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12/02/2013 | FRANCE | N°11/00880

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 12 février 2013, 11/00880


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



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ARRÊT DU : 12 FÉVRIER 2013



(Rédacteur : Madame Raphaëlle Duval-Arnould, Conseiller)

(PH)



PRUD'HOMMES



N° de rôle : 11/00880











Monsieur [I] [V]



c/



Commissariat à l'Energie Atomique et aux Energies Alternatives (CEA)













Nature de la décision : AU FOND









Notifié par LRAR le :



LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :



La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par

voie de signification (acte d'huissier).



Certifié par le Greffier en Chef,





Grosse délivrée le :



à :...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 12 FÉVRIER 2013

(Rédacteur : Madame Raphaëlle Duval-Arnould, Conseiller)

(PH)

PRUD'HOMMES

N° de rôle : 11/00880

Monsieur [I] [V]

c/

Commissariat à l'Energie Atomique et aux Energies Alternatives (CEA)

Nature de la décision : AU FOND

Notifié par LRAR le :

LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :

La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par

voie de signification (acte d'huissier).

Certifié par le Greffier en Chef,

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 12 janvier 2011 (RG n° F 09/01107) par le Conseil de Prud'hommes - formation de départage - de Bordeaux, section Activités Diverses, suivant déclaration d'appel du 11 février 2011,

APPELANT :

Monsieur [I] [V], né le [Date naissance 1] 1962 à [Localité 7] (Espagne), de

nationalité Française, profession informaticien, demeurant [Adresse 6],

Représenté par Maître Caroline Dupuy, avocat au barreau de Bordeaux,

INTIMÉ :

Commissariat à l'Energie Atomique et aux Energies Alternatives (CEA), siret n° 775 685 019, pris en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, [Adresse 3],

Représenté par Maître Jean-François Tréton de la SELARL Pech de Laclause - Pascal Bathmanabane & associés, avocats au barreau de Paris,

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 22 octobre 2012 en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Brigitte Roussel, Président,

Madame Raphaëlle Duval-Arnould, Conseiller,

Madame Marie-Luce Grandemange, Conseiller,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Anne-Marie Lacour-Rivière.

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

M. [I] [V], né le [Date naissance 1] 1962, français d'origine espagnole, ingénieur en électronique et en informatique, a postulé de 2003 à 2009, à huit reprises dont deux fois par candidature spontanée, à des postes d'ingénieurs informatiques au sein du Centre d'Etudes Scientifiques et Techniques d'Aquitaine (CESTA) situé au [Localité 2] dépendant du Commissariat à l'Energie Atomique et aux Energies Alternatives (CEA), sa candidature n'ayant été pas retenue.

En 2005 et 2007, il saisissait la HALDE pour discrimination dans l'accès à l'emploi fondée sur l'âge, la première plainte étant classée, l'aboutissement de la seconde n'étant pas connu.

Le 3 avril 2009, M. [V] saisissait le Conseil de Prud'hommes pour voir reconnaître la discrimination à l'embauche en raison de son âge et de son origine et pour obtenir des dommages-intérêts.

Par jugement en date du 12 janvier 2011, le Conseil de Prud'hommes de Bordeaux, sous la présidence du juge départiteur, a considéré que la charge de la preuve pesant sur le salarié n'était pas suffisamment étayée et ne reposait que sur ses seules allégations ; il a débouté M. [V] de sa demande de dommages-intérêts.

M. [I] [V] a relevé appel du jugement.

Entendu en ses observations au soutien de ses conclusions auxquelles il est fait expressément référence, il demande d'infirmer le jugement, de constater qu'il a été victime d'une discrimination à l'embauche en raison de son âge et de ses origines de la part du Commissariat à l'Energie Atomique, de condamner celui-ci à lui payer les sommes de 19.200 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi et de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions développées oralement auxquelles il est fait expressément référence, le Commissariat à l'Energie Atomique demande de confirmer le jugement en toutes ses dispositions, de débouter M. [V] de l'intégralité de ses demandes et de le condamner à lui payer la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour plus ample exposé des circonstances de fait, de la procédure et des prétentions des parties, il convient de se référer au jugement déféré et aux conclusions des parties.

MOTIFS DE LA DÉCISION

En application de l'article L.1134-1 du code du travail, s'il appartient au salarié qui s'estime victime d'une discrimination, en l'espèce à l'embauche en raison de son âge et de ses origines, d'apporter les éléments de fait laissant supposer l'existence de cette discrimination directe ou indirecte, il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, le juge formant sa conviction au vu des éléments fournis par les parties.

- discrimination à l'embauche en raison de l'âge

M. [V] soutient que depuis 2003, il a postulé à huit reprises à des postes d'ingénieur informatique, soit par candidatures spontanées, soit en répondant à des offres d'emploi, qu'il remplissait les critères retenus par les offres d'emploi, que sur deux annonces parues en septembre 2005, si l'un des postes a été pourvu par mutation, il a appris que l'autre a été pourvu par M. [C], de nationalité française d'origine, ayant moins de 35 ans et moins de 5 ans d'ancienneté, que ses propres candidatures ont été systématiquement rejetées, alors qu'il répondait aux critères objectifs de diplôme et d'expérience fixés. Il produit notamment les annonces parues, les courriers ou courriels échangés, les courriers de la HALDE et divers autres documents.

Le Commissariat à l'Energie Atomique, qui conteste toute discrimination, réplique que M. [V] ne produit aucun élément laissant supposer qu'il adopterait des pratiques discriminatoires lors du recrutement de ses salariés en général, ni en ce qui le concerne en particulier, que chaque année des candidats de plus de 40 ans ont été recrutés au sein du Cesta. Elle produit notamment les courriers de M. [V], les pyramides des âges des recrutements réalisés, les courriers échangés avec la HALDE, des documents relatifs au recrutement au poste d'ingénieur informatique. Elle sollicite, pour lui permettre d'assurer sa défense, tout en préservant l'obligation de confidentialité attachée aux données relatives au personnel, que soit acceptée la production non-contradictoire de la liste des salariés recrutés de 2001 à 2012, ce à quoi s'oppose M. [V].

En préliminaire, il y a lieu de relever que dans ses écritures, M. [V] fait mention de son âge, soit 43 ans, sans préciser sa date de naissance, mais qui figure sur la fiche d'état civil de son épouse au Cesta, soit le 9 juin 1962, que les faits incriminés se situent donc de 2003 à 2009, son âge ayant évolué de 41 ans à 47 ans.

Si aucune candidature de M. [V] n'a jamais été retenue par le Commissariat à l'Energie Atomique, pas même au niveau de l'entretien d'embauche, ce qui peut laisser supposer, comme il le soutient, qu'il a été systématiquement écarté, il convient de constater, ainsi que le premier juge l'a justement relevé, que M. [V] n'établit pas que des postes étaient disponibles et correspondant à son profil lors de ses candidatures spontanées, que si M. [V] avait un niveau d'études nécessaires et même au-delà de ce qui était demandé et qu'il avait une expérience certaine dans divers domaine de compétences, ces éléments ne sont pas suffisants à justifier qu'il a été volontairement écarté des postes offerts en raison de son âge et/ou de ses origines espagnoles.

En ce qui concerne les postes offerts au recrutement en septembre 2005, il y a lieu de relever que l'un des postes a été pourvu par mutation interne prioritaire, ce dont M. [V] convient, et qu'au vu des explications données à la HALDE dans le courrier du 4 mars 2008, l'autre poste a été supprimé sur l'effectif objectif dans le cadre du plan emploi; mais ensuite repositionné en 2007 et pourvu en juin 2007, parmi une sélection de six candidats, dont M. [C], son profil correspondant aux exigences du poste, ainsi que l'invoque le Commissariat à l'Energie Atomique. Le fait qu'il soit âgé de moins de 35 ans et qu'il ait une ancienneté de moins de 5 ans ne saurait suffire à justifier une discrimination en raison de l'âge, alors que d'autres critères objectifs doivent nécessairement être pris en compte pour le choix du candidat correspondant le mieux au poste à pourvoir.

En ce qui concerne la production du registre du personnel sollicité par M. [V], la communication de pièces doit se faire dans le respect du principe du contradictoire, mais se heurte en l'espèce aux impératifs de confidentialité du registre du personnel découlant du classement secret défense des installation du Cesta. Toutefois, les pyramides des âges des recrutements au Cesta de 2003 à 2012 produites par le Commissariat à l'Energie Atomique apparaissent suffisantes pour justifier des âges et du nombre de personnes recrutées à la date de leur embauche, sans qu'il ne soit nécessaire de produire le registre du personnel lui-même.

Or, il ressort de ces documents que, pour la période concernée de 2003 à 2009, si les recrutements de personnes âgées de moins de 40 ans sont majoritaires, des embauches de salariés de plus de 40 ans ont cependant été effectuées, ce qui exclut qu'il y ait pu y avoir une discrimination systématique en raison de l'âge.

En outre, le fait que pour certains postes offerts, M. [V] soit titulaire de plus de diplômes et/ou d'une grande expérience rendant sa candidature 'surdimen-tionnée' par rapport aux compétences demandées pour le poste à pourvoir, ne saurait ipso facto induire qu'il y ait discrimination, alors que la rémunération doit, en principe, tenir compte du niveau des diplômes et de l'expérience et que le candidat doit s'intégrer dans une équipe, ce qui est susceptible d'engendrer des difficultés en termes de relations hiérarchiques, comme le soutient le Commissariat à l'Energie Atomique. La 'surqualification' du candidat peut donc être une raison objective s'opposant à ce que sa candidature soit retenue.

Par ailleurs, l'absence de réponse de la HALDE, devenue le défenseur des droits depuis mars 2008, date à laquelle le Commissariat à l'Energie Atomique lui a transmis les pièces demandées à la suite de la seconde saisine de M. [V], ne saurait impliquer ni la reconnaissance d'une discrimination, ni son exclusion par cette autorité, du moins l'on peut supposer qu'en cas de discrimination flagrante, la HALDE serait intervenue rapidement, étant observé qu'elle a le pouvoir d'intervenir devant la juridic-tion prud'homale.

- discrimination à l'embauche en raison des origines

Pour soutenir que seuls les candidats d'origine française sont retenus et qu'il a été exclu en raison de ses origines espagnoles, M. [V] invoque le fait que les candidats retenus ont des noms à consonance française, que le Commissariat à l'Energie Atomique avait les renseignements sur lui et ses origines par la fiche d'état civil de son épouse, salariée au Cesta, qu'il n'est pas sans ignorer que le reproche souvent fait aux installations exerçant des activités classées secret défense est de refuser d'embaucher des personnes d'origine étrangère par crainte de la divulgation de secret de l'Etat français. Il produit en ce sens une question écrite posée au Ministre de la Défense et la réponse.

Le Commissariat à l'Energie Atomique réplique qu'au vu du curriculum vitae de M. [V], de nationalité française et qui a fait toutes ses études en France et y a toujours travaillé, elle ne pouvait connaître qu'il était 'naturalisé' français et quelles étaient ses origines, qu'aucune recherche n'a faite sur une similitude de nom avec une salariée travaillant dans un département différent, qu'il accueille et collabore avec nombre de scientifiques venant de tous horizons.

Il y a lieu de relever que le curriculum vitae de M. [V] qui ne précise ni ses date et lieu de naissance, ni les études secondaires faites ne permet pas de connaître son origine étrangère, les seuls nom et prénom n'étant à l'heure actuelle pas significatifs, qu'il ne saurait être tiré argument d'une critique générale de politique de recrutement pour l'appliquer au cas particulier de M. [V]. En outre, il n'est pas établi que les recruteurs de le Commissariat à l'Energie Atomique avaient connaissance de la fiche de Mme [V] lors des candidatures de M. [V], étant observé que son épouse a bien été embauchée, en connaissance des origines de son époux.

Dans ces conditions, il apparaît que les éléments produits par M. [V] et contredits par ceux adverses ne sauraient être suffisants pour laisser supposer l'existence d'une discrimination à l'embauche à l'égard de M. [V] en raison de son âge et de ses origines.

Le jugement sera donc confirmé en toutes ses dispositions.

M. [V] qui succombe en son appel, doit supporter la charge des dépens et voir rejeter sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Il convient d'accorder au Commissariat à l'Energie Atomique une indemnité pour participation à ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Sur l'appel de M. [I] [V] contre le jugement du Conseil de Prud'hommes de Bordeaux en date du 12 janvier 2011.

' Confirme le jugement en toutes ses dispositions.

Y ajoutant :

' Condamne M. [I] [V] à payer au Commissariat à l'Energie Atomique la somme de 300 € (trois cents euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

' Condamne M. [I] [V] aux entiers dépens.

Signé par Madame Brigitte Roussel, Président, et par Madame Anne-Marie Lacour-Rivière, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A-M. Lacour-Rivière B. Roussel


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 11/00880
Date de la décision : 12/02/2013

Références :

Cour d'appel de Bordeaux 4A, arrêt n°11/00880 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-02-12;11.00880 ?
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