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27/11/2012 | FRANCE | N°11/02748

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 27 novembre 2012, 11/02748


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



--------------------------







ARRÊT DU : 27 NOVEMBRE 2012



(Rédacteur : Madame Brigitte Roussel, Président)

(PH)



PRUD'HOMMES



N° de rôle : 11/02748











Madame [B] [L]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2011/017511 du 19/01/2012 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Bordeaux)



c/



Société [C] Entreprise


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Nature de la décision : AU FOND













Notifié par LRAR le :



LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :



La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par

voie de signific...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 27 NOVEMBRE 2012

(Rédacteur : Madame Brigitte Roussel, Président)

(PH)

PRUD'HOMMES

N° de rôle : 11/02748

Madame [B] [L]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2011/017511 du 19/01/2012 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Bordeaux)

c/

Société [C] Entreprise

Nature de la décision : AU FOND

Notifié par LRAR le :

LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :

La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par

voie de signification (acte d'huissier).

Certifié par le Greffier en Chef,

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 04 avril 2011 (RG n° F 11/00012) par le Conseil de Prud'hommes - formation paritaire - de Bergerac, section Activités Diverses, suivant déclaration d'appel du 28 avril 2011,

APPELANTE :

Madame [B] [L], née le [Date naissance 1] 1950 à [Localité 6],

profession secrétaire bilingue, demeurant chez Mme [Y] [Z] - [Adresse 2],

Représentée par Maître Michel Nunez, avocat au barreau de Périgueux,

INTIMÉE :

Société [C] Entreprise, prise en la personne de son représentant légal Monsieur [J] [C] domicilié en cette qualité au siège social, [Adresse 3],

Représentée par la SCP Dominique Monéger - Dominique Assier & Patrick Belaud, avocats au barreau de Bergerac,

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 1er octobre 2012 en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Brigitte Roussel, Président,

Madame Maud Vignau, Président,

Madame Marie-Luce Grandemange, Conseiller,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Anne-Marie Lacour-Rivière.

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS

Suivant contrat de travail à durée indéterminée daté du 1er décembre 1999, Mme [L] a été engagée par la société [C] entreprises prise en la personne de M. [J] [C], en qualité d'employée familiale, pour une durée hebdomadaire de travail de 39 heures et moyennant une rémunération brute de 1.627,42 €.

Après avoir dénoncé le protocole d'accord de rupture conventionnelle de son contrat de travail, le 26 novembre 2009, Mme [L] été convoquée à un entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement, qui a eu lieu le 29 décembre 2009.

Mme [L] s'est présentée à l'entretien qui a eu lieu en présence de Mme [KP], à la suite duquel, par lettre recommandée avec avis de réception en date du 18 janvier 2010, elle a été licenciée pour fautes graves sans préavis ni indemnité de licenciement.

Contestant cette décision, elle a saisi, le 12 avril 2010, le Conseil de Prud'hommes de Bergerac de demandes dirigées contre [C] Entreprises - M. [J] [C], aux fins de voir juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'obtenir le paiement de rappel de salaires d'indemnités de rupture et de dommages et intérêts.

Par jugement rendu le 4 avril 2011, le Conseil, considérant que le licen-ciement reposait sur des fautes graves, et que la procédure de licenciement a été respectée et effectuée dans des conditions normales, a condamné M. [C] à régler à Mme [L] la somme de 23.059,63 € au titre d'un rappel de salaire de base, d'heures supplémentaires et d'ancienneté, la somme de 230,59 € au titre des congés payés afférents, et la somme de 3.000 € sur le fondement de l' article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Mme [L] a interjeté appel de cette décision.

Par conclusions écrites, développées oralement à l'audience, auxquelles il est fait expressément référence, Mme [L] sollicite de la Cour qu'elle confirme le jugement en ce qui concerne les sommes qui lui ont été allouées au titre du rappel de salaire de base, des heures supplémentaires et de l'ancienneté ainsi que des congés afférents, mais de dire que la somme due au titre de ces congés s'élève à 2.035,90 € brut et non pas 230,59 €.

Elle demande que son licenciement soit jugé sans cause réelle et sérieuse, de surcroît irrégulier et intervenu dans des conditions vexatoires et brutales et que l'employeur soit condamné au paiement des sommes suivantes :

- 12.377,58 € pour travail dissimulé,

- 24.755,00 € pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 50.000,00 € au titre du harcèlement moral,

- 4.125,86 € au titre de l'irrégularité de la procédure de licenciement,

- 12.377,58 € au titre des conditions vexatoires et brutales du licenciement,

- 4.352,78 € à titre d'indemnité de licenciement,

- 4.125,86 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 412,58 € au titre des

congés payés afférents.

Elle sollicite que l'ensemble de ces sommes porte intérêts au taux légal à compter de la demande en justice et que l'employeur soit condamné à lui régler 3.000 €, en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens.

Dans ses dernières écritures soutenues oralement à l'audience, auxquelles il est fait expressément référence, M. [C], qui intervient pour la société [C], conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il a été jugé que le licenciement repose sur des fautes graves et considéré que la procédure a été régulière et respectée.

Par voie d'appel incident, il demande que Mme [L] soit déboutée de ses demandes au titre du rappel de salaire de base, des heures supplémentaires, des congés payés y afférents et d'une manière générale, de l'ensemble de ses demandes.

Il demande que Mme [L] soit condamnée à lui régler la somme de 3.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS

* Sur les heures supplémentaires

L'article L 2121-1 du code du travail pose le principe de ce que la durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer à ses occupations personnelles. Constituent seules des heures supplémentaires effectuées au-delà de la durée hebdomadaire du travail et donnant lieu à rémunération à un taux majoré celles qui correspondent à un travail commandé ou effectué avec l'accord au moins implicite de l'employeur.

Aux termes de l'article L 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Toutefois, il appartient au salarié qui demande le paiement d'heures supplémentaires de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande.

Mme [L] fait valoir que les relations contractuelles entre les parties étaient régies par la 'convention collective nationale des jardiniers et jardiniers-gardiens de propriété', dont l'article 14 de l'avenant n° 34 du 1er juillet 2003 prévoit une rémunération horaire de minimale pour un salarié niveau V de 11,02 €, et que l'article 15 de cette convention prévoit que les salaires bruts conventionnels sont majorés de 3 % après trois ans puis de 1% par an.

Elle expose qu'elle a été engagée pour une durée de travail de 39 heures hebdomadaires soit 169 heures mensuelles et qu'à ce titre des heures supplémentaires doivent lui être réglées à hauteur de 17,33 heures mensuelles, la durée légale de travail étant de 35 heures hebdomadaire soit 151,67 heures mensuelles, que son salaire de 9,39 € brut est inférieur aux minima conventionnels et que les majorations annuelles de salaire ne lui ont pas été appliquées.

Elle fournit un tableau évaluant un manque à gagner global pour elle de 23.059,63 € allant de juillet 2005 à décembre 2009.

Enfin, elle expose que son changement de qualification est appliqué depuis deux ans et demi sur ses bulletins de salaire et que son employeur est mal venu à lui dénier aujourd'hui son accord.

M. [C] fait valoir que sa femme et lui-même résident aux USA huit à dix mois par an, et que pendant cette période Mme [L] était livrée à elle-même, et ne faisait pas le temps plein pour lequel elle a été engagée, mais un mi-temps voir un tiers temps, ce qui vient équilibrer à son profit le tiers de l'année restant, et que la durée du travail devait être comptabilisée sur l'année.

Il ajoute que Mme [L] bénéficiait d'un logement qui constitue un avantage en nature, et que les attestations fournies par les filles de Mme [L] selon lesquelles elle était à leur disposition 24 heures sur 24 sont fantaisistes mais permettent d'établir qu'ils n'étaient présents que quatre mois durant, au château.

Il soutient que les bulletins de salaire de Mme [L] mentionnent qu'elle était rémunérée sur la base de 151,67 heures et que ses heures supplémentaires lui ont été réglées.

Il expose que s'agissant du salaire de base, la salariée a été embauchée comme femme de ménage puis employée de maison et que c'est à son insu, et sans que le comptable sache s'il avait donné son accord que, depuis le 31 janvier 2008, sa fiche de paye porte la mention 'secrétaire bilingue niveau V' à la place d'employée familiale, étant précisé qu'il ne parle pas français.

Enfin, il fournit un agenda permettant d'établir de nombreuses absences injustifiées de la salariée notamment tout le mois de décembre 2009.

Le contrat de travail signé entre les parties en 1999 mentionne une durée de travail de 39 heures par semaine correspondant à la durée légale de l'époque et un emploi d'employé familiale.

Seuls les bulletins de salaire allant de janvier à mai 2007, de décembre 2007 à décembre 2008, des mois de novembre 2009, janvier 2010 sont produits aux débats.

Tous ces bulletins mentionnent une durée de travail de 151,67 € à laquelle un quota d'heures supplémentaires de 17h33 a été ajouté, soit un salaire brut de 1.627,42 €.

Concernant l'année 2009, l'attestation destinée aux ASSEDIC récapitulant les salaires pour la période allant du mois de janvier 2009 au mois de décembre 2009 mentionne que le salaire mensuel brut a été de 1.627,42 € et la durée de travail de 169 heures, comme les deux années précédentes.

Il ressort de ce qu'il précède qu'il n'est aucunement établi que Mme [L] ait effectué des heures supplémentaires au-delà des heures de travail qui lui ont été rémunérées.

Concernant la demande d'augmentation annuelle du salaire à hauteur de 1 %, les bulletins de salaires mentionnent à partir du mois de janvier 2008 le statut de secrétaire niveau V de la convention collective des jardiniers à la place de celui d'employé de maison, dans des conditions qui ne sont pas clairement établies.

L'application de cette convention n'est pas contestée par l'employeur qui n'en propose pas une autre, de sorte que la Cour en fera application.

La convention des jardiniers prévoit une augmentation annuelle de 3 % au bout de 3 ans d'ancienneté. Il en résulte que Mme [L] ne pouvait prétendre à une augmentation de salaire qu'en janvier 2011, mais que son contrat de travail était rompu à ce moment là.

Il n'est par ailleurs aucunement justifié d'un changements de fonction effectif de Mme [L] de nature à justifier une modification de coefficient.

Il en résulte que la demande de Mme [L] au titre des heures supplémentaires doit être rejetée et le jugement déféré réformé en ce sens.

* Sur le travail dissimulé

L'article L. 8221-5 du code du travail dispose qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur de se soustraire intention-nellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10 relatif à la déclaration préalable à l'embauche et de délivrer des bulletins de paie avec un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli.

La sanction, prévue par l'article L. 8223-1 du code du travail, consiste en une indemnité forfaitaire de six mois de salaire.

Dans la mesure où la Cour n'a pas accueilli la demande faite par la salariée au titre des heures supplémentaires, elle ne pourrait sans se contredire accueillir celle formée au titre du travail dissimulé.

La demande de ce chef doit donc être rejetée.

* Sur le harcèlement moral

Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Et aux termes de l'article L. 1154-1 du même code, lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Mme [L] expose que les relations de travail détestables existaient bien avant son arrivée, qu'elle a été utilisée pour pallier l'absence de gestion du personnel sans que le statut ni les pouvoirs lui en soient reconnus, ce qui lui est aujourd'hui reproché, que ces attributions lui ont été enlevées et qu'elle s'est sentie dévalorisée et isolée depuis la réunion survenue avec Me [NS], que les compor-tements fautifs et répétés ont duré dix ans et les conséquences subies d'abord sur ses conditions de travail de plus en plus dégradées puis sur sa santé l'ont lourdement affectée et qu'en réparation de ce préjudice, elle réclame devant la Cour la somme de 50.000 €.

M. [C] fait valoir qu'étant présent au château 10 à 14 semaines par an, il ne peut être l'auteur d'un harcèlement moral, que les photographies produites aux débats les présentant en train de partager des repas permettent d'établir au contraire des rapports amicaux, et que c'est Mme [L] qui est vis à vis de ses collègues l'auteur des faits qu'elle dénonce pour la première fois en appel.

Il résulte de ce qui précède que Mme [L] n'invoque aucun fait spécifique de harcèlement, ne précise pas clairement qui est l'auteur du harcèlement moral dont elle demande la réparation, s'il s'agit de son employeur ou bien de ses collègues de travail.

De plus, elle ne fait pas état d'agissements répétés qui permettraient de présumer l'existence de ce harcèlement.

La demande de ce chef sera, en conséquence, rejetée.

* Sur la gravité de la faute reprochée

La faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien de ce salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis. L'employeur qui l'allègue a la charge de la preuve.

La lettre du 18 janvier 2010 qui détermine la cause du licenciement et fixe les limites du litige est ainsi rédigée :

'Comme suite à l'entretien que nous avons eu le 29 décembre 2009 , en application de l'article L. 1232-2 du code du travail, je vous notifie votre licenciement sans préavis ni indemnité pour faute grave et ceci pour les motifs exposés à savoir :

- le manquement à vos obligations contractuelles par votre refus d'exécuter votre contrat de travail en vous conformant à la mission qui vous a été confiée à savoir celle d'employée familiale et de gestion de la correspondance,

- le dépassement de vos attributions se manifestant par un comportement managérial, de votre propre initiative, envers les autres employés,

- votre opposition et confrontation systématique avec vos collègues et plus particulièrement l'un d'eux, que vous n'avez cessé de dénigrer en me rapportant des faits de vos et d'abandon de poste espérant que je prenne des sanctions à son encontre, et dont le caractère mensonger a finalement été porté à ma connaissance, perturbant de manière ingérable le bon déroulement du travail,

- votre volonté de m'imposer une modification de votre contrat de travail pour être nommée 'intendante' et être investie d'un pouvoir de direction sur les autres employés du château afin d'avoir 'autorité sur eux' comme il plaît à vous dire, sans qu'ils puissent remettre en cause vos décisions, et ce avec augmentation de salaire'.

Les griefs invoqués par l'employeur consiste donc, d'une part, en un comportement managérial de la salariée ne correspondant pas aux tâches qui lui ont été fixées, et dont les conséquences sont néfastes sur l'entreprise, et d'autre part, en la volonté de la salariée de lui imposer une modification de son contrat de travail validant cette fonction de dirigeante.

En l'espèce, les lettres adressées par l'employeur à la salariée ne laissent pas de doute quant au fait que l'employeur a refusé de lui attribuer la fonction d'inten-dante. Le second élément ne pourra être valablement retenu à l'égard de la salarié dans la mesure où n'est pas constitutif d'une faute le fait de vouloir postuler à d'autres fonctions dans l'entreprise, l'employeur restant libre de les valider ou non.

Pour démontrer le premier grief, la société [C] produit le contrat de travail signé entre les parties le 1er décembre 1999 mentionnant que Mme [L] a la qualification d'employée familiale.

Il fait valoir dans ses écritures que sa mission consistait à effectuer le ménage, l'aide à la cuisine, l'aide aux services si besoin, l'arrosage des fleurs à l'intérieur du château et l'entretien courant.

Concernant le comportement de la salariée, M. [C] produit une lettre écrite par M. [H] [E] à M. [C], jardinier au château indiquant que celui-ci souhaite quitter ses fonctions en raison de ses difficultés relationnelles avec Mme [L]. Cette lettre date toutefois de 2005.

Elle est trop ancienne pour être retenue dans le cadre d'une procédure de licenciement intervenant 6 ans après.

Il en est de même du départ de Messieurs [I], [D] et [W], jardiniers, qui ont quitté le château entre 2002 et 2005, dans des circonstances liées à une mésentente avec Mme [L], dans la mesure où l'employeur aurait pu à cette époque en tirer les conséquences.

Mme [A] [K] témoigne concernant la période à laquelle elle a été employée au château à savoir de 1998 à 2000, période également trop ancienne pour en tirer des conséquences dans la présente procédure.

M. [S], charpentier atteste, le 18 juin 2010, qu'il a travaillé pendant 20 ans au château sans problème, mais que quand Mme [L] est arrivée comme responsable, le contact s'est dégradé lorsqu'il lui a conseillé de ne pas laisser sa fille utiliser la voiture de M. [C] et qu'à compter de ce moment qu'il ne date pas, il n'a plus eu de travail. Cette attestation ne fait pas état de faits datés, de sorte qu'elle ne pourra pas être retenue comme probante.

Mme [F] [M] [T] [V], employée au château, témoigne de la mauvaise ambiance qui régnait au cours de l'été 2009 : 'Pendant l'été 2009, il y avait une très mauvaise ambiance entre [N] et nous-même qui travaillons au château. Fin août, [XS] [NS] (avocate) mandatée par M. [C] est venue faire une réunion avec le personnel chacun notre tour. Elle nous a expliqué que nous devions faire notre travail au mieux et que [N] n'est pas là pour nous commander. Si on avait besoin de quelque chose on devait appeler [XS]. [XS] a fait le point ensuite avec [N] qui a mal pris cette situation. L'ambiance ne s'est pas arrangée'.

Cette mauvaise ambiance est confirmée par deux jardiniers, M. [G] [X] et M. [EO] [P].

Selon M. [X] : 'au début du mois de septembre 2009, lors d'une réunion avec M. [C] et Mme [NS], les choses allaient changer au château concernant Mme [L] vis à vis des employés. Toutes les consignes devaient être données par Mme [NS] concernant le travail et les échanges que l'on pouvait avoir avec Mme et M. [C]. Mme [L] n'avait plus aucun pouvoir envers les employés'

Selon M. [P] : 'Me [NS] a demandé au mois de juillet 2009 de travailler et faire son travail comme d'habitude et lui a dit que [U] n'est pas là pour la commander et conclut '[U] était toujours aussi désagréable qu'avant'.

M. [X] ajoute : 'Durant l'été 2009 il se sont passées les choses suivantes, après avoir taillé les rosiers en plein soleil du mois d'août [N] a reproché à M. [P] mon collègue jardinier de ne pas s'en être occupé plus tôt, lors qu'un jardinier connaissant son travail ne taille jamais un rosier en été aussi sévèrement. Suite à ça, j'ai pris la défense de mon collègue et [N] s'énerva vivement en me disant de m'occuper de mes affaires. Elle était complètement hystérique et dit que de toute

façon je n'allais pas tarder à changer de travail : des menaces. Suite à ça, plus de dialogue avec [N], harcèlement constant sur mon travail me laissant tout seul pour effectuer les débroussaillages des talus et la taille de toutes les haies extérieures, empêchant mes collègues de venir m'aider. Elle essayait par tous les moyens de me faire licencier en demandant des renseignements à mon ancien employeur, en vain. Elle alla chez mon ancienne compagne, avec laquelle je suis en bons termes, pour dire des mensonges concernant notre vie privée demandant combien de pension je donnais pour notre fille (...) [N] mentait auprès de M. et Mme [C] en disant que j'étais un fainéant, un voleur, un caractériel. (...) Elle prenait plaisir à parler de la vie privée de M. et Mme [C] : opérations de chirurgie esthétique de Mme [C], l'argent qu'ils dépensaient en achats inutiles. (..) Dès que M. et Mme [C] devaient arriver au château , [N] déprimait et disait qu'elle ne les supportait plus'.

L'employeur rapporte donc la preuve d'un comportement managérial néfaste à son entreprise, de la part de Mme [L] qui n'en avait pas la fonction.

Le délai pour mettre en place la procédure de licenciement n'est par ailleurs pas tardif, contrairement à ce que soutient Mme [L],

En effet, les attestations produites par l'employeur établissent que le comportement fautif de Mme [L] a perduré jusqu'en novembre 2009, alors que l'employeur avait organisé des réunions en septembre et octobre 2009 pour tenter de désamorcer la situation conflictuelle due au comportement de la salariée et que celle-ci s'est trouvée en arrêt maladie du 1er au 31 décembre 2009.

Au vu des éléments fournis par les parties, en application de l'article L. 1235-1 du code du travail, il apparaît que les griefs invoqués par l'employeur à l'appui de la mesure de licenciement sont réels et sérieux, mais qu'ils ne sont pas constitutifs d'une faute grave, rendant impossible l'exécution du préavis. Le jugement doit donc être réformé en ce sens.

Il convient donc d'allouer à la salariée la somme de 3.326,44 € à titre d'indemnité légale de licenciement, la somme de 3.254,84 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, et celle de 325,48 € à titre de congés payés sur préavis.

* Sur la régularité de la procédure de licenciement

Il résulte du compte-rendu de l'entretien de licenciement signé par Mme [KP], conseillère de la salariée, le 25 janvier 2010 que Mme [R] a indiqué à Mme [L] les circonstances à l'origine de cet entretien, ainsi que les raisons amenant à envisager son licenciement, de sorte qu'il ne ressort pas de ce document que cet entretien ait été purement formel.

Par ailleurs, l'employeur a signé une attestation en décembre 2009, selon laquelle il a donné à Mme [R] l'ordre de signer tous les documents que Mme [NS] avait à rédiger concernant le licenciement de Mme [L] et ce qui la concerne, de sorte qu'elle était habilitée à mener la procédure de licenciement.

La lettre datée du 26 septembre 2002 écrite par Mme [R] à Me [O] ne permet pas d'établir qu'il y ait une animosité entre elles.

L'entretien de licenciement n'est donc pas entâché d'irrégularité pouvant donner lieu à dommages-intérêts.

Concernant le logement de fonction de Mme [L], la restitution des clefs de ce logement et l'état des lieux ont été faite par voie d'huissier le 21 décembre 2009, alors que ce logement pouvait être habité par l'intéressée jusqu'au 18 février 2010. Il en résulte un préjudice que la Cour évalue à 500 €.

* Sur le taux d'intérêt applicable

Conformément aux dispositions de l'article 1153 du code civil, les créances salariales de Mme [L] porteront intérêts au taux légal à compter de la date de saisine du Conseil de Prud'hommes, tandis que les créances indemnitaires porteront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

Les intérêts sur ces sommes seront capitalisés selon les dispositions prévues à l'article 1154 du code civil.

* Sur les autres chefs de demande

Il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties les frais exposés par elles et non compris dans les dépens.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Statuant par voie de réformation partielle,

Et, statuant à nouveau :

' Rejette les demandes formées par Mme [L] au titre des heures supplémentaires, du travail dissimulé et du harcèlement moral, et de l'irrégularité de l'entretien de licenciement.

' Dit que le licenciement de Mme [L] est fondé sur une cause réelle et sérieuse, et non sur une faute grave et en conséquence.

' Condamne en conséquence, M. [J] [C], intervenant pour la société [C], à payer à Mme [L] les sommes suivantes :

- 3.326,44 € (trois mille trois cent vingt six euros et quarante quatre centimes) à titre

d'indemnité légale de licenciement,

- 3.254,84 € (trois mille deux cent cinquante quatre euros et quatre vingt quatre

centimes) à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 325,48 € (trois cent vingt cinq euros et quarante huit centimes) à titre de congés

payés sur préavis,

- 500,00 € (cinq cents euros) à titre de dommages-intérêts pour la restitution

prématurée de son logement de fonction.

' Rappelle que les créances salariales de Mme [L] porteront intérêts au taux légal à compter de la date de saisine du Conseil de Prud'hommes, tandis que les dommages-intérêts porteront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt et que les intérêts sur ces sommes seront capitalisés selon les dispositions prévues à l'article 1154 du code civil.

' Rejette tout autre chef de demande des parties, plus ample ou contraire au présent arrêt.

' Dit n'y avoir lieu à indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

' Dit que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens de première instance et d'appel.

Signé par Madame Brigitte Roussel, Président, et par Madame Anne-Marie Lacour-Rivière, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A-M. Lacour-Rivière B. Roussel


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 11/02748
Date de la décision : 27/11/2012

Références :

Cour d'appel de Bordeaux 4A, arrêt n°11/02748 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-11-27;11.02748 ?
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