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05/06/2012 | FRANCE | N°10/02534

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 05 juin 2012, 10/02534


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



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ARRÊT DU : 05 JUIN 2012



(Rédacteur : Madame Monique Castagnède, Président)

(PH)



PRUD'HOMMES



N° de rôle : 10/02534









Madame [K] [R] épouse [F]



c/



SAS Sodia Aquitaine















Nature de la décision : AU FOND













Notifié par LRAR

le :



LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :



La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par

voie de signification (acte d'huissier).



Certifié par le Greffier en Chef,





Grosse délivrée le :



à :



Décision déférée à la Cour : jugement ren...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 05 JUIN 2012

(Rédacteur : Madame Monique Castagnède, Président)

(PH)

PRUD'HOMMES

N° de rôle : 10/02534

Madame [K] [R] épouse [F]

c/

SAS Sodia Aquitaine

Nature de la décision : AU FOND

Notifié par LRAR le :

LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :

La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par

voie de signification (acte d'huissier).

Certifié par le Greffier en Chef,

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 31 mars 2010 (RG n° F 08/02597) par le Conseil de Prud'hommes - formation paritaire - de Bordeaux, section Encadrement, suivant déclaration d'appel du 20 avril 2010,

APPELANTE :

Madame [K] [R] épouse [F], née le [Date naissance 1] 1971 à

[Localité 4], de nationalité Française, demeurant [Adresse 2],

Représentée par Maître Arnaud Fleury, avocat au barreau de Bordeaux,

INTIMÉE :

SAS Sodia Aquitaine, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, [Adresse 6],

Représentée par Maître Denis Andrieu, avocat au barreau de Bordeaux,

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 mars 2012 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Monique Castagnède, Président chargé d'instruire l'affaire,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Monique Castagnède, Président,

Madame Raphaëlle Duval-Arnould, Conseiller,

Madame Myriam Laloubère, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Anne-Marie Lacour-Rivière.

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

Exposé du litige

Madame [F] engagée en qualité d'adjoint au chef de caisse à compter du 15 mai 1995 par la société Sodia Aquitaine qui exploite un hypermarché sous l'enseigne Leclerc, nommée manager de caisse en novembre 2000, a été déclarée inapte à tout poste de l'entreprise par le médecin du travail le 11 août 2008 et licenciée pour inaptitude le 22 septembre suivant.

Par jugement du 31 mars 2010, le Conseil de Prud'hommes de Bordeaux, a jugé que le licenciement ne pouvait être imputé à un harcèlement moral de la part de l'employeur, a débouté la salariée de l'ensemble de ses demandes et l'a condamnée à verser à l'employeur une somme de 200 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration faite au greffe de la Cour par son conseil le 20 avril 2010, Madame [F] a interjeté appel de cette décision.

Dans ses conclusions déposées le 27 janvier 2011 et le 21 mars 2012 et développées à l'audience, l'appelante demande à la Cour de juger son licenciement nul en raison du harcèlement moral qu'elle a subi, de condamner la société Sodia Aquitaine à lui verser les sommes de :

- 30.000 € de dommages-intérêts pour le préjudice occasionné par le harcèlement moral,

- 54.000 € de dommages-intérêts en raison de la nullité du licenciement,

- 30.000 € de dommages-intérêts pour le préjudice consécutif au non-respect de

l'obligation de sécurité de résultat,

- 7.650 € d'indemnité compensatrice de préavis outre 765 € de congés payés afférents.

Subsidiairement, elle soutient que son licenciement serait dépourvu de cause réelle et sérieuse en raison de l'insuffisance de la recherche de reclassement et sollicite la condamnation de l'employeur à lui verser la somme de 54.000 € de dommages-intérêts ainsi que l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés susvisés. En tout état de cause, elle demande la condamnation de la société Sodia Aquitaine à contribuer par le versement d'une somme de 3.000 € aux frais non taxables par elle exposés.

La société Sodia Aquitaine a déposé le 15 mars 2012 des conclusions exposées à la barre tendant à la confirmation du jugement. Subsidiairement, elle sollicite la réduction des dommages-intérêts demandés pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à six mois de salaire soit 15.300 € et des dommages-intérêts pour harcèlement moral, au préjudice effectivement subi. En toute hypothèse, elle réclame la somme de 2.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Motifs

L'appel est recevable comme régulier en la forme.

Madame [F] qui tenait le même poste depuis de nombreuses années, impute la responsabilité de son inaptitude aux faits répétés de harcèlement qu'elle aurait subis de la part de Monsieur [I], directeur arrivé au mois d'octobre 2006, avec le changement d'actionnaire.

Elle invoque la dégradation des conditions de travail en raison d'une politique drastique de maîtrise des coûts, et en justifie au moyen de l'attestation de Madame [O], ancienne responsable du service du personnel à la retraite, laquelle indique que le non remplacement général des salariés absents qui pesait sur la ligne des caisses, engendrant des files d'attente prévisibles, a été insupportable pour Madame [F] qui avait une forte motivation pour la réussite de sa mission. Elle ajoute que le mal-être de cette salariée n'a fait que croître par la suite après le départ de nombreux collègues car elle a senti qu'il n'y avait plus de doute sur l'intention de la direction de lui faire quitter l'entreprise.

L'appelante fait encore état de reproches incessants et d'une mise à l'écart. Aucun élément ne vient établir une mise à l'écart. En revanche, Madame [Z], ancienne hôtesse de caisse et hôtesse d'accueil avec Madame [F], invoque un harcèlement de la direction qui téléphonait souvent pour demander ce que faisait Madame [F] ou bien où elle était, qui exerçait une pression permanente sur elle, lui faisait comprendre qu'elle ne faisait pas son travail, avec des réflexions blessantes telles que 'vous n'avez rien à faire là'.

De son côté l'employeur produit une attestation d'une responsable de caisse selon laquelle, en 2008, Madame [F] était perturbée par des problèmes d'ordre personnel qui la rendaient moins disponible à la caisse centrale ; qu'elle se cachait dans les rayons pour téléphoner longuement avec son portable personnel ; qu'elle était absente à l'ouverture et la fermeture du magasin ; qu'elle ne suivait plus les erreurs, les annulations, les absences et les retards. Toutefois, s'agissant d'une personne encore sous l'autorité de l'employeur, son attestation ne peut efficacement venir en contradic-tion avec celles des autres témoins qui attestent librement.

Il est de principe que le harcèlement moral est constitué, indépendamment de l'intention de son auteur, dès lors que sont caractérisés des agissements répétés ayant pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

En l'espèce, les témoins s'accordent pour reconnaître que l'humeur de la salariée, qui était épanouie dans son travail, s'est dégradée avec l'arrivée du nouveau directeur et les nouvelles conditions de travail jusqu'à parvenir à la dépression constatée par le médecin du travail. Si dans sa lettre du 19 mars 2008, la salariée a pu faire allusion à des soucis personnels, elle invoque aussi un état de fatigue que Madame [O] impute à ses conditions de travail et surtout, elle fait valoir que c'est à la suite de l'attitude de Monsieur [I] le 10 mars précédent, qu'elle s'est trouvée dans l'obligation de consulter son médecin en vue d'un arrêt de travail. De la même manière, dans sa lettre du 30 avril 2008, elle expose que son état de fatigue est directement lié à ce qui se passe au sein de l'entreprise et que son nouvel arrêt de travail pour maladie est

consécutif à une nouvelle agression de la part de son directeur le lundi 28 avril. En

outre, la surveillance des faits et gestes de la salariée pratiquée par la hiérarchie qui relève de la persécution, ne se justifiait pas, tant il est vrai que si les fautes alléguées par le témoin de l'employeur avaient été réelles, le directeur n'aurait pas manqué de prendre des sanctions disciplinaires voire d'opérer un licenciement pour faute.

La réalité d'un harcèlement moral ayant entraîné l'état dépressif de la salariée et son inaptitude au poste se trouve donc établie. Le licenciement doit être jugé nul et la salariée bénéficiaire d'une indemnité réparant le préjudice subi qui s'évalue à 33 150 €.

L'atteinte portée à l'état de santé de Madame [F] consécutive au non-respect par l'employeur de son obligation de sécurité de résultat invoquée pour solliciter une indemnité de 30.000 €, est la même que celle qui a été occasionnée par le harcèlement moral. La salariée ne peut donc obtenir qu'une seule indemnisation à ce titre, laquelle doit être chiffrée à la somme de 10.000 €.

L'appelante est fondée à solliciter une indemnité compensatrice de trois mois de préavis soit 7.650 € outre 765 € de congés payés.

La société Sodia Aquitaine qui succombe dans sa résistance devra supporter les dépens et contribuer par le versement d'une somme de 2.000 € aux frais non taxables exposés par la salariée.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

' infirmant le jugement déféré,

'dit que le licenciement de Madame [F] est nul en raison du harcèlement moral qu'elle a subi,

' condamne la société Sodia Aquitaine à payer à Madame [F] les sommes suivantes :

- 33.150 € (trente trois mille cent cinquante euros) de dommages-intérêts au titre du

licenciement,

- 10.000 € (dix mille euros) de dommages-intérêts pour l'atteinte portée à son état de

santé,

- 7.650 € (sept mille six cent cinquante euros) d'indemnité compensatrice de congés

payés outre 765 € (sept cent soixante cinq euros) au titre des congés payés,

- 2.000 € (deux mille euros) en application de l'article 700 du code de procédure civile,

' rejette toute autre demande,

' condamne la société Sodia Aquitaine aux dépens tant de première instance que d'appel.

Signé par Madame Monique Castagnède, Président, et par Madame Anne-Marie Lacour-Rivière, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A-M Lacour-Rivière M. Castagnède


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 10/02534
Date de la décision : 05/06/2012

Références :

Cour d'appel de Bordeaux 4A, arrêt n°10/02534 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-06-05;10.02534 ?
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