COUR D'APPEL DE BORDEAUX
CHAMBRE SOCIALE - SECTION B
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ARRÊT DU : 15 DECEMBRE 2011
(Rédacteur : Madame Myriam LALOUBERE, Conseiller)
PRUD'HOMMES
N° de rôle : 11/00935
CT
La SA SOFILE MEDIA LECLERC
c/
Madame [L] [P]
Nature de la décision : AU FOND
Notifié par LRAR le :
LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :
La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d'huissier).
Certifié par le Greffier en Chef,
Grosse délivrée le :
à :
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 27 janvier 2011 (R.G. n°F09/3308) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BORDEAUX, Section Commerce, suivant déclaration d'appel du 11 février 2011,
APPELANTE :
La SA SOFILE MEDIA LECLERC, agissant en la personne de son représentant
légal, domicilié en cette qualité au siège social, [Adresse 3]
représentée par Maître Fabienne GUILLEBOT-POURQUIER, loco Maître Brigitte LOOTEN, avocats au barreau de BORDEAUX,
INTIMÉE :
Madame [L] [P]
née le [Date naissance 2] 1963, demeurant [Adresse 1]
représentée par Maître Sarah AKBARALY, loco Maître Pierre SIRGUE, avocats au barreau de BORDEAUX,
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 17 novembre 2011 en audience publique, devant Madame Myriam LALOUBERE, Conseiller chargée d'instruire l'affaire, qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Jean-Paul ROUX, Président,
Madame Myriam LALOUBERE, Conseiller,
Madame Katia SZKLARZ, Vice-Présidente Placée,
Greffier lors des débats : Madame Chantal TAMISIER,
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Mme [L] [P] a été embauchée par la société SOFILE MEDIA, tout d'abord par CDD à compter du 1er octobre 2003, puis par CDI en date du 1er décembre 2004 avec reprise de l'ancienneté au 1er octobre 2003, en qualité de vendeuse niveau 2 coefficient 150 élevée ensuite au niveau 3 coefficient 170 par avenant du 1er juillet 2006.
Par courrier en date du 4 novembre 2009, la société SOFILE MEDIA LECLERC a notifié à Mme [L] [P] son licenciement pour cause réelle et sérieuse.
Le 23 novembre 2009, Mme [L] [P] a saisi le Conseil des Prud'hommes de BORDEAUX pour voir juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse et obtenir la somme de 1434,23€ d'indemnité pour non-respect de la procédure, la somme de 20.000€ de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et celle de 1500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par décision en date du 27 janvier 2011, le Conseil des Prud'hommes de BORDEAUX a jugé le licenciement de Mme [L] [P] sans cause réelle et sérieuse et a condamné la société SOFILE MEDIA LECLERC à lui verser les sommes suivantes:
- 10.000€ de dommages et intérêts
- 1000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Le 14 février 2011, la société SOFILE MEDIA LECLERC a interjeté appel de cette décision.
Par conclusions déposées le 28 octobre 2011, développées oralement et auxquelles il est expressément fait référence, la société SOFILE MEDIA LECLERC conclut à la réformation du jugement entrepris quant à l'absence de caractère réel et sérieux du licenciement prononcé à l'encontre de Mme [P].
Elle demande dés lors la condamnation de celle-ci à lui payer la somme de 1000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions déposées le 17 novembre 2011 développées oralement et auxquelles il est expressément fait référence, Mme [L] [P] demande la confirmation du jugement entrepris sauf à lui allouer la somme de 14.343€ de dommages et intérêts pour licenciement abusif, renonçant à sa demande au titre de l'indemnité pour non-respect de la procédure.
Elle sollicite la condamnation de la société SOFILE MEDIA LECLERC à lui payer la somme de 2000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
MOTIVATION
* Sur le licenciement
La lettre de licenciement du 4 novembre 2009 dont les motifs énoncés fixent les limites du litige est motivée comme suit
Le mercredi 21 octobre 2009, le service de sécurité m'a informé que votre véhicule était garé sur le parking client devant le magasin le vendredi 16 et le samedi 17 octobre 2009.
Ce même jour, j'ai constaté moi-même que pour la troisième fois, votre véhicule était toujours garé au niveau de la boutique L'Jean. Je l'ai constaté en présence de votre responsable- M. [B] [G]- ainsi qu'un membre du personnel de sécurité.
Vous aviez été prévenue par le passé et à maintes reprises -oralement et par lettre de rappel à l'ordre- de l'obligation de stationner votre véhicule pendant les heures de travail au premier ou deuxième étage du parking réservé aux salariés de l'entreprise. Par ailleurs, une note d'information rappelant cette information figure que le panneau d'affichage de l'entreprise depuis plusieurs mois.
Nous considérons que ces faits constituent un motif réel et sérieux de licenciement.
Aux termes de l'article L 1235-1 du code du travail, il appartient au juge d'apprécier le caractère réel et sérieux des griefs invoqués et de former sa conviction au vu des éléments fournis pas les parties, le doute profitant au salarié.
Mme [L] [P] verse aux débats de nombreuses attestations pour démontrer la qualité de son travail au sein du MEDIA LECLERC et ne reconnaît depuis son entrée dans l'entreprise en octobre 2003 le bien fondé que d'un seul rappel à l'ordre pour utilisation de la place de parking client le 5 juillet 2006, considérant comme abusifs l'avertissement du 9 décembre 2008 pour abandon de poste et critiques des consignes de son supérieur hiérarchique M. [G] (elle indique qu'elle s'était simplement rendu au service du personnel car à son retour d'arrêt maladie rien ne lui avait été versé pour le salaire d'octobre 2008 et s'explique sur ses relations avec ce supérieur comme la Cour le développera ci-dessous) et le rappel à l'ordre du 6 mai 2009 sur ses horaires (la Cour note qu'il est principalement reproché à la salariée d'arriver en avance à son travail ou de prendre un temps de pause inférieur à la durée conventionnelle!!).
Mme [L] [P] affirme sans être contredite par son ancien employeur que sa relation de travail avec son supérieur hiérarchique, M. [G] s'est dégradée après l'été 2006: en effet, celui-ci, ami de son couple, aurait pris le parti de son mari quant le couple s'est séparé en décembre 2006 .... et il est vrai que M. [G], responsable de rayon, intervient systématiquement lorsque la salariée est rappelée à l'ordre par l'employeur et atteste par deux fois pour celui-ci.
Pour en revenir plus objectivement aux faits qui sont reprochés à Mme [P], il s'agit exclusivement d'avoir garé par trois fois son véhicule personnel sur le parking de la clientèle, contrairement au règlement intérieur et à la note de service affichée dans l'entreprise, et alors même que les salariés du MEDIA LECLERC dispose d'un parking qui leur est réservé.
La Cour note cependant que
- les preuves fournies à l'appui de ces reproches (photos) se rapportent à des horaires auxquels Mme [P] n'était plus (même de peu) salariée de l'établissement, pour avoir terminé sa journée de travail,
- Mme [P] verse aux débats pour au moins une des dates litigieuses la preuve qu'elle faisait à ce moment-là des courses dans une boutique du centre commercial
- enfin, le fils de la salariée, qui venait juste d'obtenir, le 12 octobre 2009, le permis de conduire, était amené à utiliser le véhicule de sa mère.
Il existe donc, pour la Cour, comme pour les premiers juges, un doute sur la matérialité des faits reprochés à Mme [P] qui, même dans l'hypothèse où ils seraient avérés n'ont pas un caractère de gravité tels qu'ils doivent entraîner le licenciement de la salariée, les premiers juges ayant également noté la disproportion d'une telle sanction.
Il convient en conséquence de confirmer la décision des premiers juges quant à l'absence de caractère réel et sérieux du licenciement tout en infirmant leur décision quant au montant des dommages et intérêts alloués.
En effet, au regard de l'âge de la salariée (48 ans) qui rend difficile sa recherche d'emploi, de l'ancienneté de celle-ci dans l'entreprise (6 ans) et du préjudice justifié par elle, la Cour lui alloue la somme de 12.000€ de dommages et intérêts.
Conformément aux articles L 1235-4 et L 1235-5 du Code du travail, la Cour le remboursement par l'employeur aux organismes sociaux concernés des indemnités de chômage qui ont dû être exposées pour le compte de Mme [L] [P] à concurrence de six mois.
* Sur les autres demandes
L'équité et les circonstances de la cause commandent de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de Mme [L] [P] qui se verra allouer la somme de 1000€ à ce titre.
La SA SOFILE MEDIA LECLERC sera condamnée aux dépens de la procédure.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
REFORME PARTIELLEMENT le jugement déféré en ce qu'il a alloué à Mme
[L] [P] la somme de 10.000€ de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
et statuant de nouveau
CONDAMNE la SA SOFILE MEDIA LECLERC à verser à Mme [L] [P] la somme de 12.000€ de dommages et intérêts
CONFIRME le jugement pour le surplus de ses dispositions
y ajoutant
ORDONNE le remboursement par l'employeur aux organismes sociaux concernés des indemnités de chômage qui ont dû être exposées pour le compte de Mme [L] [P] à concurrence de six mois
DIT QUE conformément aux dispositions de l'article R 1235-2 du code du travail, le Greffe transmettra copie de la présente décision à la Direction Générale de Pôle Emploi TSA 32001- 75987 Paris Cedex 20
CONDAMNE la SA SOFILE MEDIA LECLERC à verser à Mme [L] [P] la somme de 1000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile
CONDAMNE la SA SOFILE MEDIA LECLERC aux dépens de la procédure de première instance et d'appel
Signé par Monsieur Jean-Paul ROUX, Président, et par Madame Chantal TAMISIER, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
C. TAMISIER Jean-Paul ROUX