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22/05/2012 | FRANCE | N°11/04625

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 22 mai 2012, 11/04625


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



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ARRÊT DU : 22 MAI 2012



(Rédacteur : Madame Raphaëlle Duval-Arnould, Conseiller)

(PH)



PRUD'HOMMES



N° de rôle : 11/04625











Monsieur [F] [P]



c/



SAS Pny Technologies Europe













Nature de la décision : AU FOND













Notifié par LR

AR le :



LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :



La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par

voie de signification (acte d'huissier).



Certifié par le Greffier en Chef,





Grosse délivrée le :



à :



Décision déférée à la Cour : jugement...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 22 MAI 2012

(Rédacteur : Madame Raphaëlle Duval-Arnould, Conseiller)

(PH)

PRUD'HOMMES

N° de rôle : 11/04625

Monsieur [F] [P]

c/

SAS Pny Technologies Europe

Nature de la décision : AU FOND

Notifié par LRAR le :

LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :

La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par

voie de signification (acte d'huissier).

Certifié par le Greffier en Chef,

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 28 juin 2011 (RG n° F 10/02380) par le Conseil de Prud'hommes - formation paritaire - de Bordeaux, section Encadrement, suivant déclaration d'appel du 07 juillet 2011,

APPELANT :

Monsieur [F] [P], né le [Date naissance 1] 1946 à [Localité 3], de

nationalité Française, retraité, demeurant [Adresse 2],

Représenté par Maître Laëtitia Schouartz, avocat au barreau de Bordeaux,

INTIMÉE :

SAS Pny Technologies Europe, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, [Adresse 4],

Représentée par Maître Cyril Gaillard, avocat au barreau de Paris,

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 13 février 2012 en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Brigitte Roussel, Président,

Madame Maud Vignau, Président,

Madame Raphaëlle Duval-Arnould, Conseiller,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Anne-Marie Lacour-Rivière.

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

La SA Pny Technologies Europe, immatriculée au registre du commerce et des sociétés le 3 mai 1994, a, par procès-verbal de première délibération du 1er avril 1994, nommé M. [F] [P], président du conseil d'administration pour la durée de son mandat d'administrateur. Elle prenait la forme d'une société par actions simplifiées le 30 juin 2000, M. [P] en devenant le président directeur général.

Concomitamment, un contrat de travail en date du 14 mars 1994 était signé entre la SAS Pny Technologies Europe et M. [P], en qualité de directeur de la stratégie et des approvisionnements à effet au 6 avril 1994.

Par décision du 7 avril 2010, l'associé unique de la SAS Pny Technologies Europe le révoquait de son mandat de président directeur général.

Après avoir reçu notification de rester à son domicile à compter du 9 avril 2010, M. [P] était licencié, le 19 mai 2010, pour cause réelle et sérieuse.

Le 8 septembre 2010, celui-ci saisissait le Conseil de Prud'hommes pour contester les motifs de son licenciement, obtenir des dommages-intérêts pour licen-ciement sans cause réelle et sérieuse et présenter diverses demandes salariales et au titre du solde de l'indemnité contractuelle de licenciement.

Par jugement en date du 28 juin 2011, le Conseil de Prud'hommes de Bordeaux a dit que M. [P] n'avait pas la qualité de salarié de la SAS Pny Technologies Europe et que ses demandes sont dès lors irrecevables, l'a débouté, en conséquence, de l'intégralité de ses demandes et condamné à payer à la SAS Pny Technologies Europe la somme de 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [F] [P] a relevé appel du jugement.

Entendu en ses observations au soutien de ses conclusions auxquelles il est fait expressément référence, il demande d'infirmer le jugement, de dire le licen-ciement abusif, de condamner la SAS Pny Technologies Europe à lui verser les sommes de 302.331 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif et vexatoire, de 212.059,97 € à titre de solde de l'indemnité de licenciement, de 885.000 € à titre de rappel de salaire correspondant à la partie variable, outre congés payés afférents, de 50.000 € à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions développées oralement auxquelles il est fait expressément référence, la SAS Pny Technologies Europe demande, à titre principal, de dire qu'en l'absence d'antériorité par rapport au mandat social, le contrat de travail conclu entre M. [P] et elle apparaît fictif, à titre subsidiaire, que M. [P] ne remplissait pas les conditions requises pour pouvoir cumuler un contrat de travail et un mandat social, que le licenciement est justifié, que M. [P] a été rempli de ses droits, en toute hypothèse, de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [P] de l'ensemble de ses prétentions, de le condamner à lui verser la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour plus ample exposé des circonstances de fait, de la procédure et des prétentions des parties, il convient de se référer au jugement déféré et aux conclusions des parties.

MOTIFS DE LA DÉCISION

M. [P] soutient, à l'appui de sa contestation du licenciement, que l'employeur ne peut soutenir sérieusement que tout en faisant signer postérieurement au mandat social, un contrat de travail au salarié, il décidait dans le même temps de suspendre le contrat de travail, que, dès avril 1994, il a perçu une double rémunération démontrant le cumul du contrat de travail et du mandat social, que dans le cadre de sa fonction de directeur, il a souhaité s'entourer d'une équipe compétente, que c'est en raison de son expérience dans son précédent emploi qu'il a été recruté et qu'il a pleinement assuré sa fonction de directeur, que le certificat de travail fait mention de la double qualité, que la lettre de licenciement ne fait état que de faits produits à l'occasion du mandat.

La SAS Pny Technologies Europe réplique qu'en l'absence de lien de subordination, de fonctions techniques et de rémunération distincte, le contrat de travail dont se prévaut M. [P] était en réalité purement fictif, d'autant qu'il n'a jamais exercé de fonctions salariées au sein de la société avant de devenir mandataire social, subsidiairement que le contrat de travail a été pour le moins suspendu pendant l'exercice du mandat social.

Si, a priori, il n'existe pas d'incompatibilité de principe entre les fonctions de salarié et celle du président du conseil d'administration, notamment lorsque l'intéressé était auparavant salarié de l'entreprise, encore faut-il qu'en tant que salarié, l'intéressé exerce dans les faits des fonctions techniques distinctes de son mandat social, sous lien de subordination à l'entreprise et faisant l'objet d'une rémunération spécifique.

En premier lieu, il n'est pas discuté que si le contrat de travail de M. [P] a été signé le 14 mars 1994, il y est précisé qu'il ne prendra effet qu'à compter du 6 avril 1994, soit postérieurement à sa nomination de président directeur général le1er avril 1994, étant observé qu'aucune période d'essai n'était prévue au contrat de travail. M. [P] ne peut donc se prévaloir de l'antériorité d'une relation effective de travail par rapport à son mandat social.

En outre, par procès-verbal de délibération du 1er avril 1994, le conseil d'administration de la SAS Pny Technologies Europe a délégué à M. [P], en tant que président du conseil d'administration, les pouvoirs généraux les plus larges, sous réserve de l'autorisation du conseil d'administration pour certaines opérations précisées.

L'organigramme de la SAS Pny Technologies Europe produit montre que M. [P] apparaît uniquement en qualité de président, alors que l'entreprise comprend 140 salariés et ne figure nullement à une quelconque fonction technique de directeur.

Ainsi que le premier juge l'a justement relevé, M. [P] qui, en sa qualité de président du conseil d'administration, avait le pouvoir de nommer et de révoquer les directeurs et a, dans ce cadre, engagé le 22 juin 1994, d'abord M. [O] [Y] en qualité de directeur des achats, son contrat de travail précisant qu'il exerçait ses fonctions 'sous le contrôle et l'autorité de M. [P], PDG de la société,' puis le 5 décembre 1995 M. [H] [Z] en qualité de responsable commercial devenant ensuite directeur commercial, et également M. [M] [N], responsable de comptes stratégiques. Il a ainsi délégué à deux directeurs salariés placés sous sa subordination les fonctions qui étaient, aux termes du contrat de travail les siennes en tant que de directeur de la stratégie et des approvisionnements.

Pour s'opposer à la contestation de l'existence d'un contrat de travail et pour justifier de fonctions techniques exercées sous lien de subordination, M. [P] produit les attestations de M. [Y], de M. [N] et de M. [E]. l'attestation de ce dernier ne sera pas prise en considération, étant rédigée en anglais et non traduite.

M. [Y] et M. [N], qui travaillaient sous la subordination de M. [P], attestent que celui-ci exerçait effectivement la fonction de direction des stratégies et approvisionnements, le premier indiquant qu'il prenait les directives de la maison mère, les deux indiquant qu'il participait activement aux négociations de prix et stratégies d'approvisionnement, le second ajoutant qu'il avait un rôle de 'décideur'.

Toutefois, ces deux attestations, pas plus que les écritures de M. [P] n'établissent en quoi les fonctions techniques alléguées se distinguaient de celles de mandataire social et qu'elles étaient effectuées sous lien de subordination de la société, alors que les directives reçues du conseil d'administration ou en l'occurrence de l'associé unique, M. [G] [B], ne sauraient suffire à créer un lien de subordination et alors qu'il ne ressort pas des attestations une distinction claire entre les fonctions salariées et le mandat social exercé par M. [P]. Dès lors, ces attestations ne sont pas suffisantes à démontrer l'existence d'une activité salarié distinct des fonctions de dirigeant et sous la subordination de la société qu'il dirige.

En outre, l'existence d'un contrat de travail écrit, de bulletins de salaire, d'une lettre de licenciement et d'un certificat de travail ne sont pas suffisants à établir l'effectivité d'une relation de travail salarié sous un lien de subordination.

En effet, en ce qui concerne la rémunération versée, M. [P] produit des bulletins de salaire d'avril 1994 jusqu'en avril 2006 et la SAS Pny Technologies Europe d'août 2009 à septembre 2010. Si pour la première période, il a été établi simultanément deux bulletins de salaire, l'un en qualité de directeur stratégie et approvisionnement et l'autre en qualité de président directeur général avec des rémunérations distinctes, pour la seconde période (aucun renseignement n'étant donné sur la période intermédiaire), il n'est plus établi qu'un seul bulletin de salaire par mois mentionnant la seule qualité de président directeur général avec une rémunération globale, par cumul des deux précédentes.

M. [P] verse également aux débats des 'prévisions de congés' à son nom qui ne sont signées ni de lui-même comme demandeur, ni ne sont visées par le 'chef de service', ni par la 'direction' dans les cases prévues à cet effet et une note d'information de la direction relative au droit individuel à la formation, pas plus signée, étant observé que M. [P] représente la direction à l'échelon le plus élevé de la société. Ces documents ne sauraient donc être probants, n'étant pas même signés.

En outre, sans contester lorsque l'ASSEDIC du Sud-Ouest, par courrier du 5 décembre 1994, lui a notifié qu'il ne pouvait bénéficier du régime d'assurance chômage, M. [P] a fait souscrire un contrat d'assurance chômage dirigeants et chefs d'entreprise auprès de la compagnie GAN assurances.

Par ailleurs, si M. [P] invoque, à juste titre, le fait que les motifs de la lettre de licenciement ressortent de ses fonctions de président directeur général, toutefois, cet élément tendrait plutôt à démontrer qu'aucune distinction ne peut être opérée entre des fonctions techniques qui ont été déléguées à des salariés recrutés à cet effet et celles relevant du mandat social.

Au surplus, il y a lieu d'observer que postérieurement à sa révocation de président directeur général, M. [P] n'a exercé aucune fonction salariée jusqu'à son licenciement, soit pendant un mois et onze jours, l'associé unique lui ayant, certes, notifié, le 7 avril 2010, de rester à son domicile.

Il ressort de l'ensemble de ces éléments qu'aucune fonction technique ou activité de nature salariale distincte du mandat social et sous un lien de subordination à la société qu'il dirige par ailleurs ou du conseil d'administration de celle-ci et de l'associé unique, n'est établie, malgré l'apparence fournie par la signature d'un contrat de travail des bulletins de salaire distincts, pour la première partie du mandat social, confondus ensuite et la procédure de licenciement.

Dans ces conditions, il apparaît que, M. [P] n'ayant exercé aucune activité dans un lien de subordination à l'égard de la société, le contrat de travail signé le 14 mars 1994 était fictif et, par conséquent, n'a pu produire aucun effet, ni pendant l'exercice du mandat social, ni postérieurement après sa révocation.

Dès lors, il n'y a pas lieu de statuer sur l'ensemble des demandes de M. [P] qui doivent être rejetées, tant au titre de l'exécution d'un contrat de travail que du licenciement devenu sans objet et des indemnités en découlant.

M. [P] qui succombe en son appel, doit supporter la charge des dépens et voir rejeter sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Il convient d'accorder à la SAS Pny Technologies Europe une indemnité supplémentaire pour participation à ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Sur l'appel de M. [F] [P] contre le jugement du Conseil de Prud'hommes de Bordeaux en date du 28 juin 2011.

' Confirme le jugement en toutes ses dispositions, sauf à préciser que le contrat de travail était fictif.

Y ajoutant :

' Condamne M. [F] [P] à payer à la SAS Pny Technologies Europe la somme de 3.000 € (trois mille euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

' Condamne M. [F] [P] aux entiers dépens.

Signé par Madame Brigitte Roussel, Président, et par Madame Anne-Marie Lacour-Rivière, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A-M. Lacour-Rivière B. Roussel


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 11/04625
Date de la décision : 22/05/2012

Références :

Cour d'appel de Bordeaux 4A, arrêt n°11/04625 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-05-22;11.04625 ?
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