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08/03/2012 | FRANCE | N°10/06086

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section b, 08 mars 2012, 10/06086


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION B



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ARRÊT DU : 08 MARS 2012

fc

(Rédacteur : Madame Katia SZKLARZ, Vice-Présidente placée)



SÉCURITÉ SOCIALE



N° de rôle : 10/06086





















La CAISSE DE MUTUALITE SOCIALE AGRICOLE DE LA GIRONDE



c/



Monsieur [W] [R]













Nature de la décisi

on : AU FOND







Notifié par LRAR le :



LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :



La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d'huissier).



Certifié par le Greffier en Chef,



Grosse délivrée le :



à :

Décis...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION B

--------------------------

ARRÊT DU : 08 MARS 2012

fc

(Rédacteur : Madame Katia SZKLARZ, Vice-Présidente placée)

SÉCURITÉ SOCIALE

N° de rôle : 10/06086

La CAISSE DE MUTUALITE SOCIALE AGRICOLE DE LA GIRONDE

c/

Monsieur [W] [R]

Nature de la décision : AU FOND

Notifié par LRAR le :

LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :

La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d'huissier).

Certifié par le Greffier en Chef,

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 06 septembre 2010 (R.G. n°09/46743) par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de GIRONDE, , suivant déclaration d'appel du 11 octobre 2010,

APPELANTE :

La CAISSE DE MUTUALITE SOCIALE AGRICOLE DE LA GIRONDE,

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social

[Adresse 1]

représentée par Monsieur [Z] [J] rédacteur juridique de la MSA muni d'un pouvoir régulier,

INTIMÉ :

Monsieur [W] [R],

demeurant [Adresse 2]

représenté par Maître Khayra BELHADI loco Maître François RUFFIE, avocats au barreau de LIBOURNE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 26 janvier 2012, en audience publique, devant Madame Katia SZKLARZ, Vice-Présidente placée chargé d'instruire l'affaire, qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Jean-Paul ROUX, Président,

Madame Myriam LALOUBERE, Conseiller,

Madame Katia SZKLARZ, Vice-Présidente Placée,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Chantal TAMISIER,

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES:

Depuis août 2008, Monsieur [W] [R] bénéficie d'une pension vieillesse pour inaptitude au titre du régime des salariés agricoles. Il a demandé à bénéficier, pour la détermination de ses droits à pension de retraite au titre de l'assurance vieillesse du régime général, de la majoration de la durée d'assurance prévue par l'article L. 35l-4 du code de la sécurité sociale. La Caisse de Mutualité Sociale Agricole de la Gironde lui a signifié un refus de majoration par courrier en date du 2 octobre 2009.

Monsieur [R] a alors saisi le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de la Gironde.

Par jugement en date du 6 septembre 2010, le tribunal a décidé que Monsieur [R] est en droit de bénéficier de la majoration de la durée d'assurance prévue par l'article L. 351-4 du code de la sécurité sociale.

La Caisse de Mutualité Sociale Agricole de la Gironde a relevé appel de cette décision dans des conditions de forme et de délais qui ne sont pas discutées.

Par conclusions écrites auxquelles il convient de se référer, la Caisse de Mutualité Sociale Agricole de la Gironde demande à la Cour de réformer le jugement.

Elle se réfère à la lettre du texte tant en sa nouvelle rédaction qu'en sa rédaction du 24 décembre 2009 qu'elle dit non applicable à Monsieur [W] [R] car il avait acquis ses droits à la retraite avant la prise d'effet de la loi de financement du 24 décembre 2009. Elle soutient que, Monsieur [W] [R] ne rapportant pas la preuve qu'il a élevé seul l'enfant, il ne peut pas bénéficier de la majoration de durée d'assurance pour enfants qu'il revendique

Par conclusions écrites auxquelles il convient de se référer, Monsieur [W] [R] demande la confirmation du jugement. Il soutient, comme devant le tribunal que les dispositions de l'article L. 351-4 du code de la Sécurité Sociale, dans son ancienne version comme dans sa nouvelle rédaction, sont discriminatoires vis à vis des pères et que la majoration de la durée d'assurance vieillesse a été étendue aux hommes par la Cour de Cassation conformément à l'article 14 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales.

Il estime que le principe d'intangibilité avancé par la Caisse ne peut pas lui être opposé, les pensions pouvant toujours être recalculées pour tenir compte d'un versement antérieur qui n'aurait pas été pris en compte au moment de la liquidation, ce principe ne peut donc pas interdire à la Caisse de rectifier le montant de la pension de retraite qui lui a été notifié.

Il sollicite en outre le paiement de la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION:

Selon l'article 14 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales, 'la jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention doit être assurée sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation'.

Le droit de propriété est garanti par la Convention aux termes de l'article 1er du Protocole additionnel n°1 qui indique que toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens.

La Convention Européenne des Droits de l'Homme interdit donc toute discrimination fondée notamment sur le sexe au titre du droit de propriété garanti par la Convention et à ce titre, une législation prévoyant le versement automatique d'une prestation sociale, que l'octroi de celle-ci dépende ou non du versement préalable de cotisations, engendre un intérêt patrimonial relevant du champ d'application de la Convention.

Par ailleurs, les dispositions de la Convention Européenne des Droits de l'Homme telle qu'interprétée par la Cour Européenne des Droits de l'Homme s'imposent au juge national de tout Etat Contractant, qui doit en faire application quelque soit la compatibilité de la législation nationale avec ladite Convention sans qu'il ait à se substituer au législateur.

L'article L. 351-4 du Code de la Sécurité Sociale tel que modifié par la loi du 24 décembre 2009 portant réforme des retraites dispose que:

'I : une majoration de durée d'assurance de 4 trimestres est attribuée aux femmes assurées sociales, pour chacun de leurs enfants, au titre de l'incidence sur leur vie professionnelle de la maternité, notamment de la grossesse et de l'accouchement.

II : il est institué au bénéfice du père ou de la mère assuré social une majoration de durée d'assurance de 4 trimestres attribuée pour chaque enfant mineur au titre de son éducation pendant les 4 années suivant sa naissance ou son adoption ;

Les parents désignent d'un commun accord le bénéficiaire de la majoration ou le cas échéant définissent la répartition entre eux de cet avantage...'

L'article 65 de la loi du 24 décembre 2009 dispose que 'pour les enfants nés ou adoptés avant le 1er janvier 2010, les majorations prévues au II et III de l'article L.351-4 du Code de la Sécurité Sociale sont attribuées à la mère sauf si, dans le délai d'un an à compter de la publication de la présente loi, le père de l'enfant apporte la preuve auprès de la Caisse d'assurance vieillesse qu'il a élevé seul l'enfant pendant une ou plusieurs années au cours de ses 4 premières années ou des 4 années suivant son adoption'.

Ainsi, le législateur a entendu modifier les conditions d'attribution de la majoration pour enfants, en prévoyant que 4 des 8 trimestres antérieurement attribués à la femme lui resteraient acquis pour chaque enfant, en indiquant expressément que cette attribution était destinée à compenser l'incidence sur leur vie professionnelle de la maternité, et notamment de la grossesse et de l'accouchement, et que les 4 trimestres restant devaient être attribués à l'un ou l'autre des parents au titre de l'éducation des enfants. Toutefois, pour les enfants nés avant le 1er janvier 2010, cette dernière disposition ne trouve pas application, le père ne pouvant prétendre à l'attribution de la majoration qu'à certaines conditions, il doit notamment rapporter la preuve qu'il a élevé seul l'enfant.

Si la majoration pour enfant instaurée par l'article L 351-4 1 du Code de la Sécurité Sociale répond de façon légitime et proportionnée à l'objectif lié à l'incidence de la grossesse et de l'accouchement sur la vie professionnelle des femmes, et n'est pas discriminatoire au sens de l'article 14 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme, tel n'est pas le cas en ce qui concerne le 2 du même article. En effet, pour les enfants nés avant le 1er janvier 2010, le législateur a maintenu l'attribution de 4 trimestres à la mère au titre de l'incidence sur la vie professionnelle de l'éducation des enfants, sauf pour le père à rapporter la preuve dans un certain délai qu'il a élevé seul ses enfants, condition non imposée à la mère. Le maintien de cette inégalité pour les enfants nés avant le 1er janvier 2010 n'a aucune justification au regard du but poursuivi par le législateur.

En conséquence, la Cour constate qu'il subsiste toujours, avec la loi du 24 décembre 2009, une inégalité de traitement entre hommes et femmes quant à l'attribution d'une majoration pour enfants, le père devant justifier qu'il a élevé seul un enfant né avant le 1er juin 2010 alors que la mère peut bénéficier de la majoration d'assurance même si elle a élevé l'enfant avec le père de celui-ci.

Les dispositions de l'article L. 351-4, dans son ancienne version comme dans sa nouvelle rédaction, sont donc discriminatoires au sens de l'article 14 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme et ne peuvent pas être opposées par la Caisse à Monsieur [W] [R].

Il y a donc lieu de confirmer le jugement du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de la Gironde en toutes ses dispositions en précisant que les droits de Monsieur [W] [R] doivent être liquidés en retenant la rédaction de l'article L. 351-4 en vigueur au jour de sa demande à la Caisse.

Il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties les frais inhérents à l'instance.

PAR CES MOTIFS:

La Cour,

CONFIRME le jugement du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de la Gironde en date du 6 septembre 2010 en toutes ses dispositions

Y ajoutant,

DIT que les droits de Monsieur [W] [R] doivent être liquidés en retenant la rédaction de l'article L. 351-4 en vigueur au jour de sa demande à la Caisse

DÉBOUTE Monsieur [W] [R] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Signé par Monsieur Jean-Paul ROUX, Président, et par Chantal TAMISIER, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

C. TAMISIER Jean-Paul ROUX


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section b
Numéro d'arrêt : 10/06086
Date de la décision : 08/03/2012

Références :

Cour d'appel de Bordeaux 4B, arrêt n°10/06086 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-03-08;10.06086 ?
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