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02/10/2012 | FRANCE | N°10/06853

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 02 octobre 2012, 10/06853


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



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ARRÊT DU : 02 OCTOBRE 2012



(Rédacteur : Madame Raphaëlle Duval-Arnould, Conseiller)

(PH)



PRUD'HOMMES



N° de rôle : 10/06853











Monsieur [O] [U]



c/



SAS Solectron













Nature de la décision : AU FOND













Notifié par LRAR le :>


LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :



La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par

voie de signification (acte d'huissier).



Certifié par le Greffier en Chef,





Grosse délivrée le :



à :





Décision déférée à la Cour : jugement rendu l...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 02 OCTOBRE 2012

(Rédacteur : Madame Raphaëlle Duval-Arnould, Conseiller)

(PH)

PRUD'HOMMES

N° de rôle : 10/06853

Monsieur [O] [U]

c/

SAS Solectron

Nature de la décision : AU FOND

Notifié par LRAR le :

LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :

La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par

voie de signification (acte d'huissier).

Certifié par le Greffier en Chef,

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 08 novembre 2010 (RG n° F 08/02496) par le Conseil de Prud'hommes - formation paritaire - de Bordeaux, section Encadrement, suivant déclaration d'appel du 22 novembre 2010,

APPELANT :

Monsieur [O] [U], né le [Date naissance 1] 1962 à [Localité 3], de

nationalité Française, demeurant [Adresse 2],

Représenté par Maître Eric Bourdet, avocat au barreau de Bordeaux,

INTIMÉE :

SAS Solectron, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, [Adresse 7],

Représentée par Maître Carole Moret, avocat au barreau de Bordeaux,

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 21 mai 2012 en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Brigitte Roussel, Président,

Madame Maud Vignau, Président,

Madame Raphaëlle Duval-Arnould, Conseiller,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Anne-Marie Lacour-Rivière.

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

M. [O] [U] a été engagé par la société IBM à compter du 17 septembre 1984 en qualité d'agent technique électronicien, sur l'établissement de [Localité 4].

À la suite du rachat de la société, son contrat de travail était transféré à la SAS Solectron France, avec nouveau contrat de travail du 1er septembre 1993, statut cadre. Le poste occupé par M. [U] en dernier lieu était intitulé 'MGR ITSS' soit 'manager information technologie share services'.

Le 1er octobre 2007, la Société Flextronics a procédé au rachat du groupe Solectron Corporation dont la SAS Solectron France est une filiale.

Le 8 octobre 2007, la Société Flextronics informait le comité d'entreprise de la fermeture définitive du site de [Localité 4] où travaillaient 546 salariés. Un plan de sauvegarde de l'emploi était établi.

M. [U] était licencié le 26 mai 2008 pour motif économique, à effet du 31 mai 2008.

Le 14 novembre 2008, M. [U] saisissait le Conseil de Prud'hommes pour contester les motifs de son licenciement, obtenir des dommages-intérêts pour licen-ciement sans cause réelle et sérieuse, en fonction du plan de sauvegarde de l'emploi de Châteaudun et de dix mois de salaires perdus.

Par jugement en date du 8 novembre 2010, le Conseil de Prud'hommes de Bordeaux a considéré que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse, a débouté M. [U] de ses demandes et l'a condamné à payer à la SAS Solectron France la somme de 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [O] [U] a relevé appel du jugement.

Entendu en ses observations au soutien de ses conclusions auxquelles il est fait expressément référence, il demande de réformer le jugement, de dire que le licenciement ne repose sur aucun élément réel et sérieux, de condamner la SAS Solectron France à lui payer les sommes de 230.000 € en indemnité de son préjudice, de 49.980 € au titre des dix mois de salaire perdus et de 12.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, avec intérêts au taux légal à compter du 14 novembre 2008 et capitalisation des intérêts, ainsi qu'à rectifier la 'feuille' Pôle Emploi.

Par conclusions développées oralement auxquelles il est fait expressément référence, la SAS Solectron France demande de dire que le licenciement pour motif économique est légitime et le plan de sauvegarde de l'emploi régulier et valable, de débouter M. [U] de l'ensemble de ses demandes, subsidiairement d'ordonner la compensation à due concurrence entre l'indemnité perçue en application du plan de sauvegarde de l'emploi et l'indemnité sans cause réelle et sérieuse allouée par la présente décision, sur appel incident de condamner M. [U] au paiement d'une indemnité de 12.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour plus ample exposé des circonstances de fait, de la procédure et des prétentions des parties, il convient de se référer au jugement déféré et aux conclusions des parties.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le licenciement

La lettre de licenciement, dont les motifs énoncés sur cinq pages fixent les limites du litige, est articulée autour des motifs suivants :

'La société se voit contrainte de cesser définitivement son activité, afin de sauvegarder la compétitivité économique de la branche 'spécial business solutions' du groupe Flextronics dédiée à une production diversifiée en petites séries (à l'échelle d'un groupe de dimension mondiale).

Ce choix de gestion est justifié par :

1) la menace qui pèse sur la compétitivité de ce secteur dans un contexte de mutation du marché de la sous-traitance électronique et de forte pression exercée par les clients et les concurrents.' (...)

2) l'impossibilité d'assurer un redressement durable de l'entreprise et de ramener celle-ci à l'équilibre, dans la mesure où son déficit chronique depuis 2001 s'explique par des causes structurelles.' (...)

Etant ensuite mentionné que tous les emplois sont supprimés, qu'il a été communiqué 10 propositions individuelles de reclassement au salarié qui n'y a pas répondu.

En application de l'article L.1233-3 du code du travail, il appartient au juge, pour apprécier le caractère réel et sérieux du motif économique, de vérifier l'existence des difficultés économiques ou de mutation technologique ou de la réorganisation effectuée pour sauvegarder la compétitivité de l'entreprise dans son secteur d'activité alléguées par l'employeur ayant entraîné la suppression du poste du salarié.

Si, comme l'invoque l'employeur, la cessation d'activité de l'entreprise est un motif autonome économique de licenciement, encore faut-il que sa cause soit légitime et conforme aux dispositions de l'article L. 1233-3 du code du travail et ne résulte pas de choix stratégiques décidés au niveau du groupe, qui ne sauraient relever de la sauvegarde de la compétitivité, tels que l'amélioration de la rentabilité du groupe en dirigeant la production vers les pays à faible coût ou pour éliminer un concurrent gênant.

Or, il n'est pas contesté et il ressort des pièces du dossier de l'employeur que la décision de la cessation de l'activité de la SAS Solectron France a été prise concomitamment au rachat du groupe Solectron par la Société Flextronics, s'agissant d'un 'choix de gestion' ainsi que précisé dans la lettre de licenciement.

En effet, notamment dans le compte rendu de la réunion extraordinaire du comité d'entreprise du 1er octobre 2007, le représentant de la Société Flextronics qui a présenté le groupe Flextronics a déclaré que 'l'objectif de Flextronics (...) est d'occuper le premier rang mondial'.

Il en ressort également que maintes usines du groupe sont situées dans les pays à faible coût, dit 'low cost', et qu'à la suite de la discussion entre les représentants de la Société Flextronics et de la SAS Solectron France avec les experts de Secafi mandatés par le comité d'entreprise, un des experts a relevé que la décision de fermeture de l'entreprise a été rapide, alors qu'il existait l'alternative de la possibilité de maintenir le site en réduisant de moitié les effectifs.

Or, il ne résulte d'aucune pièce produite que la SAS Solectron France et/ou la Société Flextronics ait recherché une alternative à la fermeture de l'établis-sement, alors que si la SAS Solectron France connaissait des difficultés économiques depuis plusieurs années et a procédé à des licenciements, elle en avait néanmoins poursuivi son activité.

Par ailleurs, au vu de l'étude de la société d'expertise Décision de juin 2009 produite part l'employeur, le chiffre d'affaires du groupe Flextronics était en 2009 de 31 milliards de dollars et avait un effectif de 162.000 personnes, alors que le coût de la SAS Solectron France ne peut qu'être minime par rapport à l'ensemble du groupe Flextronics.

En outre, si cette étude décrit 'le positionnement des EMS (sous-traitants) dans la chaîne de l'industrie électronique', elle ne permet pas de déterminer en quoi la cessation de l'activité de la SAS Solectron France est nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité du groupe Flextronics ou du secteur d'activité du groupe.

Dans ces conditions, il apparaît que la cessation d'activité de la SAS

Solectron France et la fermeture du site de [Localité 4] ne sauraient constituer une réorganisation effectuée pour la sauvegarde de sa compétitivité, ni celle du secteur d'activité du groupe, mais ne résulte que de choix stratégiques décidés au niveau du groupe Flextronics dès le rachat du groupe Solectron.

Par ailleurs, sur la recherche d'un reclassement du salarié, la SAS Solectron France ne saurait reprocher à M. [U] de n'avoir pas répondu, dans les 48 heures imparties, au questionnaire auquel était jointe une longue liste de postes situés dans le monde entier, ne comportant que la ville, le pays et l'intitulé du poste, dont aucun en France, que les dix postes 'ciblés' communiqués ensuite ne comportaient guère plus de précision, si ce n'est le salaire en dollars.

Que quelques soient les mesures prises dans le plan de sauvegarde de l'emploi, auxquelles M. [U] n'a pas adhéré, ces listes de postes ne sauraient constituer des offres personnalisées et sérieuses de reclassement.

Enfin, l''étude sur l'employabilité' effectuée en mai 2009, produite par l'employeur, ne saurait être prise en considération comme étant postérieure d'un an au licenciement de M. [U], de même que pour d'autres documents produits de date ultérieure au licenciement.

Il s'ensuit que licenciement de M. [U] est sans cause réelle et sérieuse. Le jugement sera donc réformé de ce chef.

Sur l'indemnisation du salarié

En premier lieu, M. [U] ne saurait valablement soutenir qu'il y a eu violation de l'ordre des licenciements, alors que celui-ci ne s'applique que lorsqu'il y a un choix à opérer entre salariés licenciés et ceux non-licenciés, et non pas lorsque l'entreprise est amenée à la cessation totale d'activité, même si tous les licenciements n'ont pas été notifiés en même temps, mais selon un ordre des départs.

Dès lors, M. [U] ne peut donc réclamer les mois de 'salaires perdus', après la rupture du contrat de travail soit à la date à laquelle il estime qu'il aurait dû être licencié en même temps que les salariés de son service, sans même prendre en compte les trois mois de préavis payés et non effectués, mais tout au plus des dommages-intérêts pour le préjudice subi et justifié. Toutefois, il sera tenu de la situation entourant le licenciement dans l'appréciation des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

M. [U] ne saurait non plus invoquer les dispositions du plan de sauvegarde de l'emploi d'une autre société du groupe Flextronics, celle du site de [Localité 6], pour l'appréciation des dommages-intérêts, les situations n'étant pas comparables.

La SAS Solectron France soutient que les sommes versées au titre du plan de sauvegarde de l'emploi doivent venir en compensation des dommages-intérêts qui seront alloués, notamment en application de l'accord de fin de conflit du 20 novembre 2007. Toutefois, cet accord ne mentionne expressément qu'une indemnité de 13.000 € 'au sens des articles L.122-14-4 et 122-14-5 du code du travail' susceptible de venir en compensation de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Il y a donc lieu d'en tenir compte.

Compte tenu de son ancienneté de 24 ans, du montant de sa rémunération, du fait du chômage qui s'en est suivi et des circonstances de la rupture, de l'indemnité fixée dans le plan de sauvegarde de l'emploi et perçue, il y a lieu d'allouer à M. [U] une somme de 50.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, en plus des indemnités perçues dans le cadre du plan de sauvegarde de l'emploi.

En application de l'article 1153-1 du code civil, toute condamnation à des dommages-intérêts, c'est-à-dire pour le licenciement sans cause réelle et sérieuse, porte intérêts au taux légal à compter du prononcé de la décision d'appel qui l'a accordée, le report à la date de saisine du Conseil de Prud'hommes ne se justifiant pas en l'espèce.

Il convient de faire droit à la demande de remise d'une attestation destinée au Pôle Emploi rectifiée au vu du présent arrêt.

Sur le remboursement au Pôle Emploi

En application de l'article L.1235-4 du code du travail, il y a lieu d'ordonner à l'employeur fautif le remboursement au Pôle Emploi des indemnités de chômage versées à M. [U] du jour de son licenciement au jour du prononcé du jugement dans la limite de six mois des indemnités versées.

Sur les demandes accessoires

La SAS Solectron France qui succombe en son appel, doit supporter la charge des dépens et voir rejeter sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Il convient d'accorder à M. [U] une indemnité pour participation à ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Sur l'appel de M. [O] [U] contre le jugement du Conseil de Prud'hommes de Bordeaux en date du 8 novembre 2010.

' Réforme le jugement en ce qui concerne le rejet de la demande en paiement de dix mois de salaire.

Et statuant à nouveau :

' Déclare le licenciement sans cause réelle et sérieuse.

' Condamne la SAS Solectron France à payer à M. [O] [U] la somme de 50.000 € (cinquante mille euros) à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt, en sus des indemnités versées dans le plan de sauvegarde de l'emploi.

' Ordonne à la SAS Solectron France de remettre à M. [O] [U] une attestation destinée à Pôle Emploi rectifiée.

' Ordonne à la SAS Solectron France de rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage versées à M. [O] [U] du jour de son licenciement au jour du prononcé du jugement, dans la limite de six mois des indemnités versées.

' Dit que, conformément aux dispositions de l'article R.1235-2 du code du travail, le greffe transmettra copie de la présente décision à la direction générale de Pôle Emploi, [Adresse 9].

' Condamne la SAS Solectron France à payer à M. [O] [U] la somme de 1.500 € (mille cinq cents euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

' Condamne la SAS Solectron France aux entiers dépens.

Signé par Madame Brigitte Roussel, Président, et par Madame Anne-Marie Lacour-Rivière, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A-M. Lacour-Rivière B. Roussel


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 10/06853
Date de la décision : 02/10/2012

Références :

Cour d'appel de Bordeaux 4A, arrêt n°10/06853 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-10-02;10.06853 ?
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