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07/06/2012 | FRANCE | N°11/04575

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section b, 07 juin 2012, 11/04575


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION B



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ARRÊT DU : 07 JUIN 2012

fc

(Rédacteur : Madame Katia SZKLARZ, Vice-Présidente Placée)



PRUD'HOMMES



N° de rôle : 11/04575

















Madame [T] [C]



c/



Monsieur [X] [P]



















Nature de la décision : AU FOND







No

tifié par LRAR le :



LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :



La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d'huissier).



Certifié par le Greffier en Chef,



Grosse délivrée le :



à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 23...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION B

--------------------------

ARRÊT DU : 07 JUIN 2012

fc

(Rédacteur : Madame Katia SZKLARZ, Vice-Présidente Placée)

PRUD'HOMMES

N° de rôle : 11/04575

Madame [T] [C]

c/

Monsieur [X] [P]

Nature de la décision : AU FOND

Notifié par LRAR le :

LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :

La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d'huissier).

Certifié par le Greffier en Chef,

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 23 juin 2011 (R.G. n°F10/1117) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BORDEAUX, Section Commerce, suivant déclaration d'appel du 05 juillet 2011,

APPELANTE :

Madame [T] [C]

née le [Date naissance 1] 1952 à MAROC

de nationalité Française

Profession : femme de ménage

demeurant [Adresse 4]

représentée par Maître Lionel MARCONI, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉ :

Monsieur [X] [P],

demeurant [Adresse 2]

représenté par Maître Véronique BRETT-THOMAS, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 04 avril 2012 en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Jean-Paul ROUX, Président de chambre,

Madame Myriam LALOUBERE, Conseiller,

Madame Katia SZKLARZ, Vice Présidente placée,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Florence CHANVRIT adjoint administratif faisant fonction de greffier

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS:

Suivant contrat à durée indéterminée à temps partiel à compter du 30 octobre 1997, Madame [T] [C] a été engagée par Monsieur [X] [P], pharmacien à l'enseigne 'Pharmacie de BACHOUE' en qualité d'aide-ménagère pour une durée hebdomadaire de travail de 12 heures puis de 18 heures. Au dernier état de la relation de travail, son salaire brut mensuel était de 786,77 euros.

Par courrier en date du 20 janvier 2010, son employeur lui a enjoins de se consacrer aux tâches qui sont les siennes et d'avoir envers chacun un minimum de respect.

Madame [T] [C] ne s'est pas présentée à son travail entre le 25 janvier et le 1er février 2010 et a laissé sans réponse le courrier de son employeur en date du 29 janvier 2010 lui demandant de justifier de son absence.

Le 5 février 2010, Monsieur [X] [P] a signifié à Madame [T] [C] sa mise à pied à titre conservatoire. Elle a refusé de se voir remis en main propre un courrier de convocation à un entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement, entretien fixé au 16 février 2010. L'employeur lui a alors adressé le courrier par recommandé avec avis de réception. Madame [T] [C] n'a pas retiré le courrier et ne s'est pas présentée à l'entretien. Elle a bénéficié d'un arrêt de travail à compter du 6 février 2010.

Par télécopie en date du 8 février 2010, Monsieur [X] [P] a été informé de l'inaptitude totale et définitive de Madame [T] [C] à tout poste dans l'entreprise pour danger immédiat. Il a contesté cet avis d'inaptitude par courrier à l'inspection du travail le 15 février 2010. Après nouvelle visite en date du 15 mars 2010, l'inaptitude de Madame [T] [C] a été confirmée.

Par lettre recommandée avec avis de réception en date du 19 février 2010, Madame [T] [C] a été licenciée pour faute grave.

Contestant cette décision, Madame [T] [C] a saisi, le 12 avril 2010, le Conseil des Prud'hommes de Bordeaux aux fins de voir juger le licenciement nul et d'obtenir le paiement d'indemnités de rupture et de dommages et intérêts.

Par jugement du 23 juin 2011, le Conseil des Prud'hommes a considéré que la faute grave était caractérisée et a débouté Madame [T] [C] de toutes ses demandes. Il a également débouté Monsieur [X] [P] de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Madame [T] [C] a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Par conclusions écrites, développées oralement à l'audience et auxquelles il convient de se référer, l'appelante, Madame [T] [C], sollicite de la Cour qu'elle infirme le jugement en toutes ses dispositions. Elle demande à la Cour de dire son licenciement nul, à titre subsidiaire sans cause réelle et sérieuse et de condamner Monsieur [X] [P] à lui payer les sommes suivantes:

- 18.493,32 euros à titre de dommages et intérêts

- 786,77 euros à titre d'indemnités de préavis

- 78,67 euros à titre d'indemnités de congés payés sur préavis

- 1.022,71 euros à titre d'indemnités de licenciement

- 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle soutient que son employeur devait tenir compte de son inaptitude et ne pouvait pas la licencier pour faute grave. Elle conteste l'ensemble des griefs formulés à la lettre de licenciement et souligne le lien de subordination des personnes ayant attesté pour son employeur.

Dans ses dernières écritures soutenues oralement à l'audience et auxquelles il convient de se référer, Monsieur [X] [P] conclut à la confirmation du jugement. Il demande que Madame [T] [C] soit déboutée de toutes ses demandes et sollicite la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Monsieur [X] [P] soutient qu'ignorant tout de l'état de santé de sa salariée lorsqu'il a initié la procédure de licenciement, il ne peut pas lui être fait reproche de n'avoir pas tenu compte de l'inaptitude de celle-ci d'autant plus qu'il a contesté celle-ci dont la procédure a été reconnue irrégulière. Il affirme que le comportement de Madame [T] [C] s'est considérablement dégradé au mois de janvier 2010 et que son agressivité ne permettait plus son maintien dans l'entreprise.

MOTIFS:

A la date où la procédure de licenciement est enclenchée par l'employeur, à savoir le 5 février 2010 lorsque celui-ci notifie à Madame [T] [C] sa mise à pied à titre conservatoire et qu'il tente de lui remettre en main propre le courrier de convocation à entretien préalable, Madame [T] [C] n'est pas en arrêt maladie et l'employeur n'a pas encore reçu le courrier du médecin du travail l'informant de sa détresse morale. L'employeur était donc légitime à poursuivre la procédure engagée. Il y a donc lieu d'étudier les conditions du licenciement pour faute grave.

Selon l'article  L. 1235-1 du code du travail, en cas de litige, le juge à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties et au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié. Pour que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse, la motivation de la lettre de licenciement ne doit pas être imprécise.

La faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien de ce salarié dans l'entreprise. L'employeur qui l'allègue a la charge de la preuve.

La lettre du 19 février 2010 qui détermine la cause du licenciement et fixe les limites du litige est ainsi rédigée:

'.............................

En dépit de cet avis du médecin du travail, j'ai pris la décision de poursuivre à votre encontre la procédure de licenciement que j'avais initiée dès le 05 Février 2010, pour les motifs suivants:

Depuis quelques semaines en effet, votre comportement est devenu intolérable au sein de la pharmacie.

Au début du mois de janvier dernier, et plus précisément les 07 et 08 janvier 2010, après avoir obtenu par un procédé probablement malhonnête des informations sur le montant de primes de fin d'année et d'ancienneté que je verse aux salariés de la pharmacie, vous n'avez pas cessé de vous plaindre auprès d'eux du montant de votre prime, n'hésitant pas à les gêner dans leur travail.

Depuis lors, vous avez également refusé de vous rendre au bureau de poste lorsque c'était nécessaire, remettant en cause le principe de la prime mission port qui vous est attribuée depuis un an.

Dans ce climat de provocation, vous n'avez pas hésité à me tutoyer et m'appeler par mon prénom.

Je vous ai alors adressé un courrier en date du 20 Janvier 2010, faisant état de ces griefs, vous invitant à vous ressaisir. En vain.

Le 21 Janvier 2010, vous avez outrepassé vos fonctions désorganisant le service à la clientèle et agressé un salarié.

En effet, vous avez ouvert la pharmacie, ce qui ne vous incombez nullement, laissant entrer des clientes alors que celle-ci n'était pas éclairée, que le système d'alarme n'avait pas été interrompu, et que le système informatique n'était pas en état de fonctionnement.

Monsieur [I], préparateur en pharmacie vous a fait la remarque que vous n'aviez pas agir de la sorte.

Vous l'avez alors agressé verbalement en associant des gestes à la parole, et menacé d'appeler la police.

Depuis quelques temps, vous ne supportez aucune observation des uns et des autres et vous montrez irascible envers tout le monde.

Par ailleurs, vous vous êtes absentée du lundi 25 au 31 janvier 2010.

A ce jour, vous n'avez pas justifié cette absence en dépit du courrier que je vous ai adressé le 29 janvier 2010.

Enfin, le samedi 06 Février suivant, vous avez menacé de mort tant Monsieur [I] que moi-même. Cette attitude est intolérable et nuit fortement à la bonne marche de la pharmacie.

Nous considérons que ces faits constituent une faute grave rendant impossible votre maintien même temporaire dans l'entreprise.

Votre licenciement est donc immédiat, sans préavis ni indemnité de rupture.

.....................................................'

Ainsi, l'employeur retient à l'encontre de sa salariée, quatre griefs:

- son comportement devenu intolérable au sein de la pharmacie depuis quelques semaines

- avoir laissé entrer des clients dans la pharmacie le 21 janvier 2010 alors que celle-ci n'était pas encore ouverte et avoir agressé verbalement Monsieur [I] lorsqu'il lui en a fait la remarque

- s'être absentée sans justification du 25 au 31 janvier 2010

- avoir menacé de mort son employeur et Monsieur [I] le 6 février 2010

Sur le premier grief, un comportement devenu intolérable au sein de la pharmacie depuis quelques semaines:

Pour établir la réalité de ce grief, Monsieur [X] [P] produit les attestations des collègues de Madame [T] [C] qui confirment les tensions qui existaient avec elle.

Cependant, la Cour constate que, par courrier recommandé avec avis de réception en date du 20 janvier 2010, Monsieur [X] [P] a sommé Madame [T] [C] de se confiner aux tâches imparties et d'avoir envers chacun le minimum de respect en ces termes:

'.....................

Je suis atterré par votre comportement depuis de nombreuses semaines mais plus particulièrement par le crescendo des jours récents.

J'ai eu la faiblesse de taire vos agissements persuadé que «vos sautes d'humeur» finiraient par s'estomper.

Ce summum d'incartades correspond en outre à un moment où, comme je vous l'ai précisé, chacun doit « se serrer les coudes», démontrer un réel esprit d'équipe et s'appliquer dans son travail, eu égard à la concurrence dans le centre de Bordeaux et à un contexte économique plus difficile que par le passé.

Vous avez ainsi cru devoir vous informer par des moyens illégaux du montant de la prime de fin d'année de vos collègues et tenter d'ameuter pendant quasiment tout votre temps de travail Monsieur [I] le jeudi matin 07 janvier, ... et Madame [M] le vendredi matin, 08 janvier.

Dans la foulée vous avez remis en cause ( ') le principe de la prime mission port attribuée depuis janvier 2009 avec refus de vous rendre au bureau de poste depuis te jeudi 07 janvier ...

Je cite en outre la contestation, le 08 janvier, sur une prétendue aberration entre contrat de travail et horaire effectué, ou encore les diverses retenues effectuées sur votre salaire brut, ce en omettant les avenants acceptés et l'expertise d'un cabinet comptable pour le calcul des salaires et la production des bulletins.

Vous pratiquez depuis bien trop longtemps une agressivité envers vos collègues souvent (pour ne pas dire toujours) pour des motifs futiles (retards de l'un, qualité du travail de l'autre, interférences sur les conseils délivrés, temps observé pour vous ouvrir la porte ... )

Je passe sous silence la déstabilisation de certains clients chez qui vous avez obtenu contrat de travail.

En clair, vous vous comportez en despote absolu au point devant mon étonnement envers votre refus d'aller à la poste de m'appeler par mon prénom et de me tutoyer ... sans compter votre immense satisfaction de vos actes au point de vous avoir surprise vous en vantant auprès de collègues ..., le lundi 11 janvier.

Je crains atteint le point extrême.

Aussi, dans ces conditions délétères, je vous somme de vous confiner aux tâches imparties et d'avoir envers chacun le minimum de respect que chacun lui s'est toujours largement (et normalement) accordé à vous montrer.

Un quelconque nouveau dérapage ne saurait alors demeurer exclusif de sanction.

.................'

Compte tenu de la forme (recommandé avec AR) et des termes de ce courrier, notamment l'emploi du verbe sommer, la Cour considère que l'employeur a notifié un avertissement à Madame [T] [C] pour son comportement agressif troublant le travail des autres salariés et pour son manque de respect envers lui entre le 7 janvier et le 20 janvier 2010. Les termes du courrier d'avertissement et de la lettre de licenciement quant à ce grief étant très proches et visant les mêmes faits, ce comportement a déjà été sanctionné. Il ne peut donc pas fonder le licenciement pour faute grave.

Sur le grief consistant à avoir laisser entrer des clients dans la pharmacie le 21 janvier 2010 alors que celle-ci n'était pas encore ouverte et avoir agressé verbalement Monsieur [I] lorsqu'il lui en a fait la remarque:

Pour démontrer ce grief, l'employeur produit l'attestation de Monsieur [I], préparateur en pharmacie qui indique que Madame [T] [C] a ouvert la porte à deux clientes alors que l'éclairage n'était pas en marche et l'informatique non initialisée. Il produit également l'attestation du stagiaire et des clientes qui indiquent que l'alarme s'est déclenchée et que Madame [T] [C] a été agressive verbalement avec Monsieur [I].

En réponse, Madame [T] [C] indique qu'elle a seulement souhaité mettre à l'abri du froid une cliente qui patientait à l'extérieur alors que Monsieur [I] était en retard, retard qui est confirmé par Madame [H] qui atteste pour l'employeur.

Compte tenu des conditions climatiques au mois de janvier, le fait de faire entrer une cliente âgée dans la pharmacie alors que celle-ci n'est pas encore allumée mais qu'il y a déjà trois salariés présents, ne peut pas être considéré comme une faute grave, cet élément n'étant pas en mesure de mettre en péril ni la sécurité ni la réputation de l'officine.

Il résulte également des attestations, dont Madame [T] [C] conteste que les clientes rédactrices aient été présentes le jour des faits, que Monsieur [I] a fermement rappelé à Madame [T] [C] qu'il n'était pas dans ses prérogatives d'ouvrir la porte et que celle-ci a répondu agressivement à ce rappel menaçant d'appeler la police. Le fait qu'elle ait menacé d'appeler la police signe le fait qu'elle s'est sentie agressée par le rappel à l'ordre qui lui a été fait par Monsieur [I] dont il n'est par ailleurs pas démontré qu'il était le supérieur hiérarchique de Madame [T] [C]. Il ne peut pas être fait reproche à une salariée, en l'absence de l'employeur, de vouloir faire appel aux forces de l'ordre dans le cadre d'un conflit l'opposant à un autre salarié.

Sur l'absence sans justification du 25 au 31 janvier 2010:

Madame [T] [C] ne conteste pas la réalité de cette absence mais affirme avoir alors été en congés payés ce que dément son employeur. Elle produit également une main courante déposée auprès du commissariat de police le 25 janvier 2010 à 9H51 faisant état d'un accident corporel de la circulation et un certificat médical en date du 26 janvier 2010 dont il résulte que Madame [T] [C] présente des accès de tachycardie paroxystiques dans un contexte de fatigue général. Ainsi, s'il est vrai que Madame [T] [C] n'a pas alors bénéficié d'un arrêt maladie, la Cour considère qu'elle justifie qu'elle était à cette date très fragilisée. Alors que Madame [T] [C] avait plus de 12 ans d'ancienneté sans aucun incident dans la relation de travail, cette absence injustifiée d'une salariée fragilisée, intervenant dans un contexte conflictuel, Madame [T] [C] venant de recevoir l'avertissement en date du 20 janvier, ne peut pas caractériser à elle seule une faute d'une gravité telle qu'elle justifie la rupture immédiate de la relation de travail.

Sur les menaces de mort envers son employeur et Monsieur [I] le 6 février 2010:

Pour démontrer ce grief, Monsieur [X] [P] produit la plainte qu'il a déposée contre Madame [T] [C], avec Monsieur [I], pour menace de mort en date du 6 février 2010. Il résulte de celle-ci que Madame [T] [C] qui a pris son travail le 6 février à 9 heures lui a dit, vers 9H30, ainsi qu'à Monsieur [I], calmement et à plusieurs reprises, 'je vais vous tuer, comme cela je ferais fermer la pharmacie, j'ai tout prévu'

Outre le fait que la Cour s'étonne que Monsieur [X] [P] ait laissé Madame [T] [C], qui avait été mise à pied à titre conservatoire, prendre son service le 6 février 2010, la Cour constate que les faits sont intervenus le lendemain de l'annonce par l'employeur à sa salariée de sa mise à pied et de sa convocation à entretien préalable en vu de son licenciement. De plus, Madame [T] [C] démontre par la production du courrier du médecin du travail en date du 3 février 2010, qu'elle était à cette date dans une réelle détresse morale. Dans de telles conditions, les menaces proférées par Madame [T] [C] s'expliquent par sa fragilité psychologique qui ne lui a pas permis d'affronter l'éventualité de son licenciement. Pour être datées du lendemain de la mise à pied à titre conservatoire et de l'annonce faîte à la salariée de sa convocation en vu de son licenciement, ce grief ne peut pas caractériser une faute grave susceptible de fonder le licenciement.

La Cour constate par ailleurs que, si au jour de la convocation à l'entretien préalable, l'employeur ignorait que l'agressivité de sa salariée pouvait s'expliquer par sa fragilité psychologique, au jour du licenciement, il était parfaitement informé de celle-ci pour s'être vu adresser, le 8 février 2010, le courrier du médecin du travail l'informant de la détresse morale de sa salariée et l'avis d'inaptitude délivré par le médecin du travail pour danger immédiat. Ainsi, même si Madame [T] [C] ne s'est pas présentée à l'entretien, l'employeur disposait de tous les éléments pour être en capacité d'analyser la dégradation du comportement de sa salariée comme le résultat de sa détresse morale, d'autant plus que Madame [T] [C] avait plus de 12 ans d'ancienneté sans que jamais une sanction ait été prononcée à son encontre. Il en résulte que, si les attitudes de Madame [T] [C] étaient pour l'employeur incompréhensibles jusqu'au 8 février, le jour du licenciement, il pouvait avoir conscience que les agissements de sa salariée trouvaient leur origine dans la dégradation de sa santé. Il était donc en mesure de renoncer au licenciement envisagé pour faute grave et de rechercher, conformément à son obligation de sécurité de résultat, une solution aux difficultés rencontrées en prenant en compte la dégradation de l'état psychologique de sa salariée.

Au vu de ces éléments, la Cour considère que Monsieur [X] [P] ne démontre pas que Madame [T] [C] ait été l'auteur d'une violation des obligations résultant du contrat de travail et des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.

En conséquence, infirmant le jugement, la Cour décide que Madame [T] [C] a été licenciée sans cause réelle et sérieuse.

Madame [T] [C] subit nécessairement un préjudice dont elle est bien fondée à demander réparation en application de l'article L. 1235-5 du code du travail. Compte tenu de son ancienneté, de la période de chômage qui a perduré, des conditions

de la rupture, la Cour estime qu'elle sera justement indemnisée de ce préjudice par l'allocation d'une somme de 12.500 euros que Monsieur [X] [P] doit être condamné à lui payer.

Le licenciement de Madame [T] [C] étant considéré comme sans cause réelle et sérieuse, la Cour fait droit à ses demandes quant aux indemnités de rupture et condamne Monsieur [X] [P] à lui payer les sommes suivantes:

- 786,77 euros à titre d'indemnités de préavis

- 78,67 euros à titre d'indemnités de congés payés sur préavis

- 1.022,71 euros à titre d'indemnités de licenciement

Monsieur [X] [P] qui succombe pour le tout doit voir mis à sa charge les dépens de première instance et d'appel.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de Madame [T] [C] les frais exposés par elle et non compris dans les dépens. La Cour lui alloue la somme de 1.500 euros à ce titre.

PAR CES MOTIFS:

LA COUR

INFIRME le jugement du Conseil de Prud'hommes de Bordeaux du 23 juin 2011 en toutes ses dispositions,

Et, statuant à nouveau,

DIT le licenciement de Madame [T] [C] sans cause réelle et sérieuse

CONDAMNE Monsieur [X] [P] à payer à Madame [T] [C] les sommes suivantes:

- 12.500 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- 786,77 euros à titre d'indemnités de préavis

- 78,67 euros à titre d'indemnités de congés payés sur préavis

- 1.022,71 euros à titre d'indemnités de licenciement

CONDAMNE Monsieur [X] [P] à payer à Madame [T] [C] la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

CONDAMNE Monsieur [X] [P] aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Signé par Monsieur Jean-Paul ROUX, Président, et par Chantal TAMISIER, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

C. TAMISIER Jean-Paul ROUX


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section b
Numéro d'arrêt : 11/04575
Date de la décision : 07/06/2012

Références :

Cour d'appel de Bordeaux 4B, arrêt n°11/04575 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-06-07;11.04575 ?
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