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18/12/2012 | FRANCE | N°11/02388

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 18 décembre 2012, 11/02388


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



--------------------------







ARRÊT DU : 18 DÉCEMBRE 2012



(Rédacteur : Madame Maud Vignau, Président)

(PH)



PRUD'HOMMES



N° de rôle : 11/02388









Monsieur [X] [U]



c/



SAS Barat Etiquettes venant aux droits de la SAS Imprimerie Barat



Le Défenseur des Droits













Nature de la décision : AU FOND













Notifié par LRAR le :



LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :



La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par

voie de signification (acte d'huissier).



Certifié par le Greffier en Chef,





Grosse délivr...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 18 DÉCEMBRE 2012

(Rédacteur : Madame Maud Vignau, Président)

(PH)

PRUD'HOMMES

N° de rôle : 11/02388

Monsieur [X] [U]

c/

SAS Barat Etiquettes venant aux droits de la SAS Imprimerie Barat

Le Défenseur des Droits

Nature de la décision : AU FOND

Notifié par LRAR le :

LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :

La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par

voie de signification (acte d'huissier).

Certifié par le Greffier en Chef,

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 07 mars 2011 (RG n° F 08/00065) par le Conseil de Prud'hommes - formation de départage - de Libourne, section Encadrement, suivant déclaration d'appel du 06 avril 2011,

APPELANT :

Monsieur [X] [U], né le [Date naissance 3] 1962 à [Localité 4] ([Localité 4]), de

nationalité Française, demeurant [Adresse 1],

Représenté par Maître Nadia Bouchama, avocat au barreau de Bordeaux,

INTIMÉE :

SAS Barat Etiquettes venant aux droits de la SAS Imprimerie Barat, siret n° 321 153 140 00025, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, [Adresse 2],

Représentée par Maître Yves Guévenoux, avocat au barreau de Bordeaux,

INTERVENANT VOLONTAIRE :

Le Défenseur des Droits, pris en la personne de son représentant légal

domicilié en cette qualité au siège social, [Adresse 5],

Représenté par Maître Annie Roldao, avocat au barreau de Bordeaux,

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 juin 2012 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Maud Vignau, Président chargé d'instruire l'affaire,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Brigitte Roussel, Président,

Madame Maud Vignau, Président,

Madame Raphaëlle Duval-Arnould, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Anne-Marie Lacour-Rivière.

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

Monsieur [X] [U] a été engagé par contrat à durée indéterminée à compter du premier août 2005, en qualité de directeur technique, cadre dirigeant groupe IB de la convention collective des Imprimeries de labeur et industrie graphiques, par la SAS Barat Etiquettes venant aux droits de la SAS Imprimerie Barat.

Sa rémunération mensuelle était de 3.700 € jusqu'au 31 mars 2006, elle

devait être portée à partir du 1er avril 2006 à 4.700 € sur 13 mois pour un poste à temps plein. Par avenant du 4 mai 2006 il se voyait attribuer une prime annuelle de résultat. Monsieur [X] [U], à compter du 27 juin 2006, a fait l'objet de plusieurs arrêts maladie, suite à des problèmes de santé importants (maladie orpheline).

Par avenant du 26 septembre 2006, Monsieur [X] [U] a renoncé au bénéfice de sa prime de résultat, l'employeur s'engageant à lui verser durant son congé maladie un complément de salaire à hauteur de 4.700 € sur 13 mois pendant une durée minimale de trois ans.

Lors de la visite médicale de reprise le 23 mai 2007, le médecin du travail

a déclaré Monsieur [U] apte à reprendre son poste dans le cadre d'un mi-temps thérapeutique. Monsieur [U] a repris son emploi en mi-temps thérapeutique à compter du 24 mai 2007.

Puis à compter du 1er janvier 2008 Monsieur [U] a souhaité

reprendre son emploi, en trois-quarts temps thérapeutique.

Par lettre recommandée du 25 février 2008, Monsieur [X] [U] a été convoqué à un entretien préalable à une mesure de licenciement, le 5 mars 2008.

Par lettre recommandée du 10 mars 2008, son licenciement lui a été notifié pour cause réelle et sérieuse.

Monsieur [X] [U] a saisi le Conseil de Prud'hommes de Libourne le 26 mars 2008 pour contester son licenciement. Par jugement de départage du 7 mars 2011 le Conseil de Prud'hommes de Libourne a estimé que le licenciement de Monsieur [X] [U] ne reposait pas sur une cause réelle et sérieuse et a rejeté la demande en nullité de licenciement présentée par le salarié, au motif qu'il n'existait pas les éléments objectifs permettant d'affirmer que ce licenciement était dû à une discrimination liée à l'état de santé de Monsieur [U].

Il a condamné la SAS Imprimerie Barat à payer à Monsieur [X]

[U] la somme de 30.000 € à titre de dommages et intérêts (L.1235-3 du code du travail), la somme de 3.600 € au titre du solde de salaire, 360 € pour congés payés afférents, il a condamné la SAS Imprimerie Barat à payer au salarié 750 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, aux entiers dépens, et à rembourser à Pôle Emploi les indemnités de chômage versées au salarié licencié, dans la limite d'un mois d'indemnité. Il a débouté Monsieur [U] de toutes ses autres demandes.

Monsieur [X] [U] a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Par conclusions déposées au greffe le 30 mai 2012, développées oralement et auxquelles il est expressément fait référence, Monsieur [X] [U] demande à titre principal, à la Cour de prononcer la nullité du licenciement en application de l'article 1132-1 du code du travail et en conséquence de condamner la SAS Imprimerie Barat à réintégrer Monsieur [U] à son poste de travail, à payer les salaires dus jusqu'au jour de la réintégration, de remettre l'ensemble des bulletins de salaires rectifiés et à lui payer 100.000 € de dommages et intérêts en réparation du caractère illicite du licenciement intervenu, à titre subsidiaire, si l'employeur refusait la réin-tégration ou justifiait d'une impossibilité matérielle suffisante pour que la réintégration ne puisse être effective, Monsieur [U] demande à la Cour de prononcer la nullité du licenciement en application de l'article 1132-1 du code du travail, de condamner l'employeur à lui payer les salaires durant la période d'éviction jusqu'au jour où l'employeur justifie de l'impossibilité de réintégration, et à payer la somme de 100.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul en application des dispositions de l'article L.1235-3 du code du travail. À titre infiniment subsidiaire dire que le licenciement de Monsieur [U] ne repose sur aucune cause réelle et sérieuse et en conséquence condamner l'employeur à lui payer la somme de 200.000 € de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en application des dispositions de l'article L.1235-3 du code du travail.

Il demande, en outre, à la Cour de condamner la SAS Imprimerie Barat à lui payer les sommes suivantes : 25.000 € brut à titre de prime de résultat (année 2006 - 2007 et 2007) ; 2.500 € pour congés payés afférents, 2.362 € ainsi que 236 € pour les congés payés afférents au titre de complément de salaire, soit 299 € pour 2006, 2.063 € pour 2007, 3.600 € brut à titre de solde de salaire durant 12 mois (absence de véhicule) et 360 € de congés payés afférents, 3.525 € brut au titre du solde de salaire dû pour le temps complet effectué à compter de janvier 2008 jusqu'au licenciement les 352,50 € pour les congés payés afférents, 50.000 € à titre de dommages et intérêts pour exécution de mauvaise foi du contrat de travail, dire que l'ensemble des condamnations porteront intérêts au taux légal à compter de la saisine du Conseil de Prud'hommes de Libourne. Condamner la SAS Imprimerie Barat à payer au salarié 1.500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les dépens.

Par conclusions responsives déposées au greffe le 18 juin 2012, développées oralement et auxquelles il est expressément fait référence, la SAS Barat Etiquettes venant aux droits de la SAS Imprimerie Barat demande à la Cour de réformer la décision attaquée, de dire que le licenciement de Monsieur [U] repose bien sur une cause réelle et sérieuse, de dire que son licenciement n'est pas discriminatoire au sens de l'article L.1132-1 du code du travail, débouter le salarié de toutes ses demandes.

Le Défenseur des Droits a présenté des observations par écrit, déposées au greffe le 21 juin 2012, qu'il a développé à l'audience de la Cour.

Il demande à la Cour d'accueillir ses observations, de constater que l'employeur ne démontre pas que l'aménagement du temps de travail, tel que préconisé par le médecin du travail, aurait entraîné des charges disproportionnées au sens de l'article L.5213-6 du code du travail. En conséquence de dire que le licenciement pour faute de Monsieur [U] n'est pas justifié par des éléments objectifs étrangers à une discrimination conformément à l'article L.1134-1 du code du travail.

Sur ce, la Cour :

Sur les causes de la rupture du contrat de travail

Sur la demande de nullité du licenciement fondée sur l'article 1134-4 du code du travail

Le salarié à l'appui de son appel fait valoir que la véritable cause de son

licenciement est incontestablement la dégradation de son état de santé.

Le Défenseur des Droits précise que par décision n° MLD 2012/ 68 en date du 24 mai 2012 il a constaté que Monsieur [U] avait fait l'objet d'une discrimination fondée sur son état de santé.

Il soutient que le licenciement de Monsieur [U], initié une semaine seulement après son refus du mi-temps thérapeutique proposé par l'employeur, est lié à ce refus d'aménagement de son temps de travail, en contradiction avec la recomman-dation du médecin du travail, justifiée par son handicap.

Selon les dispositions de l'article L.1132-1 du code du travail aucune personne ne peut être sanctionnée, licenciée ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, en raison de son état de santé ou de son handicap.

Il appartient au salarié qui se prétend lésé par une mesure discriminatoire de soumettre au juge les éléments de fait, susceptibles de caractériser une atteinte au principe d'égalité de traitement ; et il incombe à l'employeur qui conteste le caractère discriminatoire d'établir que la disparité des situations constatées est justifiée par des éléments objectifs, étrangers à toute discrimination.

Il résulte des pièces produites par les parties que jusqu'à ce que Monsieur [U] fasse part à son employeur de son souhait de reprendre son poste de travail de cadre dirigeant à un 3/4 temps thérapeutique, à compter du 1er janvier 2008, les relations employeur/salarié ont été satisfaisantes, aussi bien durant le congé maladie de Monsieur [U] que lors de sa reprise du travail à mi-temps thérapeutique (à compter du 23 juillet 2007, comme en attestent les comptes rendus du comité d'entreprise durant les congés maladie de Monsieur [U], ou encore le courrier adressé par ce dernier, le 1er février 2008 à son employeur : 'Le 2 janvier 2008 vous m'avez précisé, à mon grand étonnement, que vous étiez satisfait du fonctionnement avec une personne et demi.... même s'il fallait attendre quelques mois de plus en mi-temps thérapeutique, l'équivalent de mon salaire à temps complet serait assuré durant cette période pour partie par la prise en charge par la sécurité sociale, pour partie par l'assurance et l'entreprise.... vous avez ajouté qu'il fallait prendre le temps de me soigner et que l'on prendrait le temps necessaire' ....

La SAS Barat Etiquettes venant aux droits de la SAS Imprimerie Barat, soutient que le retour de Monsieur [U] était attendu et souhaité, (ce qui est attesté par les compte rendus du comité d'entreprise), l'absence puis le retour du salarié à mi-temps thérapeutique ont d'ailleurs été compensés par le recrutement de Monsieur [Y] [V]. Le poste de directeur technique occupé à mi-temps le matin par Monsieur [U] conformément à la décision du médecin du travail et à mi-temps l'après- midi par [Y] [V] convenait à l'organisation de l'entreprise, de même que la reprise à temps complet de son poste, par Monsieur [U].

L'employeur expliquait qu'autant le partage de ce poste de direction à mi-temps entre deux cadres était compatible avec le bon fonctionnement de l'entreprise, autant la mise en place d'un 3/4 temps comme le souhaitait Monsieur [U] n'était pas une solution adaptée à l'entreprise, et, ce en dehors de toute volonté discriminatoire.

Les relations entre l'employeur et le salarié se sont détériorées, suite à la

série de lettres recommandées avec accusé de réception, que Monsieur [U] et l'employeur ont échangées, entre février 2008 et le licenciement. L'état de santé de Monsieur [U] ne lui permettant pas de reprendre son poste à temps complet comme il le souhaitait, à compter de janvier 2008, il indiquait à son employeur que son médecin traitant lui avait préconisé une reprise à 3/4 temps. Le médecin traitant de Monsieur [U], le docteur [T] a, par certificat du 31 décembre 2007, indiqué que l'état de santé de Monsieur [U] justifiait le passage d'un mi-temps thérapeutique à un 3/4 temps thérapeutique du 01-01-2008 au 31-03-2008. (pièce 21 du salarié).

Le docteur [W], médecin du travail, a établi une fiche de visite périodique le 17 janvier 2008, suivant laquelle Monsieur [U] était apte à son poste actuel avec passage d'un mi-temps thérapeutique à un 3/4 temps thérapeutique pendant 3 mois. (pièce 21 du salarié) pièce 5 bis du Défenseur des Droits.

L'employeur par courrier du 24 janvier 2008 indiquait à Monsieur

[U] vous êtes en mi-temps thérapeutique depuis le 24 mai 2007 et vous passeriez à trois quarts temps thérapeutique à compter du 1er janvier 2008 : 'il semble apparaître qu'il vous manque du temps pour mener à bien vos différentes missions. Cela pose d'autant plus de difficultés que vous vous montrez réticent pour vous faire assister par [Y] [V], susceptible de vous suppléer. Comme je vous l'ai exposé, ces conditions ne peuvent perdurer et ne me conviennent pas, l'entreprise Barat se trouvant désorganisée. Il convient de clarifier la situation pour ne pas pénaliser l'Imprimerie Barat pour cette nouvelle année 2008, capitale'.

Monsieur [U], dans une lettre de six pages, le 1er février 2008

indiquait : 'il est tout à fait possible d'organiser mon véritable poste de directeur technique sur un trois quart temps mais encore faut-il avoir la volonté de le faire et de m'en donner les moyens. Il faut qu'il y ait une personne qui suive le service traditionnel en relais et lors de notre conversation vous avez complètement exclu cette demande, par conséquent il est difficile de développer une vision objective du schéma à mettre en place. Mes perspectives sont de revenir à temps complet dans les meilleurs délais'.

Par courrier du 12 février 2008 l'employeur indiquait : 'cette situation dure à présent depuis de nombreux mois et pénalise lourdement l'organisation interne de l'entreprise. Le trois quart temps n'apporte aucune réponse à notre besoin d'organisation. Vous comprendrez aisément qu'il est plus facile pour nous, d'organiser deux mi-temps qu'un trois quart temps bancal.

La seule solution qui s'offre à nous est donc de partager l'exécution de cette mission en deux, à savoir, votre présence le matin, l'après-midi étant géré par un autre responsable. Cette solution a l'aval de la médecine du travail qui a émis des réserves sur votre capacité, même à terme à occuper totalement votre poste. Nous souhaitons donc envisager avec vous une évolution vers un emploi à mi-temps - secteur

du traditionnel uniquement, salaire à 50 % du salaire actuel sachant que vous devriez bénéficier d'une incapacité premier groupe à 30 % plus le complément axa à la hauteur de 20 % donc sans perte de revenus - partage équitable des fonctions et des responsabilités avec l'autre responsable'.

Par courrier du 19 février 2008, le salarié répondait dans un courrier en relatant que l'entretien, qu'il avait eu le 6 février 2008, en présence du directeur administratif et financier, 's'était déroulé dans des conditions difficiles, il poursuivait en indiquant qu'il lui paraissait prématuré d'envisager une pension d'invalidité ' je suis certain qu'il est possible de mettre en place une organisation à trois quarts temps. J'ai un poste de directeur technique, pas de responsable de production. Vous semblez délibérément l'oublier etc...'

Monsieur [U] et le Défenseur des Droits soutiennent que l'organisation du travail de Monsieur [U] sur un 3/4 temps thérapeutique était réalisable, le Défenseur des Droits soutient notamment que l'employeur ne démontre pas que l'aménagement du temps de travail telque préconisé par le médecin du travail, aurait entrainé des charges disproportionnées au sens de l'article 5213-6 du code du travail.

Or, il ressort, de ce qui précède, que dès qu'il a pris connaissance, fin juin 2006 des problèmes de santé sérieux rencontrés par Monsieur [U], reconnu travailleur handicapé classé en catégorie B du 1er septembre 2006 au 1er septembre 2011 par la CDAPH (commission des droits et d'autonomie des personnes handicapées), l'employeur a aussitôt pris des dispositions appropriées, concrètes pour assurer le remplacement provisoire de Monsieur [U] puis pour aménager son retour progressif dans l'entreprise, en procédant courant juillet 2006, au recrutement de Monsieur [Y] [V] pour suppléer l'absence de Monsieur [X] [U] puis partager les tâches de ce dernier, et ce dans le respect des règles définies par l'article L.5213-6 du code du travail et l'intérêt bien compris de l'entreprise (au vu des comptes rendus du comité d'entreprise).

Aucun élément produit par les parties ne permet en effet d'établir ni

d'objectiver la volonté de l'employeur de discriminer ou d'éliminer Monsieur [X] [U], en raison de son état de santé. Bien au contraire, tout a été mis en oeuvre par l'employeur pour favoriser le retour de ce salarié malade, jusqu'à complète guérison, et ce bien que ce dernier n'ait eu que quelques mois d'ancienneté dans l'entreprise, au moment où sa maladie est survenue.

Seules des difficultés liées à l'organisation du travail, tenant à un partage de responsabilité de ce poste de directeur technique, poste de cadre dirigeant, en 3/4 temps, et 1/4 temps sont visiblement à l'origine des dissensions entre Monsieur [X] [U] et son employeur, puisque l'employeur proposait, encore le 12 février 2008, à ce dernier de le conserver en mi-temps thérapeutique, jusqu'à complète guérison.

A la lecture des courriers échangés, durant le mois de janvier 2008, il

apparait, surtout que Monsieur [X] [U] supportait particulièrement mal d'avoir à partager ses responsabilités avec un autre cadre, ayant un statut équivalent au sien, et ce, même pour un temps limité.

Sur les griefs reprochés au salarié dans la lettre de licenciement pour insuffisance professionnelle

Lors de la réunion du comité d'entreprise du 4 mars 2008, l'employeur annonçait que Monsieur [U] était convoqué à un entretien préalable au licen-ciement, en indiquant que cet entretien n'avait rien à voir avec ses soucis de santé mais concernait plusieurs erreurs commises par ce dernier qui remettaient en cause sa capacité technique.

1er grief

Il est reproché à Monsieur [U] le 19 février 2008 de ne pas avoir indiqué au conducteur off set la bonne encre à utiliser pour imprimer des étiquettes 'l'Excellence de Buzet', et de ne pas avoir pris l'initiative de faire réimprimer ces étiquettes avec la bonne encre afin de pouvoir assurer la livraison, dans les délais impartis, l'impression réalisée avec une encre inadaptée au papier n'ayant pas pu sècher.

Monsieur [U] ne conteste pas la réalité de ce grief mais indique qu'il a réagi aussitôt et que le client, tenu avisé, a été livré. L'employeur souligne quant à lui que le délai de livraison à l'origine était le 15 février 2009 et que le client n'a été livré que le 25 février 2009, en raison de l'inertie de Monsieur [U]. Lequel regrette pour sa part d'avoir été le seul inquiété suite à cet incident, et que le conducteur du tirage, en grande partie responsable, n'ait pas été sanctionné.

2ème grief

Il est reproché à Monsieur [U] de s'être trompé le 3 mars 2008 en établissant un devis pour 240.000 étiquettes, en fixant le prix du mille à 16,95 € alors que les prix pratiqués par l'entreprise pour ce genre de produit oscillaient habituellement entre 8 et 10 € le mille.

La commande n'a pas été passée par le client qui s'est adressé à la concurrence laquelle a facturé le mille à 8,15 €. L'employeur précise qu'il appartient au directeur technique de fixer le prix, le directeur commercial ajustant celui-ci en fonction des relations commerciales particulières avec le client et que ce manquement est donc bien imputable à Monsieur [U].

Le salarié reconnait certes, la réalité de ce grief mais en conteste le caractère sérieux dans la mesure où le client ne s'est pas adressé, selon lui, à la concurrence en raison du prix proposé mais du retard apporté dans les délais de réponse par l'entreprise Barat, la proposition commerciale de l'entreprise Barat n'aurait été transmise que le 3 mars au client, alors que ce dernier voulait une réponse, dès le 28 février.

Il ressort de l'ensemble de ces éléments que ces manquements sont bien réels et imputables au salarié. L'employeur reproche au salarié, en l'espèce, une insuffisance professionnelle et non une faute grave contrairement à ce qui a été retenu par le juge départiteur.

Il est constant que l'employeur est seul juge pour apprécier l'insuffisance du salarié. Les aptitudes professionnelles et l'adaptation à l'emploi du salarié relèvent du pouvoir patronal, le juge ne saurait prétendre substituer son appréciation à celle de l'employeur.

Toutefois, l'incompétence alléguée doit reposer sur des éléments concrets et ne peut être fondée sur une appréciation purement subjective de l'employeur. En l'espèce si les griefs formulés à l'encontre de Monsieur [U] apparaissent réels et concrets. Il n'est pas établi, cependant, qu'ils aient été suffisamment sérieux ni per-tinents pour justifier un licenciement, au regard du peu ou de l'absence de conséquences objectivement subies par l'entreprise, suite à ces manquements.

Il n'y a pas lieu, pour autant, et au vu de ce qui précède, de prononcer la nullité du licenciement pour un motif discriminatoire fondé sur l'état de santé de Monsieur [U], dont la preuve n'est pas rapportée, en l'espèce, ni donc de prononcer la réintégration du salarié dans son emploi.

En conséquence, la Cour confirme, mais pour des motifs autres que ceux

retenus par le juge départiteur, que le licenciement de Monsieur [U] ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse et qu'il convient donc de lui allouer des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La Cour déboute Monsieur [U] et le Défenseur des Droits de leur

demande en nullité du licenciement de Monsieur [U] et de sa réintégration dans l'entreprise.

Sur le montant des dommages et intérêts

Le salarié avait à la date de rupture de son contrat de travail une ancienneté de 20 mois (eu égard à la suspension de son contrat pour cause de maladie). Compte tenu des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à Monsieur [U], de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licen-ciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, Monsieur [U] ayant retrouvé un emploi 7 mois plus tard, il y a lieu de lui allouer, en application de l'article L.1235-5 du code du travail, une somme de 40.000 € à titre d'indemnité pour licenciement. Dès lors, la Cour infirme le montant des dommages et intérêts qui lui ont été alloués par le juge départiteur.

Sur les demandes fondées sur l'exécution du contrat

Sur la prime de résultat

Monsieur [U] demande à la Cour de condamner la SAS Imprimerie Barat à lui payer la somme de 25.000 € brut à titre de prime forfaitaire de résultat pour les années 2006-2007 et 2007.

Le salarié fait valoir qu'il a renoncé au bénéfice de sa prime de résultat, par avenant du 26 septembre 2006, à une période où en raison de sa maladie, il se trouvait en état de faiblesse, son consentement aurait été vicié, lors de la signature, raison pour laquelle il demande à la Cour de prononcer la nullité de cet avenant.

Or, il résulte de la lecture de cet avenant que parallélement à ce renon-cement l'employeur s'engageait à lui verser, durant son congé maladie, un complément de salaire à hauteur de 4.700 € sur 13ème mois pendant une durée minimale de trois ans. Et qu'en conséquence cet avenant semble être équilibré, dès lors, la Cour ne trouve pas motif à réformer la décision attaquée qui a considéré que le salarié ne rapportait pas la preuve que son consentement avait été vicié lors de la signature.

Sur le solde du 13ème mois

Le salarié indique, lui-même dans ses conclusions, que cette somme a été payée par l'employeur. Dès lors, la Cour rejette cette demande comme étant non fondée.

Sur le solde de salaire pour absence de véhicule de fonction

La Cour confirme la décison attaquée qui a fait droit à cette demande de 3.600 € de rappel de salaire et 360 € de congés payés afférents, pour des motifs que la Cour adopte, la lettre d'embauche et le contrat de travail prévoyant que si Monsieur [U] ne bénéficiait plus du véhicule de fonction, il devait être rémunéré 5.000 € bruts au lieu de 4.700 €.

Sur le solde de salaire pour le temps complet qu'il a effectué au début 2008

Il ressort de l'échange de courriers entre le salarié et l'employeur, que le salarié effectuait un 3/4 temps pour se rendre chez le kinésithérapeute et non un plein temps comme il le soutient désormais, dès lors, la Cour ne trouve pas motif à réformer la décison attaquée qui l'a débouté de sa demande comme étant non fondée.

Sur la demande de dommages et intérêts du salarié pour exécution de mauvaise foi du contrat de travail par l'employeur

La Cour ne trouve pas motif à réformer la décision attaquée qui a rejeté la demande du salarié. Il ressort de la procédure que loin de s'opposer à l'aménagement du temps de travail de Monsieur [U] pour lui permettre de poursuivre son traitement, l'employeur s'est nettement prononcé pour une poursuite de la relation de travail à mi-temps et n'a donc jamais voulu ni mis Monsieur [U], en danger.

L'équité commande de condamner la SAS Barat Etiquettes venant aux droits de la SAS Imprimerie Barat à payer à Monsieur [U], 1.000 € au titre d une partie des frais irrépétibles.

La Cour déboute les parties de leurs autres demandes plus amples ou

contraires.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

' Confirme la décision attaquée dans toutes ses dispositions sauf en ce qui concerne le montant des dommages et intérêts alloués à Monsieur [U] pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

' Condamne la SAS Barat Etiquettes venant aux droits de la SAS Imprimerie

Barat à payer à Monsieur [U], 40.000 € (quarante mille euros) de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

' Condamne la SAS Barat Etiquettes venant aux droits de la SAS Imprimerie Barat à payer à Monsieur [U], 1.000 € (mille euros) au titre des frais irrépétibles.

' Rejette les observations du Défenseur des Droits.

' Condamne Monsieur [U] et la SAS Barat Etiquettes venant aux droits de la SAS Imprimerie Barat aux dépens par moitié.

Signé par Madame Brigitte Roussel, Président, et par Madame Anne-Marie Lacour-Rivière, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A-M. Lacour-Rivière B. Roussel


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 11/02388
Date de la décision : 18/12/2012

Références :

Cour d'appel de Bordeaux 4A, arrêt n°11/02388 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-12-18;11.02388 ?
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