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05/09/2013 | FRANCE | N°12/04352

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section b, 05 septembre 2013, 12/04352


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION B



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ARRÊT DU : 05 SEPTEMBRE 2013



(Rédacteur : Madame Isabelle LAUQUE, Conseiller)



PRUD'HOMMES



N° de rôle : 12/04352

















SARL ANDRE ESNAULT



c/

Monsieur [T] [V]





















Nature de la décision : AU FOND







NotifiÃ

© par LRAR le :



LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :



La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d'huissier).



Certifié par le Greffier en Chef,



Grosse délivrée le :



à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 02 ju...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION B

--------------------------

ARRÊT DU : 05 SEPTEMBRE 2013

(Rédacteur : Madame Isabelle LAUQUE, Conseiller)

PRUD'HOMMES

N° de rôle : 12/04352

SARL ANDRE ESNAULT

c/

Monsieur [T] [V]

Nature de la décision : AU FOND

Notifié par LRAR le :

LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :

La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d'huissier).

Certifié par le Greffier en Chef,

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 02 juillet 2012 (R.G. n°F 09/00188) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ANGOULEME, Section encadrement suivant déclaration d'appel du 19 juillet 2012,

APPELANTE :

SARL ANDRE ESNAULT N° SIRET : 381 929 769

agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social

[Adresse 1]

représentée par Maître Thierry MORENVILLEZ de la SCP BORDAS - MORENVILLEZ - SCP, avocat au barreau de CHARENTE

INTIMÉ :

Monsieur [T] [V]

né le [Date naissance 1] 1947 à [Localité 1]

de nationalité Française

Profession : Cadre administratif,

demeurant [Adresse 2]

représenté par Maître Philippe ROCHEFORT de la SCP BARRAUD LE BOULC'H-JOLLIT-ROCHEFORT-TURLOT-EHLEN, avocat au barreau de CHARENTE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 27 mars 2013 en audience publique, devant Madame Myriam LALOUBERE, Conseiller faisant fonction de Présidente et Maître Isabelle LAUQUE conseiller chargées d'instruire l'affaire, qui ont entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés,

Ces magistrates ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Myriam LALOUBERE, Conseiller, faisant fonction de Présidente,

Monsieur Jean François BANCAL, Conseiller,

Madame Isabelle LAUQUE, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Florence CHANVRIT adjoint administratif faisant fonction de greffier

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

*

****

Mr [T] [V] était salarié de la SARL ANDRE ESNAULT dont il détenait 870 parts sociales, depuis avril 1970.

En janvier 2007, il a cédé l'ensemble de ses parts tout en restant salarié de la société en qualité d'adjoint de direction.

Mr [V] a été placé en arrêt maladie à compter du 16 février 2007 et n'a jamais repris son poste.

Suite à la visite médicale de reprise du 7 janvier 2008, le médecin du travail a conclu ainsi 'envisager une mise en inaptitude pour raison médicale '

Le 16 janvier 2008, le médecin du travail a constaté l'inaptitude de Mr [V] au poste qu'il occupait et a envisagé un reclassement ou un licenciement en prévoyant une seconde visite fixée au 30 janvier 2008.

À cette date, le médecin du travail a conclu à la suspension de la procédure de mise en inaptitude et le 29 février 2008, Mr [V] a été prolongé en maladie.

Mr [V] a alors saisi l'inspecteur du travail afin de contester les avis du médecin du travail.

Par décision du 3 juin 2008, l'inspecteur du travail de la Charente a déclaré Mr [V] inapte à tous postes.

Le recours de la SARL ANDRE ESNAULT contre cette décision devant le Tribunal administratif de Poitiers a été rejeté le 19 mai 2010.

Par courrier du 30 décembre 2010, la SARL ANDRE ESNAULT a notifié à Mr [V] son licenciement pour inaptitude.

Dans ce contexte procédural, Mr [V] avait saisi le Conseil des prud'hommes d'Angoulême dans sa formation de référé afin d'obtenir ses salaires impayés de juillet à décembre 2008 et avait été débouté.

Le 7 mai 2009, Mr [V] avait alors saisi le Conseil des prud'hommes afin d'obtenir notamment le paiement de ses salaires de juillet 2008 à avril 2009.

Par jugement du 18 janvier 2010, le Conseil a sursis à statuer dans l'attente de la décision du Tribunal administratif de Poitiers.

A nouveau saisi en référé par Mr [V], le Conseil, par ordonnance de départage en date du 28 mai 2010, a condamné la SARL ANDRE ESNAULT à reprendre le paiement des salaires de Mr [V] échus depuis le 17 février 2010, sur la base de 3.587,50 euros brut mensuel, jusqu'à la décision sur le fond ou la rupture des relations contractuelles.

Enfin, par jugement du 2 juillet 2012, le Conseil a condamné la SARL ANDRE ESNAULT à payer à Mr [V] les sommes suivantes :

-65.325 euros à titre de rappel de salaire pour la période de juillet 2008 au 17 février 2010,

-1.300 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

En revanche, le Conseil a rejeté la demande de Mr [V] en paiement de ses congés payés pour les années 2004 à 2007 et l'a débouté de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral.

La SARL ANDRE ESNAULT a interjeté appel de ce jugement.

Par conclusions régulièrement déposées et développées oralement à l'audience du 19 juin 2013 et auxquelles la Cour se réfère expressément, la SARL ANDRE ESNAULT demande à la Cour de réformer le jugement attaqué en ce qu'il l'a condamnée au paiement des rappels de salaires et à une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle conclut à la limitation de sa condamnation aux seules sommes restant dues après déduction de ce qu'elle a déjà versé en complément des indemnités journalières.

Enfin elle demande la confirmation du rejet des autres demandes de Mr [V].

Par conclusions régulièrement déposées et développées oralement à l'audience du 19 juin 2013 et auxquelles la Cour se réfère expressément, Mr [V] conclut à la confirmation du jugement attaqué en ce qu'il a condamné la SARL ANDRE ESNAULT à lui payer la somme de 65.325 euros à titre de rappel de salaire.

Il déclare s'en remettre à justice quant à sa demande de congés payés.

En revanche, il demande à la Cour d'infirmer le jugement en ce qu'il a rejeté sa demande de dommages et intérêts de 5.000 euros formée en réparation de son préjudice moral.

Il sollicite enfin le paiement d'une somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

DISCUSSION :

-Sur la demande de rappel de salaire.

La SARL ANDRE ESNAULT ne conteste plus le principe du paiement du salaire à compter du moins suivant la déclaration d'inaptitude, en revanche, elle soutient qu'elle a réglé pendant cette période des sommes qui sont venues en compléments des indemnités journalières et qui doivent donc venir en déduction des sommes réclamées.

Mr [V] rappelle qu'il est de jurisprudence constante que l'employeur qui, au terme d'un délai d'un mois suivant l'avis d'inaptitude, n'a ni reclassé ni licencié le salarié est tenu de reprendre le versement du salaire sans pouvoir déduire les prestations de sécurité sociale et de prévoyance versées au salarié au motif que le salaire de remplacement a un caractère forfaitaire.

Il expose que son employeur n'a pas repris le versement de son salaire après l'avis d'inaptitude du 3 juin 2008 et qu'en conséquence il doit être condamné à lui payer ses salaires entre juillet 2008 et février 2010 sans que ne soient déduites les indemnités journalières ni les indemnités de prévoyance perçues pendant cette période.

En application des articles L1226-2 et suivants du code du travail, anciennement L122-24-4 du même code, lorsque à l'issue d'une période de suspension du contrat de travail consécutive à un accident ou une maladie non professionnelle, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur est tenu de lui proposer un emploi adapté à ses capacités.

Si, à l'issue d'un délai d'un mois à compter de la date de l'examen médical de reprise du travail, le salarié déclaré inapte n'est pas reclassé dans l'entreprise ou s'il n'est pas licencié, l'employeur lui verse, dés l'expiration de ce délai le salaire correspondant à l'emploi que celui ci occupait avant la suspension de son contrat de travail.

Aucune réduction ne peut être opérée sur la somme fixée forfaitairement au montant du salaire antérieur à la suspension du contrat que l'employeur doit verser au salarié.

Ainsi, ce salaire de remplacement a un caractère forfaitaire et ne peut faire l'objet d'aucune déduction au titre de sommes versées par un organisme de prévoyance.

En l'espèce, Mr [V] a été définitivement déclaré inapte par la décision de l'inspecteur du travail du 3 juin 2008.

Dés lors, il appartenait à la SARL ANDRE ESNAULT de procéder à son reclassement ou de le licencier dans le délai d'un mois et à défaut de reprendre le versement de son salaire.

Les bulletins de salaires de Mr [V] pour l'année 2009 font apparaître le montant des indemnités journalières perçues chaque mois.

Certains bulletins de salaire portent la mention : ' revers alloc journalières cplmt bayard prévoyance' sans indication de montant.

La SARL ANDRE ESNAULT produit à la Cour les correspondances de la société BAYARD PREVOYANCE relatives à la garantie incapacité de l'assuré [T] [V].

En conséquence, la Cour constate que les sommes dont la SARL ANDRE ESNAULT demande la déduction du montant des salaires dus à Mr [V] à compter du 3 juillet 2008 correspondent à des prestations de prévoyance qui n'ont pas à être déduites.

Dés lors, la décision du Conseil des prud'hommes sera confirmée sur ce chef de demande.

-Sur la demande de congés payés.

La SARL ANDRE ESNAULT soutient tout d'abord que la demande est prescrite et que d'autre part l'indemnité de congé payé ne peut se cumuler avec le salaire par un salarié qui n'a pas fait usage de son droit à un congé effectif.

Elle fait valoir qu'il n'a existé aucune convention de report des congés de Mr [V] qui avait donc toute latitude pour les prendre.

Mr [V] s'en remet à la justice sur ce chef de demande.

Par application de l'article L3245-1 du code du travail, l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par 5 ans conformément à l'article 2224 du code civil.

Cette prescription s'applique aux sommes constituant des salaires ou payables par années ou à des termes périodiques plus courts.

L'indemnité compensatrice de congés payés en ce qu'elle s'analyse en un salaire est soumise à la prescription de l'article L3245-1 du code du travail.

Les congés doivent être pris au cours de l'année qui suit la période de référence et le salarié qui a continué à travailler au lieu de prendre ses congés ne peut prétendre cumuler l'indemnité de congés payés avec son salaire sauf s'il établit qu'il en a été privé par la faute de l'employeur.

En l'espèce, Mr [V] a sollicité pour la première fois le paiement de congés payés non pris entre 2004 et 2007 à l'occasion de conclusions en date du 29 novembre 2011 soutenues pour la première fois devant le Conseil à l'audience du 6 février 2012.

Compte tenu du caractère oral de la procédure prud'hommale, le point de départ doit être fixé à la date de plaidoirie soit le 6 février 2012 ;

Dés lors, l'action en paiement de sommes réclamées au titre des congés payés antérieurs au 6 février 2007 est prescrite.

La seule période restant donc à examiner est celle comprise entre le 6 et 17 février 2007.

Mr [V] devait prendre ses congés dans l'année suivant la période de référence et ne justifie pas de ce que son employeur l'en ait empêché.

Dans ces conditions, confirmant la décision des premiers juges, sa demande, pour la période non couverte par la prescription sera rejetée.

-Sur sa demande de dommages et intérêts :

Mr [V] fait valoir que la réticence de l'employeur à prononcer son licenciement à défaut de reclassement lui a causé un préjudice financier du fait de la baisse de ses revenus mais a eu également des conséquences sur sa santé psychologique.

La SARL ANDRE ESNAULT conteste le préjudice financier allégué par Mr [V] et soutient que son état dépressif était antérieur à la décision de l'inspecteur du travail.

L'employeur est tenu de reclasser ou de licencier le salarié déclaré inapte par le médecin du travail.

A défaut, il doit reprendre le paiement des salaires dans le mois suivant la déclaration d'inaptitude.

L'absence de reclassement, de licenciement et de reprise du paiement du salaire s'analyse en une violation manifeste des droits du salarié lui occasionnant nécessairement un préjudice découlant d'une part d'une réduction de ses revenus et du maintien artificiel d'une relation de travail empêchant le salarié de rechercher un autre emploi.

La Cour considère qu'en l'espèce, la SARL ANDRE ESNAULT en s'abstenant de rechercher un poste de reclassement et surtout en retardant à l'excès le licenciement de Mr [V] tout en se dispensant de remplir son obligation légale de paiement du salaire a commis un grave manquement dans l'exécution de ses obligations ayant nécessairement causé un préjudice à ce dernier.

En conséquence, la décision du Conseil sera réformée sur ce point et la SARL ANDRE ESNAULT sera condamnée à payer à Mr [V] la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts.

Enfin, la SARL ANDRE ESNAULT sera condamnée à payer à Mr [V] la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

SUR CE

LA COUR

Infirme le jugement attaqué en ce qu'il a débouté Mr [V] de sa demande de dommages et intérêts.

Y substituant :

Condamne la SARL ANDRE ESNAULT à payer à Mr [V] la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral.

Confirme le jugement attaqué en toutes ses autres dispositions.

Y ajoutant :

Condamne la SARL ANDRE ESNAULT à payer à Mr [V] la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne la SARL ANDRE ESNAULT aux dépens

Signé par Madame Myriam LALOUBERE, Conseillère, faisant fonction de Présidente, en l'absence de Monsieur le Président Jean-Paul ROUX, empêché, et par Gwenaël TRIDON DE REY , greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

G. TRIDON DE REY Myriam LALOUBERE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section b
Numéro d'arrêt : 12/04352
Date de la décision : 05/09/2013

Références :

Cour d'appel de Bordeaux 4B, arrêt n°12/04352 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-09-05;12.04352 ?
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