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22/06/2011 | FRANCE | N°09/038931

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, 05, 22 juin 2011, 09/038931


COUR D'APPEL DE BORDEAUX
CINQUIÈME CHAMBRE CIVILE
--------------------------
PP

ARRÊT DU : 22 JUIN 2011

(Rédacteur : Madame Catherine MASSIEU, Président,)
No de rôle : 09/ 3893

Monsieur Philippe X... Société Medical Insurance Company Limited

c/
Madame Yvette Y... épouse Z... Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la Gironde CHARTIS EUROPE

Nature de la décision : Mixte Renvoi à la Mise en Etat du 27 octobre 2011

Grosse délivrée le :

aux avouésDécision déférée à la Cour : jugement rendu le 20 mai 2009 pa

r le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX (Chambre 6, RG 07/ 10704) suivant déclaration d'appel du 30 juin 2009
APPELA...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX
CINQUIÈME CHAMBRE CIVILE
--------------------------
PP

ARRÊT DU : 22 JUIN 2011

(Rédacteur : Madame Catherine MASSIEU, Président,)
No de rôle : 09/ 3893

Monsieur Philippe X... Société Medical Insurance Company Limited

c/
Madame Yvette Y... épouse Z... Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la Gironde CHARTIS EUROPE

Nature de la décision : Mixte Renvoi à la Mise en Etat du 27 octobre 2011

Grosse délivrée le :

aux avouésDécision déférée à la Cour : jugement rendu le 20 mai 2009 par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX (Chambre 6, RG 07/ 10704) suivant déclaration d'appel du 30 juin 2009
APPELANTS :
1o) Monsieur Philippe X..., né le 03 Juin 1960 à NIMES (30000), de nationalité Française, demeurant ...
2o) Société Medical Insurance Company Limited-MIC-, agissant par son représentant local la sas francois branchet, 35 avenue du Granier 38240 MEYLANet par son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social ILSC HOUSE CUSTOM HOUSE KUAY-DUBLIN-IRLANDE,
représentés par la SCP CASTEJA CLERMONTEL ET JAUBERT, avoués à la Cour, et assistés de Maître Georges LACOEUILHE, avocat au barreau de PARIS,
INTIMÉES :
1o) Madame Yvette Y... épouse Z..., née le 21 Juin 1946 à CHERANCE (72), de nationalité Française, demeurant ...
représentée par la SCP GAUTIER FONROUGE, avoués à la Cour, et assistée de Maître Marie WILMANN substituant Maître Pierre SIRGUE, avocats au barreau de BORDEAUX

2o) Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la GIRONDE, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social Cité du Grand Parc-Place de l'Europe-33085 BORDEAUX CEDEX,

représentée par la SCP BOYREAU Luc et MONROUX Raphael, avoués à la Cour,

3o) SA CHARTIS EUROPE, venant aux droits de la sa aig europe, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social La Défense-Tour Chartis (AIG)-34 place des Corolles-92400 PARISLA DEFENSE COURBEVOIE,

représentée par la SCP LE BARAZER ET d'AMIENS, avoués à la Cour, et assistée de Maître Carole SPORTES, avocat au barreau de PARIS,
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 11 mai 2011 en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Catherine MASSIEU, Présidente, Monsieur Bernard ORS, Conseiller, Madame Caroline FAURE, Vice-Président placé, qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Véronique SAIGE
ARRÊT :
- contradictoire,- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

***

Le 2 octobre 2000, le docteur X... a pratiqué une intervention chirurgicale pour syndrome du canal carpien de la main gauche de Madame Z... ; il était alors assuré pour sa responsabilité civile médicale auprès de la compagnie AIG EUROPE aux droits de laquelle se trouve la SA CHARTIS EUROPE ; à partir du 1o janvier 2002, il s'est assuré auprès de la MIC ;

Dans les suites opératoires, le docteur X... a découvert une algodystrophie ; il a adressé la patiente à un rhumatologue et à l'occasion d'une nouvelle intervention réalisée le 23 septembre 2002, le chirurgien a constaté la section partielle du nerf médian ;
Se plaignant de fautes du docteur X..., Madame Z... l'a assigné ainsi que la MIC, en référé pour expertise ; par ordonnance du 23 février 2004, le docteur F... a été nommé expert et la MIC a été mise hors de cause ;

L'expert a déposé son rapport le 7 mai 2004 ; ses conclusions sont les suivantes :

- l'intervention a été réalisée dans les règles de l'art après un délai de réflexion de 15 jours ; à cette époque, il n'y avait pas d'obligation de consentement écrit,
- la technique adoptée est classique et a été réalisée par un chirurgien justifiant d'une excellente formation et d'une longue expérience,- l'indication était justifiée par l'ancienneté des troubles et confirmée par l'électromyogramme ; l'intervention était souhaitée par la patiente ainsi que cela résulte d'une lettre du docteur G..., médecin rhumatologue traitant en date du 9 juin 2000,- les suites de l'intervention sont constituées par une section partielle du nerf médian gauche et un retard de 25 jours dans le diagnostic d'une algodystrophie, laquelle constitue un aléa thérapeutique,- l'état de la patiente et les troubles qu'elle présente sont en relation avec l'intervention du 26 septembre 2000,- l'ITT en relation avec l'intervention est normalement de 2 mois ; Madame Z... a été traitée pour l'algodystrophie pendant 1 an puis elle a subi une ITT de 30 % du 1er janvier 2002 au 22 septembre 2002 suivie d'une période d'ITT totale de 6 mois,- l'état est consolidé le 7 mai 2004,- l'IPP est de 4 % pour quelques troubles de la sensibilité des 3 premiers doigts de la main gauche responsables de quelques maladresses dans la vie courante,- il a été nécessaire de pratiquer une seconde intervention responsable de douleurs appréciées 3/ 7,- le préjudice esthétique est de 1/ 7,- il n'y a pas de préjudice d'agrément ;

Par acte des 26 et 31 octobre et 5 novembre 2007, Madame Z... a assigné devant le tribunal de grande instance de Bordeaux le docteur X..., la CPAM de la Gironde, la compagnie GLOBE ASSURANCE, AXA et la MATMUT ; AIG EUROPE a été assignée par le docteur X... ; MIC a été assignée par AIG ;
Madame Z... reprochait au docteur X... un défaut d'information préalable à l'intervention, la section du nerf médian lors de l'intervention et un retard de 25 jours dans le diagnostic de l'algodystrophie, le tout à l'origine de son préjudice ; son action était fondée sur l'article 1134 du code civil et elle sollicitait les indemnités suivantes :
- IPP : 4. 800 €- ITT : 3. 600 €- ITP à 30 % : 3. 960 €- ITP à 15 % : 1. 260 €- Souffrances endurées : 8. 000 €- Préjudice esthétique : 3. 000 €- Préjudice d'agrément : 5. 000 €- Retentissement professionnel : 20. 000 €- ainsi que la somme de 5. 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Par jugement du 20 mai 2009, le tribunal, au vu du rapport d'expertise judiciaire du docteur F... et d'un rapport du docteur H... mandaté par la MATMUT, assureur de Madame Z..., a déclaré le docteur X... responsable des conséquences dommageables de la section du nerf médian gauche qui « ne peut avoir été causé par autre chose que par l'outil tenu par le chirurgien le docteur X... ce jour-là » ; il a dit que l'algodystrophie était un aléa thérapeutique qui n'engage pas la responsabilité du médecin et il a considéré que même informée sur les risques et complications de l'opération, il n'est pas démontré que Madame Z... y aurait renoncé en raison de l'ancienneté de ses douleurs et de l'inefficacité des traitements de type infiltrations ; le préjudice a été liquidé sur la base des constatations du docteur F... :
- DSA : 2. 013, 49 € (frais de soins et d'hospitalisation de la CPAM de la Gironde)- PGPA : néant (Madame Z... était sans activité)- Incidence professionnelle : néant (Madame Z..., âgée de 63 ans au jour du jugement ne justifie d'aucune recherche d'emploi depuis la consolidation)- DFT : 3. 600 € pour la période d'incapacité totale et 325 € pour la période de déficit partiel dont le taux doit être fixé à 4 % en l'absence de précision de l'expert sur ce point soit un total de 5. 500 €- SE : 6. 000 €- DFP de 4 % : 3. 220 € pour une personne âgée de 58 ans au moment de la consolidation-PEP (1/ 7) : 2. 500 €- PA (non retenu par l'expert mais admis par le tribunal pour une petite gène dans les activités de bricolage) : 2. 000 € ;

Le docteur X... a donc été condamné à payer à Madame Z... une indemnité globale de 19. 220 € et la somme de 3. 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile et à la CPAM de la Gironde la somme de 2. 013, 49 € et celle de 300 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Le tribunal a dit que l'action contre AIG EUROPE était prescrite en application des articles L114-1 et L114-2 du code des assurances, car il s'est écoulé plus de 2 ans entre les lettres du docteur X... à son assureur datées des 19 janvier 2005 et 18 avril 2007 et que par ailleurs AIG EUROPE ne peut être considérée comme ayant pris la direction du procès lorsque après avoir reçu la déclaration de sinistre du 4 juillet 2003, elle a enregistré le dossier « sous les réserves d'usage », et a adressé un chèque de 911, 65 € au cabinet BRANCHET, courtier, en règlement des frais de l'avocat missionné par ce dernier pour assister dans l'instance de référé ;
Sur la demande de remboursement de la somme de 911, 65 €, faite par AIG EUROPE contre MIC, le tribunal a fait application de l'article L251-2 du code des assurances, applicable aux contrats en cours selon l'article 5 § 1 de la loi du 30 décembre 2002 dite loi ABOUT ; et il a dit que MIC qui

doit sa garantie au titre du sinistre à raison d'une première réclamation faite le 18 juin 2003 par la MATMUT au docteur X..., devait donc rembourser la somme de 911, 65 € qui avait été « réglée pour le compte de qui il appartiendra » ;

Par déclaration remise au greffe de la cour le 30 juin 2009, le docteur X... et MIC ont interjeté appel de cette décision ;

Par leurs dernières conclusions du 5 avril 2011, le docteur X... et MIC demandent à la cour de débouter Madame Z... de toutes ses demandes et de la condamner à payer au docteur X... la somme de 3. 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens, y compris les frais d'expertise et subsidiairement, ils demandent la réduction des indemnités à allouer à Madame Z... ; sur la partie qualifiée d'« assurantielle », ils demandent que CHARTIS EUROPE soit condamnée à « garantir les éventuelles conséquences financières du litige » et à payer au docteur X... la somme de 3. 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens dont distraction au profit de son avoué ;

Le docteur X... fait valoir que le défaut d'information n'est pas démontré car à l'époque des faits, l'obligation d'une feuille de consentement éclairé n'existait pas et Madame Z... ne justifie pas la perte de chance qu'elle invoque ; concernant la section du nerf médian, il fait valoir qu'il appartient à la demanderesse de rapporter la preuve d'une faute caractérisée et que la constatation de cette complication n'est pas suffisante ; concernant le retard de diagnostic de l'algodystrophie, il conteste le défaut de suivi post opératoire qui lui est reproché et rappelle qu'il s'agit d'un aléa thérapeutique qui n'a pas eu d'incidence sur l'état de la patiente ;
Il conclut subsidiairement au débouté des demandes relatives à des frais de déplacement, à l'incidence professionnelle et au préjudice d'agrément et il offre les sommes suivantes :- DFT....... : 2. 900 €- SE......... : 6. 000 €- IPP à 4 % : confirmation-PEP....... : 1. 500 €

Il conteste le recours de la CPAM de la Gironde au motif que le certificat d'imputabilité établi par un médecin conseil de la caisse ne peut constituer la preuve que les sommes demandées sont en relation avec les faits ;
Le docteur X... et MIC contestent que CHARTIS EUROPE puisse valablement invoquer la prescription biennale puisqu'elle est intervenue en qualité d'assureur du docteur X... dès le 5 août 2003, d'abord en répondant au cabinet BRANCHET puis dans la procédure initiée par la patiente, pour revenir sur cette position par courrier du 29
novembre 2004 en se prévalant des dispositions de la loi du 30 décembre 2002 ; selon eux, les lettres des 19 janvier 2005 et 18 avril 2007 ont interrompu la prescription ; ils demandent ensuite que le jugement soit infirmé en ses dispositions relatives à l'article L251-2 du code des assurances ; cette question fait l'objet d'une question prioritaire de constitutionnalité qu'ils ont déposée le 19 janvier 2011 et qui a donné lieu à ouverture d'un dossier distinct ;

Par ses dernières conclusions du 27 avril 2011, Madame Z... demande à la cour de retenir la responsabilité du docteur X... au visa de l'article 1147 du code civil et de retenir comme fautifs le défaut d'information qui ne lui a pas permis de prendre une décision éclairée, le retard de diagnostic en présence d'une main gonflée et de douleurs non prises en compte et la section du nerf qui ne peut être assimilée à un aléa thérapeutique ; elle forme un appel incident à l'effet d'obtenir les indemnités suivantes à la charge du docteur X... et de son « assureur » qu'elle ne désigne pas :

FD : 1. 048, 03 € pour des frais de déplacements IP : 25. 000 € DFT : 10. 255 € SE : 8. 000 € DFP : à un taux qu'il convient de fixer à 7 % selon une « analyse critique » du docteur I... soit 7. 000 € PEP : 3. 000 € PA : 5. 000 €

Elle demande aussi la somme de 3. 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile et la condamnation du docteur X... et de son assureur aux dépens dont distraction au profit de son avoué ;

Par ses dernières conclusions du 13 avril 2011, la CPAM de la Gironde demande à la cour d'imputer sur le poste DSA le montant de ses prestations qui s'élèvent à 2. 013, 49 € et de condamner le docteur X... et la MIC à lui payer 300 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens dont distraction au profit de son avoué ; répondant aux critiques du docteur X... et de MIC, elle expose qu'elle justifie du montant de sa créance au moyen d'une attestation du docteur J..., en fonction des données auxquelles elle a eu accès en sa qualité de personnel agissant dans le cadre de ses fonctions conformément à l'article L621-29 du code de la sécurité sociale ;

Par ses dernières conclusions du 19 avril 2011, CHARTIS EUROPE demande à la cour de confirmer le jugement en ses dispositions la concernant et de condamner MIC in solidum avec le docteur X... au paiement de la somme de 5. 000 € en application de l'article 700 du code de

procédure civile ainsi qu'aux dépens dont distraction au profit de son avoué ; Elle fait valoir que la prescription de l'action du docteur X... à son encontre est opposable à MIC, et par ailleurs que la loi ABOUT du 30 décembre 2002 qui a réformé le régime de l'assurance des professionnels de santé est applicable aux contrats en cours ou renouvelés lorsque la réclamation est formée pendant la période validité de ce contrat ;
En cet état une ordonnance de clôture a été rendue le 11 mai 2011 ;
LA RESPONSABILITÉ
En raison de la date des soins litigieux antérieurs au 5 septembre 2001, l'action est fondée sur l'article 1147 du code civil dont il résulte que le médecin est tenu envers son patient d'une obligation de soins attentifs, consciencieux et conformes aux données de la science qui est une obligation de moyens ;
Concernant l'obligation d'information préalable, Madame Z... considère que son absence est démontrée et qu'elle a participé à la réalisation du dommage corporel dont elle demande réparation ; c'est au médecin, tenu d'une obligation d'information à l'égard du patient, de rapporter la preuve qu'il a fourni toutes les renseignements nécessaires sur les soins qu'il propose de réaliser ; il n'a pas été remis de note écrite à Madame Z..., cette pratique n'ayant pas cours à la date des soins ; toutefois, il résulte du courrier du médecin rhumatologue traitant le docteur L... en date du 9 juin 2000 que Madame Z... avait la volonté de se faire opérer pour mettre fin à des douleurs apparues depuis une dizaine d'années et que les traitements médicamenteux ne parvenaient plus à atténuer ; par ailleurs, il s'est écoulé 13 jours entre le premier rendez vous de Madame Z... chez le docteur X... le 13 septembre et l'intervention pratiquée le 26 septembre 2000, ce qui a laissé à la patiente un délai de réflexion suffisant ; la cour ne peut que confirmer le jugement en ce qu'il a dit que l'éventualité d'une renonciation de Madame Z... à l'intervention n'est pas démontrée de sorte que la responsabilité du docteur X... ne peut être retenue au titre d'un défaut d'information ;
Concernant le retard de diagnostic de l'algodystrophie, Madame Z... demande que soient prises en considération les douleurs occasionnées par cette complication que le docteur X... n'a pas décelée lors de ses examens post opératoires des 25 octobre et 20 décembre 2000 et que le docteur L... a traitée à partir du 6 janvier 2001 ; elle demande que le poste Souffrances Endurées soit évalué 3, 5/ 7 au lieu de 3/ 7 sans toutefois faire référence aux douleurs liées à l'algodystrophie diagnostiquée avec retard mais seulement à celles qui sont en relation avec l'intervention de reprise chirurgicale ; l'apparition de l'algodystrophie constitue, selon l'expert, un aléa thérapeutique et les symptômes présentés par Madame Z... dans les suites de l'opération pouvaient être justifiées
par un syndrome de Raynaud ; toutefois, ce sont ces symptômes qui ont amené le docteur X... lors de la consultation du 20 décembre 2000 à diriger la patiente vers le docteur L... pour un traitement spécifique ; les conditions de la responsabilité du docteur X... ne sont pas démontrées par Madame Z... qui ne caractérise pas le préjudice résultant pour elle du retard de diagnostic ; il convient de confirmer le jugement qui a débouté Madame Z... de cette prétention ;
Concernant la section du nerf médian gauche, il convient de rappeler que dès lors que la réalisation d'une intervention médicale n'implique pas l'atteinte à la personne du patient qui s'est effectivement produite, la faute du médecin ne peut être écartée sans la constatation d'une anomalie chez le patient rendant cette atteinte inévitable ; en l'espèce, la section du nerf médian a été constatée par le chirurgien qui a opéré Madame Z... en 2002, elle avait été provoquée lors de l'intervention du 26 septembre 2000 et il n'est pas soutenu que la patiente présentait une anomalie rendant cette section inévitable ; la responsabilité du docteur X... est donc engagée ainsi que l'a jugé le tribunal ;
Le jugement doit être confirmé en toutes se dispositions relatives à la responsabilité du docteur X... ;

LE PREJUDICE

En considération des blessures et de leurs séquelles, de l'âge de la victime née le 21 juin 1946, des demandes et des offres, des justificatifs produits, et de la date de la consolidation définie comme « le moment où les lésions se fixent et prennent un caractère permanent, tel qu'un traitement n'est plus nécessaire si ce n'est pour éviter une aggravation et tel qu'il est possible d'apprécier un certain degré d'incapacité permanente réalisant un préjudice définitif », le préjudice corporel de Madame Z... doit être liquidé comme suit :

I-Préjudices patrimoniaux

A-Préjudices patrimoniaux temporaires (avant consolidation)
- Dépenses de santé actuelles (DSA) : frais hospitaliers, médicaux, paramédicaux, pharmaceutiques
Le tribunal a admis le montant des prestations que la CPAM de la Gironde dit avoir effectuées au profit de Madame Z... pour un total de 2. 013, 49 € ; répondant à la critique du docteur X... qui soutient que cette somme n'est pas justifiée et ne peut être prise en compte par la cour, la CPAM de la Gironde a produit un décompté détaillé de cette somme et une attestation d'imputabilité rédigée par un médecin conseil de la caisse ; ces pièces permettaient donc au docteur X... de critiquer
le bien fondé de la réclamation en discutant les postes de dépenses, ce qu'il ne fait pas ; ces dépenses concernent des frais d'hospitalisation du 23 septembre 2002 (1. 598, 57 €), des frais pharmaceutiques du 24 septembre 2003 au 8 avril 2004 (52, 50 €) et des frais de rééducation du 10 octobre 2002 au 30 avril 2004 (362, 42 €) et ils apparaissent donc en relation avec les soins litigieux ; la critique du docteur X... est dénuée de pertinence et il convient de confirmer le jugement sur ce point ;

- Frais Divers (FD) : frais engagés par la victime directe avant la consolidation

Madame Z... qui n'avait pas demandé d'indemnité pour ce poste demande à la cour la somme de 1. 048, 03 € pour la dédommager des frais de déplacements pour se rendre aux divers rendez-vous chez les médecins et des honoraires du médecin conseil qu'elle a consulté ;
Le docteur X... oppose à cette demande une exception d'irrecevabilité en application de l'article 564 du code de procédure civile ; Madame Z... n'a pas répondu à cette irrecevabilité ; l'article 566 du code de procédure civile énonce que les parties peuvent expliciter en cause d'appel les prétentions qui étaient virtuellement comprises dans les demandes et défenses soumises au premier juge et ajouter à celles-ci toutes les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément ; la demande omise par Madame Z... en première instance constitue un complément aux demandes de dommages et intérêts soumises au tribunal et elle est donc recevable en cause d'appel ;
A titre subsidiaire, le docteur X... a fait valoir que la demande n'est justifiée par aucune pièce et que la dépense relative à des honoraires réglés à un médecin conseil est un « choix d'opportunisme judiciaire » qu'il n'a pas à prendre en charge ;
Madame Z... n'a produit aucun document démontrant la réalité de la dépense qu'elle dit avoir faite ; il n'en demeure pas moins que la réalité de déplacements auprès de plusieurs médecins pour remédier aux conséquences de l'intervention du 26 septembre 2006 ne peut être contestée ; en l'état de justificatifs insuffisants, il convient d'allouer une indemnité de 300 € pour dédommager la victime de ses frais ;
En revanche, la dépense liée à la consultation d'un médecin conseil, alors qu'une expertise judiciaire a été ordonnée et réalisée en présence d'un médecin conseil mandaté par la MATMUT, assureur de Madame Z... et assistant cette dernière, n'apparaît pas justifiée au titre d'un préjudice en relation directe avec les fautes engageant la responsabilité du docteur X... ; Madame Z... doit être déboutée de ce chef de demande ;
Le poste Frais Divers s'établit donc à la somme de 300 € ;

- Perte de Gains Professionnels Actuels (PGPA) : pertes de revenus éprouvées par la victime jusqu'à la consolidation

Madame Z... ne travaillait pas au moment des interventions litigieuses ; la CPAM de la Gironde n'a donc pas versé d'indemnités journalières et Madame Z... ne fait état d'aucune perte de salaire ;

B-Préjudices patrimoniaux permanents (après consolidation)

- Incidence Professionnelle (IP) : incidences périphériques du dommage touchant la sphère professionnelle
Le tribunal a débouté Madame Z... de sa demande d'indemnisation au titre d'une incidence professionnelle après avoir relevé que la demanderesse ne justifiait pas de son parcours professionnel, qu'elle était sans activité au moment des faits et qu'âgée de 63 ans, elle n'a pas fait état de recherches d'emploi, que, selon l'expert, les séquelles ne sont pas de nature à l'empêcher d'exercer une activité de secrétaire mais ne constituent qu'une gêne et qu'en l'absence de toute pièce justifiant de ses revenus depuis 2004, le préjudice allégué n'était pas démontré ;
Madame Z... réitère cette demande devant la cour et sollicite une indemnité de 25. 000 € ; elle expose avoir travaillé jusqu'en juin 1996 et avoir bénéficié d'allocations ASSEDIC jusqu'au 30 juin 2006 ; elle produit ses revenus depuis 2004 ;
Le docteur X... a constaté que Madame Z... n'avait effectué que quelques missions d'intérim entre 1991 et 1996 et qu'elle n'avait plus travaillé depuis ; il ajoute que les troubles ressentis par la plaignante ne sont pas de nature à l'empêcher d'exercer son activité de secrétaire ;
Madame Z... ne justifie d'aucune tentative de retrouver un emploi même en intérim à partir de juillet 1996, et les troubles dont elle était atteinte, puis leurs séquelles, ne sont pas de nature à l'empêcher d'exercer une activité rémunérée ; l'incidence professionnelle alléguée n'est pas démontrée et Madame Z... doit être déboutée de son appel sur ce point ;
II-Préjudices extra-patrimoniaux
A-Préjudices extra-patrimoniaux temporaires (avant consolidation)
- Déficit Fonctionnel Temporaire (DFT) : indemnisation de l'invalidité de la victime dans sa sphère personnelle pendant la maladie traumatique (cass 2o civ 28 mai 2009 : ce poste inclut l'incapacité fonctionnelle totale ou partielle ainsi que le temps d'hospitalisation et les pertes de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante durant la maladie traumatique) Aucune considération ne justifie de revenir sur l'évaluation du tribunal sur la base de 600 € par mois comme le demandent les parties ;

Madame Z... demande que soit indemnisée la période de un an entre le diagnostic de l'algodystrophie en janvier 2001 alors que l'expert a proposé comme point de départ de la période d'ITT le 1er janvier 2002 qui correspond à la fin des soins de l'algodystrophie ;
Il est en effet légitime de ne pas retenir cette période au titre du préjudice indemnisable dans la mesure où la complication constitue un aléa thérapeutique qui n'engage pas la responsabilité du docteur X... ;
Le docteur X... ne conteste plus la nécessité d'indemniser Madame Z... au titre du DFT jusqu'à la date de consolidation ; rien ne permet de valider l'opinion de Madame Z... qui soutient qu'après la période de 6 mois à compter de septembre 2002, elle aurait présenté un DFT de 15 % et non de 4 % comme l'a jugé le tribunal par référence au taux d'IPP proposé par l'expert ;
En définitive l'indemnité de 5. 500 € arbitrée par le tribunal doit être confirmée ;

- Souffrances Endurées (SE) : depuis le jour de l'accident jusqu'à la consolidation

Le taux proposé par l'expert et admis par le docteur H... qui assistait Madame Z... aux opérations d'expertise et l'indemnité de 6. 000 € allouée doivent être confirmés en l'absence de critiques dûment justifiées ;

B-Préjudices extra-patrimoniaux permanents (après consolidation)

- Déficit Fonctionnel Permanent (DFP) : incidence sur les fonctions du corps de la victime dans sa sphère privée, réduction du potentiel physique, psycho-sensoriel ou intellectuel à laquelle s'ajoutent les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques (ce poste inclut les atteinte aux fontions physiologiques, la perte de la qualité de vie et les troubles ressentis par la victime dans ses conditions d'existence personnelles, familiales et sociales : cass 2o civ 28 mai 2009)
De même, rien ne justifie de modifier le taux proposé par l'expert et l'indemnité de 3. 220 € allouée par le tribunal ;

- Préjudice d'Agrément (PA) : incapacité pour la victime de poursuivre la pratique d'une activité spécifique sportive ou de loisir

Le tribunal a constaté que l'expert avait noté une petite gêne pour les activités de bricolage et il a alloué une indemnité de 2. 000 € ; Madame
Z... demande une indemnité de 5. 000 € pour compenser ses difficultés dans ses activités de bricolage et la gêne à la marche en raison des séquelles du greffon prélevé lors de la seconde intervention ;
Il n'est pas sérieusement contesté que Madame Z... avait pour loisir des activités de bricolage et de marche à pied ; l'expert a noté la possibilité d'une gêne pour la préhension et quelques maladresses qui peuvent avoir une incidence sur des activités de bricolage manuel ; il n'a été relevé aucune incidence sur la marche ; l'indemnité de 2. 000 € allouée en première instance sera donc confirmée ;

- Préjudice Esthétique Permanent (PEP) : altération définitive de l'apparence physique de la victime

L'indemnité de 2. 500 € allouée par le tribunal doit être confirmée comme faisant une appréciation justifiée du préjudice à réparer ;

Le préjudice corporel total de Madame Z... s'établit donc à la somme de 21. 533, 49 € qui est due par le docteur X... à Madame Z... pour 19. 520 € et à la CPAM de la Gironde pour 2. 013, 49 € ;

Madame Z... n'a pas désigné l'assureur dont elle demande la condamnation ; en raison des contestations relatives à la garantie due au docteur X... par ses assureurs successifs, il n'y a pas lieu à condamnation directe de l'un ou l'autre des assureurs au profit de Madame Z... ;
La CPAM de la Gironde demande aussi la condamnation de la MIC ; en raison de la question prioritaire de constitutionnalité posée par cette partie, il convient de surseoir à statuer sur cette demande ;
LA GARANTIE DE CHARTIS EUROPE
A titre principal, le docteur X... (et son nouvel assureur MIC) demande la garantie de CHARTIS EUROPE qui lui oppose la prescription biennale de son action reconnue par le tribunal ;
Le point de départ de cette prescription est constitué par l'assignation en référé du docteur X... par Madame Z... en date du 23 janvier 2004 ; le tribunal a retenu un lettre du docteur X... en date du 19 janvier 2005 qui a valablement interrompu cette prescription et a ouvert un nouveau délai de 2 ans puis une lettre du 18 avril 2007 trop tardive pour interrompre la prescription ; devant la cour, le docteur X... se prévaut des mêmes lettres pour affirmer que la prescription aurait été valablement interrompue par ses écrits ; or, il s'est écoulé plus de
deux années entre les deux courriers sans que dans l'intervalle il n'y ait eu une manifestation quelconque de l'une ou l'autre partie ; la prescription est donc acquise à CHARTIS EUROPE ainsi que l'a jugé le tribunal ;
Pour mettre à néant les effets de cette prescription, le docteur X... soutient que CHARTIS EUROPE avait pris la direction du procès depuis le 5 août 2003, date à laquelle la compagnie AIG avait envoyé au courtier BRANCHET un avis d'ouverture de dossier « sous les réserves d'usage », ce qui impliquerait une reconnaissance de garantie, puis avait réglé au cabinet BRANCHET la somme de 911, 65 € en règlement des frais de l'avocat missionné pour le référé ; il n'est fait état d'aucune autre intervention d'AIG dans le cadre de cette procédure ; ni l'avis d'ouverture du dossier assorti de réserves sur la garantie, ni le règlement le 26 février 2004 des frais d'un avocat qu'elle n'avait pas elle-même désigné ne permettent de retenir de la part d'AIG une reconnaissance de garantie au profit du docteur X... ; le 29 novembre 2004, AIG faisait part au docteur X... de son refus de garantir le sinistre par référence à la loi du 30 décembre 2002, et la lettre du 19 janvier 2005 avait pour but de prendre acte de ce refus et d'interrompre la prescription ; or celle-ci est acquise ainsi qu'il a été dit plus haut ;
Le jugement doit être confirmé en ce qu'il a déclaré irrecevable le recours du docteur X... contre CHARTIS EUROPE ;
En tant que de besoin, Madame Z... doit être déboutée de toute demande contre CHARTIS EUROPE ;
MIC demande (page 24 de ses conclusions) que la cour juge que la prescription biennale ne peut lui être opposée par CHARTIS EUROPE car elle n'est pas subrogée dans les droits de l'assuré ; plus haut (page 23), elle a exposé qu'elle avait « nécessairement engagé des frais de procédure à titre commercial aux lieux et place de CHARTIS EUROPE et qu'elle entendait en demander le remboursement auprès de la compagnie CHARTIS sur le fondement de la loi ABOUT » et qu'en sa qualité de tiers au contrat conclu entre le docteur X... et CHARTIS son action n'était pas soumise à la prescription de l'article 114 du code des assurances ; CHARTIS EUROPE a répliqué que toute demande de MIC à son encontre était nécessairement prescrite dans la mesure où MIC agit en qualité de subrogé dans les droits de son assuré ;
La cour constate qu'en l'état, la nature d'une éventuelle créance de MIC n'est pas précisée et qu'il n'est donc pas possible de déterminer si MIC agit en qualité de subrogée dans les droits de son assuré ou à titre personnel ; s'il s'agit de sommes que MIC aurait réglées pour le compte du docteur X... et dont elle demanderait remboursement à CHARTIS EUROPE en exécution du contrat souscrit auprès de cet assureur, MIC apparaîtrait comme subrogé dans les droits du docteur X... et se heurterait à la prescription de son recours ;
LE RECOURS DE CHARTIS EUROPE
La demande de CHARTIS EUROPE contre MIC tendant au remboursement de la somme de 911, 65 € est subordonnée à la question prioritaire de constitutionnalité relative à l'article L251-2 du code des assurances soulevée par MIC ; il en est de même de la demande de la CPAM de la Gironde ;
Il convient de surseoir à statuer sur ces points et de renvoyer ces parties à la mise en état ;
LES DEMANDES ACCESSOIRES
Il n'est pas justifié de faire bénéficier Madame Z... qui succombe en ses prétentions d'appel des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour ses frais d'appel ;
Il sera fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la CPAM de la Gironde pour ses frais d'appel ;
Vu les articles 695 et suivants du code de procédure civile relatifs aux dépens ;
PAR CES MOTIFS La Cour, statuant en dernier ressort,

Confirme le jugement prononcé le 20 mai 2009 par le tribunal de grande instance de Bordeaux en ses dispositions relatives à la responsabilité du docteur X..., au recours de la CPAM de la Gironde, à la prescription de l'action contre CHARTIS EUROPE, à l'application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens,
Infirmant partiellement sur le montant de l'indemnité,
Fixe le préjudice corporel global de Madame Z... à la somme de 21. 533, 49 €,
Condamne en conséquence le docteur X... à payer : * à Madame Z... 19. 520 € * et à la CPAM de la Gironde 2. 013, 49 €,

Sursoit à statuer sur les demandes de CHARTIS EUROPE et de la CPAM de la Gironde contre MIC,
Renvoie les parties à la mise en état du jeudi 27 octobre 2011 à 9 heures,
Ajoutant,
Déboute Madame Z... de sa demande en application de l'article 700 du code de procédure civile pour ses frais d'appel,
Condamne le docteur X... à payer à la CPAM de la Gironde la somme de 300 € pour ses frais d'appel,
Condamne le docteur X... aux dépens du présent arrêt, ceux d'appel étant distraits conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par Catherine Massieu, Président, et par Véronique Saige, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier Le Président

V. Saige C. Massieu


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : 05
Numéro d'arrêt : 09/038931
Date de la décision : 22/06/2011
Sens de l'arrêt : Décision tranchant pour partie le principal

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.bordeaux;arret;2011-06-22;09.038931 ?
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