier les horaires de travail de celui-là dès lors qu'il n'embauchait qu'à 8 heures et 14 heures pour débaucher à 12 heures et 18 heures, il n'en demeure pas moins que ce dernier qui a fait l'objet d'une incarcération à la maison d'arrêt de [1] de sorte qu'il se trouvait nécessairement sous la pression de son employeur lorsqu'il a établi sa seconde attestation. Ces éléments viennent appuyer le décompte produit pas Monsieur [O] [B] de sorte qu'il apporte des éléments venant étayer sa demande.

La SARL Brachet carrosserie quant à elle n'apporte aucune pièce justifiant d'un horaire collectif.

Les horaires d'ouverture au public du garage ne sont pas assimilables à un horaire collectif. Il ressort du courrier de la Direction régionale des entreprises de la consommation, de la concurrence, du travail et de l'emploi d'Aquitaine du 8 novembre 2010 faisant suite au contrôle du 4 novembre 2010 que les horaires collectifs de travail n'étaient pas affichés. La pièce 38 correspondant à cet affichage obligatoire n'a donc été apposée que postérieurement à cette date et même à la lettre de relance du 20 avril 2011 de l'inspection du travail, le mail de réponse n'étant pas suffisant pour établir que cet affichage a été fait à une date antérieure. Ainsi l'existence d'un horaire collectif pendant la durée d'activité de Monsieur [O] [B] n'est pas établie. Par ailleurs, si la SARL Brachet carrosserie a mis en place un système de fiches où les salariés notent leurs horaires individuels de travail, il n'en demeure pas moins que celles-ci sont jetées de sorte que la Cour n'est pas mise en mesure de vérifier les horaires individuels de travail effectués par Monsieur [O] [B] et s'il se conformait ou non à ce système. Ainsi, le décompte de Monsieur [O] [B] sera retenu sauf en ce qui concerne le mois d'août 2006 au regard du nombre de jours travaillés, ce que ce dernier convient de sorte que de juillet 2006 à septembre 2009, la SARL Brachet carrosserie doit verser à Monsieur [O] [B] un rappel de salaire au titre des heures supplémentaires de 47.337,22 euros majoré des congés payés à hauteur de 4.733,72 euros.

Sur les dommages et intérêts pour travail dissimulé

La durée sur plus de trois ans et l'importance du nombre d'heures supplémentaires non mentionnées au bulletin de salaire caractérisent la dissimulation intentionnelle par l'employeur de sorte que Monsieur [O] [B] a droit en application des dispositions de l'article L 8223-1 du code du travail à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

Au regard de son salaire brut mensuel sur 169 heures de 2.365,23 euros, l'indemnité forfaitaire à laquelle Monsieur [O] [B] a droit est de 14.191,38 €. La SARL Brachet carrosserie sera en conséquence condamnée à lui verser la dite somme.

Sur la demande tendant à dire nul le licenciement en raison de harcèlement moral

Monsieur [O] [B] soutient principalement que son licenciement est nul en faisant valoir qu'il a été victime de harcèlement au sein de l'entreprise. Il avance à ce sujet que son employeur a violé le principe d'égalité de rémunération, qu'il a refusé de lui payer les multiples heures supplémentaires réalisées sur plus de trois années, qu'il l'a rétrogradé en janvier 2010 à de simples fonctions de carrossier aux côtés des salariés dont il était antérieurement le responsable, que le véhicule Clio qu'il avait à sa disposition lui a été retiré ainsi que les clefs du garage, qu'il faisait l'objet des railleries incessantes de Monsieur [X] en présence des autres salariés puis que ce dernier ne lui adressait plus la parole depuis janvier 2011. Il estime que ces pressions répétées de l'employeur ont eu une incidence directe sur son état de santé puisqu'il a été en arrêt maladie du 12 avril au 30 avril 2010, qu'il a été victime d'un infarctus sur le lieu du travail et qu'après sa reprise sur la base d'un mi-temps thérapeutique le 13 octobre 2010, il a été arrêté du 1er au 9 mars 2011 pour un état dépressif.

La SARL Brachet carrosserie soutient que les faits avancés ne sont pas prouvés de sorte que le harcèlement moral n'existe pas.

Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Il résulte de l'article L. 1152-3 du code du travail que le licenciement intervenu en méconnaissance des dispositions de l'article L. 1152-1 est nul.

Selon l'article L. 1154-1 du code du travail, lorsque survient un litige relatif à l'application de ce texte, le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement ; il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Sur les faits tirés de la violation du principe d'égalité de rémunération

Le principe 'à travail égal, salarie égal' dont s'inspirent les articles L 1242-14, L 1242-15, L 2261-22.9, L 2271-1.8° et L 3221-2 du code du travail impose à l'employeur d'assurer une égalité de rémunération entre tous les salariés pour autant qu'ils soient placés dans une situation identique. Pour autant l'employeur dans l'exercice de son pouvoir de direction détermine les rémunérations et peut fixer des salaires différents pour tenir compte des compétences et capacités de chaque salarié, de la nature des fonctions ou des conditions de leur exercice.

En application de l'article1315 du code civil, il appartient au salarié qui invoque une atteinte au principe sus-visé de soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération et il incombe à l'employeur de rapporter la preuve d'éléments objectifs, pertinent et matériellement vérifiables justifiant cette différence.

Monsieur [O] [B] avait été embauché en qualité de responsable d'atelier échelon 24 au salaire de 2069,63 euros en juillet 2006. En juillet 2009, son salaire de base sur 151,67 heures était toujours de 2.069,63 €.

Il ressort des pièces fournées aux débats que :

Monsieur [A] qui était également chef d'atelier entré en juillet 2009 au sein de la SARL Brachet carrosserie a été embauché au salaire de base de 2.380,09 euros pour 151,67 heures correspondant au coefficient 25,

Monsieur [Q] embauché en mai 2005 en qualité de responsable d'atelier avait en octobre 2009 un coefficient 25 et un salaire de base de 2.314,43 euros pour 151,67 heures,

Monsieur [K] peintre HQ à l'échelon 8 avait un salaire horaire de base de 2.150,98 euros pour 151,67 heures en octobre 2009.

Pour expliquer la différence de traitement, la SARL Brachet carrosserie soutient que Monsieur [Q] avait une plus grande expérience sur ce poste avec une ancienneté remontant à 2005 outre un CAP de mécanicien automobile dont il se sert au quotidien sur le site de [Localité 2] alors que le site d'[Localité 3] sur lequel travaille Monsieur [O] [B] est centré sur la carrosserie et que ce dernier n'a pas de diplôme de mécanique automobile mais celui de mécanique moto dont il n'a pas l'usage sur le lieu de travail. Elle ajoute concernant Monsieur [A] que ce dernier avait une expérience antérieure de 16 ans sur ce type de poste justifiant la différence de rémunération.

Effectivement Monsieur [A] a une expérience en qualité de responsable de carrosserie depuis 2004 soit de deux ans de plus que Monsieur [O] [B], lorsqu'il a été embauché en 2009. En conséquence le coefficient de 25 correspondant à un échelon majoré par mise en oeuvre de critères valorisant intégrait cette expérience accrue et la différence de salaire est donc justifiée. Monsieur [Q] a également une expérience d'un an plus ancienne que celle de Monsieur [O] [B] en qualité de chef d'atelier, justifiant son coefficient majoré de 25 et la différence de salaire en 2009, étant précisé que lors qu'il avait été embauché en 2006, Monsieur [O] [B] avait certes une grande expérience de tôlier marbreur mais seulement une expérience d'un à deux mois en qualité de chef d'atelier carrosserie.

Le poste de Monsieur [K] correspond à un poste de peintre HQ avec une ancienneté qui remonte à 1983 de sorte que ce poste n'est pas comparable avec le poste de responsable d'atelier avec une embauche en juillet 2006 pour deux mois d'expérience de chef d'atelier.

En conséquence, la violation du principe d'égalité salariale au sein de la SARL Brachet carrosserie et au détriment de Monsieur [O] [B] n'est pas établie.

Sur les faits de rétrogradation en janvier 2010

Il ressort des attestations précises et circonstanciées de MM. [G] (ancien salarié de l'entreprise) et ALSIRET (client) corroborées par celles de Monsieur [U] et de Madame [C] que Monsieur [O] [B] avait repris un poste de carrossier tôlier en atelier à compter du mois de janvier 2010. Il est constant que ce n'est pas à sa demande qu'il a repris ce poste.

En défense, la SARL Brachet carrosserie soutient que la modification des tâches constitue un simple changement des conditions de travail qui peut être imposé au salarié au sein de l'entreprise dès lors qu'il n'y a pas modification de la rémunération et de la qualification. Or, la modification des tâches de Monsieur [O] [B] consistant à le cantonner à un poste de carrossier tôlier, sans les responsabilités de maîtrise, inhérentes au poste de chef d'atelier au sein d'une équipe de salariés qu'il supervisait auparavant, caractérise un comportement humiliant et vexatoire.

Sur le retrait du véhicule CLIO

Il est admis qu'à compter du mois de décembre 2010, Monsieur [O] [B] ne pouvait plus utiliser le véhicule Clio de la société. Cependant le contrat de travail de Monsieur [O] [B] ne comporte aucune clause relative à la dotation d'un véhicule de fonction pas plus que les bulletins de salaire ne font mention d'un avantage en nature à ce titre et les attestations de MM [J], [U], [N], [G] et de Madame [C] sont insuffisamment circonstanciées pour établir que le véhicule Clio lui avait été personnellement affecté. Néanmoins, l'existence d'une habitude prise par Monsieur [O] [B] dans l'usage de ce véhicule en particulier n'est pas contestée. Pour justifier ce retrait, la SARL Brachet carrosserie argue du mauvais état du véhicule, ce qui est avéré par le courrier de Monsieur [X] du 11 février 2001 en réponse aux doléances de Monsieur [O] [B], corroboré par les propos mêmes de Monsieur [N], témoin en faveur de Monsieur [O] [B], qui précise avoir vu cette Clio blanche en usage depuis une vingtaine d'année dans ce garage. Par conséquent, ce retrait du véhicule Clio ne sera pas retenu comme un fait constitutif de harcèlement.

Sur le retrait des clefs du garage

L'attestation de Monsieur [J] en faveur de Monsieur [O] [B] (pièce 20) qui est retenue par la Cour comme précédemment indiqué corrobore le courrier de Monsieur [O] [B] à son employeur au du mois de janvier 2011 au sein duquel il se plaint du retrait des clefs du garage de sorte que ce fait est avéré. Il n'est aucunement justifié par l'employeur.

Sur les railleries incessantes et petits mots vexatoires

Il ressort des pièces versées aux débats qu'un jour Monsieur [O] [B] a trouvé deux mots affichés par ses collègues sur un véhicule sur lequel il travaillait : 'Pierre où est le professionnel '' '[S] et [E] 45 min'' et une autre fois une affiche 'Bureau de Monsieur [B] sur rendez-vous de 11H à 12H' collée sur la porte des toilettes caractérisant certes des faits de raillerie à deux reprises de la part de ses collègues. Néanmoins, il ne justifie pas les avoir dénoncé à son employeur ni dans son courrier du 19 janvier 2011 ni même auparavant et il n'est pas établi que Monsieur [X] avait connaissance du comportement de MM [A] et [Z] à son encontre de sorte que ces faits ne sauraient caractériser des faits laissant présumer un harcèlement.

Par ailleurs, il n'est versé aucun élément justifiant que Monsieur [X] ne lui a plus adressé la parole à compter de janvier 2011.

La modification des tâches de Monsieur [O] [B] consistant à le cantonner à un poste de carrossier tôlier au sein d'une équipe de salariés qu'il supervisait auparavant après son retour d'arrêt de travail et le retrait des clefs du garage caractérisent certes deux faits vexatoires mais ne sont pas suffisants même en présence du non paiement d'heures supplémentaires pour caractériser des agissements répétés de harcèlement de sorte que Monsieur [O] [B] sera débouté de sa demande tendant à dire nul son licenciement.

Sur la demande tendant à dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse

Les faits tels que précisés ci-dessus (modification des tâches de Monsieur [O] [B] consistant à le cantonner à un poste de carrossier tôlier au sein d'une équipe de salariés qu'il supervisait auparavant, retrait des clefs du garage et non paiement d'heures supplémentaires) caractérisent une exécution déloyale du contrat de travail.

Ces faits se sont produits au retour de Monsieur [O] [B] à l'issue de son arrêt de travail lié à son infarctus. Il a été arrêté en mars 2011 pour état dépressif et le 21 avril 2011, le médecin du travail l'a déclaré inapte définitivement à la reprise de son ancien poste de travail dans les conditions antérieures.

Madame [L], psychologue en santé au travail qui est intervenue à la demande du médecin du travail a indiqué que l'état psychologique de Monsieur [O] [B] témoignait d'une altération sérieuse en lien avec le contexte professionnel et qu'en définitive, il en résultait que sur le plan purement psychologique le retour en poste lui apparaissait être un danger pour la santé du salarié.

Dès lors que le médecin du travail a déclaré Monsieur [O] [B] inapte définitivement à la reprise de son ancien poste de travail dans les conditions antérieures après avoir consulté la psychologue du travail dont la teneur de l'avis est dépourvu de toute ambiguïté, il est établi que l'exécution déloyale du contrat de travail par l'employeur est à l'origine de l'inaptitude médicale de sorte que le licenciement pour inaptitude médicale avec impossibilité de reclassement n'est pas fondé sur une cause réelle et sérieuse, sans qu'il soit nécessaire de vérifier si l'employeur a satisfait à son obligation de reclassement.

Sur les conséquences de la rupture du contrat de travail

Sur les dommages et intérêts pour licenciement abusif

Monsieur [O] [B] qui avait une ancienneté de plus de deux ans dans une entreprise employant au moins 11 salariés est en droit de percevoir de la part de son employeur, en application des dispositions de l'article L 1235-3 du Code du Travail une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Monsieur [O] [B] avait certes été initialement employé par la SARL Brachet carrosserie le 3 janvier 2000 en qualité de tôlier marbreur. L'interruption de service au profit de la SARL Brachet carrosserie trouve sa cause dans la démission du salarié en mai 2006 et à aucun moment Monsieur [O] [B] n'a contesté ses bulletins de salaire sur lesquels son ancienneté a toujours été notée comme étant à compter du 10 juillet 2006. Ainsi il n'y a pas lieu de prendre en considération sa première période de travail au bénéfice de la SARL Brachet carrosserie au titre de son ancienneté.

Au regard de son ancienneté de près de cinq ans alors qu'il a retrouvé un emploi dans une carrosserie près de [Localité 1] pour une rémunération équivalente, l'indemnité de 15.000 euros correspondant à un peu plus de six mois de salaire est de nature à réparer son entier préjudice résultant du licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Il convient par ailleurs d'ordonner la remise des bulletins de salaires rectifiés mentionnant les heures supplémentaires mais rien ne permet de laisser penser que la SARL Brachet carrosserie ne s'exécutera pas de sorte que la demande d'astreinte sera rejetée.

Sur les dépens et l'article 700 du Code de Procédure Civile

La SARL Brachet carrosserie succombant sera condamné aux entiers dépens d'appel. Elle sera en conséquence déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'équité et les circonstances de la cause commandent de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de Monsieur [O] [B] qui se verra allouer la somme de 1.500 € à ce titre.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau,

Dit que le licenciement de Monsieur [O] [B] est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Condamne la SARL Brachet carrosserie à verser à Monsieur [O] [B] les sommes suivantes :

47.337,22 euros de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires,

4.733,72 euros au titre des congés payés sur le rappel de salaire,

14.191,38 euros d'indemnité pour travail dissimulé,

15.000 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Ordonne la remise des bulletins de salaires rectifiés mentionnant les heures supplémentaires ;

Ordonne le remboursement par l'employeur aux organismes sociaux concernés des indemnités de chômage qui ont dû être exposées pour le compte de Monsieur [O] [B] à concurrence de 2 mois ;

Dit que conformément aux dispositions de l'article R 1235-2 du code du travail, le Greffe transmettra copie de la présente décision à la Direction Générale de Pôle Emploi TSA 32001- 75987 Paris Cedex 20 ;

Condamne la SARL Brachet carrosserie à verser à Monsieur [O] [B] la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

Condamne la SARL Brachet carrosserie aux dépens de la procédure de première instance et d'appel.

Signé par Monsieur Benoît MORNET, Conseiller, faisant fonction de Président, et par Gwenaël TRIDON DE REY , greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

G. TRIDON DE REY Benoît MORNET,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section b
Numéro d'arrêt : 12/06560
Date de la décision : 21/11/2013

Références :

Cour d'appel de Bordeaux 4B, arrêt n°12/06560 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-11-21;12.06560 ?
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