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27/11/2012 | FRANCE | N°12/00338

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 27 novembre 2012, 12/00338


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



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ARRÊT DU : 27 NOVEMBRE 2012



(Rédacteur : Madame Marie-Luce Grandemange, Conseiller)

(PH)



PRUD'HOMMES



N° de rôle : 12/00338









SAS Cuvelier



c/



Monsieur [N] [J]

















Nature de la décision : AU FOND













Notifié par LRAR l

e :



LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :



La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par

voie de signification (acte d'huissier).



Certifié par le Greffier en Chef,





Grosse délivrée le :



à :





Décision déférée à la Cour : jugement rendu ...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 27 NOVEMBRE 2012

(Rédacteur : Madame Marie-Luce Grandemange, Conseiller)

(PH)

PRUD'HOMMES

N° de rôle : 12/00338

SAS Cuvelier

c/

Monsieur [N] [J]

Nature de la décision : AU FOND

Notifié par LRAR le :

LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :

La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par

voie de signification (acte d'huissier).

Certifié par le Greffier en Chef,

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 30 décembre 2011 (RG n° F 10/00950) par le Conseil de Prud'hommes - formation de départage - de Bordeaux, section Industrie, suivant déclaration d'appel du 18 janvier 2012,

APPELANTE :

SAS Cuvelier, siret n° 428 678 098 00016, agissant en la personne de

son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, [Adresse 1],

Représentée par Maître Nadia Hantali de la SELARL Christophe Biais & associés, avocats au barreau de Bordeaux,

INTIMÉ :

Monsieur [N] [J], de nationalité Française, sans profession, demeurant [Adresse 2],

Représenté par Maître Véronique Lasserre, avocat au barreau de Bordeaux,

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 octobre 2012 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marie-Luce Grandemange, Conseiller chargé d'instruire l'affaire,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Brigitte Roussel, Président,

Madame Raphaëlle Duval-Arnould, Conseiller,

Madame Marie-Luce Grandemange, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Anne-Marie Lacour-Rivière.

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Monsieur [J] [N] a été embauché par la SAS Cuvelier à compter du 14 avril 1998 en qualité de tourneur.

Le 15 janvier 2010 l'employeur le convoquait à un entretien le 25 janvier 2010 pour lui proposer un poste sur commande numérique en 2-8 au motif que la crise actuelle avait pour conséquence la suppression de son poste de tournage en conventionnel par manque de charge.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 27 janvier 2010 la SAS Cuvelier lui notifiait une mise à pied disciplinaire du 27 janvier 2010 jusqu'au 5 février 2010 en raison de son refus persistant à travailler sur un tour à commande numérique.

Par lettre datée du 2 février 2010 M. [J] contestait le bien-fondé de cette sanction, la SAS Cuvelier lui répondait par lettre recommandée expédiée le 5 février 2010.

Par lettre datée du 8 février 2010, expédiée le 9 février 2010, M. [J] prenait acte de la rupture de son contrat de travail aux torts exclusifs de son employeur.

Le 24 mars 2010, M. [J] [N] a saisi le Conseil de Prud'hommes de Bordeaux pour obtenir la requalification de sa prise d'acte de la rupture de son contrat de travail en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et en paiement d'indemnités diverses.

Par décision en date du 30 décembre 2011, le Conseil de Prud'hommes de Bordeaux :

- a dit que la prise d'acte de rupture du contrat de travail de M. [N] [J] doit produire les effets de licenciement sans cause réelle et sérieuse et a condamné la société Cuvelier à lui payer les sommes suivantes :

- 4.476,00 € à titre d'indemnité de préavis,

- 447,00 € à titre d'indemnité de congés payés sur préavis,

- 7.123,60 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 23.000,00 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et

sérieuse,

- 2.000,00 € à titre de dommages-intérêts pour remise tardive d'une attestation

ASSEDIC régulière,

- 1.000,00 € à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de

procédure civile avec exécution provisoire partielle.

Le Conseil de Prud'hommes ordonnait en outre à la SAS Cuvelier de rembourser à Pôle Emploi et dans la limite de six mois le montant des indemnités chômage servies à M. [N] [J] à la suite de la rupture de son contrat de travail.

Le 18 janvier 2012, la SAS Cuvelier a interjeté appel de cette décision .

Par conclusions déposées le 5 octobre 2012, développées oralement et auxquelles il est expressément fait référence, la SAS Cuvelier conclut à la réformation du jugement entrepris. Elle demande à la cour de dire que la prise date de la rupture du contrat de travail de M. [J] doit être qualifiée de démission et M. [J] débouté de l'ensemble de ses demandes avec restitution des sommes versées à M. [J] au titre de l'exécution provisoire du jugement de première instance.

Elle forme une demande en paiement d'une somme de 2.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions déposées le 9 octobre 2012 développées oralement et auxquelles il est expressément fait référence, M. [J] demande la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a requalifié la prise d'acte de rupture du contrat de travail en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et en ce qui concerne les condamnations en paiement au titre des indemnités conventionnelle de licenciement, compensatrice de préavis et compensatrice de congés payés sur préavis. Il sollicite sa réformation en ce qui concerne le montant des dommages-intérêts alloués pour qu'il soit porté à 80.000 € en réparation du préjudice né de son licenciement sans cause réelle et sérieuse et à 5.000 € en ce qui concerne la réparation du préjudice né de la remise tardive de l'attestation ASSEDIC, il sollicite en outre la condamnation de la SAS Cuvelier à lui payer la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIVATION

* Sur la qualification de la prise d'acte de la rupture du contrat de travail par M. [J] :

Lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison des faits qu'il reproche à son employeur cette rupture produit les effets soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiait soit, dans le cas contraire, d'une démission.

En l'espèce M. [J] reproche à son employeur d'avoir voulu, pour un motif économique allégué, modifier son contrat de travail en lui imposant d'une part de travailler sur un tour à commande numérique, sans lui dispenser au préalable une formation adéquate, alors qu'il avait toujours travaillé sur un tour conventionnel, et d'autre part en modifiant ses horaires de travail de jour en horaires en 2-8, ce, sans respecter le formalisme prévu par l'article L 1233-3 du code du travail, mais en le sanctionnant par une mise à pied disciplinaire.

La SAS Cuvelier prétend avoir renoncé à modifier les horaires de travail du salarié, en lui laissant le temps de s'organiser, et estime que le passage d'un tour conventionnel à un tour à commande numérique s'analyse en un simple changement des conditions de travail du salarié pouvant être imposé par l'employeur dans le cadre de son pouvoir de direction, la SAS Cuvelier ayant au surplus proposé à M. [J] une formation en interne.

L'examen des pièces produites démontre qu'initialement l'employeur entendait également modifier les horaires de travail du salarié; le 15 janvier 2010 il l'a donc convoqué à un entretien le 25 janvier 2010 afin de lui proposer de travailler sur un tour à commande numérique en 2-8, pour un motif économique, dans les conditions requises par l'article L 1233-3 du code du travail.

Cependant, il apparaît qu'à la suite de cet entretien la SAS Cuvelier a renoncé, dans l'immédiat, à cette modification du contrat de travail du salarié. Ceci résulte non seulement de la lettre de notification de la sanction disciplinaire en date du 27 janvier 2010 qui ne fait état que du refus de M. [J] de travailler sur un tour à commande numérique, mais également de la lettre que la SAS Cuvelier lui a envoyée le 5 février 2010 aux termes de laquelle elle précise expressément que concernant le travail par équipe en 2-8 elle n'entendait pas le lui imposer dans l'immédiat. La teneur de l'attestation de M. [K] qui a assisté M. [J] lors de l'entretien du 25 janvier 2010 ne fait d'ailleurs nullement état de la volonté de l'employeur de modifier les horaires de travail du salarié, dans sa relation de cet entretien il ne mentionne que la discussion relative au changement de machine et à la formation proposée par l'employeur et demandée par le salarié.

C'est donc à tort que le Conseil de Prud'hommes a considéré que M. [J] pouvait reprocher à l'employeur d'avoir voulu modifier son contrat de travail, en modifiant ses horaires, pour un motif économique sans respecter la procédure légale.

En effet le passage d'un poste de travail sur un tour conventionnel à un poste de travail sur un tour à commande numérique s'analyse en un simple changement dans les conditions de travail du salarié et ne relève pas de l'application des dispositions de l'article L 1233-3 du code du travail.

Cependant, l'employeur doit assurer l'adaptation de ses salariés à l'évolution de leur emploi et notamment à celle des technologies utilisées. Si la SAS Cuvelier pouvait imposer à M. [J] une évolution de son poste de travail consécutive à l'évolution technologique il lui incombait de lui faire suivre la formation rendue nécessaire par l'introduction de cette nouvelle technologie.

En effet il n'est pas contesté que si M. [J] dans le cadre de sa formation initiale en 1989/1990 a été initié au travail sur un tour à commande numérique et s'il a, très ponctuellement, comme en atteste deux autres salariés, travaillé sur ce type de tour il utilisait depuis plus de 12 ans sur un tour conventionnel et son passage sur un nouveau type de tour justifiait son adaptation par le suivi d'une formation.

Toutefois, il résulte des explications des parties, de l'attestation de M. [K], et de la lettre du 05 février 2010 que l'employeur a proposé à M. [J] une formation en interne.

Or, M. [J] ne justifie par la production d'aucune pièce de l'inadéquation ou de l'insuffisance de ce type de formation.

En l'état des pièces versées au dossier rien ne permet de dire que l'adaptation du salarié à cette évolution technologique imposait une formation délivrée par un organisme extérieur.

M. [J] ne pouvait, a priori, refuser de travailler sur un tour à commande numérique et de suivre la formation proposée en interne par la SAS Cuvelier à cette fin.

Dès lors, les fautes alléguées par M. [J] à l'encontre de l'employeur pour justifier de sa prise d'acte de la rupture de son contrat de travail n'étant pas établies, la cour infirmera le jugement déféré et dira que cette prise d'acte doit être qualifiée de démission.

Le jugement déféré sera donc également infirmé en ce qu'il a condamné la SAS Cuvelier à payer à M. [J] une indemnité compensatrice de préavis, une indemnité compensatrice de congés payés sur préavis, une indemnité conventionnelle de licenciement et des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et à rembourser à Pôle Emploi dans la limite de six mois le montant des indemnités chômage servies à M. [N] [J] à la suite de la rupture de son contrat de travail.

* Sur la délivrance tardive d'une attestation ASSEDIC régulière :

C'est à juste titre que le premier juge a considéré que l'employeur avait refusé dans un premier temps de tirer les conséquences de la notification de la prise d'acte de rupture du contrat de travail par M. [J], ce malgré la démarche du conseil du salarié le 10 mars 2010. M. [J] a dû engager une procédure judiciaire pour obtenir la délivrance d'une attestation ASSEDIC conforme à la réalité.

C'est par des motifs pertinents que la cour adopte que le premier juge a estimé la réparation du préjudice qui en est nécessairement résulté à la somme de 2.000 €.

* Sur la demande en restitution des sommes versées :

Par suite de l'infirmation de la décision de première instance M. [J] devra rembourser à la société Cuvelier le montant des sommes perçues déduction faite de la somme de 2.000 € allouée à titre de dommages-intérêts pour remise tardive de l'attestation ASSEDIC.

* Sur les autres demandes :

L'équité et les circonstances de la cause ne commandent pas de faire application de l'article 700 du Code de procédure civile, le jugement de première instance sera infirmé en ce qu'il a condamné la SAS Cuvelier à payer à M. [J] une indemnité sur ce fondement.

M. [J] qui succombe sera condamné aux dépens de la procédure de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

' Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a condamné la SAS Cuvelier à payer à M. [J] la somme de 2.000 € (deux mille euros) à titre de dommages-intérêts pour remise tardive de l'attestation ASSEDIC.

' Dit que la prise d'acte de rupture du contrat de travail de M. [N] [J] doit produire les effets d'une démission.

' Déboute M. [J] de ses demandes indemnitaires subséquentes.

Y ajoutant :

' Condamne M. [J] à rembourser à la SAS Cuvelier les sommes perçues au titre de l'exécution provisoire de la décision de première instance déduction faite de la somme de 2.000 € (deux mille euros) allouée à titre de dommages-intérêts.

' Dit n'y avoir lieu à indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

' Condamne M. [J] aux dépens de la procédure d'appel et de première instance.

Signé par Madame Brigitte Roussel, Président, et par Madame Anne-Marie Lacour-Rivière, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A-M. Lacour-Rivière B. Roussel


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 12/00338
Date de la décision : 27/11/2012

Références :

Cour d'appel de Bordeaux 4A, arrêt n°12/00338 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-11-27;12.00338 ?
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