La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/02/2012 | FRANCE | N°09/01299

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section b, 09 février 2012, 09/01299


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION B



--------------------------









ARRÊT DU : 09 FEVRIER 2012



(Rédacteur : Madame Myriam LALOUBERE, Conseiller)



PRUD'HOMMES



N° de rôle : 09/01299

















Monsieur [G] [J]



c/



SAS EDITIONS TECHNIQUES POUR L'AUTOMOBILE ET L'INDUSTRIE





















Nature de la décision : A

U FOND







Notifié par LRAR le :



LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :



La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d'huissier).



Certifié par le Greffier en Chef,



Grosse délivrée le :



à :

Décision défé...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION B

--------------------------

ARRÊT DU : 09 FEVRIER 2012

(Rédacteur : Madame Myriam LALOUBERE, Conseiller)

PRUD'HOMMES

N° de rôle : 09/01299

Monsieur [G] [J]

c/

SAS EDITIONS TECHNIQUES POUR L'AUTOMOBILE ET L'INDUSTRIE

Nature de la décision : AU FOND

Notifié par LRAR le :

LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :

La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d'huissier).

Certifié par le Greffier en Chef,

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 26 février 2009 (R.G. n°F 08/198) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BORDEAUX, Section Commerce, suivant déclaration d'appel du 09 mars 2009,

APPELANT :

Monsieur [G] [J]

né le [Date naissance 2] 1966 à [Localité 3] ([Localité 3])

de nationalité Française

Profession : Attaché commercial

demeurant [Adresse 1]

représenté par Maître Françoise FAURIE, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉE :

La SAS EDITIONS TECHNIQUES POUR L'AUTOMOBILE ET L'INDUSTRIE

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social,

[Adresse 4]

représentée par Maître Jean Bernard MICHEL, avocat au barreau de LYON

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 23 novembre 2011 en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Jean-Paul ROUX, Président de chambre,

Madame Myriam LALOUBERE, Conseiller,

Madame Katia SZKLARZ, Vice Présidente placée,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Patricia PUYO adjoint administratif faisant fonction de greffier,

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

EXPOSE DU LITIGE

M. [G] [J] a été embauché, par contrat à durée indéterminée en date du 15 février 1999, par la SAS Editions Techniques pour l'Automobile et l'Industrie en qualité d'attaché commercial catégorie employé niveau 9 chargé du placement et la vente des ouvrages et articles et/ou distribués par la SAS auprès des librairies, maisons de presse, FNAC, grandes et moyennes surfaces ou tout autre revendeur.... qui lui seront indiqués par la Direction de la Diffusion qui pourra à tout moment modifier et/ou compléter la liste ci-dessus, moyennant un fixe mensuel, une prime quantitative semestrielle calculée sur les résultats obtenus, une prime de progression et une prime qualitative.

Ce contrat de travail prévoyait un secteur de prospection regroupant 11 départements et excluait expressément les circuits de vente par correspondance et par courtage.

Le contrat prévoyait enfin que M. [J] utiliserait son propre véhicule automobile d'une puissance plafonnée à 7 CV et qu'il serait indemnisé des frais kilométriques engagés par le paiement d'indemnités fixées conformément aux tarifs de l'administration fiscale.

Ce contrat initial a été remplacé par un contrat daté du 1er juillet 2002, dans le cadre de la nouvelle politique commerciale mise en place par la société E.T.A.I.

M. [J] est confirmé dans ses fonctions d'attaché commercial au statut employé niveau 9 chargé du placement et la vente des ouvrages (principalement des Beaux Livres) et articles et/ou distribués par la SAS auprès des librairies, maisons de presse, FNAC, grandes et moyennes surfaces ou tout autre revendeur ou catégorie de revendeurs qui lui seront indiqués par E.T.A.I qui pourra à tout moment modifier et/ou compléter la liste ci-dessus, sur une nouvelle zone de prospection regroupant 39 départements, pour une rémunération fixe mensuelle brute s'élevant à 1829,39€ outre une prime brute mensuelle de nouveautés, une prime brute mensuelle de reassort et une prime brute semestrielle de dépassement de l'objectif.

Le nouveau contrat exclue toujours les sociétés de vente par correspondance tout en prévoyant toujours que M. [J] utilisera son propre véhicule automobile d'une puissance plafonnée à 7 CV et qu'il sera indemnisé des frais kilométriques engagés par le paiement d'indemnités fixées conformément aux tarifs de l'administration fiscale.

Ce contrat de travail a fait l'objet de plusieurs avenants en général pour fixer les objectifs pour déterminer le montant des différentes primes, l'avenant du 26 décembre 2006 plafonnant les indemnités kilométriques à 0,30€ du kilomètre.

Ayant saisi le 25 janvier 2008 le Conseil des Prud'Hommes de BORDEAUX d'une demande de constat de rupture fautive du contrat de travail aux torts de l'employeur en raison de modifications des éléments essentiels de son contrat de travail, avec toutes conséquences de droit et de paiement de diverses indemnités et primes, M. [J] a été débouté, par jugement en date du 26 février 2009, de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail avec les conséquences en découlant, mais a obtenu la somme de 16.381,94€ au titre d'indemnités kilométriques impayés.

Par arrêt en date du 29 octobre 2009, la Cour d'Appel de BORDEAUX a réformé le jugement entrepris et dit que

- la société E.T.A.I était fondée à retirer le client AMAZONE

- M. [J] n'est pas fondé à réclamer un rappel de congés payés sur primes

et avant de statuer sur les autres demandes, a

- invité la société E.T.A.I à produire aux débats en original l'avenant n°6 du 1er juillet 2002 au contrat de travail

- ordonné une expertise confié à M. [Z] expert comptable à l'effet de fournir à la Cour tous les éléments propres à déterminer

. si pendant la période contractuelle litigieuse, les indemnités kilométriques prévues contractuellement sur la base du tarif administratif ou sur la base de l'avenant n°6 sont de nature à indemniser la totalité des frais engagés par M. [J] (amortissement compris, hors kilométrages à titre personnel)

. le potentiel du secteur confié à M. [J] par la société E.T.A.I en janvier 2008 par rapport aux précédent

. l'incidence de la baisse du chiffre d'affaires global sur la rémunération des attachés commerciaux de la société E.T.A.I.

M. [Z] a déposé son rapport d'expertise le 6 décembre 2010.

Par conclusions déposées le 21 novembre 2011, développées oralement et auxquelles il est expressément fait référence, M. [G] [J], après avoir répondu aux contestations de l'employeur portant sur la désignation de l'expert puis sur les conditions de rédaction de son rapport, demande à la Cour de dire et juger que

- l'employeur a porté atteinte à son contrat de travail en modifiant le montant de ses indemnités kilométriques

- l'employeur a porté atteinte à son contrat de travail en modifiant sans raison de façon illicite et abusive son secteur avec des conséquences sur sa rémunération

- l'employeur a adopté un comportement discriminatoire à son égard en lui réservant un traitement différent de celui adopté avec ses collègues s'agissant notamment des indemnités kilométriques et de l'assiette de la clientèle de son secteur

et que dés lors ces comportements justifient la résiliation du contrat de travail à la charge de l'employeur.

Il réclame dés lors à la société E.T.A.I le paiement des sommes suivantes

- 42.778,52€ en deniers ou quittances au titre des indemnités kilométriques

- 6690,84€ au titre du préavis outre les congés payés afférents

- 15.054€ d'indemnité de licenciement

- 280.000€ de dommages et intérêts pour rupture abusive

- 15.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions déposées le 13 octobre 2011 développées oralement et auxquelles il est expressément fait référence, la société E.T.A.I soulève tout d'abord la caducité de la désignation de l'expert, puis conteste les conditions de rédaction du rapport et demande en conséquence à la Cour de ne pas tenir compte du rapport déposé, demande la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a jugé qu'elle n'avait commis aucun manquement suffisamment grave pour justifier la résiliation du contrat de travail, le changement de secteur commercial confié à M. [J] ne résultant d'aucune faute de sa part pas plus que la baisse de sa rémunération.

Elle conclut à la réformation du jugement entrepris quant au remboursement d'indemnités kilométriques et subsidiairement, au vu de la signature de l'avenant n°6 par M. [J], que le rappel de frais de kilométriques ne saurait excéder la somme de 11.818,24€.

MOTIFS DE LA DECISION

* Sur les limites du débat actuel devant la Cour.

M. [G] [J], en saisissant le Conseil des Prud'Hommes de BORDEAUX demandait à celui-ci de dire que son contrat de travail était rompu par la faute de l'employeur en raison des atteintes portés par son employeur aux éléments essentiels du contrat de travail, à savoir

- non remboursement des indemnités kilométriques conformément au contrat de travail avec privation d'une partie non négligeable de sa rémunération

- suppression du client AMAZONE de la liste des clients prospectés par lui

- non paiement des congés payés sur primes

- modification discriminatoire du secteur commercial

et il réclamait outre le paiement des indemnité kilométriques, des congés payés et des primes sur le client AMAZONE, les indemnités de rupture et des dommages et intérêts.

Le Conseil des Prud'Hommes de BORDEAUX a rejeté la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail, en accordant cependant à M. [J] le paiement des indemnités kilométriques réclamé par lui.

La Cour d'Appel, dans une autre composition, après avoir rappelé qu'il appartenait à M. [J] de rapporter la preuve que son employeur avait commis des manquements suffisamment sérieux à ses obligations pour justifier la résiliation du contrat de travail, a examiné les divers manquements invoqués par le salarié et en a écarté deux, la suppression du client AMAZONE et le paiement des primes

- la société ETAI était fondée à retirer le client AMAZON(E)

- M. [J] n'est pas fondé à réclamer un rappel de congés payés sur primes.

Par contre, la Cour d'Appel a ordonné une expertise sur le problème des deux autres manquements

- les frais professionnels

- la modification du secteur commercial en 2008.

Sur pourvoi de M. [J] sur les deux points tranchés par la COUR d'APPEL DE BORDEAUX, par arrêt en date du 26 octobre 2011, la Cour de Cassation a censuré l'arrêt de la Cour d'Appel de BORDEAUX en lui reprochant d'avoir décidé que l'employeur était fondé à retirer le client AMAZONE alors qu'une clause du contrat de travail ne saurait permettre à l'employeur de modifier unilatéralement la rémunération contractuelle du salarié, renvoyant les parties sur ce point devant la Cour d'Appel de TOULOUSE et rejetant le deuxième moyen du pourvoi.

De fait, le litige est maintenant éclaté devant deux Cour d'Appel, ce qui rend plus malaisé l'appréhension de la totalité de la problématiques soulevée par M. [J] à l'appui de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail de la seule compétence de la Cour d'Appel de BORDEAUX.

* Sur l'intervention de l'expert et le rapport d'expertise.

La société E.T.A.I demande tout d'abord à la Cour d'écarter le rapport d'expertise de M. [Z] en estimant que la désignation de l'expert était caduque puis que celui-ci a violé l'équilibre des droits de la défense et enfreint le principe du contradictoire.

Les conditions du versement de la provision d'expertise n'ont jamais été contestées avant le dépôt du rapport d'expertise.

M. [J] avait jusqu'au 29 décembre 2009 pour consigner la somme de 1500€ à valoir sur les honoraires de l'expert; il a transmis à son avocat un chèque de provision daté du 17 décembre 2009 et son conseil l'a envoyé avec un courrier d'accompagnement du 23 décembre 2009 au régisseur d'avances et de recettes; l'enregistrement à la Cour de la provision date seulement du 6 janvier 2010 mais ce léger retard administratif s'explique par la période de vacation de fin d'année et il a été connu du conseil de la société E.T.AI dés fin janvier 2010 n'appelant aucune observation de la part de celle-ci.

D'autre part, la Cour, dans son arrêt en date du 29 octobre n'a jamais demandé à l'expert désigné de déposer un pré-rapport et de répondre ensuite aux dires des parties, le chargeant seulement de se faire remettre les documents utiles pour l'éclairer sur deux points clairement définis; l'expert n'était donc nullement tenu à cette formalité supplémentaire qu'il n'a pas jugé utile.

La Cour rappelle de toute façon que les parties, traitées en l'espèce également par l'expert, peuvent tout à fait présenter contradictoirement leurs observations critiques sur ce rapport qui n'est qu'un élément du débat.

* Sur la résiliation du contrat de travail

Au vu des pièces aujourd'hui aux débats (rapport d'expertise, pièces et explications des parties), il revient à la COUR de décider si les deux autres manquements

allégués par M. [J] ( les frais professionnels, la modification du secteur commercial en 2008) sont suffisamment graves pour entraîner la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur.

- Sur l'inapplication du barème fiscal prévu au contrat pour le calcul des indemnités kilométriques.

Le contrat de travail signé en 2002 par M. [J] prévoit que Les frais d'utilisation de son véhicule personnel lui seront remboursés sur la base du forfait kilométrique (actuellement fixé à 0,30) tel que défini chaque année par l'administration fiscale et plafonné à un véhicule de 7 CH'

Ainsi, le taux initial de 0,30€ par kilomètre parcouru aurait dû être révisé chaque année en même temps que le barème fiscal qui s'est élevé aux fils des années aux sommes suivantes:

- 2002: 0,330

- 2003: 0,336

- 2004: 0,342

- 2005: 0,346

- 2006: 0,357

soit une différence de 11.818,24€ au détriment du salarié.

Il est maintenant acquis que M. [G] [J] a signé le 26 décembre 2006 un nouvel avenant à effet au 1er février 2007 par lequel les indemnités kilométriques seraient désormais plafonnées à 0,30€ du kilomètre sans possibilité d'évolution; ce document, quel que soit le contexte dans lequel il a été pris, a bien été régularisé.

La Cour note d'ailleurs à ce propos qu'un avenant similaire avait été présenté à la signature de Mme [S], près d'un an auparavant, en janvier 2006 et que celle-ci ayant refusé de le signer, avait obtenu un nouvel avenant daté de mars 2006 prévoyant l'application du barème de l'administration fiscale, soit 0,357€du kilomètre révisable tous les deux ans.

Par courrier en date du 23 décembre 2007, la société E.T.A.I a informé M. [J] que dans un souci d'harmonisation de la politique de mise à disposition des véhicules, il se verrait affecter désormais un véhicule de société type MEGANE à compter du 1er février 2008.

M. [J] a refusé cette mesure, par courrier recommandé en date du 21 décembre 2007, mesure qui selon lui portait atteinte à un élément essentiel à son contrat de travail, en faisant observer qu'il avait acheté un véhicule pour les besoins de ses déplacements.

Par courrier en date du 24 janvier 2008, la société E.T.A.I a accepté que M. [J] continue à utiliser son véhicule personnel, mais en plafonnant désormais le remboursement à la somme mensuelle de 850€ par mois réellement travaillé, et ce à compter du 1er février 2008.

Enfin, suite à la décision des premiers juges, la société E.T.A.I a, de nouveau, accepté, à compter d'avril 2009, d'indemniser à nouveau son salarié sur la base du tarif fiscal.

De cette analyse, il ressort que par deux fois, la société E.T.A.I n'a pas respecté ses obligations contractuelles quant à la prise en charge des frais professionnels

- d'une part en refusant la révision du barème fiscal, pendant plusieurs années avant de le figer dans un avenant finalement accepté par M. [J], selon lui dans un climat de pression (alors que certains salariés comme Mme [S], délégué du personnel, ont pu refuser ce taux fixe) entraînant une perte financière non négligeable pour le salarié,

- d'autre part en tentant d'imposer au salarié un véhicule de société contrairement aux clauses contractuelles et face au refus de M. [J] d'accepter cette modification en limitant le remboursement des frais professionnels à la somme de 850€ par mois travaillé limitant ainsi les possibilités pour le salarié de prospecter sur le nouveau très large secteur qui lui avait été attribué (cet élément est analysé ci-dessous) et donc de maintenir ou de développer son chiffre d'affaires.

La COUR considère ainsi que la société E.T.A.I a commis un manquement à son obligation d'exécuter loyalement le contrat de travail de M. [J] en modifiant unilatéralement et abusivement ledit contrat de travail sur ce point.

- Sur la modification du secteur commercial

Le contrat de travail signé par les parties prévoit dans son article 2 concernant le secteur d'activité que

L'Attaché Commercial exerce son activité sur le secteur géographique composé des départements et/ou arrondissements dont la liste figure en Annexe 1 au présent contrat.

Il est toutefois expressément convenu que cette affectation commerciale pourra être modifiée en fonction notamment des besoins et des nécessités de l'organisation convenue, des résultats enregistrés, de la politique commerciale d'E.T.A.I, sans que cela constitue une modification du contrat de travail de l'Attaché Commercial.

Au contraire, le principe même de cette possible modification du secteur géographique confié constitue une condition déterminante du présent contrat.

La Cour reconnaît qu'il est loisible à l'employeur lorsque le contrat le prévoit de modifier le secteur de prospection d'un attaché commercial.

Il n'en demeure pas moins que l'employeur doit exécuter de bonne foi le contrat de travail et respecter les conditions contractuelles de cette modification qui doit être faite en fonction notamment des besoins et des nécessités de l'organisation convenue, des résultats enregistrés, de la politique commerciale d'E.T.A.I en s'interdisant toute modification de nature à nuire au salarié, notamment par une diminution conséquence de sa rémunération.

M. [J] a été engagé en 1999 par la société E.T.A.I avec un secteur d'activité sur 11 départements: Charente, Charente Maritimes, Corrèze, Creuse, Dordogne, Gironde, Indre, Deux Sèvres, Vendée, Vienne et Haute Vienne.

Lors de la signature du second contrat de travail daté du 1er juillet 2002, dans le cadre de la nouvelle politique commerciale mise en place par la société E.T.A.I., M. [J] a accepté un secteur de prospection de 39 départements incluant les 11 départements qui lui avaient été précédemment affectés, outre les nouveaux départements suivants: Ariège, Aude, Calvados,Cher, Cotes d'Armor, Eure et Loire, Finistère, Haute Garonne, Gers, Gironde, Ille et Vilaine, Indre et Loire, Landes, Loir et Cher, Loire Atlantique, Loiret, Lot, Lot et Garonne, Maine et Loire, Manche, Mayenne, Morbilhan, Orne, Pyrénées Atlantiques, Hautes Pyrénées, Pyrénées Orientales, Sarthe, Tarn, Tarn et Garonne.

Au même moment que la société E.T.A.I proposait au salarié un véhicule de fonction et à défaut de l'accepter plafonnait le remboursement de ses indemnités kilométriques, M. [J] rencontrait la direction qui lui proposait ensuite, par lettre recommandée en date du 18 décembre 2007, une autre découpe de son secteur à compter du 1er février 2008: il apparaît que ces discussions survenaient après que l'entreprise ait retiré le client AMAZONE du secteur de M. [J] (mail du 2 octobre 2007) .... sachant que la présente COUR n'est plus saisie de l'examen de ce problème.

Le secteur proposé à M. [J] comportait 46 départements avec 18 nouveaux départements, le 'SUD-EST', soit, Alpes de Haute-Provence, Hautes Alpes, Alpes Maritimes, Ardèche, Aude, Aveyron, Bouches du Rhône, Cantal, Corse, Gard, Hérault, Isére, Lozére, Savoie, Haute Savoie, Var et Vaucluse, et 10 supprimés (Calvados, Cotes d'Armor, Eure et Loire, Finistère, Ille et Vilaine, Morbilhan, Mayenne, Manche, Orne et Sarthe)

La société reconnaissait dans son courrier recommandé que cette nouvelle organisation représentait un challenge pour son salarié et lui proposait de le sécuriser dans cette transition vers un nouveau territoire en lui proposant le système de 'prime exceptionnelle développement du sud-Est' sans toutefois remettre en cause la grille de prime annuelle sur objectifs de CA du salarié sur la totalité du territoire.

M. [J] n'a jamais renvoyé la lettre recommandée du 18 décembre 2007 signée et datée comme le souhaitait la société E.T.A.I.

Bien au contraire, il a saisi la juridiction prud'homale le 25 janvier 2008 pour constater la rupture fautive de son contrat de travail aux torts de l'employeur; il s'est cependant exécuté et a prospecté le nouveau secteur qui lui était attribué dans des conditions matérielles difficiles en ce qui concerne la prise en charge de ses frais professionnels (ainsi que rappelé ci-dessus)

La société E.T.A.I n'explique nullement à la Cour les raisons de cette modification du secteur jusque là attribué à ce salarié dont les résultats jusque là étaient excellents, semble-t-il les meilleurs de la force commerciale.

Elle affirmait dans les conclusions de son ancien conseil, sans le reprendre aujourd'hui que cette modification partielle s'inscrivait dans le cadre d'une réorganisation globale des secteurs géographiques confiés aux 4 commerciaux composant la force de vente.

Elle ne donne aujourd'hui aucun élément de nature à comprendre en quoi cette nouvelle affectation commerciale de M. [J] correspondait aux besoins et ...nécessités de l'organisation convenue, aux résultats enregistrés et à la politique commerciale d'E.T.A.I et plus largement n'explique en rien la politique commerciale de la société et les raisons de ce nouveau découpage entre les 4 commerciaux.

Après le dépôt du rapport d'expertise, l'employeur soutient que le nouveau secteur attribué à M. [J] avait un potentiel commercial plus important que son ancien secteur et que si la part de chiffre d'affaires, que celui-ci a réalisé, a baissé dans une proportion plus importante que celle de ses collègues, c'est uniquement par l'importance (ou plutôt la faible importance) du chiffre d'affaires que M. [J] a réalisé.

La Cour n'a pas la même lecture du rapport d'expertise de M. [Z] et rejoint à ce propos les observations de M. [J].

En effet, si l'expert note que M. [J] s'est vu confier un secteur plus vaste, plus peuplé avec une densité de population au km² supérieure que le précédent et dont la consommation livresque totale et annuelle était supérieure par rapport à celui qui lui était enlevé, M. [Z] conclut clairement que les départements nouvellement attribués étaient ... beaucoup moins exploités par E.T.A.I et quasiment en 'friches' puisque le CA par habitant était inférieur de 70% à celui des départements enlevés et que le CA par km² était inférieur de 68%

Le secteur nouvellement attribué avait donc un potentiel de développement important mais à condition d'avoir les moyens de mener ce développement, notamment en matière de frais de déplacement.

L'expert continue en notant à l'évidence qu'il ne paraît pas normal d'accroître le secteur confié à un salarié de prés de 38.000 kms ( 60% de plus environ) en voulant corrélativement limiter ses frais de déplacement à 850€ par mois et qu'il est impossible à un attaché commercial de travailler sur un secteur plus grand (et relativement biscornu) si on réduit les frais qu'il avait sur un secteur plus petit.

Très logiquement, M. [Z] évalue le travail que devait faire M. [J] sur son nouveau secteur, à savoir prendre contact et puisse visiter ses nouveaux clients potentiels pour leur faire connaître E.T.A.I et ses publication et il note que les courriers échangés (travail par téléphone ou déplacement') montrent les nouvelles difficultés de M. [J] pour prospecter la clientèle..... le travail d'un attaché commercial est à la fois lié aux qualités des produits vendus (qui étaient les mêmes) et aux relations personnelles avec la clientèle (là tout était à faire).

L'expert note ensuite que si M. [J] est resté performant, preuve des qualités commerciales de ce salarié, il ne pouvait atteindre le CA réalisé sur le secteur qui lui avait été retiré mais seulement espérer augmenter le CA du secteur qui lui était attribué (secteur en baisse de -38% en 2006 et 2007) et tel a été le cas:

- dans une année 2008 où la société E.T.A.I a perdu environ 15,43% de CA, le CA du secteur confié à M. [J] a bien résisté, mieux que le CA du secteur qui lui avait été retiré et que le CA global de la société, mais les primes de M. [J] ont considérablement chuté, ce qui a divisé sa rémunération par deux: rémunération annuelle brute de 37.803€ (2008) au lieu des 93.287€ en 2007, année il est vrai exceptionnelle.

- en 2009, alors que le CA HT de la société progressait de nouveau (22%) M. [J] a pu freiner la baisse du CA sur son secteur sans toutefois l'enrayer et si sa rémunération brute a légèrement augmenté (39.927€) , il est resté très loin de ses revenus de 2003 à 2006 années au cours desquelles M. [J] avait perçu un salaire brut annuel de 61.378€, 51.158€, 47.951€ et 56.145€

- depuis 2010, la rémunération brute annuelle de M. [J] tourne autour de 40.000€.

La COUR considère donc que le changement de secteur commercial imposé par la société E.T.A.I à son salarié, sans aucune raison objective, contrairement à ce qui est stipulé dans le contrat de travail aux termes duquel toute nouvelle affectation commerciale ne peut être prise qu'en raison des besoins et des nécessités de l'entreprise, des résultats enregistrés par elle ou sur la politique commerciale de celle-ci, changement qui a entraîne une chute très importante de la rémunération de M. [J], s'analyse en une exécution déloyale du contrat de travail.

En conclusion, la Cour considère que la société E.T.A.I a porté des atteintes graves au contrat de travail de son salarié en modifiant des éléments essentiels à celui-ci ou en l'exécutant de manière fautive et prononce à la date du présent arrêt la résiliation judiciaire de ce contrat aux torts de l'employeur qui produit les mêmes effets qu'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

* Sur les demandes financières de M. [J]

- Les premiers juges ont condamné M. [G] [J] la somme réclamée alors par lui au titre des indemnités kilométriques.

Dans ses dernières conclusions devant la COUR, M. [J] réclame la somme de 42.778,52€ en deniers ou quittances au titre des indemnités kilométriques.

La société E.T.A.I reconnaît devoir la somme de 11.818,24€ pour les années 2002 à 2006 pendant lesquelles elle n'a pas revalorisé le barème fiscal.

A partir de 2007, la COUR considère que doit s'appliquer l'avenant du 26 décembre 2006 à effet du 1er février 2007 plafonnant les indemnités kilométriques à 0,30€ du kilomètre, sans que le forfait mensuel de 850€ puisse s'appliquer.

M. [J] ne réclame aucun rappel de frais kilométriques pour 2007; pour 2008 et 2009, par contre, il fait, tantôt sur la base des propres pièces 24 et 26 de l'employeur (2008) tantôt sur la base des conclusions de l'expert, les calculs des sommes qu'ils auraient du percevoir au regard des kilomètres faits par lui.

La Cour ne saurait utiliser indifféremment l'une ou l'autre base de calcul et retient pour 2009 comme pour 2008 la synthèse faite par l'employeur en pièce 24 que M. [J] ne critique pas véritablement.

- en 2008, ayant parcouru 42462 kilomètres, il aurait du percevoir la somme de 12.738,60€ alors que l'employeur justifie lui avoir seulement versé la somme de 9588,31€, soit un solde à percevoir de 3150,29€

- en 2009, ayant parcouru 44.361 kilomètres, il aurait du percevoir la somme de 13.308,30€ sans que l'employeur ne justifie précisément la somme versée réellement par lui.

En conclusion, la COUR condamne la société E.T.A.I à verser à M. [G] [J] la somme de 14968.53€ au titre d'un rappel sur les indemnités kilométriques de 2002 à 2008 outre la somme de 13.308,30€ en deniers ou quittances (à charge pour l'employeur de justifier des sommes réellement versées à son salarié à ce titre pour 2009)

- La Cour ayant prononcé la résiliation du contrat de travail aux torts de la société E.T.A.I, M. [G] [J] a droit aux indemnités de rupture et à des dommages et intérêts pour rupture abusive.

Les derniers bulletins de salaire produits aux débats font apparaître qu'en octobre 2011, M. [J] avait perçu un brut annuel de 34.685€ pour 10 mois; sa demande d'indemnité de préavis (2 mois) à hauteur de 6690,84€ est tout à fait justifiée et la société E.T.A.I lui réglera cette somme outre les congés payés afférents (669,08€).

La convention collective applicable (convention collective de la presse d'information spécialisée) prévoit un mode de calcul spécifique en fonction de l'ancienneté du salarié.

La COUR s'en réfère au calcul pertinent fait par le salarié pour allouer à celui-ci à ce titre la somme de 15.054,39€

Compte tenu de son ancienneté dans l'entreprise (13 ans), de son âge (52 ans) et dés lors de la difficulté qu'il aura à retrouver un emploi, M. [G] [J] peut prétendre à des dommages et intérêts importants, d'autant que la rupture du contrat de travail s'inscrit dans un contexte de pressions diverses avec une baisse de rémunération conséquente, comme analysé ci-dessus.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, la COUR alloue à M. [G] [J] la somme de 100.000€ de dommages et intérêts pour rupture abusive

* Sur les autres demandes

L'équité et les circonstances de la cause commandent de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de M. [G] [J] qui se verra allouer la somme de 5000€ à ce titre pour les frais de première instance et d'appel.

La société E.T.A.I supportera les dépens de la procédure de première instance d'appel en ce compris les frais d'expertise.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

REFORME le jugement déféré en toutes ses dispositions

PRONONCE la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [G] [J] à la charge de l'employeur.

CONDAMNE la société E.T.A.I à verser à M. [G] [J] les sommes suivantes

- 14.968,53€ au titre d'un rappel sur les indemnités kilométriques de 2002 à 2008

- 13.308,30€ en deniers ou quittances sur les indemnités kilométriques de 2009

- 6690,84€ au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre les congés payés afférents (669,08€).

- 15.054,39€ au titre de l'indemnité de préavis

- 100.000€ de dommages et intérêts pour rupture abusive.

ORDONNE le remboursement par l'employeur aux organismes sociaux concernés des indemnités de chômage qui ont dû être exposées pour le compte de six mois à concurrence de six mois

DIT QUE conformément aux dispositions de l'article R 1235-2 du code du travail, le Greffe transmettra copie de la présente décision à la Direction Générale de Pôle Emploi TSA 32001- 75987 Paris Cedex 20

CONDAMNE la société E.T.A.I à verser à M. [G] [J] la somme de 5000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais de première instance et d'appel.

CONDAMNE la société E.T.A.I aux dépens de la procédure de première instance et d'appel en ce compris les frais d'expertise

Signé par Monsieur Jean-Paul ROUX, Président, et par Chantal TAMISIER,

greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

C. TAMISIER Jean-Paul ROUX


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section b
Numéro d'arrêt : 09/01299
Date de la décision : 09/02/2012

Références :

Cour d'appel de Bordeaux 4B, arrêt n°09/01299 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-02-09;09.01299 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award