COUR D'APPEL DE BORDEAUX
CHAMBRE SOCIALE - SECTION A
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ARRÊT DU : 20 SEPTEMBRE 2011
(Rédacteur : Madame Raphaëlle Duval-Arnould, Conseiller)
(PH)
PRUD'HOMMES
N° de rôle : 10/04425
Monsieur [F] [T]
c/
SAS Sermat
Nature de la décision : SUR RENVOI DE CASSATION
Notifié par LRAR le :
LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :
La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par
voie de signification (acte d'huissier).
Certifié par le Greffier en Chef,
Grosse délivrée le :
à :
Décision déférée à la Cour : arrêt rendu le 29 juin 2010 par la Cour de Cassation cassant l'arrêt de la Cour d'Appel de Bordeaux - chambre sociale section B - en date du 30 octobre 2008, suite à un jugement rendu le 22 octobre 2007 par le Conseil de Prud'hommes d'Angoulême, suivant déclaration de saisine en date du 09 juillet 2010,
DEMANDEUR SUR RENVOI DE CASSATION :
Monsieur [F] [T], né le [Date naissance 1] 1965 à
[Localité 3], demeurant [Adresse 4],
Représenté par de la SCP Dominique Legier - Gabrielle Gervais de Lafond - Philippe Rochefort & William Devaine, avocats au barreau de la Charente,
DÉFENDERESSE SUR RENVOI DE CASSATION :
SAS Sermat, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité en son siège social, [Adresse 2],
Représentée par Maître Jean-Philippe Pousset, avocat au barreau de la Charente,
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 14 juin 2011 en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Marie-Paule Descard-Mazabraud, Président,
Madame Raphaëlle Duval-Arnould, Conseiller,
Madame Myriam Laloubère, Conseiller,
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Anne-Marie Lacour-Rivière.
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.
M. [F] [T] a été engagé par la SAS Sermat à compter du 2 janvier 1992 en qualité de responsable administratif et comptable, promu le 1er janvier 2002 responsable qualité et maîtrise de la gestion, poste créé, selon l'employeur, comme axe possible de redressement de la situation de l'entreprise connaissant des difficultés économiques depuis l'année 2000.
Le 14 avril 2006, il était licencié pour cause réelle et sérieuse, avec le préavis de trois mois.
Après mise à pied conservatoire du 30 juin 2006, il recevait, le 25 juillet 2006, la notification d'un second licenciement pour faute lourde.
Le 2 octobre 2006, M. [T] saisissait le Conseil de Prud'hommes pour contester son licenciement prononcé le 14 avril 2006 comme dépourvu de cause réelle et sérieuse, pour voir dire nuls la mise à pied conservatoire et le licenciement pour faute lourde, pour solliciter des dommages-intérêts, ainsi que des rappels de salaire, d'indemnité compensatrice de congés payés et d'indemnité de licenciement.
Par jugement en date du 22 octobre 2007, le Conseil de Prud'hommes d'Angoulême a considéré que le licenciement pour faute lourde était nul, notifié après l'expiration de la relation de travail et la mise à pied conservatoire non fondée et que le licenciement du 14 avril 2006 reposait sur une cause réelle et sérieuse, il a débouté le salarié de sa demande de dommages-intérêts, mais a fait droit aux autres demandes et condamné la SAS Sermat à payer à M. [T] les sommes de 1.809,05 € brut à titre de salaire du 1er au 14 juillet 2006, outre congés payés afférents, de 3.225,29 € brut au titre des congés payés acquis et non soldés, de 10.854,34 € net au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement et de 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, rejetant le surplus des demandes.
M. [F] [T] a relevé appel du jugement.
Par arrêt en date du 30 octobre 2008, la Cour d'Appel de Bordeaux a déclaré irrecevable l'appel comme intervenu hors délai, le jugement recevant son plein effet.
Sur pourvoi formé par M. [T], la Cour de Cassation a, par arrêt du 29 juin 2010, cassé et annulé en toutes ses dispositions l'arrêt susvisé, au motif notamment 'que la preuve d'une notification à la personne de M. [T] était contestée et que la seule connaissance d'un jugement par son destinataire ne peut faire courir un délai de recours à son encontre'.
Le 8 juillet 2010, M. [F] [T] a saisi la Cour d'Appel de Bordeaux, cour de renvoi autrement composée.
Entendu en ses observations au soutien de ses conclusions auxquelles il est fait expressément référence, il demande de déclarer recevable son appel, de confirmer le jugement du Conseil de Prud'hommes d'Angoulême, excepté en ce qui concerne le licenciement jugé fondé sur une cause réelle et sérieuse, de le réformer de ce chef, de dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et de condamner la SAS Sermat à lui verser les sommes de 77.531 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions développées oralement auxquelles il est fait expressément référence, la SAS Sermat demande de statuer ce que de droit sur la régularité de l'appel, de confirmer le jugement en toutes ses dispositions et de condamner M. [T] au paiement d'une indemnité de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour plus ample exposé des circonstances de fait, de la procédure et des prétentions des parties, il convient de se référer au jugement déféré et aux conclusions des parties.
Motifs de la décision
En préliminaire, il y a lieu de constater que ne sont pas remis en cause devant la présente cour de renvoi, la recevabilité de l'appel que la SAS Sermat ne discute pas, la 'nullité' du licenciement pour faute lourde, ni les créances salariales allouées par le Conseil de Prud'hommes d'Angoulême. En tant que de besoin, le jugement sera confirmé de ces chefs, seul restant en litige le licenciement prononcé pour cause réelle et sérieuse.
Sur le licenciement
La lettre de licenciement, dont les motifs énoncés sur deux pages fixent les limites du litige, est articulée autour des griefs suivants :
Insuffisance professionnelle, 'absence de résultats probants faute de mise en oeuvre de moyens adéquats' et 'comportement néfaste auprès d'autres collaborateurs'.
Aux termes de l'article L.1235-1 du code du travail, il appartient au juge d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des griefs invoqués et de former sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, le doute profitant au salarié.
M. [T] soutient que la lettre de licenciement ne fait jamais référence au courrier d'avertissement du 9 mars 2009 dont fait état le Conseil de Prud'hommes qui ne pouvait faire état d'un plan d'action non visé dans le courrier de licenciement.
Cependant, la lettre de licenciement fait expressément mention d'un courrier du 9 mars 2006 adressé par l'employeur à M. [T] et qualifié de mise en garde par le premier juge. En effet, le dernier grief est ainsi libellé :
'Enfin, nous vous avons fait part le jeudi 9 mars 2006 de notre profond mécontentement quant à votre attitude auprès de nombreux collaborateurs.
Nous vous avons demandé :
- de cesser d'envahir de messages inopportuns et déstabilisants les boîtes e-mail de vos collègues de travail ;
- de focaliser votre attention et votre énergie sur la mise en oeuvre des projets qui relèvent directement de vos fonctions.
A savoir : les budgets, les investissements et les tableaux de bord. Or, nous restons toujours dans l'attente de ces éléments à ce jour.'
Si M. [T] conteste, comme manquant de pertinence et étant de caractère ubuesque, l'envoi inopportun de messages, il y a lieu de constater que la SAS Sermat produit une liste de messages envoyés par M. [T] à divers salariés de l'entreprise entre le 30 décembre 2007 et le 17 février 2006, mais aucune liste de messages postérieurs au 9 mars 2006. Ce grief ne saurait donc être retenu.
En revanche, il y a lieu de relever que M. [T] reste particulièrement taisant sur la seconde partie du grief, à savoir l'absence de mise en oeuvre des projets de budgets, investissements et tableaux de bord, alors que, dans le courrier du 9 mars 2006 qui peut s'analyser en un avertissement, comme étant envoyé par lettre recommandée avec avis de réception, l'employeur demandait au salarié de se mobiliser sur ces trois points, compte tenu de son retard, lui impartissant un délai maximum au 31 mars 2006.
Or, si la SAS Sermat n'a pas repris intégralement le contenu de ce courrier, sa référence, dont sa date et les points abordés, est suffisamment explicite sur les retards visés dans la lettre de licenciement, pour relever la persistance de cette carence constitutive d'une insuffisance professionnelle, étant observé que si le premier juge a employé l'expression de 'plan d'action', tout comme l'employeur dans ses écritures, ni le courrier du 9 mars 2006, ni la lettre de licenciement n'emploient cette expression qui, toutefois, correspond aux trois points litigieux ci-dessus précisés.
En outre, en première page de la lettre de licenciement, il est fait grief au salarié de n'avoir pas été en mesure de proposer des améliorations et de mettre en place des mesures correctives dans le cadre de l'élaboration des budgets, ces derniers n'étant toujours pas opérationnels.
Ce grief procédant du grief susvisé, M. [T] invoque le fait que ces missions avaient été confiées à d'autres salariés, puis laissées vacantes à leur départ, avant de lui être confiées, ce dossier n'étant pas prioritaire, sans contester formellement les faits eux-mêmes, et en produisant des attestations qui ne sauraient suffire à démontrer que cette carence ne lui est pas imputable, l'employeur soutenant le contraire en se référant à son courrier du 9 mars 2006.
Parmi les autres griefs, il convient de constater que, sur le grief relatif aux travaux dits 'préparatoires' n'ayant pas débouché sur la mise en place d'une comptabilité analytique, il y a lieu de relever que, sans contester le document intitulé 'paramétrage tableaux de bord/segment' produit par l'employeur et comportant des zones non renseignées, M. [T] soutient, sans en justifier, que la restructuration de la SAS Sermat a conduit à mettre en sommeil l'exploitations des données comptables pour lesquelles il avait créé tous les outils nécessaires, la priorité étant accordée à la mise en place de la norme ISO 9001. Ce grief sera, dès lors, retenu.
Par ailleurs, si la certification de l'entreprise obtenu en juin 2003 a fait l'objet d'observations, étant relevé que la SAS Sermat ne produit pas ce document et M. [T] un document paraissant incomplet ainsi que des attestations, la certification a été obtenue également en mai 2006 postérieurement au licenciement, mais pendant le préavis du salarié. Dès lors, il n'est pas démontré que les remarques faites par l'organisme certificateur soient imputables au salarié.
Dans ces conditions, sans qu'il ne soit nécessaire d'examiner les autres griefs, il apparaît que les griefs susvisés, excepté ceux relatifs à l'envoi de messages et à la certification, sont établis et constitutifs d'une cause réelle et sérieuse de licen-ciement. Dès lors, M. [T] doit être débouté de sa demande de dommages-intérêts en découlant et le jugement confirmé de ce chef.
Sur les demandes accessoires
M. [T] qui succombe en son appel, doit supporter la charge des dépens et voir rejeter sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Il y a lieu de laisser à la charge de la SAS Sermat ses frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
Vu l'arrêt de la chambre sociale de la Cour de Cassation en date du 29 juin 2010,
' déclare M. [F] [T] recevable en son appel,
' confirme le jugement du Conseil de Prud'hommes d'Angoulême en date du 22 octobre 2007 en toutes ses dispositions,
y ajoutant :
' dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
' condamne M. [F] [T] aux entiers dépens.
Signé par Madame Raphaëlle Duval-Arnould, Conseiller, en l'empêchement de Madame Marie-Paule Descard-Mazabraud, Président, et par Madame Anne-Marie Lacour-Rivière, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
A-M Lacour-Rivière R. Duval-Arnould