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22/11/2011 | FRANCE | N°11/00792

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 22 novembre 2011, 11/00792


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



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ARRÊT DU : 22 NOVEMBRE 2011



(Rédacteur : Madame Brigitte Roussel, Président)

(FG)



PRUD'HOMMES



N° de rôle : 11/00792











Monsieur [V] [H]



c/



SELARL [Y] [A], ès qualités de mandataire liquidateur de la SCA Château Grand Monteil



CGEA de Bordeaux, mandataire de l'AGS du Sud-Ouest







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Nature de la décision : AU FOND











Notifié par LRAR le :



LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :



La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par

voie de signification (acte d'huissier).



Cert...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 22 NOVEMBRE 2011

(Rédacteur : Madame Brigitte Roussel, Président)

(FG)

PRUD'HOMMES

N° de rôle : 11/00792

Monsieur [V] [H]

c/

SELARL [Y] [A], ès qualités de mandataire liquidateur de la SCA Château Grand Monteil

CGEA de Bordeaux, mandataire de l'AGS du Sud-Ouest

Nature de la décision : AU FOND

Notifié par LRAR le :

LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :

La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par

voie de signification (acte d'huissier).

Certifié par le Greffier en Chef,

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 11 janvier 2011 (R.G. n° 09/03397) par le Conseil de Prud'hommes - formation paritaire - de Bordeaux, section Encadrement, suivant déclaration d'appel du 07 février 2011,

APPELANT :

Monsieur [V] [H], né le [Date naissance 2] 1957, de nationalité Française,

demeurant [Adresse 3],

Représenté par Maître Audrey Frechet, avocat au barreau de Bordeaux,

INTIMÉS :

SELARL [Y] [A], ès qualités de mandataire liquidateur de la SCA Château Grand Monteil, demeurant [Adresse 1],

Représentée par Maître Patrick Trassard, avocat au barreau de Bordeaux,

CGEA de Bordeaux, mandataire de l'AGS du Sud-Ouest, pris en la personne de son Directeur domicilié en cette qualité au siège social, [Adresse 4],

Représenté par la SCP Philippe Duprat - Isabelle Aufort & Bertrand Gaboriau, avocats au barreau de Bordeaux,

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 26 septembre 2011 en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Brigitte Roussel, Président,

Madame Maud Vignau Président,

Madame Raphaëlle Duval-Arnould, Conseiller,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Anne-Marie Lacour-Rivière.

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

M. [V] [H] a été engagé, selon lettre signée par M. [E], à compter du 1er janvier 1991, par contrat de travail à durée indéterminée, en qualité de directeur commercial, par la SCA Château Grand Monteil. Il était chargé principalement de la recherche de nouveaux clients, du suivi de la clientèle, du contrôle de la facturation et de l'élaboration de la publicité.

M. [H] indique -sans produire le contrat de travail- avoir été engagé simultanément par la SARL Vignobles et Sélections appartenant à la famille [E], chargée de la commercialisation de vins, notamment ceux produits par la SCA Château Grand Monteil.

M. [H] était également l'associé unique de l'EURL Vignobles [V] [H] qui exploite une propriété viticole voisine de la SCA Château Grand Monteil.

A compter du 1er mars 1993, selon lettre de M. [G] [E], M. [H] est devenu directeur de la SCA.

La SCA Château Grand Monteil avait pour gérante de droit, Mme [E], mère de [G] [E], lequel n'est devenu gérant de droit qu'en 2006, officialisant une situation de fait préexistante.

M. [H] est devenu -à une date non précisée- associé de la SARL vignobles et Sélections à hauteur de 10 %.

Courant 2000, M. [H] n'a plus cotisé auprès des Assedic et au regard de cette situation, la MSA a établi des bordereaux sur lesquels lui était attribué le statut de 'mandataire social'.

M. [H] a alors bénéficié d'une garantie sociale des chefs et dirigeants d'entreprise, le couvrant à titre privé du risque chômage (régime GSC).

Par jugement en date du 30 juin 2006, la SCA Château Grand Monteil a été placée en redressement judiciaire et la procédure a été convertie en liquidation judiciaire, le 6 février 2009.

Maître [A], ès qualité de mandataire liquidateur de la SCA, a licencié M. [H] pour motif économique, suite à suppression de poste, par courrier du 19 février 2009.

Le liquidateur précisait à M. [H] dans ce courrier que cette mesure était prise 'sous réserve de la réalité de votre contrat de travail et la reconnaissance de votre qualité de salarié'.

Maître [A] a ensuite refusé de reconnaître à M. [H] la qualité de salarié et de lui payer les indemnités de rupture sollicitées.

M. [H] a saisi le 2 décembre 2009 le conseil de prud'hommes de Bordeaux afin de voir dire qu'il avait la qualité de salarié de la SCA Château Grand Monteil et d'obtenir paiements de diverses sommes à titre de salaires, frais, indemnités et dommages intérêts.

Par jugement rendu le 11 janvier 2011, auquel il est expressément fait référence pour l'exposé des faits de la cause et des prétentions des parties en première instance, le conseil de prud'hommes de Bordeaux a dit que M. [H] était forclos pour toutes les réclamations formées au titre des salaires, qu'il était gérant de fait de la SCA Château Grand Monteil et que le contrat de travail le liant à celle-ci était fictif.

M. [H] a donc été débouté de toutes ses demandes.

Il a interjeté appel de cette décision.

Par conclusions déposées le 13 septembre 2011 et développées oralement, auxquelles il est expressément fait référence, M. [H] demande à la cour de réformer le jugement déféré afin de voir dire qu'il était salarié de la SCA Château Grand Monteil.

Il sollicite le paiement des sommes suivantes :

- 39 500,52 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 3 950,05 € à titre de congés payés sur préavis,

- 89 403,59 € à titre d'indemnité de licenciement,

- 6 580 € à titre d'indemnité pour procédure irrégulière de licenciement,

- 59 284,43 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés,

- 54 627,50 € à titre de rappel de salaires,

- 198 895,25 € à titre de remboursement de frais professionnels,

- 39 500 € à titre de dommages intérêts pour manquement à l'obligation de loyauté

- 2 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [H] sollicite également la remise d'une attestation Pôle Emploi et d'un certificat de travail.

Par conclusions déposées le 11 août 2011 et développées oralement, auxquelles il est expressément fait référence, la SELARL [Y] [A], ès qualité de mandataire liquidateur de la SCA Château Grand Monteil, conclut à la confirmation du jugement déféré et sollicite 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Subsidiairement, elle formule différentes observations sur le bien fondé et le quantum des sommes demandées par M. [H].

Le CGEA de Bordeaux, par conclusions déposées le 22 septembre 2011 et développées oralement, auxquelles il est expressément fait référence, conclut à la confirmation du jugement déféré.

Subsidiairement, il rappelle les limites de sa garantie et de celles de l'AGS.

Sur ce :

Attendu que M. [H], qui a été engagé en 1991 en qualité de directeur commercial, a vu son statut modifié à compter du 1er mars 1993, M. [E], fils de la gérante de droit, le nommant aux fonctions de directeur de la SCA Château Grand Monteil.

Attendu que si ces éléments permettent de retenir l'existence d'un contrat de travail apparent, il convient de relever que l'existence d'une relation de travail, ne dépend ni de la volonté des parties, ni de la dénomination par elles données à leur convention, mais résulte des conditions de fait dans lesquelles s'exerce l'activité dans l'entreprise et principalement de l'existence d'un lien de subordination ;

Qu'il convient donc de rechercher en l'espèce, si la preuve est rapportée par la SELARL [A], de ce que M. [H] ne peut valablement prétendre à la qualification de salarié, faute d'avoir exercé ses fonctions de directeur sous la subordination d'un gérant de droit ou de fait, se comportant lui-même comme gérant de fait de la SCA.

Attendu qu'est gérant de fait celui qui, se comportant comme un gérant, assume, hors lien de subordination, les fonctions et pouvoirs d'un dirigeant, notamment au niveau de la gestion de l'entreprise, des relations avec les banques et le personnel et qui engage la société aux yeux des tiers ;

Attendu qu'il ressort, en l'espèce, des éléments de la cause que lors de sa nomination en qualité de directeur, M. [H] a, par courrier du 17 mars 1993 adressé à M. [E], précisé que sa mission était :

- d'assurer le fonctionnement au quotidien des différents services de l'entreprise, en effectuant un contrôle régulier des différents travaux de chaque service afin de permettre le développement de l'entreprise ;

- d'échanger régulièrement avec lui sur les points clefs du fonctionnement de l'entreprise afin de partager leurs points de vues et de recueillir ses directives ;

- de se voir confier un pouvoir lui permettant de signer les chèques ;

- qu'il s'engageait également à aborder avec M. [E] les questions afférentes au fonctionnement de l'entreprise.

Que ce courrier fait apparaître l'importance du rôle de M. [H] qui assurait l'entier fonctionnement de la SCA, avec pouvoir de l'engager financièrement et qui se proposait 'd'échanger' avec le fils de la gérante, afin de 'partager' leurs points de vue.

Que, plus que de véritables directives reçues de M. [E], ces relations s'inscrivaient dans le cadre d'informations données à celui-ci et d'échanges, relevant au mieux d'une co-gestion.

Que les relations effectives, postérieurement à la nomination en tant que directeur, entre M. [E] et M. [H], se sont poursuivies dans le même contexte, les pouvoirs de M. [H] s'accroissant.

Qu'ainsi Mme [E], gérante de droit, a donné à M. [H] le 26 juin 1998 un pouvoir permanent ainsi libellé : 'donne par la présente pouvoir permanent à M. [V] [H], directeur, pour la représenter et signer tous documents administratifs et financiers'.

Que M. [H] s'est également vu confier divers pouvoirs notamment, pour 'renouveler et signer warrants et ouverture de crédit avec la banque Crédit Agricole' (pouvoir du 17 juin 1999), pour signer divers warrants et les renouveler, pour 'récapituler et fixer le coût du préjudice lié à l'expropriation de parcelles de vignes' (pouvoir du 20 novembre 2000).

Que les courriers du Crédit Agricole, relatifs au renouvellement de lignes de crédit, aux dépassements d'ouvertures de crédit et à la recherche de solutions étaient adressés conjointement à M. [H] et à M. [E] ;

Que certains courriers de cette banque étaient adressés à M. [H], avec seulement copie à M. [E], (LRAR du 23 septembre 2005 contenant menace de transmettre le dossier au contentieux, lettre du 25 novembre 2005 contenant renouvellement des lignes du crédit ...) ;

Que l'ensemble de ces courriers était adressé à l'adresse de la SCA, alors que M. [E] et sa mère, habitaient en région parisienne et ne se rendaient que ponctuellement au château Grand Monteil ;

Qu'il ressort des écritures mêmes de M. [H], qu'il pouvait arriver qu'il signe seul, devant notaire des actes d'emprunt alors que les pouvoirs n'étaient pas encore régularisés par l'assemblée générale ;

Attendu qu'il s'avère également que M. [H] décidait des licenciements (lettre de M. [I] du 3 mars 1997) et des sanctions disciplinaires (lettre de Mme [W] du 17 mai 2000) et qu'il apparaissait au cabinet d'expertise comptable (lettre du 22 octobre 2010) comme celui qui exerçait la direction, qui embauchait, faisait rédiger les contrats de travail, dirigeait le personnel, avait la responsabilité de la gestion du vignoble, du chai et des ventes ;

Que la société Euralis (lettre du 19 janvier 2010) indique qu'il semblait tout diriger, que d'autres clients (laboratoire ACI, M. [X], M. [M], M. [C]) indiquent qu'il dirigeait la société ;

Que les attestations produites, émanant d'anciens salariés de la SCA ne permettent pas d'écarter le rôle prépondérant joué par M. [H] dans la gestion de la société.

Ainsi, Mme [D] précise que MM. [H] et [E] se rencontraient pour 'valider' les décisions et 'évoquer' les soucis financiers, M. [X] précise que les deux hommes discutaient au téléphone et que M. [H] disait comment se passaient les ventes, les finances ;

Qu'aucune directive précise donnée par la famille [E], relativement à la gestion de l'entreprise, à M. [H] n'est caractérisée ;

Attendu qu'il apparaît ainsi que M. [H] exerçait des pouvoirs de gestion et de direction, engageant la société à l'égard des tiers, et ce même si M. [E] et/ou sa mère, restaient informés de la situation de l'entreprise et des choix opérés, dont ils pouvaient au mieux s'entretenir, et s'ils régularisaient les pouvoirs juridiquement

nécessaires à M. [H], Attendu qu'il s'avère, dans ces conditions, que les relations entre M. [H] et la famille [E] ne s'inscrivaient pas dans le cadre d'un lien de subordination, le directeur gérant l'entreprise sans que de véritables directives lui soient données et se comportant comme gérant de fait de la SCA, à tout le moins comme co-gérant de fait ;

Qu'il sera ajouté qu'une attestation de l'expert comptable du 16 février 2007 indique que les comptes de la SCA font ressortir, au 29 mai 2006, un compte créditeur ouvert au nom de M. [H] de 218 107,70 € et un compte rémunération ouvert également à son nom de 75 588,51 € ;

Attendu que de telles créances se conjuguent difficilement avec des fonctions salariées, et ce d'autant plus que M. [H] fait également état de frais de déplacement importants non réclamés avant la rupture du contrat ;

Attendu que si l'absence de cotisations aux Assedic n'implique pas que M. [H] ne soit pas salarié, cet élément, ajouté au fait qu'il cotise à une assurance chômage privée réservée aux chefs d'entreprises, accrédite qu'il ne se considérait, lui-même, pas totalement comme salarié ;

Attendu que l'exercice d'une gérance de fait n'implique pas que l'intéressé ait tiré un bénéfice de cette situation ;

Qu'il sera relevé que M. [H] exploitait en son nom une propriété viticole voisine, l'EURL Vignobles [V] [H], et qu'il indique avoir été engagé 'simultanément par la SCA et par la SARL Vignobles et Sélections, appartenant également à M. et Mme [E], société chargée de la commercialisation des vins, que les conditions de ce contrat de travail allégué avec la SARL sont inconnues de la

cour ;

Qu'il s'avère, dans ces conditions, que les relations entre M. [H] et M. [E] (et sa mère) ne s'inscrivaient pas dans le cadre d'un lien de subordination, au regard des pouvoirs étendus conférés au directeur, sans que de véritables directives lui soient données par la famille [E] qui avalisait les choix opérés par le directeur ;

Attendu qu'au vu de l'ensemble de ces considérations, il convient de constater que les éléments de la cause établissent que M. [H] n'avait pas, depuis 1993, la qualité de salarié de la SCA château Grand Monteil ;

Que les relations entre les parties ne s'inscrivant pas dans le cadre d'un contrat de travail, M. [H] doit être débouté de l'ensemble de ses demandes formées devant la juridiction prud'homale relativement, notamment à des salaires, congés payés, préavis, licenciement, frais professionnels ...

Que la Cour n'entend pas évoquer le fond s'agissant d'éventuelles créances non salariales ;

Que le jugement déféré doit, en conséquence, être confirmé en toutes ses dispositions ;

Attendu que l'équité ne condamne pas de faire application, en l'espèce, de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'une ou l'autre des parties.

Par ces motifs :

La Cour,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré ;

Déboute, en conséquence, M. [V] [H] de toutes ses demandes relatives à des créances salariales ;

Met le CGEA hors de cause ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [V] [H] aux entiers dépens.

Signé par Madame Brigitte Roussel, Président, et par Madame Chantal Tamisier, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

C. Tamisier B. Roussel


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 11/00792
Date de la décision : 22/11/2011

Références :

Cour d'appel de Bordeaux 4A, arrêt n°11/00792 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-11-22;11.00792 ?
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