La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/09/2011 | FRANCE | N°10/06350

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 06 septembre 2011, 10/06350


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



--------------------------







ARRÊT DU : 06 SEPTEMBRE 2011



(Rédacteur : Madame Raphaëlle Duval-Arnould, Conseiller)

(PH)



PRUD'HOMMES



N° de rôle : 10/06350









Monsieur [N] [G]



c/



SAS Lagrange Financement (mise en liquidation judiciaire par jugement du Tribunal de Commerce de Libourne en date du 17 janvier 2011)



Maître [P] [U], ès qualités de manda

taire liquidateur de la SAS Lagrange Financement



CGEA de [Localité 4], mandataire de l'AGS du Sud-Ouest









Nature de la décision : AU FOND









Notifié par LRAR le :



LRAR non parvenue pour adress...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 06 SEPTEMBRE 2011

(Rédacteur : Madame Raphaëlle Duval-Arnould, Conseiller)

(PH)

PRUD'HOMMES

N° de rôle : 10/06350

Monsieur [N] [G]

c/

SAS Lagrange Financement (mise en liquidation judiciaire par jugement du Tribunal de Commerce de Libourne en date du 17 janvier 2011)

Maître [P] [U], ès qualités de mandataire liquidateur de la SAS Lagrange Financement

CGEA de [Localité 4], mandataire de l'AGS du Sud-Ouest

Nature de la décision : AU FOND

Notifié par LRAR le :

LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :

La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par

voie de signification (acte d'huissier).

Certifié par le Greffier en Chef,

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 08 octobre 2010 (R.G. n° 10/00044) par le Conseil de Prud'hommes - formation paritaire - de Libourne, section Encadrement, suivant déclaration d'appel du 25 octobre 2010,

APPELANT :

Monsieur [N] [G], né le [Date naissance 1] 1961 à [Localité 6], de nationalité

Française, demeurant [Adresse 2],

Représenté par Maître Alexis Dejean de la Batie, avocat au barreau de Paris,

INTIMÉS :

SAS Lagrange Financement, mise en liquidation judiciaire par jugement du Tribunal de Commerce de Libourne en date du 17 janvier 2011,

Maître [P] [U], ès qualités de mandataire liquidateur de la SAS Lagrange Financement, demeurant [Adresse 3],

CGEA de [Localité 4], mandataire de l'AGS du Sud-Ouest, pris en la personne de son Directeur domicilié en cette qualité au siège social, [Adresse 5],

Représentés par Maître Philippe Aurientis, avocat au barreau de Bordeaux,

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 10 mai 2011 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Raphaëlle Duval-Arnould, Conseiller chargé d'instruire l'affaire,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-Paule Descard-Mazabraud, Président,

Madame Raphaëlle Duval-Arnould, Conseiller,

Madame Myriam Laloubère, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Chantal Tamisier.

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

M. [N] [G] a été engagé à compter du 1er janvier 2005 par la SC Lagrange Financement qui a pris la forme de SAS le 22 mars 2005 et dans laquelle il est associé à 25 % des parts, par contrat à durée indéterminée en qualité de directeur opérationnel, ensuite modifié par trois avenants relatifs au montant de sa rémunération, et précisant sa qualité de cadre dirigeant sans être astreint à un horaire de travail.

La SAS Lagrange Financement est une holding ayant deux sociétés filiales, la SA Scierie de Lagrange et la SA Winéis.

Le 7 septembre 2009, les trois sociétés étaient placées en redressement judiciaire.

Par ordonnance du 25 janvier 2010, le juge-commissaire a constaté la qualité de dirigeant de fait de M. [G] et fixé le montant de sa rémunération à ce titre. Celui-ci a contesté cette décision devant le Tribunal de Commerce de Bordeaux qui a sursis à statuer dans l'attente de la décision prud'homale.

Le 11 février 2010, M. [G] a saisi le Conseil de Prud'hommes de Libourne pour se voir reconnaître la qualité de salarié et demander des rappels de salaire devant être garantis par le CGEA.

Par jugement en date du 8 octobre 2010, le Conseil de Prud'hommes de Libourne a dit que M. [G] n'avait pas la qualité de salarié et l'a débouté de l'ensemble de ses demandes.

M. [N] [G] a relevé appel du jugement.

Le 17 janvier 2011, le redressement judiciaire de la SAS Lagrange Financement a été converti en liquidation judiciaire. Par courrier en date du 29 janvier 2011, Maître [P] [U], ès qualités de mandataire liquidateur a notifié à M. [G] son licenciement pour motif économique, sous réserve d'avoir la reconnaissance de la qualité de salarié.

Entendu en ses observations au soutien de ses conclusions auxquelles il est fait expressément référence, M. [G] demande de réformer le jugement, de constater qu'il est titulaire d'un contrat de travail écrit, que les défenseurs ne rapportent pas la preuve de la fictivité de ce contrat et qu'il exerce ses fonctions dans un lien de subordination constant, de fixer sa créance salariale à l'encontre de la SAS Lagrange Financement aux sommes de 37.433,33 € à titre de rappel de salaires des mois de septembre 2009 à avril 2011, de dire que la SAS Lagrange Financement est redevable des sommes dues du fait de son licenciement, des indemnités pour congés payés et de congés payés sur préavis et de l'indemnité de licenciement, de condamner la SAS Lagrange Financement à lui remettre les documents de rupture et bulletins de salaire rectifiés, de condamner le CGEA à garantir le paiement des condamnations, condamner solidairement la SAS Lagrange Financement et le CGEA à lui payer la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions développées oralement auxquelles il est fait expressément référence, Maître [P] [U], ès qualités de mandataire liquidateur de la SAS Lagrange Financement et le CGEA de [Localité 4] demandent, à titre principal, de confirmer en tout point le jugement, de dire que M. [G] n'a pas la qualité de salarié, de le débouter de ses demandes et de le condamner à verser à chacun des intimés la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, à titre subsidiaire, de fixer la créance de M. [G] au titre des salaires dus à la somme de 3.000 € correspondant à 45 jours de garantie, de le débouter de ses demandes relatives à la rupture du contrat.

Par courrier reçu le 11 mai 2011 au greffe, M. [G] a déposé une note en délibéré dans laquelle il chiffre ses demandes au titre du licenciement et ajoute des demandes nouvelles. Les intimés s'y opposent par note déposée le 30 mai 2011.

Pour plus ample exposé des circonstances de fait, de la procédure et des prétentions des parties, il convient de se référer au jugement déféré et aux conclusions des parties.

Motifs de la décision

En préliminaire, les notes en délibéré qui n'ont été ni sollicitées, ni autorisées doivent être écartées d'office des débats, l'appelant ne pouvant faire grief aux intimés de la tardiveté de la communications de leurs conclusions, alors que lui-même ne les a déposés que le 5 mai 2011. La procédure étant orale, il avait la faculté d'y répondre à l'audience ou de demander le renvoi du dossier à une date ultérieure.

Sur la qualité de salarié

L'existence d'un contrat de travail requiert trois conditions: la fourniture d'un travail, le paiement d'une rémunération et un lien de subordination juridique. Ce dernier est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.

En outre, en présence d'un contrat de travail apparent, il appartient à celui qui en conteste l'existence et invoque son caractère fictif d'en rapporter la preuve. La charge de la preuve pèse de même sur la partie qui impute au titulaire du contrat de travail la qualité de dirigeant de fait de la société qui lui a consenti ce contrat.

C'est à juste titre que le premier juge a considéré que M. [G] n'avait pas la qualité de salarié en l'absence de lien de subordination, ainsi que le juge-commissaire l'avait retenu dans son ordonnance en date du 25 janvier 2010 pour fixer la rémunération de M. [G] en qualité de gérant de fait, que M. [G], seul salarié de la SAS Lagrange Financement, société sans activité opérationnelle, sauf à gérer ses deux filiales dont il était à la fois le directeur général et l'administrateur, que le contrat de travail ne démontre aucun lien de subordination de M. [G] qui dispose des pouvoirs les plus étendus, que la seule autorisation préalable concernant investissement ou nantissement ou caution supérieur à 50.000 € ne suffit pas à caractériser un lien de subordination envers un employeur, mais relève du contrôle normal de l'activité des dirigeants par les associés d'une société.

En effet, le contrat de travail de M. [G], qui exclut toute période d'essai, précise, sur deux pages, les fonctions de 'directeur opérationnel' :

1. au niveau de la SAS Lagrange Financement, de gérer les budgets d'inves-tissement et de trésorerie, relations avec les établissements bancaires, globalement tout ce qui concerne l'aspect financier, sous l'autorité du gérant, M. [T], étant observé notamment que la SAS Lagrange Financement est une société dont l'activité est de gérer ses deux filiales et que M. [G] avait la signature bancaire sans limitation de montant,

2. d'exercer le mandat social de directeur général dans la SA Scierie de Lagrange, filiale, dans ses aspects de management, de gestion, de développement commercial et de gestion des actifs,

c'est-à-dire d'exercer les fonctions qui relèvent normalement des prérogatives d'un dirigeant d'entreprise dans tous ses aspects.

Il est, toutefois, indiqué au contrat de travail, d'une part, que M. [G] doit assurer un reporting mensuel permettant à la société d'anticiper toute difficulté ou de prendre les décisions nécessaires en temps utile et d'autre part, que des autorisations sont requises, notamment, pour tout investissement et caution et garanties d'un montant unitaire supérieur à 50.000 €, prise de participation, création de filiales ...

En outre, les extraits Kbis du registre du commerce et des sociétés montrent que M. [G] est actionnaire de 25 % des parts, à égalité des trois autres actionnaires, dans la SAS Lagrange Financement qui, elle-même, détient 100 % des actions de la SA Scierie de Lagrange, que M. [G] est directeur général et administrateur de cette dernière société, ainsi que de la SA Winéis dont il détient 6.160 actions sur 47.705 actions, M. [T] étant le président des trois sociétés.

Or, si dans le contrat de travail, il est insisté sur le placement de M. [G] sous l'autorité de M. [T] et le reporting, les pouvoirs accordés au salarié son des plus larges. En outre, il convient de relever que M. [G] était porteur à égalité d'actions avec celui-ci dans la SAS Lagrange Financement, alors que ce qui importe sont les conditions dans lesquelles M. [G] exerce ses fonctions, notamment au regard du lien de subordination qui lie tout salarié à son employeur.

Contestant l'existence d'un lien de subordination, M. [G] verse aux débats des courriels échangés avec M. [T] essentiellement et les attestations des deux autres actionnaires, M. [C] et M. [K]. Toutefois, il y a lieu de constater que, seuls, sont produits 23 courriels, souvent avec une réponse, la plupart en date d'octobre 2004 à décembre 2006, les autres, trois en date de janvier et juillet 2008, aucun courriel n'étant produit pour les années 2007 et 2009, et notamment dans l'année précédant l'ouverture du redressement judiciaire des sociétés.

Il ressort de l'examen de ces courriels, outre leur petit nombre sur une période limitée, que la teneur de ceux-ci ressort plus de relations entre associés à une période où déjà la SAS Lagrange Financement et ses filiales connaissaient des difficultés financières et économiques, ou à tout le moins une trésorerie tendue. Il ne saurait donc en être déduit, ainsi que l'invoque M. [G], que ces documents révèlent exclusivement de relations de subordonné à supérieur hiérarchique.

Par ailleurs, les deux attestations de co-actionnaires, qui doivent être considérées avec réserves compte tenu de leurs liens avec les sociétés, ne sauraient, non plus suffire à conforter l'existence d'un lien de subordination. Il y a lieu de relever que M. [K] indique notamment que M. [G] leur rendait compte de sa gestion tous les mois (ajoutant sous l'autorité de M. [T]), ce qui implique qu'en qualité de mandataire social, M. [G] rendait compte au conseil d'administration, et pas uniquement au président, étant observé que les décisions importantes sont normalement prises par le conseil d'administration.

Dès lors, au vu des pièces produites et des éléments ci-dessus, il y a lieu de constater qu'il existe une confusion, dans le contrat de travail lui-même et dans les fonctions effectivement exercées, entre les fonctions techniques à proprement parler et celles relevant des mandats sociaux dont était investi M. [G].

En effet, ni le contrat de travail, ni les bulletins de salaire, que ce soit au niveau des fonctions exercées que de la rémunération, ne font de distinction entre les deux, la rémunération étant globale que ce soit pour ses fonctions dites opérationnelles que de directeur général et d'administrateur, alors que M. [G] avait des pouvoirs très importants, tel que la signature bancaire illimitée, l'engagement de la société en investissements et autres opérations pour des montants élevés.

Dès lors que les fonctions de directeur opérationnel et de directeur général et administrateur ne sont pas distinguées et relèvent de la gestion des sociétés filiales, l'absence de lien de subordination est établi. Il s'ensuit qu'en l'absence de lien de subordination, M. [G] n'avait pas la qualité de salarié. Le jugement sera donc confirmé de ce chef et en ce qu'il a débouté celui-ci de d'ensemble de ses demandes, le licenciement notifié à titre conservatoire par le mandataire liquidateur étant sans objet.

Sur la garantie de l'AGS

La garantie de l'AGS n'étant pas en cause, il y a seulement lieu de déclarer le présent arrêt opposable à l'AGS représentée par le CGEA.

Sur les demandes accessoires

M. [G] qui succombe en son appel, doit supporter la charge des dépens et voir rejeter sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Il convient d'accorder aux intimés une indemnité pour participation à leurs frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Sur l'appel de M. [N] [G] contre le jugement du Conseil de Prud'hommes de Libourne en date du 8 octobre 2010,

' confirme le jugement en toutes ses dispositions,

y ajoutant :

' donne acte au CGEA de Bordeaux de son intervention volontaire au titre de la liquidation judiciaire de la SAS Lagrange Financement,

' déclare le présent arrêt opposable à l'AGS,

' condamne M. [N] [G] à payer à Maître [P] [U], ès qualités de mandataire liquidateur de la SAS Lagrange Financement et au CGEA de Bordeaux, à chacun, la somme de 500 € (cinq cents euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

' condamne M. [N] [G] aux entiers dépens.

Signé par Madame Raphaëlle Duval-Arnould, Conseiller, en l'empêchement de Madame Marie-Paule Descard-Mazabraud, Président, et par Madame Anne-Marie Lacour-Rivière, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A-M Lacour-Rivière R. Duval-Arnould


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 10/06350
Date de la décision : 06/09/2011

Références :

Cour d'appel de Bordeaux 4A, arrêt n°10/06350 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-09-06;10.06350 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award