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28/02/2012 | FRANCE | N°10/04495

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 28 février 2012, 10/04495


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



--------------------------







ARRÊT DU : 28 FÉVRIER 2012



(Rédacteur : Madame Raphaëlle Duval-Arnould, Conseiller)

(PH)



PRUD'HOMMES



N° de rôle : 10/04495











SAS Aloha



c/



Mademoiselle [Y] [L]













Nature de la décision : AU FOND











Notifié par LRAR le :

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LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :



La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par

voie de signification (acte d'huissier).



Certifié par le Greffier en Chef,





Grosse délivrée le :



à :





Décision déférée à la Cour : jugement rendu le ...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 28 FÉVRIER 2012

(Rédacteur : Madame Raphaëlle Duval-Arnould, Conseiller)

(PH)

PRUD'HOMMES

N° de rôle : 10/04495

SAS Aloha

c/

Mademoiselle [Y] [L]

Nature de la décision : AU FOND

Notifié par LRAR le :

LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :

La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par

voie de signification (acte d'huissier).

Certifié par le Greffier en Chef,

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 06 juillet 2010 (RG n° F 09/02669) par le Conseil de Prud'hommes - formation paritaire - de Bordeaux, section Activités Diverses, suivant déclaration d'appel du 16 juillet 2010,

APPELANTE :

SAS Aloha, agissant en la personne de son représentant légal domicilié

en cette qualité au siège social, [Adresse 3],

Représentée par Maître Muriel Charbonneau de la AARPI Lionel Rivière - Jean-François Morlon & associés, avocats au barreau de Bordeaux,

INTIMÉE :

Mademoiselle [Y] [L], née le [Date naissance 2] 1977, demeurant [Adresse 1],

Représentée par Maître Florian Bécam, avocat au barreau de Bordeaux,

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 07 novembre 2011 en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Brigitte Roussel, Président,

Madame Maud Vignau, Président,

Madame Raphaëlle Duval-Arnould, Conseiller,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Martine Meunier.

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

Melle [Y] [L] a été engagée à compter du 1er juin 2005 en qualité d'hôtesse d'accueil par la SARL Aloha, qui gère une maison de retraite et qui deviendra la SAS Aloha, après rachat et intégration au groupe Sigma en décembre 2006.

Par avenant du 4 février 2008, Melle [L] était classée hôtesse d'accueil position 1, niveau employé, coefficient 194 de la convention collective nationale de l'hospitalisation privée applicable depuis le 1er janvier 2008, la SAS Aloha ayant obtenu le statut d'EHPAD.

Melle [L] a été en arrêt de travail pour maladie du 3 mars 2008 au 6 avril 2008, puis à plusieurs reprises de cette date à juin 2009.

Le 24 février 2009, une mise à pied disciplinaire de deux jours lui étaient notifiée.

Le médecin du travail la déclarant, le 2 juin 2009, inapte définitive à son poste en une seule visite, Melle [L] était licenciée pour inaptitude physique sans possibilité de reclassement le 26 juin 2009.

Le 29 septembre 2009, elle saisissait le Conseil de Prud'hommes pour contester son licenciement, obtenir des dommages-intérêts pour licenciement nul en raison d'un harcèlement moral et présenter diverses demandes salariales.

Par jugement en date du 6 juillet 2010, le Conseil de Prud'hommes de Bordeaux a, considérant l'absence de harcèlement moral et le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, condamné la SAS Aloha à payer à Melle [L] les sommes de 9.900 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de 2.933,46 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre congés payés afférents, de 2.782,23 € à titre de rappel de salaire sur la revalorisation au coefficient 211, outre congés payés afférents, de 367,80 € au titre de la prime d'ancienneté, de 115 € à titre de rappel de salaire sur la mise à pied disciplinaire, outre intérêts au taux légal, et de 800 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ordonnant le remboursement à l'ASSEDIC Aquitaine des indemnités de chômage versées dans la limite de quatre mois et rejetant toutes autres demandes.

La SAS Aloha a relevé appel du jugement.

Entendue en ses observations au soutien de ses conclusions auxquelles il est fait expressément référence, elle demande de réformer le jugement sur les condamnations prononcées, de débouter Melle [L] de l'intégralité de ses demandes et de la condamner à lui payer la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions développées oralement auxquelles il est fait expressément référence, Melle [Y] [L] demande de réformer le jugement, excepté en ce qui concerne l'indemnité de préavis, celle de congés payés afférents et le rappel de salaire sur la mise à pied, de constater le harcèlement moral et de dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse, de condamner la SAS Aloha à lui payer les sommes de 20.000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul, subsidiairement pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de 3.060,43 € à titre de rappel de salaire en

conséquence de la requalification de son poste, de 4.923,32 € au titre de la garantie annuelle de rémunération, outre congés payés afférents, de 7.543,50 € au titre des heures supplémentaires, outre congés payés afférents, de 1.016,39 € à titre de prime d'ancienneté, outre congés payés afférents, de 1.004,58 € à titre de rappel de salaire de mars à juin 2009 (arrêt de maladie), de 1.500 € à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral et de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour plus ample exposé des circonstances de fait, de la procédure et des prétentions des parties, il convient de se référer au jugement déféré et aux conclusions des parties.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur les demandes salariales

- au titre de la classification

Il appartient au salarié qui revendique une qualification différente de celle mentionnée au contrat de travail de rapporter la preuve des fonctions effectivement exercées dans le cadre de la relation de travail.

Au titre des fonctions d'hôtesse d'accueil, le contrat de travail prévoit que 'Melle [L] devra assurer la permanence téléphonique, l'accueil des résidants, préparation des dossiers ainsi que la partie informatique qui en découle'.

Melle [L] soutient qu'elle était en droit de prétendre à la qualification de technicienne, coefficient 241 pour un poste de secrétaire administrative, comptable et médicale et à tout le moins à la qualification d'employée hautement qualifiée, coefficient 211. Elle demande des rappels de salaire uniquement sur la base du coefficient 211 depuis janvier 2006.

En ce qui concerne les fonctions exercées, il ressort du registre du personnel et des fiches de préparation de paye produits, qu'il n'y avait pas de secrétaire dans l'établissement, ce que confirme implicitement, dans son attestation, Mme [I], salariée de l'EHPAD Agora, venue notamment la remplacer Melle [L] pendant ses absences pour arrêts de travail.

Dès lors, même si, dans ses écritures, Melle [L] amplifie manifes- tement les tâches et responsabilités qui étaient les siennes, il n'en demeure pas moins qu'elle devait être amenée à effectuer, pour le moins, quelques tâches administratives ou de secrétariat, en l'absence de secrétaire, même si la gestion des établissements était centralisée au siège du groupe. Il apparaît donc que son poste avait une certaine polyvalence et qu'à ce titre, elle pouvait prétendre à la classification au coefficient 211 à compter de janvier 2008, date d'application à l'établissement de la convention collective nationale de l'hospitalisation privée, et non dès son embauche, aucune convention collective n'étant applicable.

Sur le rappel de salaire au titre de la classification, il convient de constater que Melle [L] se réfère, comme salaire versé par l'employeur, au seul salaire de base de 1.298,70 € bruts au coefficient 195 perçu en janvier 2009, pour l'appliquer depuis janvier 2006 jusqu'à mars 2009, qu'elle ne peut omettre le 'complément différentiel SMIC' versé, soit 153,51 € en janvier 2009, portant le salaire à 1.452,21 € bruts, dès lors que le salaire minimum garanti conventionnellement était inférieur au SMIC.

En outre, au vu des bulletins de salaire produits, le salaire qui lui a été versé était de 1.395,95 € bruts en janvier 2006, alors qu'elle invoque un salaire brut au coefficient 211 de 1.325,08 € à la même date, de même en juin 2006, le salaire versé était de 1.452,21 € au coefficient 195 pour un salaire réclamé au coefficient 211 de 1.339,85 €, soit d'un montant inférieur à celui perçu et en janvier 2009, elle invoque un salaire de 1.405,26 € au coefficient 211, alors que son salaire était de 1.452,21 €. Il s'ensuit que Melle [L] ne saurait prétendre à aucun rappel de salaire au titre de la classification au coefficient 211. Le jugement sera donc réformé de ce chef.

- au titre de rémunération annuelle garantie

Melle [L] soutient qu'elle n'a pas reçu la rémunération annuelle garantie prévue par l'article 74 de la convention collective et qui ne peut être inférieure au cumul annuel des rémunérations mensuelles conventionnelles brutes.

Or, la SAS Aloha réplique à juste titre que l'article 73-1 bis de l'annexe à la convention collective nationale EHPAD du 10 décembre 2002 prévoit que le salaire minimum conventionnel (SMC) est calculé sur la valeur du point et que lorsque le SMC est inférieur au SMIC, il est versé un complément différentiel chaque mois, que Melle [L] ne tient pas compte des congés payés et de ses nombreux arrêts de travail dans le montant annuel des salaires versés.

En effet, il y a lieu de relever que Melle [L] ne produit aucun décompte détaillé, ni ne précise les éléments de calcul retenus au titre du salaire annuel perçu et de la rémunération annuelle garantie, et que, nombre de bulletins de salaire ne sont pas produits par elle, notamment ceux du mois de décembre, hormis celui de décembre 2006. Ainsi que ci-dessus constaté au titre de la classification et compte tenu des arrêts de travail pour maladie, Melle [L] ne justifie pas ne pas avoir reçu le salaire minimum conventionnel, étant observé que, dans sa demande au titre du coefficient 211, elle se référait à la différence entre le salaire perçu au coefficient 195 et celui qu'elle aurait dû percevoir au coefficient 211, ce qui implique que le rappel de salaire demandé au titre de la classification incluait nécessairement le salaire minimum garanti, et donc la rémunération annuelle garantie. Le jugement sera donc confirmé sur le rejet de cette demande.

- au titre de prime d'ancienneté

La demande de Melle [L] de rappel de prime d'ancienneté pour la période antérieure au 1er janvier 2008 n'est pas fondée, dès lors que la convention collective nationale de l'hospitalisation privée n'était pas applicable.

Au vu des bulletins de salaire, Melle [L] a perçu de janvier 2008 à mars 2009, une prime de 1 % du salaire brut et à compter d'avril 2009, une prime de 3 %, le coefficient mentionné étant toujours le coefficient 195. Or, il y a lieu de relever que les grilles de salaire de déroulement de carrière de la convention collective tiennent compte de l'ancienneté dans l'évolution des coefficients et de la rémunération.

Dès lors, au vu de la rémunération versée et de dispositions conventionnelles, la demande de rappel de prime d'ancienneté, au demeurant non explicitée et sans décompte fourni, n'est pas fondée Le jugement sera donc réformé de ce chef.

- au titre du complément de salaire pendant les arrêt de travail pour maladie

Il convient de constater que, pas plus qu'en première instance, Melle [L] ne justifie de la somme de 1.004,58 € réclamée, pas même par un décompte détaillée, ni ne précise et justifie des sommes reçues au titre des indemnités journalières, se contentant d'affirmer que la SAS Aloha est débitrice de cette somme, alors que l'employeur déclare avoir reversé intégralement le complément calculé par la prévoyance Ociane. Le jugement sera donc confirmé sur le rejet de cette demande.

- au titre des heures supplémentaires

En application de l'article L.3171-4 du code du travail, si la charge de la preuve des heures effectivement travaillées par le salarié n'incombe spécialement à aucune des parties, l'employeur doit néanmoins fournir les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Il appartient, cependant, à celui-ci de fournir préalablement des éléments de nature à étayer sa demande et à rendre vraisem-blable l'accomplissement d'heures supplémentaires.

Melle [L] soutient qu'elle travaillait bien au-delà de 35 heures hebdomadaires et qu'elle a fait à minima une heure supplémentaire par jour, que les personnes qui travaillaient à ses côtés en témoignent, que le nombre d'heures supplémentaires peut être fixé à 5 heures hebdomadaires, soit 21,5 heures supplémen-taires par mois ce qui représente, au cours des cinq dernières années une somme de 7.543,50 € sur la base d'un taux horaire majoré à 25 % de 10.70 €.

La SAS Aloha conteste l'existence d'heures supplémentaires, et soutient, en en justifiant par les documents produits concernant la durée du travail, que la salariée ne tient pas compte de ses nombreuses absences maladie, perturbantes pour le fonction-nement de son poste de travail et que les heures supplémentaires sont payées aux salariés lorsqu'elles existent, ce qui n'était pas le cas de Melle [L].

Or, il convient de constater que Melle [L] ne produit pas le décompte annoncé dans ses écritures, qu'elle ne précise même pas le nombre d'heures supplémen-taires retenu, ni sur quelle période, ni si elle tient compte de ses absences pour diverses causes, arrêts de travail pour maladie, congés payés ou autre. Etant observé que l'ancienneté de Melle [L] à la date du licenciement était de quatre ans 26 jours, sa

demande ne peut porter sur les 'cinq dernières années', le seul élément justifiant d'heures supplémentaires sont des attestations, notamment de deux infirmières libérales déclarant que Melle [L] étaient présente après 18 heures lors de leur venue, sans plus de précision.

En outre, il y a lieu de relever qu'aucune heure supplémentaire n'est mentionnée sur les bulletins de salaire de Melle [L], que les fiches de préparation de paye des salariés mentionnent quelques heures supplémentaires effectuées par d'autres salariés et les absences de chacun, que l'horaire de travail de Melle [L] était de 9 h à 12 h et de 14 h à 18 heures du lundi au vendredi. Cependant, ces documents produits par l'employeur ne sont pas suffisants à établir les horaires effectivement réalisées par Melle [L].

Dès lors, il apparaît que le principe d'heures supplémentaires réalisées par Melle [L] est établi par les attestations susvisées, que, néanmoins, celles-ci ne sauraient justifier d'un nombre important d'heures supplémentaires réclamées, alors que les infirmières libérales ne font pas partie du personnel de l'établissement et ne sont présentes que ponctuellement, ou le fait que leurs attestations sont imprécises.

Dans ces conditions, la Cour a les éléments d'appréciation suffisants pour fixer, certes par approximation faute d'éléments produits suffisants, le nombre d'heures supplémentaires réalisées au cours de la relation de travail pendant quatre ans à 120 heures supplémentaires, représentant, sur la base du taux horaire majoré de 10,70 € retenu par la salariée, la somme de 1.284 €, outre congés payés afférents auxquels il sera fait droit. Le jugement sera donc réformé de ce chef.

- au titre de la mise à pied disciplinaire

Le courrier de notification de la mise à pied disciplinaire en date du 24 février 2009 énonce le motif suivant : avoir pris l'initiative d'engager la société dans un contrat publicitaire sur 36 mois d'un coût total de 27.720 € HT, sans délégation de la direction pour signer en son nom une telle commande. A ce courrier est jointe la copie de l'ordre d'insertion publicitaire, rempli par Melle [L] et portant sa signature avec le tampon de la SAS Aloha.

Pour contester la sanction, Melle [L] soutient qu'elle a été victime d'une escroquerie, ayant simplement adressé par fax les renseignements demandés et qu'elle signe habituellement les courriers recommandés et endosse même les chèques, ce que la SAS Aloha conteste.

Toutefois, il convient de constater que, même si la confiance de Melle [L] a été abusée, elle n'avait pas le pouvoir de signer une telle commande engageant son employeur, sans même en référer à la directrice, sa supérieur hiérarchique, qu'il s'agit d'une faute pour laquelle la sanction prononcée n'apparaît pas disproportionnée. Le jugement sera donc confirmé sur le rejet de cette demande.

Sur le harcèlement moral

Aux termes de l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

En outre, aux termes de l'article L.1154-1 du code du travail, dès lors que le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement, il incombe à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Melle [L] soutient qu'elle a été victime d'un véritable processus de harcèlement moral à la suite du changement de direction au sein de la résidence Aloha, qu'à titre subsidiaire, la responsabilité de l'employeur doit être retenue dans la sur-venance de l'inaptitude de la salariée, du fait de son obligation de sécurité de résultat.

Elle produit, en premier lieu et principalement, l'attestation au nom de Mme [N], aide-soignante, qui ne saurait être retenue, sans authenticité certaine, comme étant dactylographiée et n'étant pas signée, même si la photocopie de sa carte d'identité est jointe.

Au surplus, cette attestation apparaît peu sincère et avoir été inspirée par Melle [L], ainsi que l'invoque avec raison la SAS Aloha, dès lors que, d'une part, Mme [N] affirme des faits antérieurs à son embauche le 5 mai 2008 et postérieurs à son départ le 2 mars 2009, tel que Melle [L] était le 'bras droit' du directeur, M. [H], celui-ci ayant quitté l'établissement fin 2007.

En outre, elle énonce une liste de tâches qui seraient dévolues à Melle [L] et dont, en sa qualité d'aide-soignante, elle ne pouvait avoir connaissance, autrement que par les dires de Melle [L]. Il n'est pas, non plus, crédible que Mme [L] ait pu 'recevoir le commissaire aux comptes afin de contrôler les comptes' de l'entreprise, 'élaborer les contrats de travail du personnel, contrôler les plannings du personnel en vue du calcul de leur salaire et leur vérification', comme le déclare Mme [N].

D'autre part, les allégations contenues dans cette attestation sont contredites par l'attestation de l'expert-comptable et par l'attestation de Mme [W], infirmière référente, notamment sur l'existence de reproches subis par Melle [L], et précise qu'elle devait intervenir pour faire cesser ses altercations fréquentes avec certains membres du personnel. Il ne saurait, dès lors, être déduit de l'attestation de Mme [N], comme l'invoque Melle [L], que ses fonctions 'outrepassaient non seulement celles d'hôtesse d'accueil, mais aussi de secrétaire', ni qu'elle 'avait d'importantes responsabilités et un réel pouvoir de décision au sein de l'entreprise'.

Elle produit ensuite des extraits du 'blog' d'Aloha, émanant notamment de la représentante des familles qui fait état de l'absence de 'présence directoriale' et loue la présence du 'personnel compétent'. Il ne saurait y être vu un manque de personnel et un déficit structurel, comme le soutient Melle [L], et pas plus qu'un acte de harcèlement moral.

En outre, les attestations de Mme [D] et de Mme [V], parentes de résidents, des deux infirmières libérales susvisées, des médecins, le docteur [S] et le docteur [X], médecins traitants de résidents, qui font état des services rendus par Melle [L] et de son dévouement, ne mentionnent pas de faits qui pourraient relever du harcèlement moral, étant observé que le docteur [X] est également le médecin traitant de la salariée.

Par ailleurs, il convient de constater que Melle [L] ne désigne pas précisément quelle(s) serai(en)t la ou les personnes qui la harcelleraient, sauf à incriminer sa charge de travail et invoquer des 'brimades et remontrances quotidiennes' sans préciser de qui, ni lesquelles, ni quand précisément, 'le traitement particulièrement agressif et déplacé dont elle était victime de la part de M. [E]', agent d'entretien, seule Mme [N] en faisant état dans son attestation qui est contredite par une attestation adverse.

Il s'ensuit que Melle [L] n'établit pas, comme elle l'affirme, qu''il lui était demandé de réaliser des tâches excédant notablement ses fonctions initiales d'hôtesse d'accueil,' puis dans le même temps, sans cesse reproché 'd'en faire trop et de ne pas rester à sa place' et ni qu'elle subissait des brimades injustifiées.

Enfin, Melle [L] produit le dossier médical du médecin du travail, deux avis d'arrêt de travail pour maladie et un certificat médical du 18 mai 2009 de son médecin traitant, le docteur [X] lequel indique que 'Melle [L] [Y] est bien en arrêt maladie pour dépression réactionnelle (problèmes professionnels)'. Si ces documents médicaux font état d'un syndrome dépressif réactionnel, voire du surmenage, comme mentionné dans le dossier médical à la date de la visite du 15 avril 2008, ils ne sauraient établir que l'état de santé de la salariée ait pu être en relation avec des agissements de harcèlement moral, alors que ceux-ci ne sont pas établis.

Dès lors qu'aucun fait n'est établi permettant de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L.1152-1 du code du travail, la demande à ce titre n'est pas fondée.

Sur les manquements à l'obligation de sécurité de résultat

En ce qui concerne les manquements de l'employeur à son obligation de sécurité de résultats en matière de prévention des risques psychosociaux, Melle [L] se contente de reproduire sur six pages la réglementation et la jurisprudence en la matière, sans invoquer aucun élément de fait se rapportant à sa propre situation ou même à celle de l'établissement, si ce n'est qu'elle soutient qu''en l'espèce, il n'y avait pas de harceleur individuel, mais un système de management se fondant sur le règlement intérieur', en produisant deux pages du règlement intérieur entré en vigueur le 1er janvier 2009.

Or, la première page concerne l'article 1 sur les conditions d'embauche et la seconde page, l'article 2 sur les horaires de travail dont les horaires de bureaux représentant 7 heures de travail effectif par jour. Or, il convient de constater qu'aucun manquement de la SAS Aloha qui a l'obligation de fixer les horaires de travail de l'entreprise ne saurait être relevé à ce titre. Le jugement sera donc confirmé sur le rejet de cette demande.

Il s'ensuit que le licenciement ne saurait encourir la nullité, étant sans relation avec un harcèlement moral, ou même avec un manquement à l'obligation susvisée.

Sur la cause réelle et sérieuse du licenciement

Dans la fiche médicale d'aptitude en date du 2 juin 2009, le médecin du travail conclut ainsi : 'Inapte définitif à son poste et à tout poste dans l'entreprise en une seule visite selon l'article R. 4624-31 du code du travail. Pas de possibilité de reclassement dans l'entreprise. Risque de danger immédiat'.

La lettre de licenciement, dont les motifs fixent les limites du litige énonce en substance qu'au vu de la décision du médecin du travail susvisée, les démarches en vue d'un reclassement sont demeurées infructueuses, avec impossibilité d'effectuer le préavis.

Aux termes de l'article L.1226-2 du code du travail, lorsqu'à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou à un accident non professionnel, le salarié est déclaré par le médecin du travail inapte à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, compte tenu des conclusions écrites du médecin du travail et des indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise et aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail.

Or, contrairement à ce qu'affirme Melle [L] qui ne discute pas l'impossibilité de reclassement au sein de la SAS Aloha, le courrier envoyé le 4 juin 2009 par la SAS Aloha à 20 établissements EHPAD du groupe Sigma porte bien la recherche de postes disponibles à la 'fonction 'hôtesse d'accueil' ou tout poste administratif' et le retour du coupon-réponse de l'absence de poste disponible, sauf l'EHPAD Fleury qui a coché la case de poste disponible. La SAS Aloha produit en outre les registres du personnel des différents établissements, confirmant l'absence de poste disponible dans ces établissements.

Si le premier juge a considéré à juste titre que l'obligation de recherche de reclassement n'avait pas été remplie, dès lors que ce dernier poste n'avait pas été proposé à Melle [L], en appel la SAS Aloha justifie qu'il s'agit d'une erreur de case cochée en produisant l'attestation de la directrice, le registre du personnel de cet établissement le confirmant.

Il s'ensuit que la SAS Aloha justifie de recherche de reclassement et de l'absence de poste disponible et compatible avec les compétences et l'état de santé de Melle [L] au sein de l'entreprise et des sociétés du groupe. Le licenciement étant, par conséquent, justifié pour cause réelle et sérieuse, le jugement sera réformé de ce chef, ainsi que sur les dommages-intérêts et les indemnités de préavis et de congés payés afférents alloués.

Sur le préjudice moral

Melle [L] invoque, sans plus de précision, le 'caractère particulièrement abusif de la sanction' pour justifier d'un préjudice moral. Toutefois, tant le licenciement pour inaptitude que la sanction disciplinaire de mise à pied disciplinaire étant justifiés, sa demande de dommages-intérêts n'est pas fondée. Le jugement sera donc confirmé sur le rejet de cette demande.

Sur le remboursement au Pôle Emploi

Dès lors que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse, le jugement doit être réformé en ce qu'il a ordonné le remboursement à Pôle Emploi des allocations de chômage versées à la salariée dans la limite de quatre mois.

Sur les demandes accessoires

La SAS Aloha qui succombe très partiellement en son appel, doit supporter la charge des dépens et voir rejeter sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Il convient de laisser à la charge de Melle [L] ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Sur l'appel de la SAS Aloha contre le jugement du Conseil de Prud'hommes de Bordeaux en date du 6 juillet 2010.

' Réforme le jugement en ce qui concerne le rappel de salaire en fonction du coefficient 211, le licenciement sans cause réelle et sérieuse, la prime d'ancienneté.

' Confirme le jugement en ce qui concerne le rejet des demandes au titre du harcèlement moral, du salaire minimum garanti, du rappel de salaire pendant les arrêts de travail et de l'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

' Le réforme pour le surplus.

Et statuant à nouveau :

' Déboute Melle [Y] [L] de sa demande au titre du harcèlement moral.

' Dit que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse.

' Condamne la SAS Aloha à payer à Melle [Y] [L] les sommes de :

- 1.284,00 € (mille deux cent quatre vingt quatre euros) au titre des heures

supplémentaires,

- 128,40 € (cent vingt huit euros et quarante centimes) à titre d'indemnité de

congés payés sur heures supplémentaires.

' Déboute Melle [Y] [L] de ses autres demandes salariales.

' Dit n'y avoir lieu à remboursement à Pôle Emploi des allocations de chômage versées.

Y ajoutant :

' Dit n'y avoir de manquement de l'employeur à son obligation en matière de santé et de sécurité des travailleurs.

' Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.

' Condamne la SAS Aloha aux entiers dépens.

Signé par Madame Brigitte Roussel, Président, et par Madame Anne-Marie Lacour-Rivière, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A-M. Lacour-Rivière B. Roussel


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 10/04495
Date de la décision : 28/02/2012

Références :

Cour d'appel de Bordeaux 4A, arrêt n°10/04495 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-02-28;10.04495 ?
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