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04/12/2012 | FRANCE | N°11/07542

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 04 décembre 2012, 11/07542


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



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ARRÊT DU : 04 DÉCEMBRE 2012



(Rédacteur : Madame Raphaëlle Duval-Arnould, Conseiller)

(PH)



PRUD'HOMMES



N° de rôle : 11/07542











Association Girondine des Infirmes Moteurs Cérébraux (AGIMC)



c/



Madame [N] [T]















Nature de la décision : AU FOND















Notifié par LRAR le :



LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :



La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par

voie de signification (acte d'huissier).



Certifié par le Greffier en Chef,





Grosse délivrée le :



à :
...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 04 DÉCEMBRE 2012

(Rédacteur : Madame Raphaëlle Duval-Arnould, Conseiller)

(PH)

PRUD'HOMMES

N° de rôle : 11/07542

Association Girondine des Infirmes Moteurs Cérébraux (AGIMC)

c/

Madame [N] [T]

Nature de la décision : AU FOND

Notifié par LRAR le :

LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :

La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par

voie de signification (acte d'huissier).

Certifié par le Greffier en Chef,

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 25 novembre 2011 (RG n° F 09/02331) par le Conseil de Prud'hommes - formation de départage - de Bordeaux, section Encadrement, suivant déclaration d'appel du 14 décembre 2011,

APPELANTE :

Association Girondine des Infirmes Moteurs Cérébraux (AGIMC),

siret n° 781 880 372 00078, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, [Adresse 4],

Représentée par Maître Hervé Maire, avocat au barreau de Bordeaux,

INTIMÉE :

Madame [N] [T], née le [Date naissance 1] 1969 à [Localité 8] de nationalité Française, sans profession, demeurant [Adresse 2],

Représentée par Maître Anne Pitault, avocat au barreau de Bordeaux,

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 juin 2012 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Raphaëlle Duval-Arnould, Conseiller chargé d'instruire l'affaire,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Brigitte Roussel, Président,

Madame Maud Vignau, Président,

Madame Raphaëlle Duval-Arnould, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Anne-Marie Lacour-Rivière.

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

Mme [N] [T] a été engagée par l'association Girondine des infirmes moteurs cérébraux, au sigle et ci-après AGIMC, en qualité de médecin généraliste à temps partiel au foyer d'accueil médicalisé [6] à [Localité 7].

Le 20 avril 2009, elle recevait un avertissement qu'elle contestait par courrier du 10 mai 2009.

Par courrier du 4 mai 2009, elle dénonçait à la direction la 'pression constante et régulière' subie de la part de la directrice adjointe.

Après mise à pied conservatoire du 4 juin 2009, elle était licenciée pour faute grave.

Le 14 août 2009, Mme [T] saisissait le Conseil de Prud'hommes pour contester les motifs de son licenciement, obtenir des dommages-intérêts pour licen-ciement sans cause réelle et sérieuse et pour exécution de mauvaise foi du contrat de travail, outre indemnités de rupture.

Par jugement en date du 25 novembre 2011, le Conseil de Prud'hommes de Bordeaux, sous la présidence du juge départiteur, a dit le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, rejeté la demande au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail, condamné l'association AGIMC à payer à Mme [T] les sommes de 16.500 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de 1.702,44 € à titre d'indemnité de licenciement, de 10.647,16 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre congés payés afférents, de 2.040,70 € à titre de rappel de salaire sur la mise à pied conservatoire, outre congés payés afférents et de 1.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Il a ordonné l'exécution provisoire à hauteur de 15.000 € et condamné l'association AGIMC à rembourser les indemnités chômage à concurrence de trois mois.

L'association AGIMC a relevé appel du jugement.

Entendue en ses observations au soutien de ses conclusions auxquelles il est fait expressément référence, elle demande d'infirmer le jugement, de dire que le licenciement repose sur une faute grave, de débouter Mme [T] de l'intégralité de ses demandes et de la condamner à lui payer la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions développées oralement auxquelles il est fait expressément référence, Mme [T] demande de confirmer partiellement le jugement, de porter les dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 32.000 €, de condamner l'association AGIMC à lui payer la somme de 16.000 € à titre de dommages-intérêts pour exécution de mauvaise foi du contrat de travail et de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, dire que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter de la saisine.

Pour plus ample exposé des circonstances de fait, de la procédure et des prétentions des parties, il convient de se référer au jugement déféré et aux conclusions des parties.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le licenciement

Les motifs énoncés dans la lettre de licenciement et fixant les limites de litige, sont ainsi rédigés :

'Vous avez commis un ensemble de fautes d'une particulière gravité :

Vos courriers datés du 10 mai 2009 reçu le 22 mai 2009 et du 4 mai 2009 reçu le 22 mai 2009 ont fait apparaître un problème grave de comportement qui se traduit par :

- de l'insubordination envers la hiérarchie, pour exemple vos propos : 'Je tenais à souligner le manque d'initiative du responsable présent ce jour là qui ont commis une faute professionnelle car d'une part, personne n'a pas fait en sorte de se procurer le matériel pour perfuser en se renseignant auprès d'une infirmière titulaire ni contacté la pharmacie et n'a pas appelé SOS médecin et a attendu simplement mon arrivée', mais également 'aucune initiative de la direction présente de se procurer le matériel d'urgence'.

- la mise en cause directe de l'équipe de direction, de votre employeur, pour exemple vos propos : 'Ceci soulève aussi le dysfonctionnement de cette institution par rapport aux parents et à leur pouvoir de décision, la direction ne fait pas preuve d'objectivité' ...'.

- un manque de loyauté envers votre direction et votre employeur pour exemple vos propos : 'Les parents sont prescripteurs de conduites non objectives, de prescription que la direction ne contre pas.' Mais aussi 'Les parents sont tout puissants (organisme payeur, association de parents.'

- de propos diffamatoires, pour exemple : 'Je tenais à souligner le manque d'initiative du responsable présent ce jour-là qui ont commis une faute professionnelle...' mais aussi 'Je tiens à vous signaler par la présente les problèmes de dysfonctionnement de l'institution' mais aussi 'Mme [C], directrice adjointe, exerce une pression constante et régulière sur moi...'.

- la mise en cause des parents des usagers, pour exemple : 'Il n'est posé aucun cadre aux familles qui dictent les conduites ...', mais également 'La famille a fait pression auprès de la direction...'.

Cette conduite met en cause la bonne marche du service.

A la suite de vos explications, compte tenu de votre aveu de maladresse concernant la mise en cause des parents des usagers, nous vous donnons acte et ce point n'est pas retenu dans les motifs de licenciement énoncés.'

Le motif de la rupture doit reposer sur des éléments matériellement vérifiables. En l'occurrence, il appartient à l'employeur, qui licencie pour faute grave, de rapporter la preuve de la réalité et de l'importance des griefs allégués telles qu'elles ne permettent pas le maintien du salarié dans l'entreprise.

Il convient tout d'abord de constater que les griefs visés dans la lettre de licenciement se rapportent au contenu de deux courriers en date des 4 et 10 mai 2009 adressés par Mme [T] à la seule directrice générale, Mme [D], et rédigés postérieurement à l'avertissement du 20 avril 2009. Ils n'ont, dès lors, aucun caractère de publicité. En outre, le dernier grief énoncé de mise en cause des parents, non retenu par l'association AGIMC ne sera pas examiné.

Le premier courrier en date du 4 mai 2009 dénonce des pressions exercées sur la salriée par la directrice adjointe, retenues dans la lettre de licenciement comme constituant des propos diffamatoires.

Le second courrier est un courrier de contestation à l'avertissement du 20 avril 2009, dans lequel Mme [T] s'explique sur les deux fautes reprochés, l'une relative au retard apporté, le 13 mars 2009, à évaluer l'état d'un malade, la seconde, de n'avoir pas fait en mars-avril 2009 une demande de prise en charge pour un autre malade par la sécurité sociale.

Or, la contestation d'une sanction disciplinaire, en l'occurrence le courrier de contestation du 10 mai 2009 consécutif à l'avertissement du 20 avril 2009, ne peut constituer une faute, sauf abus caractérisé, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, le ton employé étant mesuré.

Ainsi que le premier juge l'a exactement analysé par des motifs que la Cour fait siens, Mme [T] s'y est abondamment expliqué sur les fautes reprochées, en renvoyant, certes, les erreurs commises sur d'autres salariés et sur la direction, alors qu'il apparaît, au vu des pièces produites, que ces fautes ne sont pas justifiées, certaines prescriptions médicales données par elle n'étant pas suivies ou étaient remises en cause.

En ce qui concerne le grief d''insubordination envers la hiérarchie', il convient de relever que les extraits de phrases cités dans la lettre de licenciement ne sauraient relever d'actes d'insubordination laquelle est caractérisée par le refus de se soumettre et d'obéir aux ordres.

Par ailleurs, en sa qualité de médecin, Mme [T] exerce en toute indépendance la médecine et ne saurait donc recevoir d'instruction et d'ordre de la part de l'employeur dans ce cadre, alors que les décisions et prescriptions du médecin doivent être respectées et suivies, et non être remises en cause par les parents, le personnel soignant et non soignant.

Pas plus, le grief de manque de loyauté envers la direction n'est caractérisé par les propos cités, pas plus que celui de diffamation. En effet, le fait de dénoncer des agissements dont la salariée s'estime victime ne saurait être qualifié comme tel.

Il s'ensuit que les propos tenus dans le courrier du 10 mai 2009 sont constitutifs de contestations et d'explications sur les faits reprochés dans l'avertissement, exprimés sur un ton mesuré, et plus généralement de critiques et de dysfonctionnement du service que Mme [T] dénonce, expliquant les difficultés qu'elle rencontre dans l'exercice de ses fonctions de médecin jouissant normalement de l'indépendance de l'exercice de son art.

Par ailleurs, il convient de relever que le licenciement est intervenu, de surcroît pour faute grave, sans aucune concertation avec le Conseil de l'ordre des médecins qui s'est pourtant manifesté auprès de l'employeur, comme le soutient à juste titre Mme [T], alors que celui-ci était susceptible d'intervenir dans l'exercice de son pouvoir disciplinaire à l'égard des médecins commettant des fautes d'ordre médical.

Dans ces conditions, c'est à juste titre que le premier juge a considéré que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse. Le jugement sera donc confirmé de ce chef.

Sur l'indemnisation de la salariée

Il convient de confirmer les condamnations pécuniaires au titre de l'indemnité de licenciement, du préavis, du salaire pendant la mise à pied conservatoire et les congés payés afférents prononcées par le premier juge qui en a fait une juste appréciation et qui ne sont pas discutées dans leur montant.

Compte tenu de son ancienneté, du montant de sa rémunération, du fait du chômage qui s'en est suivi et des circonstances de la rupture, il y a lieu de confirmer le montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse alloués par le premier juge qui en a fait une juste appréciation.

Sur les dommages-intérêts pour exécution de mauvaise foi du contrat de travail, ainsi que le premier juge l'a exactement retenu, il convient de constater que les astreintes téléphoniques non rémunérées et assurées par Mme [T] l'ont été avec son accord des conditions de travail proposées et que les divergences de vues avec la hiérarchie et, hormis un cas de contre-prescription médicale, les relations tendues avec la directrice adjointe ne sauraient caractériser l'exécution de mauvaise foi du contrat de travail. Le jugement sera donc confirmé sur le rejet de cette demande.

Les sommes allouées à caractère salarial portent intérêts au taux légal à compter de la saisine du Conseil des Prud'hommes, en application de l'article 1153 du code civil, dès lors qu'ils sont dus à compter de la demande en justice valant mise en demeure.

En application de l'article 1153-1 du code civil, toute condamnation à des dommages-intérêts, c'est-à-dire pour le licenciement sans cause réelle et sérieuse, porte intérêts au taux légal à compter du prononcé de la décision de première instance qui l'a accordée, le report à la date de saisine du Conseil des Prud'hommes ne se justifiant pas en l'espèce.

Sur le remboursement au Pôle Emploi

En application de l'article L.1235-4 du code du travail, il y a lieu de confirmer le jugement sur le remboursement par l'employeur fautif au Pôle Emploi des indemnités de chômage versées à Mme [T] du jour de son licenciement au jour du prononcé du jugement dans la limite de trois mois des indemnités versées.

Sur les demandes accessoires

L'association AGIMC qui succombe en son appel, doit supporter la charge des dépens et voir rejeter sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Il convient d'accorder à Mme [T] une indemnité supplémentaire pour participation à ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Sur l'appel de l'association AGIMC contre le jugement du Conseil de Prud'hommes de Bordeaux en date du 25 novembre 2011.

' Confirme le jugement en toutes ses dispositions.

' Confirme la condamnation de l'association AGIMC à rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage versées à Mme [N] [T] du jour de son licenciement au jour du prononcé du jugement, dans la limite de trois mois des indemnités versées.

Y ajoutant :

' Dit que, conformément aux dispositions de l'article R 1235-2 du code du travail, le greffe transmettra copie de la présente décision à la direction générale de Pôle Emploi, [Adresse 9].

' Condamne l'association AGIMC à payer à Mme [N] [T] la somme de 1.000 € (mille euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

' Condamne l'association AGIMC aux entiers dépens.

Signé par Madame Brigitte Roussel, Président, et par Madame Anne-Marie Lacour-Rivière, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A-M. Lacour-Rivière B. Roussel


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 11/07542
Date de la décision : 04/12/2012

Références :

Cour d'appel de Bordeaux 4A, arrêt n°11/07542 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-12-04;11.07542 ?
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